Qu’est-ce que l’art ?/Chapitre IX

CHAPITRE IX

LES CONSÉQUENCES DE LA PERVERSION DE L’ART :
LA RECHERCHE DE L’OBSCURITÉ


Le premier résultat de la perte de foi des classes supérieures a été, pour l’art de ces classes, l’appauvrissement de leur matière. Mais par un second résultat, en devenant sans cesse plus exclusif, cet art devenait en même temps sans cesse plus artificiel, plus embarrassé, et plus obscur.

Quand un artiste, dans les époques où l’art était universel, composait un ouvrage, — comme par exemple un sculpteur grec ou un prophète juif, — il s’efforçait naturellement de dire ce qu’il avait à dire d’une telle façon que son œuvre pût être intelligible à tous. Mais quand l’artiste n’a plus travaillé que pour un petit cercle de gens placés dans une condition exceptionnelle, pour des papes, des cardinaux, des rois, des ducs, ou simplement pour la maîtresse d’un prince, il ne s’est plus efforcé, naturellement, que d’agir sur ces gens, dont il connaissait bien les mœurs et les goûts. C’était là une tâche infiniment plus facile ; et ainsi l’artiste se trouvait involontairement amené à s’exprimer en des allusions, compréhensibles seulement pour les initiés, et obscures pour le reste des hommes. Il pouvait, d’abord, de cette façon dire plus de choses ; et puis il y a même, pour l’initié, un certain charme dans le vague et le nuageux d’un tel mode d’expression. Cette tendance, — qui se traduisait par des allusions mythologiques et historiques, et aussi par ce qu’on a appelé l’euphémisme, — elle n’a pas cessé au fond de devenir de plus en plus en honneur jusqu’à l’époque présente, où elle paraît avoir atteint ses limites extrêmes dans l’art de nos modernes décadents. Elle a abouti, en fin de compte, à ceci : que non seulement l’affectation, la confusion, l’obscurité, l’inaccessibilité à la masse, ont été élevées au rang de qualités, — et même de conditions de poésie, — dans les œuvres d’art, mais que l’incorrect, l’indéfini, l’inéloquent eux-mêmes sont en train d’être admis comme des vertus artistiques.

Théophile Gautier, dans sa préface des fameuses Fleurs du mal, dit que Baudelaire, autant que possible, bannissait de la poésie « l’éloquence, la passion, et la vérité calquée trop exactement ». Le poète Verlaine, qui est venu après Baudelaire, et qui a été, lui aussi, estimé grand, a laissé un Art Poétique où il recommande d’écrire voici comment :

De la musique avant toute chose.
Et, pour cela, préfère l’Impair,
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise,
Rien de plus cher que la chanson grise ;
Où l’Indécis au Précis se joint.

. . . . . . . . . .

Et, plus loin :

De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours !

Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin.
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.

Le poète qui, après les deux précédents, est tenu par les jeunes gens pour le plus considérable, Mallarmé, déclare ouvertement que le charme de la poésie consiste en ce qu’on ait à en deviner le sens, tout poème devant toujours contenir une énigme :

Je pense qu’il faut qu’il n’y ait qu’allusion. La contemplation des objets, l’image s’envolant des rêveries suscitées par eux, sont le chant. Les Parnassiens, eux, prennent la chose entièrement et la montrent ; par là, ils manquent de mystère ; ils retirent aux esprits cette joie délicieuse de croire qu’ils créent. Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème, qui est faite du bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole : évoquer peu à peu un objet pour montrer un état d’âme, ou, inversement, choisir un objet et en dégager un état d’âme, par une série de déchiffrements… Si un être d’une intelligence moyenne, et d’une préparation littéraire insuffisante, ouvre par hasard un livre ainsi fait, et prétend en jouir, il y a malentendu, il faut remettre les choses à leur place. Il doit y avoir toujours énigme en poésie ; et c’est le but de la littérature, il n’y en a pas dautre, d’évoquer les objets. (Réponse de Mallarmé à J. Huret, dans l’Enquête sur l’évolution littéraire.)

C’est bien, comme on le voit, l’obscurité érigée en dogme artistique. Et le critique français Doumic, qui n’a pas encore admis ce dogme, a bien raison de dire « qu’il serait temps aussi d’en finir avec cette fameuse théorie de l’obscurité, que la nouvelle école a élevée, en effet, à la hauteur d’un dogme ».

