Progrès et Pauvreté/Livre 7/5

Traduction par P. L. Le Monnier.
Guillaumin et Cie (p. 365-375).

CHAPITRE V.

DE LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE AUX ÉTATS-UNIS.

Dans les périodes primitives nous trouvons que la terre est toujours considérée comme propriété commune. Et quand nous passons de ces temps reculés à notre propre époque, nous voyons que les idées naturelles sont les mêmes, et que lorsque nous sommes placés dans des circonstances affaiblissant l’effet de l’éducation et de l’habitude, nous reconnaissons instinctivement l’égalité du droit de tous aux libéralités de la nature.

La découverte de l’or en Californie amena dans ce pays des hommes qui avaient été habitués à considérer la terre comme justement soumise à la propriété individuelle, et dont probablement pas un sur mille n’avait jamais pensé à faire une distinction entre la propriété de la terre et la propriété de toute autre chose. Mais pour la première fois dans l’histoire de la race anglo-saxonne, ces hommes se trouvèrent en contact avec une terre dont on pouvait tirer de l’or simplement en la lavant.

Si la terre qu’ils allaient ainsi exploiter avait été une terre cultivable, ou à pâture, ou une terre forestière, d’une richesse particulière ; si cette terre avait tiré de sa situation au point de vue des intérêts commerciaux une valeur particulière ; si on avait considéré la force motrice de ses rivières, ou même les mines de charbon, de fer, de plomb qu’elle renferme, ces hommes lui auraient appliqué le système auquel ils étaient accoutumés, et la terre devenue propriété privée aurait été partagée en vastes domaines, comme l’ont été, sans aucune protestation digne de ce nom, les terres pueblo de San-Francisco (celles qui en réalité avaient la plus grande valeur dans l’État) que la loi Espagnole avait mises de côté pour fournir des demeures aux futurs résidents de cette ville. Mais la nouveauté du cas rompit les idées habituelles, rejeta les hommes vers leurs idées primitives ; et d’un commun accord, il fut déclaré que la terre renfermant de l’or resterait propriété commune, que personne ne pourrait en prendre plus qu’il n’en pouvait réellement exploiter, ni la conserver plus que le temps où il l’exploiterait. Cette idée de justice naturelle fut reconnue par le gouvernement général et les cours, et tant que l’exploitation des placers eut de l’importance, on ne fit aucun essai pour contrarier ce retour aux idées primitives. Le titre à la terre resta au gouvernement, et aucun individu ne put acquérir plus que ce qu’il possédait. Dans chaque district les mineurs fixaient la quantité de terrain que pouvait prendre un individu, et la somme de travail qui devait être dépensée pour constituer l’usage de la terre. Si ce travail n’était pas fait, n’importe qui pouvait s’établir à nouveau sur le terrain.

Ainsi personne n’avait la permission d’accaparer ou de renfermer les ressources naturelles. On reconnaissait le travail comme le créateur de la richesse, on lui assurait le champ libre, et sa pleine récompense. Ce système n’aurait pas assuré la complète égalité des droits avec les conditions qui dominent dans la plupart des pays ; mais avec les conditions qui existaient là, et qui existent encore — une population disséminée, un pays inexploré, et une occupation qui était une sorte de loterie, il assurait une justice suffisante. L’un pouvait tomber sur un dépôt extraordinairement riche, l’autre pouvait attendre vainement des mois et des années, mais tous avaient des chances égales. Personne n’avait la permission de prendre plus que sa part dans les bontés du Créateur. L’idée essentielle des règlements miniers était d’empêcher les accaparements et le monopole. Les lois des mines du Mexique sont fondées sur le même principe ; il a été également adopté en Australie, dans la Colombie anglaise, dans les champs de diamants de l’Afrique du Sud, car il correspond à l’idée naturelle de la justice.

