Imprimerie Guertin (p. 111-123).


JUSQU’À LA MORT.


Romaine, remontée de la grève depuis deux jours, n’était pas sortie. Elle n’avait non plus revu Réginald. Cette longue absence la rendait perplexe. Après le repas du midi, Johnny Castilloux avait demandé à sa petite-fille de lui rapiécer son tricot. Plusieurs fois, l’aiguille était restée immobile dans ses doigts, tandis que, le front penché sur son ouvrage, elle songeait. Le grand-père, assis devant le poêle, l’observait à la dérobée. Que signifiaient ces rêveries inaccoutumées, ce front abattu, ce regard noyé et ces yeux bistrés ? N’y comprenant rien, le vieux fut inquiet.


Plusieurs fois l’aiguille était restée immobile dans ses doigts…

— As-tu du mal, la p’tite fille ? lui demanda-t-il tout à coup en la regardant avec angoisse.

Romaine pencha plus bas le front, feignant de mieux examiner la reprise et étouffa un sanglot.

Elle répondit d’une voix mal assurée :

— Eh non, grand père, je suis bien, merci.

Cependant ! le vieillard, s’il ne se fût pas détourné, eût vu une larme, la larme de l’ange tenté tomber sur la grosse laine brune du tricot.

Johnny Castilloux, que la mine affligée de sa petite-fille chagrinait beaucoup, de mauvaise humeur contre lui-même de n’y pouvoir rien, secoua la cendre de sa pipe sur le tablier du poêle et sortit.

Romaine avait perdu sa gaieté. Au gazouillis dont elle égayait la maisonnette du pêcheur avait succédé un silence empreint de tristesse. Le carmin estompé de hâle avait disparu de ses joues. .Ses yeux brillaient d’un éclat peu rassurant. Elle s’étiolait, se consumait comme le lys exposé à un soleil trop ardent. Plusieurs fois la nuit, incapable de dormir, dévorée par la fièvre, elle se retournait sur sa couche sans pouvoir trouver le repos. Devant ses yeux alanguis passaient des visions caressantes qui l’appelaient, l’attiraient, la tourmentaient par leur obsession fascinatrice. Alors, elle se levait toute blanche, la chevelure d’or rouge déroulée en chape somptueuse sur ses épaules à demi-nues. Appuyée à sa fenêtre grande ouverte, les yeux rivés sur la mer striée là-bas d’une large raie d’argent, elle rafraîchissait son cerveau brûlant aux émanations embaumées qui montaient de la terre fleurie, à l’acre senteur des buissons et à la brise saline qui s’élevait des vagues dont elle entendait l’écho mourant.


Elle se levait toute blanche…

Johnny Castilloux était parti depuis quelques minutes quand Romaine entendit frapper à la porte.

Dans sa hâte à ouvrir elle se lève en laissant glisser le tricot à ses pieds. Elle savait que c’était lui, elle voulait que ce fût lui.

— Ah ! Réginald, dit-elle, en lui tendant la main, si vous saviez comme je vous ai manqué !

Et après une pause :

— Non, ajouta-t-elle, vous ne saurez jamais combien ces deux jours m’ont semblé longs.

Réginald, qui, les yeux gonflés, avait dû beaucoup pleurer, baissa la tête et approcha respectueusement ses lèvres des cheveux de Romaine. Voulait-il montrer par là toute sa timidité à embrasser autrement cette jeune fille aussi innocente, aussi héroïquement aimante. Elle était bien toujours la sainte aux cheveux d’or rouge qu’il avait contemplée un jour noyée dans un flot de soleil, faisant entendre sur le petit orgue de l’église de Paspébiac cette musique divine qui lui avait tiré des larmes d’admiration et d’attendrissement.

— Pourquoi n’êtes-vous pas venu avant aujourd’hui ? demanda Romaine en le faisant asseoir à côté d’elle sur la huche. Vous dire que je me suis ennuyée n’est pas le mot. À force de vous avoir eu constamment devant les yeux, dans mon esprit, dans mon âme, il me semble qu’il y a toute une vie que je ne vous ai vu, ainsi près de moi. Et après un moment elle ajouta en baissant la voix comme effrayée de ses propres paroles.