Encore les jeunes auteurs français ne sont-ils pas seuls à penser de la sorte. Dans tous les autres pays, les poètes pensent et agissent de même : en Allemagne, en Scandinavie, en Italie, en Russie, en Angleterre. Et l’on retrouve les mêmes principes chez les artistes des autres branches de l’art, les peintres, les sculpteurs, les musiciens. S’appuyant sur les théories de Nietzsche et sur l’exemple de Wagner, les artistes des nouvelles générations estiment qu’il est inutile pour eux d’être intelligibles à la foule : il leur suffit d’évoquer l’émotion poétique chez une élite de raffinés.

Et pour qu’on ne croie pas que ce que je dis soit une affirmation hasardée, je vais citer quelques passages des poètes français qui ont dirigé le mouvement décadent. Le nom de ces poètes est légion. Et si je ne cite que des Français, c’est parce que ce sont eux qui sont à la tête du nouveau mouvement artistique, tandis que le reste de l’Europe se borne à les imiter.

En outre de ceux qui sont déjà considérés comme célèbres, tels que Baudelaire et Verlaine, voici les noms de quelques-uns d’entre eux : Jean Moréas, Charles Morice, Henri de Régnier, Charles Vignier, Adrien Remacle, René Ghil, Maurice Maeterlinck, Rémy de Gourmont, Saint-Pol-Roux-le-Magnifique, Georges Rodenbach, le comte Robert de Montesquiou-Fezensac. Ceux-là sont les symbolistes et les décadents ; mais il y a aussi les mages : le Sâr Peladan, Paul Adam, Jules Bois, Papus, et autres. Et, outre cela, vous pourrez en lire encore cent quarante et un autres, que Doumic mentionne dans son livre Les Jeunes.

Voici donc quelques exemples de la manière de ceux d’entre eux qui passent pour les meilleurs, à commencer par ce fameux Baudelaire, qui a été jugé digne de l’honneur d’une statue. Écoutez ce poème de ses Fleurs du Mal :

Je t’adore à l’égal de la voûte nocturne,
Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t’aime d’autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui séparent mes bras des immensités bleues.

Je m’avance à l’attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un chœur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle,
Jusqu’à cette froideur par où tu m’es plus belle !

Voici encore un sonnet du même auteur :

DUELLUM

Deux guerriers ont couru l’un sur l’autre ; leurs armes
Ont éclaboussé l’air de lueurs et de sang.
Ces jeux, ces cliquetis du fer, sont les vacarmes
D’une jeunesse en proie à l’amour vagissant.

Les glaives sont brisés ! comme notre jeunesse,
Ma chère ! Mais les dents, les ongles acérés
Vengent bientôt l’épée et la dague traîtresse ;
Ô fureur des cœurs mûrs par l’amour ulcérés !

Dans le ravin hanté des chats-pards et des onces
Nos héros, s’étreignant méchamment, ont roulé,
Et leur peau fleurira l’aridité des ronces.

Ce gouffre, c’est l’enfer, de nos amis peuplé !
Roulons-y sans remords, amazone inhumaine,
Afin d’éterniser l’ardeur de notre haine !

Je dois ajouter, pour être exact, que le recueil des Fleurs du Mal contient des poèmes moins difficiles à comprendre ; mais il n’y en a pas un seul qui soit assez simple pour pouvoir être compris sans un certain effort ; et cet effort n’est guère récompensé, à l’ordinaire, car les sentiments exprimés par le poète ne sont pas beaux, et appartiennent en général à un ordre assez bas.

On sent toujours, en outre, que l’auteur est préoccupé de paraître excentrique et obscur. Et cette recherche de l’obscurité se fait encore plus remarquer dans sa prose, où il lui serait toujours facile de parler clairement, s’il le voulait. Voici, par exemple, la première pièce de ses Petits poèmes en prose :

L’ÉTRANGER

Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur, ou ton frère ?
Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
Tes amis ?
Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
Ta patrie ?
J’ignore sous quelle latitude elle est située.
La beauté ?
Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
L’or ?
Je le hais comme vous haïssez Dieu.
Et qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas,… les merveilleux nuages !

La pièce intitulée la Soupe et les Nuages a, suivant toute apparence, pour objet de montrer que le poète reste incompréhensible même pour la femme qu’il aime. Voici cette pièce :

Ma petite folle bien-aimée me donnait à dîner, et par la fenêtre ouverte de la salle à manger je contemplais les mouvantes architectures que Dieu fait avec les vapeurs, les merveilleuses constructions de l’impalpable. Et je me disais, à travers ma contemplation : « Toutes ces fantasmagories sont presque aussi belles que les yeux de ma belle bien-aimée, la petite folle monstrueuse aux yeux verts. »

Et tout à coup je reçus un violent coup de poing dans le dos, et j’entendis une voix rauque et charmante, une voix hystérique et comme enrouée par l’eau-de-vie, la voix de ma chère petite bien-aimée, qui me disait : « Allez-vous bientôt manger votre soupe, s… b… de marchand de nuages ? »

Les productions poétiques de l’autre « grand poète », Verlaine, ne sont pas moins affectées et incompréhensibles. Voici, par exemple, la première pièce du recueil Ariettes oubliées :

C’est l’extase langoureuse,
C’est la fatigue amoureuse,
C’est tous les frissons des bois
Parmi l’étreinte des brises,
C’est, vers les ramures grises,
Le chœur des petites voix.