Avec la décadence des placers de la Californie, l’idée ordinaire de la propriété privée finit par prévaloir par l’adoption d’une loi permettant d’acquérir les terres à minerai. Le seul effet fut de fermer l’accès des forces et substances naturelles, de donner au possesseur d’un terrain minier le pouvoir de dire que personne autre ne pouvait faire usage de ce qu’il aimait mieux lui-même ne pas employer. Et dans bien des cas, un terrain minier est ainsi retiré de l’usage dans un but de spéculation, comme on soustrait à l’usage des lots à bâtir de valeur, et des terres cultivables. Mais en empêchant ainsi l’usage, en étendant à la terre renfermant des richesses minérales le même principe de propriété privée qui marque la tenure des autres terres, on n’a rien fait pour la sécurité des améliorations. Les plus grandes dépenses de capital pour ouvrir et développer les mines — dépenses qui montent parfois à des millions de dollars — ont été faites sur des titres de possession.

Si les circonstances qui entouraient les premiers colons anglais dans l’Amérique du Nord avaient été telles qu’elles aient attiré leur attention de novo sur la question de la propriété de la terre, ils seraient, sans aucun doute, revenus aux premiers principes, comme ils sont revenus aux premiers principes en matière de gouvernement ; et la propriété individuelle de la terre aurait été rejetée comme l’aristocratie et la monarchie l’ont été. Mais comme dans le pays dont ils venaient, ce système ne s’était pas encore complètement développé, ni ses effets complètement fait sentir, le fait d’avoir dans la nouvelle contrée un immense continent à coloniser, prévint toute question sur la justice et la politique de la propriété privée de la terre. Car dans un nouveau pays l’égalité semble suffisamment assurée si l’on empêche que quelqu’un prenne la terre à l’exclusion des autres colons.

Au premier abord on ne semble faire aucun mal en traitant cette terre comme une propriété absolue. Il y a assez de terre laissée pour ceux qui veulent la prendre, et l’on ne sent pas encore l’esclavage qui sort nécessairement, dans une période plus tardive du développement, de la possession individuelle de la terre.

Dans la Virginie et le Sud, où la colonisation eut un caractère aristocratique, le complément naturel des grandes propriétés qui se partagèrent la terre, fut introduit sous la forme d’esclaves nègres. Mais les premiers colons de la Nouvelle Angleterre divisèrent la terre comme, douze siècles auparavant, leurs ancêtres avaient divisé la terre de la Bretagne, donnant à chaque chef de famille son lot de ville et son lot à cultiver, pendant qu’au delà restait la terre commune libre. Pour ce qui regardait les grands propriétaires que les rois anglais essayèrent de créer par lettres patentes, les colons virent assez nettement l’injustice de cet essai de monopole, et aucun de ces propriétaires ne prit une grosse part de leurs concessions ; mais l’abondance de la terre empêche l’attention de se fixer sur le monopole que la possession individuelle de la terre, même lorsque les propriétés sont petites, doit impliquer quand la terre devient rare. Et c’est ainsi que la grande république du monde moderne a adopté au début de sa carrière une institution qui a ruiné les républiques de l’antiquité : c’est ainsi que le peuple qui proclame les droits inaliénables de tous les hommes à la vie, à la liberté, à la poursuite du bonheur, a accepté sans hésitation un principe qui, en niant les droits égaux et inaliénables au sol, niait finalement les droits égaux à la vie et à la liberté ; c’est ainsi que le peuple qui, au prix d’une guerre sanglante, a aboli l’esclavage personnel, permet cependant à une forme plus dangereuse et plus générale de l’esclavage, de s’implanter chez lui.

