Promenade d’un Français en Suède et en Norvège/14

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Gefle. Manufacture de toiles de l’Helsingland et de l’Öngermanland. — Hernösand. — Le thé brun, — Diminution des eaux de la Baltique.


À mon retour chez le gouverneur de la Dalécarlie, la terre avait changé de face, la verdure avait reparu : tout était en fleur. Le Kiella n’existait plus : il est vrai qu’au 20 de juin on peut espérer de ne pas être gelé.

Le hasard me fit faire cependant une remarque singulière, et qui peut-être pourra être utile ; pendant l’hiver on avait apporté de la poussière de tourbe, pour engraisser la terre en la mêlant avec du fumier, et on l’avait jetée sur la neige, qui pouvait avoir deux pieds de haut. On la remuait alors pour l’usage qu’on en voulait faire, et la neige était parfaitement conservée dessous, sans même être foulée. On a souvent tant de peine à conserver la glace, et cette manière parait si simple, que j’espère que quelques amateurs me sauront gré d’en faire mention.

Je me remis en route, et traversai, au moins deux fois par heure, le beau fleuve, qui arrose cette vallée. Cette fois, je puis le dire, je voyageai absolument comme un pittoresque, et courus sans m’arrêter, à travers un beau pays, jusqu’à Gefle, éloigné de plus de douze milles. Je devais m’arrêter, il est vrai, chez un curé, mais il était dix heures du soir, il avait quatre-vingts ans, ainsi le bon homme dormait. À deux heures du matin, je passai ma seconde station ; c’était une forge considérable. A plus forte raison, je ne pus m’arrêter ; mais en attendant le cheval, je fus me promener dans le parc pour jouir de la fraîcheur et du silence de ces jours-nuits délicieux.

La chaleur extrême du jour suivant, m’obligea d’avoir mon parapluie toujours ouvert. Les paysans revenaient de l’église, et quoique ma cariole fût beaucoup moins bonne qu’aucune de celles dans lesquelles ils étaient eux-mêmes, ce parapluie me donnait un air de grand seigneur, et il me fallait avoir toujours le chapeau à la main.

Malgré ces coups de chapeau, je dois dire que les gens à qui on a affaire en voyageant dans le Gestrickland, ont bien quelque rapport avec ceux du voisinage de Stockholm, en outre qu’on ne peut rien avoir. Après avoir demandé inutilement plusieurs choses, je demandai enfin de l’eau et l’on me montra la pompe avec une complaisance singulière.

Les personnes à qui j’étais recommandé à Gefle, étant absentes, je pris le parti, le jour de la St.-Jean, d’employer mon temps à aller voir la chûte d’eau d’Elfkarby, la dernière de la rivière Dahl. Elle tombe à un demi-mille de la mer ; elle est fort belle assurément, mais beaucoup moins que celle de Trolhãtta.

En France, on plante le mai, le premier jour du mois de mai, et l’on fait des feux à la St.-Jean. En Suède, c’est tout le contraire ; on fait des feux le premier de mai, et l’on plante le mai à la St.-Jean. On couvre l’arbre de fleurs et les paysans dansent autour ; je pus remarquer cela à une grande forge au milieu du chemin, où l’on a fait un lac artificiel qui embellit ce pays, entièrement couvert de bois de sapins. Les chênes ne croissent pas plus au nord qu’au sud du Dahl Elfen. À l’entrée du pont que l’on a bâti sur la chûte d’eau d’Elfkarby, dans l’Upland, il y a deux chênes plantés qui sont les derniers que j’aye vus pendant long-temps. Le port de Gefle n’était ouvert que depuis une semaine ou deux. Cette ville est réputée la quatrième de Suède ; elle est assez jolie. Le palais du gouverneur est encore une maison royale ; il est quarré comme ceux dont j’ai déjà parlé, mais beaucoup plus petit. Gustave III, après un incendie, avait fourni 45,000 rixdales pour rebâtir l’hôtel-de-ville, et c’est vraiment un beau bâtiment.

Le commerce est assez florissant dans cette ville, il consiste dans l’exportation du fer de Dannemora et du cuivre de Falhun. On y voit aussi une belle raffinerie de sucre, des distilleries etc.