Ô le frêle et frais murmure !
Cela gazouille et susurre,
Cela ressemble au cri doux
Que l’herbe agitée expire…
Tu dirais, sous l’eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.

Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante
C’est la nôtre, n’est-ce pas ?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s’exhale l’humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas ?

Ce que c’est que ce « chœur des petites voix », et quel est le « cri doux que l’herbe agitée expire », et ce que tout ce poème signifie, j’avoue que je ne suis point parvenu à le comprendre. Voici encore une autre ariette :

Dans l’interminable
Ennui de la plaine,
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre,
Sans lueur aucune
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme des nuées,
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre,
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?

Dans l’interminable
Ennui de la plaine,

La neige incertaine
Luit comme du sable.

Comment la lune peut-elle paraître vivre et mourir dans un « ciel de cuivre, sans lueur aucune » ? Et comment la neige peut-elle « luire comme du sable » ? Tout cela n’est pas seulement incompréhensible ; sous prétexte de nous suggérer une impression, ce n’est qu’un tissu de métaphores incorrectes et de mots vides de sens.

Chez Verlaine comme chez Baudelaire, d’ailleurs, à côté de ces poèmes affectés et incompréhensibles, il y en a d’autres que l’on comprend sans peine ; mais ceux-là, en revanche, me paraissent aussi misérables de fond que de forme. Tels les poèmes qui constituent le recueil intitulé Sagesse. Ils sont consacrés, surtout, à une expression tout à fait médiocre des plus vulgaires sentiments catholiques et patriotiques. On y trouve par exemple des strophes comme celle-ci :

Je ne veux plus penser qu’à ma mère Marie,
Siège de la sagesse et source de pardons,
Mère de France aussi, de qui nous attendons
Inébranlablement l’honneur de la patrie.

Avant de citer des exemples des autres poètes, je ne puis m’empêcher d’insister sur la gloire extraordinaire de ces deux hommes, Baudelaire et Verlaine, reconnus aujourd’hui, dans l’Europe entière, comme les plus grands génies de la poésie moderne. Comment les Français, qui ont possédé Chénier, Lamartine, Musset, et surtout Hugo, qui ont eu tout récemment encore les Parnassiens, Leconte de Lisle, Sully-Prudhomme, etc., comment ont-ils pu attribuer une aussi énorme importance et décerner une gloire aussi haute à ces deux poètes, si imparfaits dans la forme, et si vulgaires et si bas dans le fonds de leurs sujets ? La conception que se faisait de la vie le premier des deux, Baudelaire, consistait à ériger en théorie le plus grossier égoïsme et à remplacer la moralité par un idéal, d’ailleurs assez nuageux, de la beauté, et d’une beauté toute artificielle. Baudelaire faisait profession de préférer un visage de femme peint au même visage avec son teint naturel ; des arbres en métal, et l’imitation de l’eau sur la scène lui plaisaient davantage que de vrais arbres et de l’eau véritable. La philosophie de l’autre poète, Verlaine, consistait dans la plus vile débauche, la confession de son impuissance morale, et, comme antidote contre cette impuissance, l’idolâtrie catholique la plus grossière. Et d’ailleurs tous les deux avaient cela de commun que non seulement ils manquaient tout à fait de naïveté, de sincérité, et de simplicité, mais qu’en outre ils étaient remplis d’affectation, de contentement de soi, et de recherche de l’excentricité. Dans leurs meilleures productions, on retrouve toujours plutôt M. Baudelaire ou M. Verlaine que l’objet dont ils sont censés s’occuper. Et ces deux mauvais poètes ont fondé une école, et traînent à leur suite des centaines d’imitateurs. Cela est, en vérité, étrange : et la seule explication que j’y voie est celle-ci ; c’est que l’art de la société où se produisent les œuvres de ces poètes n’est pas une chose sérieuse, importante pour la vie, mais un simple amusement. Or tout amusement finit par ennuyer, à force de se répéter. Et ainsi, pour rendre de nouveau supportable un amusement dont on est fatigué, il est nécessaire que l’on trouve quelque moyen de le rafraîchir. Quand on a assez du boston, on imagine de jouer au whist ; quand on a assez du whist, on essaie de la préférence ; quand on a assez de la préférence, on tâte de l’écarté, etc. Le fond de l’occupation reste le même : seules les formes changent. Et il en va de même dans cet art : sa matière, à force de se limiter de plus en plus, s’est rétrécie à tel point qu’il semble désormais aux artistes des classes supérieures que tout a été déjà dit, et qu’il est impossible de rien trouver à dire de nouveau. De là vient que, pour rafraîchir leur art, ils cherchent sans cesse des formes nouvelles.