— J’ai eu peur de ne plus vous revoir.

Réginald la laissait dire, heureux, délicieusement bercé par l’harmonie de ces aveux d’enfant chaste.

Baisant dévotement le bout de ses doigts, il demanda d’un ton grave.

— Romaine, vous m’aimez donc toujours ? J’ai craint, lorsque vous m’avez retiré votre main, de vous avoir inconsciemment offensée ?

À cette pensée, la jeune fille fronça les sourcils, puis penchant sa tête sur la poitrine du jeune homme dans un gracieux abandon, elle dit :

— Si je vous aime ! Il me semble que je n’ai commencé à exister que depuis votre arrivée en ce pays Dût-il m’en coûter la vie, je ne puis que bénir le sort qui en vous conduisant sur ce rivage m’a faite heureuse en me faisant aimer de vous. Mais, je vous eu supplie de toute la force de mon âme, qui ne vit plus que par vous et pour vous, gardez-moi, quoiqu’il arrive, un peu d’estime et d’affection.

— Ah ! ma Romaine, ne blasphémez pas, je vous eu conjure !

Si vous saviez comme ces paroles me font du mal ! Vous êtes la lumière de mes yeux, le seul but de mon existence, le souffle de ma vie.

Il se leva pour partir sentant qu’il allait fondre en larmes, et il ne voulait pas pleurer devant elle.

— Déjà ! s’écria Romaine.

— Oui, il faut que je vous quitte, je vous reverrai ce soir.

— Ce soir, murmura la jeune fille.

Et elle leva des yeux troublés de regret et d’amour, comme si un noir pressentiment l’avait prise.

Elle se ressaisit aussitôt. Se haussant sur la pointe des pieds et jetant ses bras autour du cou de Réginald.

— Embrasse-moi, dit-elle. Je t’aime… je t’aime… je t’aime…

Longtemps, appuyée à la barrière du jardin entre les deux cormiers, elle le regarda s’en aller. Lorsqu’il eut disparu au détour de la route, elle rentra à la maison à pas lents.

Elle avait le cœur gai, elle l’avait à pleurer.

Lorsqu’elle pensait à lui, qu’elle venait de revoir, à lui qu’elle aimait jusque dans les fibres les plus intimes de son être et qui partageait son adoration, une joie qui l’effrayait tant elle était grande l’envahissait.

En cet instant, elle considérait la vie de la femme aimée comme le triomphe de la création de Dieu.

Mais quand devant ses yeux épouvantés, s’offrait la tentation de la grève, en ce dimanche de septembre, les larmes mouillaient ses longs cils d’or rouge, et une immense pitié d’elle-même suppliciait son âme.

Jusqu’à ce jour elle était restée pure, non par orgueil ni ostentation, pour la seule gloriole de s’entendre répéter qu’elle était honnête, mais par cette pudeur instinctive chez toute jeune fille qui n’a eu sous les yeux que des exemples de vertu et de décence.

Simple et droite, elle n’ignorait ni ses défauts ni ses mérites. Surtout elle était certaine d’être restée immaculée. Si loin que se reportât sa mémoire, elle était demeurée l’enfant blanche et d’or, qui sous le voile des premières communiantes, s’était approchée de la Cène.

Elle était honnête parce qu’elle était bonne : elle ne voulait pas offenser celui qui lui demanderait son cœur et son corps en lui passant au doigt l’anneau nuptial. Si trop souvent le mariage est une vulgaire transaction commerciale, un contrat d’achat et de vente, elle voulait que la marchandise qui serait achetée fût digne du prix que l’on en donnerait.

Mais elle l’avait vu lui, elle l’aimait follement.

Sur son front de marbre, sous la masse lourde de ses cheveux d’or rouge, il lui semblait que la tentation qui la torturait était écrite là en caractères infamants, comme la fleur de lys imprimée dans la chair grésillante des anciens criminels.