Il y a une petite île à l’entrée du port, sur laquelle il y a une batterie qui garantit la ville du pillage en 1719. Lorsque les Russes, qui avaient envoyé une flotte cette année jusqu’au fond du golphe, s’y présentèrent, ils furent repoussés par M. Hugo Hamilton, qui était alors gouverneur du Gestrickland.

Il m’a semblé que les terres près du port, pourraient produire du salpêtre en grande quantité ; il se forme seul à la surface. La vase surtout qu’on en avait tirée, en était très-chargée et avait un goût très-fort.

Je me déterminai enfin à parcourir les côtes, pour rejoindre la vallée de l’Ôngerman, qui devait me mener en Norvège. Les Russes dans leur seconde expédition en 1721, pillèrent et saccagèrent presque toutes les paroisses de la côte ; le 18 mai ils s’arrêtèrent à Hamrôngema, et l’on voit sur l’autel de l’église une inscription qui rappelle leurs dévastations.

Je ne me serais pas attendu à voir un aussi beau lieu au-delà de Gefie, que la forge et la belle maison de Wifors, appartenons à M. Schinkel. Il était onzè heures et demie du soir, lorsque j’y suis arrivé ; la fraîcheur et le demi-jour charmans étaient trop tentans pour ne pas en profiter, en me promenant par-tour.

Je traversai, aussitôt après, les déserts et les bois qui séparent le Gestrickland de l’Helsingland, et le lendemain je fus visiter la manufacture de toile de M. Gaverberg. Elle occupe 50 métiers ; c’est de-là, que la cour tire son linge de table. Il vient aussi d’établir une papeterie au dégorgement d'un lac.

D’une vallée à l’autre, on voyage toujours dans des bois déserts ; mais aussitôt qu’on rive près d'une des rivières, que l’on doit souvent traverser, le pays paraît peuplé ; les habitans sont aisés et sur-tout industrieux ; à peine trouverait-on une maison, sans un métier établi.

Gustave Vasa, dans ses courses, sortit par les forêts de la Dalécarlie et fit soulever les habitans de l’Helsingland, qu’il joignit aux Dalëcarliens. On voit à ce sujet, près du village de Norhala, une inscription en son honneur. La voici :


Här. manade.

Gustaf. I.

ôhr. 1521.

Samlacle. Helsingar.

Til.

Rickets. Rädning.

Fribett. hielten til. ära.

Under ättlingens.

Gustaf. III.

Regier. Stenen.

ôhr. 1775.

Af. Selskapet. Pro amico - (*)


  • Ici s’arrêta Gustave I, l’an 1521 ; il rassembla les Helsinglandais pour rendre le royaume à la liberté, à l’honneur.

Cette pierre a été élevée, sous le gouvernement paternel de Gustave III, par la société Pro amico (Un club de ce nom à Gefle.).

Je fus visiter le pasteur d’Enonger, le docteur Hambrœus, dont j’avais connu le frère dans l’Upland. Ce village est situé à l’embouchure d’une petite rivière qui fournit du poisson aux habitans. Depuis quelque temps, on commence à trouver les bons habitans du Nord : c’est à l’isolement, dans lequel ils se trouvent, qu’ils doivent leur aisance et leur bonhomie. J'en fus visiter un ou deux, avec leur bon curé.

Les maisons sont très-propres dans intérieur ; elles ont généralement la même distribution. La principale pièce est tapissée des habits, le long des murs ; le grand luxe consiste à ne pas laisser un endroit vide. Les paysans fabriquent tout ce dont ils ont besoin, en draps et sur-tout en toile : il en est quelques-uns qui la font très-fine et très-belle ; mais malheureusement on ne connaît pas l’art de blanchir usité en Irlande.

C’est là l’industrie du long hiver qui les désole. Lorsque l’été vient, il ne faut pas perdre un moment ; la pêche, le labourage, l’abattis des bois, le sciage des planches et le charbon, les tiennent toujours en mouvement ; on ne trouve guères que les femmes à la maison, ou dans les champs voisins. Par-tout où je me suis présenté, j’ai toujours trouvé de la complaisance et en général il m’a toujours fallu boire à la santé des hôtes.

Ces gens-ci ont une figure animée, les hommes ont de grands corps bien constitués et très-vigoureux, ils ne paraissent pas plus forts que les Dalécarliens, mais beaucoup plus intelligens.