Baudelaire et Verlaine ont inventé des formes nouvelles, les ont assaisonnées, en outre, de détails pornographiques dont personne avant eux n’avait daigné faire usage : il n’en a pas fallu plus pour les faire saluer comme de grands écrivains par les critiques et le public des classes supérieures.

Telle est la seule explication du succès, non seulement de Baudelaire et de Verlaine, mais de toute l’école décadente. Il y a en particulier des poèmes de Mallarmé et de Maeterlinck qui ne présentent, à la lecture, aucun sens, et qui, malgré cela, ou peut-être à cause de cela, non seulement sont imprimés dans des dizaines d’éditions différentes, mais se trouvent encore recueillis dans les anthologies des meilleures productions des jeunes poètes. Voici, par exemple, un sonnet de Mallarmé :

À la nue accablante tu,
Basse de basalte et de laves,

À même les échos esclaves,
Par une trompe sans vertu,

Quel sépulcral naufrage (tu
Le sais, écume, mais y baves),
Suprême une entre les épaves,
Abolit le mât dévêtu ;

Ou cela que furibond faute
De quelque perdition haute
Tout l’abîme vain éployé

Dans le si blanc cheveu qui traîne
Avarement aura noyé
Le flanc enfant d’une sirène.

Et voici une chanson de Maeterlinck, un autre écrivain célèbre d’aujourd’hui :

« Quand il est sorti
(J’entendis la porte)
Quand il est sorti
Elle avait souri…

« Mais quand il entra
(J’entendis la lampe)
Mais quand il entra
Un autre était là…

« Et j’ai vu la mort
(J’entendis son âme)
Et j’ai vu la mort
Qui l’attend encore…

« On est venu dire
(Mon enfant, j’ai peur)

On est venu dire
Qu’il allait partir…

« Ma lampe allumée
(Mon enfant, j’ai peur)
Ma lampe allumée
Me suis approchée…

« À la première porte
(Mon enfant, j’ai peur)
À la première porte
La flamme a tremblé…

« À la seconde porte
(Mon enfant, j’ai peur).
À la seconde porte
La flamme a parlé…

« À la troisième porte
(Mon enfant, j’ai peur)
À la troisième porte
La lumière est morte…

« Et s’il venait un jour
Que faut-il lui dire ?
— Dites-lui qu’on l’attendit
Jusqu’à s’en mourir…

« Et s’il demande où vous êtes
Que faut-il répondre ?
— Donnez-lui mon anneau d’or
Sans rien lui répondre…

« Et s’il m’interroge alors
Sur la dernière heure ?
Dites-lui que j’ai souri
De peur qu’il ne pleure…

« Et s’il m’interroge encore
Sans me reconnaître ?
— Parlez-lui comme une sœur,
Il souffre peut-être…

« Et s’il veut savoir pourquoi
La salle est déserte ?
— Montrez-lui la lampe éteinte
Et la porte ouverte…

Qui « est sorti » ? Qui « entra » ? Qui parle ? Qui « a souri » ?

Et il y a en France des centaines de poètes qui produisent des œuvres du même genre. Et des œuvres du même genre s’impriment en Allemagne, en Suède, en Italie, et chez nous en Russie. Et de ces œuvres, il s’en imprime et se publie des milliers d’exemplaires. Et pour la composition, la mise en pages, l’impression et la reliure d’œuvres de cette espèce, des millions et des millions de jours de travail sont dépensés : autant au moins qu’il en a fallu pour élever la grande Pyramide.

Et ce n’est pas tout. La même chose se produit dans tous les autres arts, en peinture, en musique, au théâtre : des millions et des millions de jours de travail sont employés à faciliter la production d’œuvres également incompréhensibles.