Lui seul était cause de ce malheur. Et elle l’avait empêché de partir. Et elle ne lui en voulait pas. Lui en vouloir ? Elle l’aimait chaque jour davantage. Si elle était tentée, elle s’en prenait uniquement à elle-même. Mais elle en souffrait atrocement. Assise près de la table reprisant le tricot du grand-père, elle songeait à toutes ces choses.

Il faisait une après-dînée tiède, une de ces après-dînées de septembre où le soleil, qui n’est plus celui de l’été, mais pas encore celui de l’automne, jette de la gaieté, de la vie partout dans les maisons alors devenues trop étroites, on se meut difficilement. Il faut sortir et bénéficier sous le ciel bleu de ce trop plein du rayonnement de la nature.

Avec l’idée que le soleil et le grand air détourneraient le cours de ses pensées, Romaine sortit.

Nu-tête, elle n’avait pas l’intention d’aller loin, sans doute. Mais elle s’aperçut bientôt qu’elle hâtait le pas.

Elle traversa le pont et tourna à gauche. Dix minutes plus tard, elle était sur la grève.

Au moment où elle poussait à l’eau le doris de Johnny Castilloux, elle vit venir vers elle un pêcheur, Jean Maldemay, qui ne s’était pas encore consolé d’avoir eu sa demande en mariage rejetée.

— Bonjour la demoiselle, dit-il en portant la main à sa casquette. À ce que j’vois, vous appareillez pour prendre le large.

— Oui. Il y a quelques jours que je ne suis pas allée sur la baie, et je profite des derniers beaux jours.

Jean Maldemay, inspectant du regard le ciel et l’horizon, observa :

— Faut pas s’y fier, la demoiselle. Si j’étais que d’vous, j’quitterais pas le plain. La mer commence à moutonner, voyez-vous ben. Y a fait du vent de large c’t’e nuit, du suroît. On pourrait ben avoir un incendie d’eau avec du vent. Vous avez besoin, allez, de faire ben attention.

— Je vous remercie de vos conseils, mais je n’irai pas loin.

Voulez-vous m’aider ? ajouta-t-elle, en poussant le doris.

Le pêcheur branla la tête devant l’obstination de la jeune fille, et mit l’embarcation à la mer.

Il la regarda s’éloigner et remonta la côte.

— J’me demande, réfléchit-il, si Johnny Castilloux sait que sa petite-fille s’est embarquée. Pour le certain qu’a devrait scoder devant le temps. Faut qu’j’aille trouver Johnny. J’sais pas, mais ça m’tracasse, moé, c’t’affaire-là.

Le pêcheur ne s’était pas trompé.

De gros nuages se formaient, s’amoncelaient là-bas. L’atmosphère fraîchit. Derrière l’entassement des nuées qui allait toujours en grossissant et en s’assombrissant, le soleil se cacha. Au sommet du grand mât de la Compagnie Robin montèrent les boules et les triangles noirs. À ce signal de tempête, les barges qui étaient encore au large, revinrent en toute hâte vers le rivage.

Tout-à-coup une saute formidable bouleversa les airs et les flots. La pluie commença à tomber.

Johnny Castilloux allait rentrer chez lui lorsqu’un voisin lui dit qu’il avait rencontré Romaine, nu-tête, tournant la route de l’Église. Le vieux croyant sa petite-fille chez sa cousine Véronique Aspirot, se rendit chez lui à pas pressés, prit un parapluie et une collerette, et ressortit aussitôt.

Chez Véronique Aspirot, sa nièce, il fut bien surpris d’apprendre qu’on avait vu Romaine se dirigeant vers le pont.

— Bonne Sainte Vierge, s’écria-t-il avec énervement, pourvu qu’al est pas allée sur la mer.

Les jambes flageolantes, redoutant un malheur, il courut plutôt qu’il 11e marcha. Au haut de la côte, il se trouva face à face avec Jean Maldemay.