Le continent semblait si grand, l’aire sur laquelle la population pouvait se répandre semblait si vaste, que familiarisés par l’habitude avec l’idée de la propriété privée de la terre, nous n’avons pas compris son injustice essentielle. Car non seulement ce fonds de terre non cultivée, a empêché qu’on ne sente l’effet complet de l’appropriation privée, même dans les districts les plus anciens, mais il a de plus empêché de voir l’injustice de la permission donnée à un homme de prendre plus de terre qu’il ne pouvait en cultiver afin de forcer ceux qui en avaient besoin de lui payer le privilège de l’usage, puisque d’autres à leur tour pouvaient obtenir également plus que leur part en allant plus loin. Bien plus, les fortunes qui sont sorties de l’appropriation de la terre, qui ont donc été bien réellement formées des taxes levées sur les salaires du travail, ont semblé être et ont été déclarées être le prix du travail. Dans tous les nouveaux États, et même le plus souvent dans les anciens, notre aristocratie foncière en est encore à sa première génération. Ceux qui ont bénéficié de l’accroissement de valeur de la terre avaient pour la plupart débuté dans la vie sans un sou. Leurs grandes fortunes dont beaucoup sont évaluées à plusieurs millions, leur semblent à eux et à beaucoup d’autres, être la meilleure preuve de la justice des arrangements sociaux qui récompensent ainsi la prudence, la prévoyance, le travail, l’économie ; en réalité ces fortunes ne sont que les gains du monopole, et sont nécessairement faites aux dépens du travail. Mais le fait que ceux qui s’enrichissent ainsi ont débuté comme ouvriers, cache la vérité, et le sentiment qui fait que chaque preneur de billet de loterie se réjouit en imagination de la valeur des lots, a empêché le pauvre lui-même de se révolter contre un système qui permettait ainsi à bien des hommes pauvres de devenir riches.

En résumé le peuple américain n’a pas vu l’injustice essentielle de la propriété privée de la terre, parce qu’il n’en avait pas encore senti tous les effets. Ce domaine public — la vaste étendue de terre encore à réduire à la possession privée, les communs immenses, vers lesquels se tournaient toujours les yeux des énergiques — a été le grand fait, qui, depuis le jour où les premiers colons débarquèrent sur la côte de l’Atlantique, a formé notre caractère national, et coloré notre pensée nationale. Ce caractère ne nous vient pas de ce que nous avons évité une aristocratie titrée et aboli le droit d’aînesse ; de ce que nous élisons tous nos officiers depuis le directeur de l’école jusqu’au président ; de ce que nos lois sont faites au nom du peuple au lieu de l’être au nom d’un prince ; de ce que l’État ne connaît pas de religion, et de ce que nos juges ne portent pas de perruques ; de ce que nous avons évité les maux que les orateurs populaires ont l’habitude de stigmatiser comme les effets des despotismes de l’ancien monde. L’intelligence générale, le bien-être général, l’activité de l’esprit d’invention, la faculté d’adaptation et d’assimilation, l’esprit d’indépendance et de liberté, l’énergie et la confiance en l’avenir, qui ont distingué notre nation, ne sont pas des causes mais des résultats sortis de la terre libre. Ce domaine public a été la force qui a changé le paysan européen économe et sans ambition en ce fermier de l’Ouest qui est si confiant en lui-même ; il a donné un sentiment de liberté même à l’habitant des cités populeuses, et a fait naître l’espérance même pour ceux qui n’ont jamais pensé à s’y réfugier. En Europe, l’enfant du peuple lorsqu’il arrive à l’âge d’homme trouve au banquet de la vie tous les sièges marqués « retenus, » et il doit lutter avec ses compagnons pour ramasser les miettes qui tombent, sans avoir seulement une chance sur mille de gagner, soit par la force, soit par la ruse, un siège. En Amérique, quelle que soit sa condition, il a toujours le sentiment que le domaine public est derrière lui ; et la connaissance de ce fait, agissant et réagissant, a pénétré notre vie nationale tout entière, lui donnant la générosité et l’indépendance, l’élasticité et l’ambition. Tout ce dont nous sommes fiers dans le caractère américain ; tout ce qui fait nos conditions d’existence et nos institutions meilleures que celles des vieux pays, nous pouvons l’attribuer au fait que la terre a été bon marché aux États-Unis, que les terres nouvelles étaient ouvertes à l’émigrant.

Mais voilà que nous avons atteint le Pacifique. Nous ne pouvons pas aller plus loin à l’ouest, et la population augmentant ne peut maintenant que se répandre au nord et au sud et remplir ce qui a été traversé. Au nord, elle remplit déjà la vallée de la Rivière Rouge, débordant dans celle de la Saskatchewan, et dans le territoire de Washington ; au sud, elle couvre le Texas occidental, et envahit les vallées arables du Nouveau Mexique et d’Arizona.