La peinture, par exemple, va plus loin encore dans cette voie que la poésie. Voici quelques lignes extraites du carnet de notes d’un amateur de peinture qui se trouvait à Paris en 1894 :

Je suis allé aujourd’hui à trois expositions : celles des symbolistes, des impressionnistes, et des néo-impressionnistes. J’ai regardé tous les tableaux avec beaucoup de soin et de conscience, mais tous m’ont causé la même stupeur. La plus compréhensible des trois expositions m’a paru celle des impressionnistes. Mais j’ai vu là des œuvres d’un certain Camille Pissarro dont le dessin était si indéterminé qu’il m’était impossible de découvrir dans quel sens une tête ou une main étaient tournées. Les sujets étaient, en général, des « effets » : Effet de brouillard, Effet du soir, Soleil couchant. Dans la couleur, le bleu et le vert crûs dominaient. Et chaque tableau avait sa couleur spéciale, dont il était, pour ainsi dire, arrosé. Par exemple, dans la Gardeuse d’oies, la couleur spéciale était le vert-de-gris, et des taches de cette couleur étaient répandues partout, sur le visage, les cheveux, les mains, le vêtement. Il y avait dans la même galerie d’autres peintures, de Puvis de Chavannes, Manet, Monet, Renoir, Sisley, tous impressionnistes. Un d’eux, qui avait un nom dans le genre de Redon, avait peint, de profil, un visage tout bleu. J’ai vu aussi une aquarelle de Pissarro toute faite de petites taches de diverses couleurs. Impossible de distinguer la couleur générale, soit qu’on s’éloigne du tableau ou qu’on s’en rapproche.

Je suis allé ensuite voir les symbolistes. Je me suis d’abord efforcé d’examiner leurs œuvres sans demander à personne une explication, voulant comprendre par moi-même ce qu’elles signifiaient : mais ce sont des œuvres qui dépassent la compréhension. Une des premières choses qui aient attiré mes yeux est un haut-relief en bois, exécuté avec une gaucherie invraisemblable, et représentant une femme nue qui, avec ses mains, fait sortir de ses seins des flots de sang. Le sang coule, et devient peu à peu d’une couleur lilas. Les cheveux, d’abord, descendent, puis remontent, et se changent en arbre. La figure est toute coloriée en jaune, sauf les cheveux, qui sont noirs.

À côté, une peinture : une mer jaune, sur laquelle nage quelque chose qui ressemble un peu à un bateau et un peu à un cœur ; à l’horizon surgit un profil avec une auréole, et des cheveux jaunes qui se perdent dans la mer. Quelques-uns des peintres exposants mettent sur leur toile une couche de couleur si épaisse que l’effet de leurs œuvres est intermédiaire entre la peinture et la sculpture. Autre tableau, plus étrange encore : un profil d’homme, devant lui une flamme et des rayons noirs, — représentant des sangsues, à ce que l’on m’a dit depuis. Car j’ai fini par demander à une personne qui se trouvait là ce que tout cela signifiait. Elle m’a expliqué que le haut-relief était un symbole, et qu’il représentait la Terre. Le cœur qui nage sur la mer jaune, c’est l’Illusion, et l’homme aux sangsues, c’est le Mal.

Cela se passait en 1894. Depuis, la même tendance n’a fait que s’accentuer. Nous avons aujourd’hui comme grands peintres Bœcklin, Stuck, Klinger, et d’autres semblables.

La même chose a lieu pour le drame. Les auteurs de comédies nous présentent maintenant un architecte qui, pour quelque raison mystérieuse, n’a pas réalisé ses hautes intentions premières, et qui, en conséquence, grimpe sur le toit d’une maison qu’il a construite, et se jette par terre la tête en avant. Une autre fois, c’est une énigmatique vieille femme, ayant pour profession d’exterminer les rats, et qui, sans qu’on devine pourquoi, emmène un petit garçon jusqu’à la mer, et là, le noie. Ou bien encore ce sont des aveugles qui, assis au bord de l’eau, répètent indéfiniment les mêmes paroles. Ou bien encore une cloche qui s’élance dans un lac et se met à sonner.

Et la même chose se produit dans le domaine de la musique, de cet art qu’on aurait cru devoir être, plus que tout autre, intelligible à chacun.

Un musicien de renom s’assied devant vous au piano et vous joue ce qu’il dit être une nouvelle composition, de lui-même ou d’un des musiciens d’à-présent. Vous l’entendez produire des sons étranges et bruyants, vous admirez les exercices de gymnastique accomplis par ses doigts ; et vous voyez bien, en outre, qu’il a l’intention de vous faire croire que les sons qu’il produit expriment divers sentiments poétiques de l’âme. Son intention, vous la voyez ; mais aucun sentiment ne se transmet à vous que celui d’une fatigue mortelle. L’exécution dure longtemps, ou tout au moins vous paraît durer très longtemps, faute pour vous de recevoir aucune impression nette. Et l’idée vous vient que peut-être tout cela n’est qu’une mystification, que peut-être l’artiste veut vous éprouver, et jette au hasard ses doigts sur les touches, avec l’espoir que vous vous laisserez prendre et qu’il pourra ensuite se moquer de vous. Mais pas du tout. Quand enfin le morceau est fini, et que le musicien, tout agité et trempé de sueur, se lève du piano, sollicitant manifestement vos éloges, vous reconnaissez que tout cela est sérieux. La même chose arrive dans tous les concerts où l’on joue des pièces de Liszt, de Berlioz, de Brahms, de Richard Strauss, et des innombrables compositeurs de la nouvelle école.