— Romaine ? balbutia-t-il tout essoufflé, as-tu vu Romaine Castilloux ?


Au haut de la côte, il se trouva face à face avec Jean Maldemay…

— Ah ! mon cher mousieu, j’allais justalament vous en parler. Y a pas plus qu’une vingtaine de minutes, la demoiselle s’est embarquée dans vot’ flat. J’ai voulu l’en empêcher mais la demoiselle a pas voulu m’écouter.

— Ah ! bon Dieu ! al est pardue, ma pauv’ p’tite !

Viens avec moé, Jean Maldemay.

Les deux pêcheurs descendirent sur le banc à toutes jambes.

La tempête faisait rage. Si noir était le ciel qu’on eût dit la nuit venue.

Tous deux sautèrent dans un doris et s’éloignèrent du rivage à grands coups de rames.

La nouvelle, cependant, s’était promptement répandue dans Paspébiac que Romaine Castilloux avait été surprise sur la mer par la tourmente. Réginald avait été l’un des premiers à l’apprendre. Il s’était élancé avec affolement sur la route.

Arrivé sur la grève, il cherche une embarcation quelconque, mais toutes sont ou cadenassées ou sans rames. Enfin, il découvre un vieux doris vermoulu faisant eau de toutes parts et une paire de rames rongées. Il n’hésite pas. Il gagne le large aussi vite qu’il peut avec cette mauvaise embarcation.

Les pêcheurs, au fur et à mesure qu’ils apprenaient la nouvelle, descendaient sur le banc pour aller, eux aussi, à la recherche de la petite-fille de Johnny Castilloux.

Une embellie s’était faite. Le grain était tombé, mais il pleuvait à torrents. Le jour baissait rapidement. Sur la mer, là-bas, on ne distinguait plus que des formes confuses. Hommes, femmes, enfants, attroupés sur le quai et sur le rivage, indifférents à l’averse, suivaient avec anxiété les mouvements des sauveteurs.

La nuit était descendue sur la baie. La giboulée avait cessé. Mal éclairés par la lune souvent voilée par les nuages, les pêcheurs rentraient les uns après les autres sans avoir trouvé ni Romaine ni son doris. Un grand malheur, on commençait à l’appréhender, venait de s’abattre sur eux. Car c’était aussi un peu leur enfant à eux dont ils craignaient la perte, ces pêcheurs. Exposés tous les jours, aux mêmes dangers, aux mêmes traîtrises de la mer qui les faisait vivre cependant, il s’était formé entre eux un lien de solidarité familiale.

Johnny Castilloux et Jean Maldemay, puis Réginald, étaient rentrés les derniers.

Le grand-père de Romaine remercia Jean Maldemay et les autres, leur dit qu’il était inutile de continuer les recherches au sein de cette nuit où l’on ne voyait pas à trois brasses devant soi.

La foule remonta silencieuse, comme au retour des funérailles d’un être aimé. Les femmes et les enfants pleuraient.

Le vieux pêcheur, cependant, accompagné de Réginald, qui ne voulut pas le quitter, reprit la mer, espérant dans la désespérance même.

Comment décrire ce qui se passa dans le cœur de ces deux hommes durant cette interminable nuit. Si la plume peut peindre les supplices qui hachent le corps d’un être humain, elle s’y refuse quand il s’agit de l’atrocité des tourments qui labourent le cœur de l’homme.

Et les doigt gelés sur les rames, le dos fourbu à force d’être dans la même position, ballottés par les vagues, ils allaient au hasard, la cherchant, elle.

Ils ne se parlaient pas, si ce n’était touchant une direction à suivre, une suggestion à faire. Chaque fois qu’ils rompaient le silence ils croyaient entendre un glas retentir dans leur cœur.

Le jour avait succédé à la nuit. Dans l’humidité du petit matin, le rose de l’horizon se dorait.

Le soleil venait de se lever.

— Rentrons, dit Johnny Castilloux, allons prendre des forces et on r’viendra bintôt.

