Quelques développements nouveaux sur les principes émis dans la brochure intitulée: De la formation des églises/Remarques générales


Remarques générales.



La brochure que j’ai en vue me fait un peu l’effet de l’écrit de quelqu’un qui ne s’est pas habitué à discuter d’égal à égal, mais plutôt à ce qu’on reçoive ce qu’il dit comme chose décidée. Je prie ce cher frère de me supporter pendant que je lui donne quelques explications, et que j’examine avec lui ses interprétations de la Parole. Il me semble qu’il ne m’a pas compris à plusieurs égards, et qu’il n’a pas bien interprété quelques passages. Dans une partie considérable de sa brochure, il répond à des choses qui sont dans ses propres pensées, et nullement dans le petit traité ; à des choses qu’il peut avoir entendues quelque part, mais dont je ne suis nullement responsable. Il blâme l’expression de « Églises apostoliques ; » je l’ai cherchée en vain dans le traité. Il raisonne beaucoup contre l’idée que c’est à cause des péchés de l’Église qu’il n’y a plus d’apôtres ; je n’en ai pas dit un mot, je n’ai pas même pensé à une telle question. Encore une petite remarque : il me blâme beaucoup de ce que j’emploie des phrases qui ne sont pas scripturaires, et il me dit que celui qui pense avec la Bible peut parler avec la Bible. Je me suis servi tant bien que mal des mots et des phrases qui se présentaient à mon esprit ; reste à savoir si les pensées en sont scripturaires. Notre cher frère n’aime pas cette expression, « l’économie de l’Église ; » en effet elle ne me parait pas très-exacte à moi-même ; mais il me suffit que tout le monde me comprenne. Ce qui m’importe, c’est le fond de la question. Mais n’est-il pas surprenant que dans les pages mêmes où ces expressions sont si fortement blâmées, nous trouvions les paroles suivantes : « Il s’agit de tout autre chose. L’économie de la nouvelle alliance subsiste » (pag. 31 de la réponse de M. Rochat). Où se trouve cette expression dans la Parole ? Notre frère ne pense t-il donc pas avec la Bible en ceci ? Au fond je crois que mon idée est plus exacte que la sienne. Je ne suis pas entièrement content de ma phrase ; la sienne est peut-être plus selon les pensées traditionnelles. En cela elle se recommande davantage, et sera plus facilement adoptée ; mais en quoi est-elle plus scripturaire ? Quant à moi, je ne blâme point notre frère de ce que, pour exprimer sa pensée, il a choisi les paroles qu’il a trouvées les plus propres à atteindre son but. Eh bien ! qu’il me pardonne aussi mes expressions. Sur un point aussi éminemment important pour toute l’Église, on peut bien passer sur de telles observations.

Il y a encore une chose qui paraît avoir blessé notre frère, c’est le désir si souvent exprimé dans le traité, qu’on ait plus d’humilité. J’ai parlé de la tendance du système à produire de l’orgueil, mais je n’ai jamais parlé de l’orgueil individuel. La brochure me fournit un exemple très-clair du mal que j’ai voulu signaler : « Si l’Église, dit l’auteur (page 107), veut qu’on respecte ses décisions, il faut qu’elle les fasse de manière à pouvoir dire, en s’appuyant avec pleine conviction sur la Parole : Il a semble bon au St. Esprit et à nous. » Voilà ce que j’appelle de l’orgueil. Souvenons-nous que l’Église, selon notre frère, c’est tel ou tel troupeau particulier. Examinons maintenant le passage cité. Il s’était élevé à Antioche une dispute sur un point capital, qui intéressait toutes les Églises des Gentils[1]. L’autorité de Paul et de Barnabas n’ayant pu la terminer, il fut résolu qu’eux et d’autres frères monteraient à Jérusalem vers les Apôtres et les Anciens, pour décider cette question. Alors les Apôtres et les Anciens s’assemblèrent pour examiner cette affaire, et en s’adjoignant tous les frères, ils s’adressent aux frères d’entre les Gentils, en ces mots : « Car il a semblé bon au St. Esprit et à nous de ne mettre point de plus grande charge sur vous que ces choses nécessaires. » Plus tard, Paul et ses compagnons de voyage, passant par les villes, les instruisaient à garder les ordonnances décrétées par les Apôtres et par les Anciens de Jérusalem. S’arroger le droit de parler comme ont parlé les Apôtres et les Anciens, en jugeant une question qui leur a été proposée, et qui s’appliquait à toutes les Églises des Gentils, et dire : Il a semble bon au St. Esprit et à nous, me paraît de l’orgueil dans la bouche d’un troupeau d’aujourd’hui, sorti des systèmes mondains qui existent. C’est là ce que j’entends quand je parle de l’orgueil ; cet exemple est assez net et assez précis pour que je sois bien compris.