Et c’est encore la même chose qui se produit dans un domaine où l’on pourrait croire qu’il doit être difficile d’être inintelligible : dans le domaine des romans et des nouvelles. Lisez Là-Bas, d’Huysmans, ou quelques-unes des nouvelles de Kipling, ou l’Annonciateur de Villiers de l’Isle-Adam : ces ouvrages vous paraîtront non seulement « abscons », pour employer un mot de la nouvelle école, mais à peu près incompréhensibles, tant pour la forme que pour le fond.

Tel est le cas, aussi, d’un roman d’E. Morel, Terre Promise, qui vient de paraître dans la Revue Blanche, et de la plupart des nouveaux romans. Le style y est très emphatique, les sentiments paraissent surélevés : mais impossible de découvrir ce qui arrive, où et à qui cela arrive.

Et tel est tout l’art de la jeunesse de notre temps.

Les hommes de la première moitié de notre siècle, admirateurs de Goethe, de Schiller, de Musset, d’Hugo, de Dickens, de Beethoven, de Chopin, de Raphaël, de Léonard, de Michel-Ange, faute de rien comprendre à cet art nouveau, se bornent volontiers à voir en lui une pure folie, ou une plaisanterie de mauvais goût, et s’en détournent en haussant les épaules. Mais c’est là, à l’endroit de cet art, une attitude tout à fait injuste, parce que, d’abord, cet art est en train de se répandre de plus en plus, et s’est déjà conquis de par le monde une place égale à celle que s’était conquise le romantisme en 1830 ; et puis, et surtout, cette attitude est injuste parce que, si nous condamnons les œuvres du nouvel art décadent simplement parce que nous ne les comprenons pas, il y a une énorme quantité de gens, tous ceux qui travaillent, et même une grande partie des classes supérieures, qui ne comprennent pas davantage les œuvres d’art considérées par nous comme les plus belles de toutes, les poèmes de Goethe, de Schiller, d’Hugo, les romans de Dickens, la musique de Beethoven et de Chopin, les tableaux de Raphaël et de Léonard, les statues de Michel-Ange, etc.

Et si j’ai le droit de penser que c’est par suite de l’insuffisance de son développement intellectuel que la grande majorité des hommes ne comprend pas et ne goûte pas ces œuvres, à mon avis si parfaites, je n’ai pas le droit non plus d’affirmer que, si je ne comprends ni ne goûte les nouvelles œuvres d’art, cela ne provient pas simplement de l’insuffisance de mon développement intellectuel. Si j’ai le droit de dire que mon impossibilité à comprendre les œuvres des nouvelles écoles vient de ce qu’il n’y a dans ces œuvres rien à comprendre, on pourra dire, en vertu du même droit, que tout ce que je tiens pour les chefs-d’œuvre de l’art est de mauvais art, et incompréhensible, puisque l’énorme masse du peuple est hors d’état d’y rien comprendre.

Je me suis un jour rendu un compte très net de ce qu’il y avait d’injuste dans cette façon de condamner l’art des nouvelles écoles. J’ai entendu ce jour-là un poète, auteur lui-même de vers incompréhensibles, accabler de railleries la musique incompréhensible ; et, l’instant d’après, j’ai rencontré un musicien, auteur de symphonies incompréhensibles, qui ne tarissait pas en moqueries sur les poètes incompréhensibles. Condamner l’art nouveau en nous fondant sur ce que nous, hommes de la première moitié du siècle, nous ne le comprenons pas, c’est ce que nous n’avons aucun droit de faire. Nous n’avons d’autre droit que de dire que cet art est incompréhensible pour nous. La seule supériorité de l’art que nous admirons sur l’art des décadents consiste en ce que l’art que nous admirons est accessible à un nombre d’hommes un peu plus grand que l’art d’aujourd’hui.