Les Russes avaient aussi fait une descente ici, mais le sacristain, qui se trouva être un maître homme, se mit en embuscade sur leur chemin, et leur tira plusieurs coups de fusil, qui les firent se rembarquer promptement, en laissant un homme sur le carreau.

Je me suis amusé à examiner les registres de la paroisse et j’ai trouvé que dans les cinquante dernières années, il y avait eu 1808 naissances et 1518 morts ; dans les dix dernières, 436 naissances et 265 morts ; dans les 25 premières, seulement six bâtards et dans les autres 27. On peut tirer de ceci, deux conclusions assez justes, que la population augmente considérablement, et aussi que les mœurs se dépravent.

La plante qui donne le fruit appelé ôkerberg, commence à paraître dans ces pays. Ce petit fruit rouge tient le milieu entre la fraise et la framboise, quoique son goût n’ait de rapport ni à l’une ni à l’autre. Il est extrêmement délicat, on en fait des confitures excellentes. Il est particulier, que ce fruit ne croisse que dans les provinces du Nord : la paroisse d’Enônger est la première où on en trouve : on a, dit-on, essayé de l’avoir ailleurs, mais toujours sans succès.

Un peu plus loin, l’on rencontre la forge d'Iggesund, sur un petit bras de mer et près d’un village considérable, que traverse une rivière ; car on ne les trouve que là. J'ai déjà passé plusieurs petites villes sans en parler, il ne serait pas bien de n’en pas nommer au moins une. Huddickswall est vraiment une jolie petite ville, qui a un très-bon port. On a su profiter d’un incendie pour la mieux bâtir. Ce serait vraiment un service à rendre à bien des villes, que de mettre le feu aux quatre coins.

Les intervalles entre les habitations sont bien tristes ; des bois, des bois, et toujours des bois, il y en a tant que je suis persuadé qu’il y aurait de quoi en fatiguer un Écossais même ; quoiqu’on aime toujours ce dont on n’a guères. Près des habitations, on rencontre souvent de ces monts funéraires dont j’ai parlé : c’est un usage très-simple et que je crois meilleur que celui d’enterrer dans les églises, ou même dans les cimetières ; avec ces monticules on n’a pas besoin d’inscription : c’est la tombe d’un tel, devaient dire les gens, et c’était pour toujours ; le temps n’y changeait rien. On les trouve toujours dans un endroit exposé à la vue, sur une rivière ou sur un grand chemin ; les chefs et les rois étaient les seuls enterrés de cette manière.

Je gagnai enfin Sundswall. Cette ville est, dit-on, assez riche ; elle ne me sembla pas, à beaucoup près, si bien qu’Huddickswall. D’ici, il y a une grande route jusqu’à Frözon, pour aller en Norvège ; mais je n’aime pas les grandes routes : depuis trop long-temps je m’y trouve, et si le lecteur en est aussi ennuyé que moi, il serait bon que nous pussions tous les deux en sortir.

En entrant dans cette province, (le Medelpad) il semble qu’on quitte les bois : le pays paraît meilleur et est mieux cultivé. Les églises en général sont presque toutes nouvellement bâties, et à-peu-près sur le même plan, qui est assez élégant et très-convenable.

Trois rivières se jettent dans la baye de Sundswall. La plus grande est le Lindhal-Elfen, dont l’eau est toujours bourbeuse ; elle charie des arbres et des terres, depuis l’ouverture que les paysans ont faite près la cascade de Fors, dont je parlerai après. Ces débris ont déjà formé, à l’embouchure de la rivière, plusieurs petites îles, point encore habitées. Celle d’Alnö, située a l’entrée de la baye de Sun-Iswall, est très-considérable et très-fertile ; on y compte près de cinq cents habitans. Après avoir navigué sur le fleuve bourbeux du Lindhal, je me rendis dans cette île, et y fus reçu par M. Krapp. L’île est entièrement cultivée, on y trouve plusieurs petits monts funéraires, ce qui prouve que la culture en est ancienne. Le curé venait de mourir, et ses obsèques devaient se faire le lendemain : je désirai les voir. Que le lecteur ne sourie pas à l’idée de me voir arrêté à l’enterrement d’un curé. Un curé est par tout pays un homme de conséquence ; et dans les pays du Nord, il l’est bien davantage. Cclui-ci était mort depuis quatorze jours : on l’avait soigné tout ce temps ; et depuis deux jours seulement, on avait invité le pays à venir lui rendre les derniers devoirs. Suivant l’usage, un confrère récita une oraison funèbre qui dura bien quatre heures ; après quoi on fit un grand repas très-long et très-lugubre. Il est d’usage, aux funérailles en Suède, de se servir d’une espèce de pain particulière, que l’on distribue aux amis après la cérémonie.