Notre frère insiste beaucoup sur ceci ; c’est qu’aussi longtemps qu’il y a des fidèles, on ne peut pas dire que l’Église ait apostasié. Il s’appuie sur ce précepte : « détournez-vous de ces gens-là, » et il cite Apoc. 13, pour nous faire voir qu’il y a des fidèles sous l’Antechrist même, liant ce passage avec le second chap. de la 2e aux Thessaloniciens. Je suis d’accord quant au rapport de ces passages entre eux, mais c’est précisément ce qui prouve que l’existence des fidèles n’empêche pas qu’il y ait une apostasie ; car dans ce dernier passage cet état de choses est appelé apostasie, quoi qu’il y ait encore des fidèles, vu qu’il y en aura jusqu’à la fin. L’existence des fidèles n’empêche donc pas qu’il y ait une apostasie, puisqu’il y en aura même sous l’Antechrist. La présence d’Élie, des prophètes cachés par cinquantaines dans des cavernes, des sept mille qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal, n’empêchait pas qu’Israël ne fût en ruine, dans un état d’apostasie, en adorant ce faux dieu. En faisant le veau d’or, Israël a apostasié, mais cela n’empêcha pas que Moïse ne restât fidèle, et que les Lévites ne se consacrassent à Dieu par leur fidélité. Il y a eu des fidèles dans toutes les apostasies, et il y en aura jusqu’à la fin.

Mais notre frère n’ayant ni compris ni saisi ce qui est affirmé dans le traité, raisonne contre des choses qui ne s’y trouvent pas.

Je m’explique sur ces points.

Il insiste sur ce que l’économie n’est pas retranchée[2]. Je ne le crois pas non plus. Je distingue comme lui entre l’abolition d’un état de choses par le Seigneur, « et le cas où cet état de choses a cessé d’exister par la négligence ou la malice de l’homme. » Ce que j’ai proposé à l’examen des frères, c’est : Quelle est la volonté de Dieu dans ce dernier cas ? En posant la question de cette manière, je puis dire que j’ai déjà atteint mon but, car je suis pleinement convaincu que le St. Esprit éclairera les Saints. Je dois dire aussi que je ne crois pas même que l’apostasie soit à son comble. Il y en a qui appliquent le second chapitre de la seconde aux Thessaloniciens au système romain ; ceux-là ne peuvent pas nier que l’apostasie ne soit déjà arrivée.

Le point important sur lequel j’insiste, c’est que la parole de Dieu prédit une apostasie et un retranchement, et qu’elle nous dit que si les Gentils ne persévèrent point dans la bonté de Dieu, ils seront retranchés. Or, si l’état de choses que Dieu avait établi a cessé d’exister par la négligence ou par la malice des hommes, il est évident qu’ils n’ont pas persévéré dans la bonté de Dieu.