De ce fait que, accoutumé à un certain art particulier, je suis incapable d’en comprendre un certain autre, de ce fait je n’ai nullement le droit de conclure que l’un de ces deux arts, celui que j’admire, est le seul véritable, et que celui que je ne comprends pas est un faux et un mauvais art. La seule conclusion que je puisse tirer de ce fait est que l’art, en devenant de plus en plus exclusif, est devenu aussi de moins en moins accessible, et que, dans sa marche graduelle vers l’incompréhensibilité, il a dépassé le point où je me trouvais.

Du jour où l’art des classes supérieures s’est séparé d’avec l’art du peuple, cette conviction est née que l’art pouvait être l’art et rester, cependant, hors de la portée des masses. Et du jour où ce principe a été admis, on pouvait prévoir que le moment viendrait où l’art ne serait plus accessible qu’à un petit nombre d’élus, et qu’il finirait même par ne plus l’être qu’à deux ou trois personnes, voire à une seule, l’artiste qui le produirait. Aussi bien en sommes-nous arrivés là. Vous entendrez couramment les artistes d’à présent vous dire : « Je crée des œuvres et je les comprends ; et si quelqu’un ne les comprend pas, tant pis pour lui ! »

Mais cette affirmation, que l’art peut être de l’art véritable et rester en même temps inaccessible à une foule de gens, cette affirmation est d’une absurdité parfaite, et ses conséquences sont désastreuses pour l’art lui-même : elle est cependant si commune, et a pris chez nous un tel empire, qu’on ne saurait trop insister pour en démontrer la fausseté.

Dire qu’une œuvre d’art est bonne, et cependant incompréhensible à la majorité des hommes, c’est comme si l’on disait d’un certain aliment qu’il est bon, mais que la plupart des hommes doivent se garder d’en manger. La majorité des hommes peut ne pas aimer le fromage pourri ou le gibier faisandé, mets estimés par des hommes dont le goût est perverti ; mais le pain et les fruits ne sont bons que quand ils plaisent à la majorité des hommes. Et le cas est le même pour l’art. L’art perverti peut ne pas plaire à la majorité des hommes, mais le bon art doit forcément plaire à tout le monde.

On nous dit que les œuvres les plus hautes de l’art sont de telle sorte qu’on a besoin d’une préparation spéciale pour pouvoir les comprendre. Mais alors, si l’homme ne peut les comprendre naturellement, il doit donc y avoir des connaissances nécessaires pour mettre l’homme en état de les comprendre, et pouvant, par suite, leur être enseignées et expliquées. Or il se trouve qu’aucune connaissance de ce genre n’existe, et que la valeur des œuvres d’art ne peut pas s’expliquer. On nous dit bien que, pour comprendre ces œuvres, nous devons les relire, les revoir, les réentendre indéfiniment. Mais cela ne s’appelle pas expliquer : c’est simplement nous habituer. Et les hommes peuvent s’habituer à tout, même aux pires choses. Pouvant s’habituer à la mauvaise nourriture, à l’eau-de-vie, au tabac et à l’opium, ils peuvent, d’une façon pareille, s’habituer au mauvais art : et c’est, précisément, ce qui leur arrive.

Il est faux de dire, en outre, que la majorité des hommes manquent du goût nécessaire pour apprécier les œuvres d’art supérieures. Cette majorité a toujours compris, et continue à comprendre ce que nous aussi nous reconnaissons comme étant le meilleur : l’épopée de la Genèse, les paraboles de l’Évangile, les contes de fées, les légendes et chansons populaires. Comment donc se fait-il que la majorité des hommes ait soudain perdu cette faculté naturelle, et soit devenue incapable de comprendre l’art de notre temps ?

Du discours même le plus admirable, on peut admettre qu’il soit incompréhensible pour ceux qui ignorent la langue où il est prononcé. Un discours prononcé en chinois aura beau être excellent : il me restera incompréhensible, si je ne sais pas le chinois. Mais ce qui distingue l’art de toutes les autres formes d’activité mentale, c’est, tout justement, que son langage est compris de tous, et que tout le monde, indistinctement, peut en être ému. Les larmes et le rire d’un Chinois m’émeuvent exactement comme les larmes et le rire d’un Russe ; et il en est de même de la peinture, de la musique, et de la poésie, pour peu que celle-ci soit traduite dans une langue que je comprends. Les chants d’un Khirghiz ou d’un Japonais ne me touchent pas autant qu’un Khirghiz ou un Japonais : mais ils me touchent cependant. Je suis touché, aussi, de la peinture japonaise, de l’architecture indienne, des contes arabes. Et si une chanson japonaise ou un roman chinois me touchent moins qu’un Japonais ou un Chinois, ce n’est pas que je ne comprenne pas ces œuvres d’art, mais seulement que je connais des œuvres d’un art plus haut. Ce n’est pas du tout parce que leur art est au-dessus de moi. Les grandes œuvres d’art ne sont grandes que parce qu’elles sont accessibles et compréhensibles à chacun. L’histoire de Joseph, traduite en langue chinoise, touche un Chinois. L’histoire de Çakya-Mouni nous touche. Si donc un art échoue à toucher les hommes, la cause n’en est pas dans ce que ces hommes manquent de goût ou d’intelligence ; elle est dans ce que cet art est de mauvais art, ou n’est pas de l’art, du tout.