Ce pays est vraiment très-joli : les montagnes qui le coupent, le diversifient et en font paraître davantage la culture des terres, et les maisons riches des paysans qui l’habitent. Hernösand est la capitale ou du moins la résidence du gouverneur des quatre provinces du nord, appelée la Norrland. Ces quatre provinces sont le Medelpad, l’Öngermanland, le Jämeteland et la Laponie d’Ösele : leur étendue serait suffisante pour faire un royaume, mais elles sont bien peu peuplées, on n’y compte guères que cent mille habitans. Les provinces au nord de celles-ci, la Vestrobothnie et les six autres Laponies, sont presque aussi étendues que la France, et elles sont encore moins habitées. Dans les sept Laponies, il n'y a guères que huit à neuf mille habitans.

M. de Lindecrona, gouverneur de ces provinces, voulut bien m’accueillir à Hernösand. Le feu roi Gustave III, y a bâti un gimnasium ou collège, et le palais du gouverneur. Ce bâtiment ne ferait point déshonneur à la capitale, il est vraiment très-beau : les habitans ont contúbué à sa bâtisse, pour la moitié des frais, et cela leur fait honneur.

Gustave III, a plus fait pour son pays qu’un grand nombre de ses prédécesseurs ; — il encourageait l’industrie et les talens dans les pays les plus reculés. Il savait distinguer le mérite et sur-tout accueillait différemment le bon serviteur du mauvais, point très-essentiel. Partout on trouve des traces de sa protection : les églises des paroisses de ces contrées lointaines ont été rebâties par lui : les hôpitaux, les gimnases, c’est lui qui les a fondés : il avait aussi énoncé le désir d’encourager les manufactures et sa mort l’a prévenu.

Celles de ce pays deviendraient bientôt très-florissantes, si le gouvernement s’en occupait sérieusement. Les secours accordés de cette manière, sont loin de ruiner un état ; la fabrique des toiles enrichit l’Irlande, pourquoi ne ferait-elle pas le même effet en Suède ? La blancheur seule y manque, et cet article, qui vraiment est très-frivole, les détériore à un point singulier. Les juifs et autres, qui en connaissent la bonté, viennent les acheter à bas prix, les transportent en Hollande, d’où après avoir été apprêtées à la manière hollandaise, elles sont vendues en Europe comme du crû de ce pays. Les machines seules pour les blanchir manquent ; mais ce n’est pas là l’affaire du paysan. Il faut que des gens riches et entreprenans s’adonnent a cette seule partie, et on ne peut pas espérer d’en trouver parmi les petits bourgeois de ces petites villes. Si cependant ils savaient, que plusieurs négocians ont fait en Irlande des fortunes rapides de cette manière, et qu’il n’est pas rare d'en voir gagner 50,000 livres sterling dans un an ou deux, peut-être cela pourrait-il les encourager.

Il y a des eaux minérales dans cette ville qui sont assez fréquentées ; elles contiennent du souffre et du fer, comme presque toutes celles de la Suède.

Pourrait-on croire, que dans ce pays, où les chaleurs brûlantes de l’été sont excessives, on ne sache point faire d’autre usage de la glace que pour empêcher le détestable swag dricka (boisson faible, petite bière) d’aigrir, et la viande de se corrompre. J'y ai vu une glacière superbe, qui avait coûté près de quinze cents rixdales ; et la personne qui l’avait bâtie, m’avait fait boire chaud à dîner et parut fort étonnée, quand je lui demandai ce qu’elle voulait faire de sa glace. Les blocs de glace qui la remplissent, fondent sans utilité : on ne connaît ni la glace à la crême, ni aux fruits. On ne sait pas, que des glaces aux ókerberg, fraiches, seraient suffisantes pour faire venir à Hernösand des gens du fond de l’Italie. Qu’ils sachent donc, les malheureux, que cette opération consiste à exprimer le jus du fruit, à le mêler avec du sucre et à le placer dans un vase de fer blanc, assez semblable aux bonnets de leurs professeurs ; que l’on place le tout dans un seau rempli de glace pilée et mêlée d’un peu de sel, et qu’on le tourne jusqu’à ce que le contenu soit figé. Si jamais je reviens à Hernösand, et qu’on ne m’en donne pas, je mets le feu à la glacière.