Encore une explication. Pourvu qu’on s’entende, je ne m’oppose pas à ce qu’on se serve du mot église. Le mot église veut dire assemblée. Là où deux ou trois sont assemblés au nom de Jésus, il est clair qu’il y a une assemblée, mais quand, à force de se dire église, on va jusqu’à croire qu’on peut employer les termes dont se sont servis les Apôtres et l’Église de Jérusalem, alors cela me fait peur, surtout quand on se dit : « l’Église de Dieu de l’endroit, » expression qui va beaucoup plus loin que celle d’Église. Il est vrai que si quelques-uns ne veulent pas s’y joindre, cela ne l’empêche pas d’être l’Église de Dieu ; mais il en résulte qu’ils ne sont pas de l’Église de Dieu. Affirmer ensuite que les quelques-uns qui n’osaient pas se joindre aux disciples de Jérusalem étaient cependant des disciples, c’est dire que celui qui refuse de confesser le Seigneur ouvertement de la bouche, n’en est pas moins chrétien et n’en doit pas moins être reconnu comme tel. Non, si un corps est l’assemblée de Dieu, celui qui n’en veut pas être ne peut pas s’attendre à être reconnu comme chrétien ; et s’il s’en sépare, il doit être regardé comme schismatique. Aurait-on pu reconnaître comme chrétien celui qui aurait refusé de se joindre aux disciples à Jérusalem, et à être baptisé au nom de Jésus-Christ ? N’aurait-on pas traité de schismatique et même de pire celui qui s’en serait séparé ? Sauf le cas d’un schismatique ou d’un excommunié, il n’y a pas d’exemple d’une église de Dieu d’un endroit qui n’ait pas été censée renfermer tous les enfants de Dieu de cet endroit.

Je bénis Dieu de ce que sa Parole attache à une assemblée de deux ou trois disciples réunis au nom de Jésus, tout ce qui est nécessaire pour la faire marcher devant le Seigneur.

Encore une petite observation. On nous dit : Marchons dans les ordonnances de la Parole, il n’y a pas besoin d’avoir des apôtres ; puisque nous avons leurs directions écrites, on peut toujours les suivre. C’est bon. Pourquoi donc y a-t-il tant de troupeaux privés habituellement de prendre la Cène, faute de pasteurs consacrés ? ce n’est pas moi qui les en empêche. Je crois que si toutes choses se passent avec convenance et avec ordre, ils peuvent tout aussi bien rompre le pain ensemble sans avoir un homme consacré, que s’ils en avaient un. Je ne vois pas trace de consécration pour ce but dans la Parole. Je cite ce fait pour démontrer qu’on sent le besoin de quelque chose de plus que des préceptes à suivre ; c’est-à-dire que Dieu suscite par sa Puissance des instruments selon son bon plaisir. Ainsi il ne suffit pas de dire : Voilà les préceptes, il n’y a qu’à les suivre, puisqu’il y a des directions qu’on ne saurait suivre, à moins que Dieu n’y mette tout de nouveau sa main pour rétablir ce qui est perdu en fait d’instruments.

Que personne ne se méprenne ; j’aime l’ordre de tout mon cœur, le véritable ordre qui convient à la maison et aux ordonnances de Dieu. Abstraction faite des circonstances, tout frère a la même capacité pour rompre le pain. La nature, comme la Parole, nous enseigne que les jeunes gens, que les néophytes, sont peu propres à présider de quelque manière que ce soit, et que les Anciens, si Dieu en a suscités, ont leur place à eux dans la maison de Dieu. Je répète ici de tout mon cœur ce que j’ai dit dans le petit traité ; c’est que j’adresse des supplications ardentes et continuelles pour que Dieu suscite des pasteurs et des docteurs selon son cœur, pour les besoins de ses chères brebis, afin que l’Église de Dieu soit gardée, soignée, instruite, rendue capable de résister aux piéges de Satan, et que les petits du troupeau soient abrités de tout vent de mauvaise doctrine. Oui, c’est le vœu le plus cher de mon cœur ; il ne peut pas en être autrement pour celui qui aime l’Église, et qui sait quelque chose de l’amour de Jésus pour les siens, des priviléges qui leur appartiennent, et qui sait aussi quelque chose des embûches et des machinations de l’ennemi. De plus je crois, que la relation du pasteur avec les brebis du troupeau de Dieu est la plus douce, la plus précieuse qui existe sur la terre. Aussi dans ses fruits et dans sa joie, cette relation ne se terminera pas là. J’ajouterai que je ne connais personne, du moins à ce qu’il me semble, qui désire l’effectuer avec plus de fidélité que celui dont la brochure a occasionné ces pages.

Au reste le 4me chapitre des Éphésiens suffit pour nous diriger à cet égard.



  1. C’était là l’appel d’une Église à une autorité ou à une lumière supérieure.
  2. On peut trouver ce point traité au long dans L’Attente actuelle.