Ils mirent pied à terre. Le vieux, que l’écrasement du chagrin avait voûté davantage durant cette affreuse nuit, remonta le banc avec son jeune compagnon.

Ce dernier, soudain, tressaillit. Il était à l’extrémité supérieure du pont. À une cinquantaine de verges du goulet, là ou l’eau du barachois se déverse dans la mer avec un courant si rapide, il avait aperçu une forme blanche. Il mit en abat-jour la main au-dessus de ses yeux, et, regarda attentivement. Puis, il descendit l’escarpement de la falaise jusqu’à cette forme blanche qu’il avait découverte de loin.

Un cri funèbre, strident, horrible retentit là-bas et tombe sur l’âme de Johnny Castilloux comme une masse. Il a compris. Il sait l’épouvantable vérité. Il voit la haute taille du jeune homme s’écrouler.

Plus de doute.

Johnny Castilloux, vieilli de dix ans, déboule dans la côte, trébuche, se déchire les genoux et les mains sur les roches, se relève et court, court…

Romaine, que la mer avait rejetée sur la grève, était couchée sur le dos, regardant le ciel. Son corsage entr’ouvert par le déferlement des vagues, et la chemise en lambeaux, étaient pudiquement voilés par les lourdes tresses défaites de sa chevelure d’or rouge. Sa figure avait gardé dans la mort un grand calme et une poignante beauté. Les lèvres à peine bleuies appelaient le suprême baiser de l’adoré. Par la tempe, rayée d’une coupure béante, le sang s’était échappé avec la vie. Une couche de sable recouvrait son corps à demi. À l’approche de la tempête, Romaine avait voulu, sans doute, regagner le rivage, mais poussée par le vent, elle n’avait pu diriger son doris à l’est du quai de la Compagnie Robin.

Le coup de vent avait dû la jeter violemment contre la falaise, où son doris avait chaviré. La blessure qu’elle portait à la tempe justifiait cette hypothèse. À quelques pieds plus loin gisait l’embarcation renversée.

Aucun de ceux qui étaient allés au secours de l’infortunée n’avaient fait attention à ce détail, tous étant sous l’impression que Romaine luttait au large contre la tempête.

Réginald, après avoir poussé le cri qui avait fait vieillir le vieux pêcheur, s’était affaissé sur le cadavre.

Soulevant entre ses bras tremblants la tête de la jeune fille, il posa ses lèvres sur les siennes comme s’il eût voulu lui inhaler la vie en la ressuscitant par l’amour.

— Romaine, sanglotait-il, Romaine ! ma bonne petite Romaine ! ma bien-aimée Romaine ! c’est ton Réginald qui te parles ! Entends-moi. Allons, réponds ! Tu veux donc que je meure à tes côtés. Non ! la mort ne nous séparera pas. Nous avons été unis dans la vie, nous le serons dans le trépas. Je t’en supplie, reviens à la vie, un instant seulement, et nous partirons ensemble pour l’éternité ! Dis mon ange très cher, mon amour, mon âme. veux-tu ?

Et il se reprenait à l’embrasser sur les lèvres, sur les yeux, sur le front, dans les cheveux, sur la plaie affreuse par où tout sou sang si chaud avait coulé !

Le vieillard était arrivé auprès du corps de sa petite-fille.

Avec un hurlement sauvage, il écarte brusquement le jeune homme, prend le cadavre dans ses bras, et lui appuyant délicatement la tête contre son épaule comme s’il craignait de lui faire mal, il part sans prononcer une parole, sans une larme, choppant contre les pierres, glissant sur le varech poisseux, refusant de se faire aider, jaloux d’avoir tout à lui le cher cadavre qu’il serre contre son âme.


Un vieillard courbé sous le poids de la dépouille d’une enfant…

Et par ce clair et ensoleillé matin de septembre, les habitants de Paspébiac virent un étrange et lugubre spectacle : un vieillard courbé sous le poids de la dépouille d’une enfant la chair de sa chair, et un jeune homme allant derrière ce corbillard vivant, tête nue et le visage bouleversé.