La République est entrée dans une nouvelle période, période où le monopole de la terre fera sentir rapidement ses effets. Le grand fait qui a été si puissant a cessé d’être. Le domaine public a presque entièrement disparu, dans quelques années, l’influence de son existence, déjà si diminuée, sera détruite. Je ne veux pas dire qu’il n’y aura plus de domaine public. Car, pendant longtemps encore, des millions d’acres de terres publiques seront portés sur les livres du Land departement. Mais on doit se rappeler que la meilleure partie du continent au point de vue agricole, est déjà occupée, et que c’est la terre la plus pauvre qui reste. On doit se rappeler que ce qui reste renferme les grandes étendues montagneuses, les déserts stériles, les hauts plateaux, bons seulement à faire des pâturages. Et l’on doit se rappeler que beaucoup de ces terres qui figurent sur les livres comme ouvertes à la colonisation, sont des terres non inspectées, qui ont été appropriées ou louées, ce qu’on ne sait que lorsque ces terres sont soumises à l’inspection. La Californie figure sur les livres du Land departement comme le plus grand domaine de l’État, renfermant près de 100,000,000 acres de terre publique, quelque chose comme un douzième du domaine public entier. Et, cependant, cette même étendue est si bien occupée par des concessions de chemin de fer, ou par des établissements du genre de ceux dont je viens de parler ; ou consiste en montagnes incultivables ou en plaines qu’il faudrait irriguer ; ou bien encore est tellement monopolisée par des locations qui commandent l’eau, qu’en fait, il est difficile de désigner à l’émigrant une partie quelconque de l’État où il pourrait prendre une ferme, sur laquelle il pourrait travailler et faire vivre une famille ; si bien que souvent l’émigrant, fatigué de chercher cette ferme, finit par acheter de la terre ou par la prendre à ferme. Ce n’est pas que la terre soit réellement rare en Californie, car, avec son autonomie, la Californie aura un jour une population égale à celle de la France, mais l’appropriation a été plus vite que le colon, et s’arrange pour garder l’avance sur lui.

Il y a douze ou quinze ans, feu le sénateur Ben Wade de l’Ohio a dit, dans un discours au Sénat des États-Unis, qu’à la fin de ce siècle, chaque acre de terre cultivable ordinaire aux États-Unis, vaudrait 50 dollars d’or. Il est déjà clair, que s’il se trompait en quelque chose, c’était en fixant une date trop éloignée. Dans les vingt et une années qui restent encore à passer pour atteindre la fin de ce siècle, si notre population continue à augmenter dans les mêmes proportions que depuis la fondation de notre République, en en exceptant la période de la guerre civile, notre population de quarante-cinq millions environ, augmentera de sept millions sur les chiffres donnés par le recensement de 1870.

Il n’y a pas à mettre en doute la capacité des États-Unis pour supporter une pareille population, et des centaines de millions d’hommes en plus, et avec une organisation sociale convenable, pour les entretenir dans une aisance plus grande ; mais en regard d’un tel accroissement de population, que reste-t-il du domaine public encore libre ? Pratiquement, il cessera bientôt d’exister. Il se passera longtemps avant qu’il soit tout entier employé, mais très rapidement tout ce dont l’homme peut tirer quelque chose, aura un possesseur.

Mais les mauvais effets de cette appropriation par quelques-uns de la terre de tout un peuple, n’attendront pas la disparition finale de la terre publique pour se faire sentir. Il n’est pas nécessaire de les chercher dans l’avenir, nous pouvons les observer dès maintenant. Ils ont grandi avec nous et augmentent encore.