L’art diffère des autres formes de l’activité mentale en ce qu’il peut agir sur les hommes indépendamment de leur état de développement et d’éducation. Et l’objet de l’art est, par essence, de faire sentir et comprendre des choses qui, sous la forme d’un argument intellectuel, resteraient inaccessibles. L’homme qui reçoit une véritable impression artistique a le sentiment qu’il connaissait déjà ce que l’art lui révèle, mais qu’il était incapable d’en trouver l’expression.

Et telle a toujours été la nature de l’art bon et vrai. L’Iliade, l’Odyssée, les histoires d’Isaac, de Jacob et de Joseph, les chants des prophètes hébreux, les Psaumes, les paraboles de l’Évangile, l’histoire de Çakya-Mouni, les hymnes védiques ; toutes ces œuvres expriment des sentiments très élevés et nous sont cependant aussi compréhensibles à tous qu’elles l’ont été, il y a de longs siècles, à des hommes moins civilisés encore que nos paysans. Les églises, et les images qu’elles contiennent, ont été toujours compréhensibles à tous. L’obstacle à la compréhension des sentiments les plus hauts n’est pas du tout dans l’insuffisance de développement ou de science, mais au contraire dans un faux développement et une fausse science. Une œuvre d’art bonne et haute peut bien être incompréhensible, mais non pas pour le paysan, simple et non encore perverti : ceux-là comprennent tout ce qu’il y a de plus haut ; ceux pour qui une œuvre de ce genre risque de demeurer incompréhensible, ce sont des esprits soi-disant raffinés, c’est-à-dire pervertis, privés de toute conception sérieuse de la vie. Je connais, par exemple, des hommes qui se croient très civilisés, et qui disent qu’ils ne comprennent pas la poésie de la charité, ou du sacrifice de soi-même, ou de la chasteté.

Si donc l’art de notre temps est incompréhensible pour la masse, ce n’est point parce qu’il est trop bon, comme les artistes se plaisent aujourd’hui à le dire. Si cet art est incompréhensible à la masse, c’est simplement parce qu’il est de mauvais art, ou même que cet art n’est pas de l’art du tout.

L’objet des œuvres d’art étant d’exprimer des émotions, comment peut-on parler de ne pas les comprendre ? Un homme du peuple lit un livre, voit une peinture, entend une pièce ou une symphonie ; et il n’éprouve aucune émotion. On lui dit que c’est parce qu’il ne peut pas comprendre. On lui promet de lui montrer quelque chose, il entre, et ne voit rien. Et on lui dit que c’est parce que sa vue n’est pas préparée pour un spectacle de ce genre. Mais cet homme sait qu’il voit très bien ; et s’il ne voit pas ce qu’on lui a promis de lui montrer, il en conclut simplement, à juste titre, que ceux qui ont entrepris de lui faire voir le spectacle n’ont pas rempli leur engagement. Et de dire que, si mon art ne touche pas un certain homme, la faute en est à ce que cet homme est trop stupide, outre que c’est un comble de vanité, c’est encore un renversement des rôles, comme si un malade engageait un homme bien portant à se mettre au lit.

Voltaire disait : « Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux. » Mais plus justement encore on peut dire : « Tous les genres sont bons, hors celui qu’on ne comprend pas, ou qui ne produit pas son effet. » Car de quelle valeur peut être une chose qui échoue à produire l’effet en vue de qui elle est produite ?

Notez bien ceci : si seulement vous admettez que l’art peut être de l’art et cependant rester inintelligible à des personnes d’esprit sain, il n’y a pas de raison qui puisse empêcher un petit groupe d’hommes pervertis de composer des œuvres exprimant leurs sentiments pervertis, des œuvres qui ne sont compréhensibles que pour eux seuls, et de donner à ces œuvres le nom d’art, comme le font aujourd’hui les artistes décadents.

L’évolution de l’art dans les temps modernes peut être comparée à ce qui se produit si l’on place sur un cercle d’autres cercles, de plus en plus petits, jusqu’à ce qu’on ait formé un cône, dont le sommet n’est plus du tout un cercle. C’est exactement ce qui est arrivé pour l’art de notre temps.