Le premier de juillet était passé depuis longtemps : c’était l’époque que l’ordonnance avait fixée pour ne plus boire de café dans toute la Suède. Je ne puis pas dire en avoir bu depuis : mais la manière étrange de boire le thé brun, qui l’avait remplacé, me le faisait paraître bien préférable. Après le diner, la maîtresse de la maison faisait dire aux hommes les uns après les autres, qu’elle voulait leur parler en particulier ; moi, j’ai cru que c'était quelques bonnes aventures, mais non, le tout était pour vous présenter du thé brun.


Chacun connaît l’histoire de la pomme,
Qui par Satan damna le premier homme.
Le méchant fruit ! eût-il été permis,
Nous serions tous encore en paradis :
Et Madame Eve avait le goût trop exquis,
Pour s’amuser à pareilles fadaises,
Quand à foison, elle avait au jardin,
Des abricots, des pêches et des fraises.
Mais la défense enhardit le malin,
Et notre mère en approcha soudain.
Pour le garder, qu’eût-il donc fallu faire ?
Ma foi ! je crois qu’il eût fallu se taire,
Ou seulement lui dire avec mystère,
Que ce beau fruit lui durcirait le tein,
Ou que son jus ferait tomber son sein.

De sa beauté le soin l’eût alors sans défense,
De ce fruit pour toujours, fait faire abstinence.
Monsieur Satan lui-même, avec toute sa science,
N’eût pu venir à bout de l’induire à pécher :
Car souvent une fille à son amant ne pense,
Que quand contre l’amour, on vient de la prêcher.

Une bonne commère avec délice extrême
Mangeait en Italie une glace à la crême ;
À son plaisir pourtant, une chose manquait :
Sa tête à la chercher vainement s’appliquait ;
Mais bientôt, de sa peine ayant trouvé la cause,

_________Ah ! dit-elle, Padre Santo,
______Qual domagio, che non sta peccato.
___L’entende qui pourra : d’en dire plus, je n’ose.


Tant y a, que le thé brun, est à mon avis, infiniment préférable au café, même de Mocka.

Quelques personnes très-instruites m’ont encore assuré dans cette ville de la diminution rapide des eaux de la Baltique, ou du moins du golphe de Bothnie. M. le docteur de Nordin, frère du gouverneur de la Dalécarlie, m’a assuré avoir fait des remarques depuis près de quarante ans, et que dans cet espace de temps, les eaux s’étaient retirées de plus de deux pieds, ce qui ferait cinq pieds par siècle.

On ne sait que répondre à cela ; c’est étonnant réellement. Cependant si la mer s’est toujours retirée également, le Dannemarck, la Basse-Saxe, la Prusse, la Courlande, grande partie de la Russie et de la Suède, n’existaint certainement pas il y a deux mille ans : la Baltique devait joindre la mer Glaciale par les grands lacs Ladoga et Onega, en Russie, et qui sait, peut-être la mer Caspienne et celle-ci la mer des Indes.

Si je n’avais promis solennellement de ne plus me laisser aller à mes rêveries, le que je bâtirais là-dessus ! comme je l'appuyerais de l’histoire de la flotte de Sésostris, rapportée par Hérodote, à ce que je crois, ou par quelque autre conteur des tems anciens, laquelle flotte partant de la mer Rouge, cingla dans la mer des Indes, puis de là fut visiter les Hyperboréens et revint en Égypte par la mer Noire. Assurémeut ceci serait une expédition que nos navigateurs modernes, avec tout leur savoir ne sauraient faire et que cependant je ferais (sur le papier) sans la moindre peine, par la seule supposition du retrait des eaux de cinq pieds par siècles. Car ce Sésostris, s’il faut en croire ces messieurs, conquérait la plus grande partie du monde, il y a bien cinq mille ans, et — — je ne veux pas dire un mot de plus ; de l'humeur dont je me connais, je ferais tout de suite un volume, et le lecteur craignant, avec raison, de se noyer dans une telle masse d’eau, finirait par jeter mon livre au feu, ou ailleurs, ce qui est toujours un sort funeste pour un pauvre auteur.