Nous labourons de nouveaux champs, nous ouvrons de nouvelles mines, nous fondons de nouvelles villes ; nous ajoutons découverte sur découverte, nous utilisons invention après invention ; nous construisons des écoles et dotons des collèges ; et malgré cela il ne devient pas plus facile à la masse de notre peuple, de gagner de quoi vivre. Au contraire, cela devient plus difficile. La classe riche devient de plus en plus riche ; mais la classe pauvre est de plus en plus dépendante. Le fossé qui sépare celui qui emploie de celui qui est employé, se creuse davantage ; les contrastes sociaux sont plus grands ; la voiture blasonnée apparaît en même temps que l’enfant mourant de faim. Nous commençons à prendre l’habitude de parler des classes ouvrières et des classes qui possèdent ; les mendiants deviennent si communs que là où autrefois on regardait comme un crime presque semblable à un vol, le refus d’un repas à celui qui en demandait un, la porte aujourd’hui est barricadée, le chien détaché, et qu’on fait contre les vagabonds des lois qui rappellent celles d’Henri VIII.

Nous nous appelons nous-mêmes le peuple le plus progressiste de la terre. Mais quelle sera la fin de notre progrès, si les fruits que nous recueillons aujourd’hui sur la route sont ceux-là ?

Ils sont les résultats de la propriété privée de la terre — les effets d’une cause qui doit agir avec une force toujours croissante. Ce n’est pas que les travailleurs aient augmenté plus rapidement que le capital ; ce n’est pas que la population dépasse les moyens de subsistance ; ce n’est pas que les machines aient rendu « l’ouvrage rare ; » ce n’est pas qu’il y ait un réel antagonisme entre le travail et le capital ; c’est simplement que la terre a acquis plus de valeur ; que les conditions auxquelles le travail peut obtenir l’accès des substances et forces naturelles qui lui permettent seules de produire, deviennent de plus en plus dures. Le domaine public se resserre, diminue. La propriété de la terre se concentre. Le nombre de nos compatriotes qui n’ont pas de droit légal à la terre sur laquelle ils vivent, devient constamment plus grand.

Le World de New-York dit : « Un propriétaire ne résidant pas, comme en Irlande, commence à devenir la caractéristique de grands districts agricoles de la Nouvelle-Angleterre, propriétaire, ajoutant chaque année à la valeur nominale des fermes tenues à bail ; augmentant chaque année la rente demandée, et dégradant le caractère des tenanciers. » Et la Nation faisant allusion au même pays, dit : « accroissement de la valeur nominale de la terre, rentes plus élevées, de moins en moins de fermes occupées par leurs propriétaires ; un produit diminuant ; des salaires plus bas ; une population plus ignorante ; un nombre croissant de femmes employées à des travaux extérieurs pénibles (signe le plus sûr d’une civilisation déclinante) ; et une décadence croissante dans la manière de cultiver — voilà ce que beaucoup de faits forcent absolument à constater. »

On observe la même tendance dans les nouveaux États où les grandes étendues mises en culture rappellent les latifundia qui ruinèrent l’ancienne Italie. En Californie, une grande partie des fermes paient la rente chaque année, suivant des taux qui varient entre le quart ou la moité de la récolte.

Les temps plus durs, les salaires plus bas, la pauvreté augmentant, que l’on observe aux États-Unis, ne sont que les résultats des lois naturelles que nous avons exposées, lois aussi universelles et aussi irrésistibles que la loi de gravitation. Nous n’avons pas établi la République, quand, en face des principautés et des puissances, nous avons lancé la déclaration des droits inaliénables de l’homme ; nous n’établirons jamais la République tant que nous ne porterons pas dans la pratique cette déclaration, en assurant à l’enfant le plus pauvre naissant parmi nous, un droit égal à son sol natal ! Nous n’avons pas aboli l’esclavage quand nous avons ratifié le Quatorzième Amendement ; pour abolir l’esclavage, il faut que nous abolissions la propriété privée de la terre ! À moins que nous revenions aux premiers principes, à moins que nous reconnaissions les perceptions naturelles d’équité, à moins que nous reconnaissions le droit égal de tous à la terre, nos institutions libres ne serviront de rien ; nos écoles communes n’auront pas de résultat ; nos découvertes et nos inventions ne feront qu’accroître la force qui écrase les masses.