Principes mathématiques de la philosophie naturelle/I/2


SECONDE SECTION.


De la recherche des forces centripetes.


PROPOSITION I. THÉOREME I.


Dans les mouvemens curvilignes des corps, les aires décrites[1] autour d’un centre immobile, ſont dans un même plan immobile, & ſons proportionnelles au temps.

Suppoſé que le temps ſoit diviſé en parties égales, & que dans la premiere partie de ce temps, le corps, par la force qui lui a été imprimée, décrive la ligne AB : ſuivant la premiere loi du mouvement dans un ſecond temps égale au premier, il décriroit, ſi rien ne l’en empêchoit, la droite BC = AB ; Donc en tirant au centre S, les rayons AS, BS, cS, les aires ASB, BSc ſeroient égales. Suppoſé que lorſque ce corps eſt arrivé en B, la forceFig. 13. centripete agiſſe ſur lui par un ſeul coup, mais aſſez puiſſant pour l’obliger à ſe détourner de la droite Bc & à ſuivre la droite BC. Si on tire la ligne Cc parallele à BS, laquelle rencontre BC en C, à la fin de ce ſecond temps, le corps, (ſelon le I. Corollaire des loix) ſera en C dans le même plan que le triangle ASB.

En tirant enſuite la ligne SC, le triangle SBC ſera égal au triangle SBc, à cauſe des paralleles SB, Cc, donc il ſera auſſi égal au triangle SAB.

De même, ſi la force centripete agit ſucceſſivement ſur le corps en C, D, E, &c. & qu’elle lui faſſe décrire à chaque petit portion de temps les droites CD, DE, EF, &c. ces lignes ſeront toutes dans le même plan ; & le triangle SCD ſera égal au triangle SBC, le triangle SDE au triangle SCD, & le triangle SEF au triangle SDE. Ce corps décrira donc en des temps égaux des aires égales dans un plan immobile : & en compoſant, les ſommes des aires quelconques SADS, SAFS ſeront entr’elles comme les temps employés à les décrire.

Qu’on imagine maintenant que le nombre des triangles augmente & que leur largeur diminue à l’infini ; il eſt clair (par le Cor. 4. du Lemme 3.) que leur dernier périmétre ADF, ſera une ligne courbe. Donc la force centripete, qui retire le corps à tout moment de la tangente de cette courbe, agit ſans interruption, & les aires quelconques SADS, SAFS, qui étoient proportionnelles aux temps employés à les décrire, leur ſeront encore proportionnelles dans ce cas. C.Q.F.D

Cor. 1. La vîteſſe d’un corps attiré vers un centre immobile dans un eſpace non réſiſtant, evt réciproquement comme la perpendiculaire tirée de ce centre à la ligne qui touche la courbe au lieu où le corps ſe trouve ; car la vîteſſe de ce corps aux lieux A, B, C, D, E, eſt proportionnelle aux baſes AB, BC, CD, DE, EF des triangles égaux ; & ces baſes ſont entr’elles en raiſon réciproque des perpendiculaires qui leur ſont abaiſſées du centre.

Cor 2. Si on fait un parallélogramme ABCV, ſur les cordes AB, BC, de deux arcs ſucceſſivement parcourus par le même corps en des temps égaux dans des eſpaces non réſiſtans, & que la diagonale BV de ce parallélogrammem ait la même poſition que celle qu’elle a à la fin, lorſque ces arcs diminuent l’infini, cette diagonale prolongée paſſera par le centre des forces.

Cor. 3. Si on fait les parallélogrammes ABCV, DEFZ, ſur les cordes AB, BC & DE, EF des arcs décrits en temps égaux dans des eſpaces non réſiſtans, les forces en B & en E ſeront entr’elles dans la derniere raiſon des diagonales BV, EZ, lorſque ces arcs diminueront à l’infini ; car les mouvemens du corps, ſuivant les lignes BC & EF, ſont compoſés (par le Cor. I. des loix) des mouvemens ſuivant les lignes Bc, BV & Ef, EZ : or, BV & EZ, qui ſont égales à Cc, & à Ff, ont été parcourues par les impulſions de la force centripete en B & en E, ſelon ce qui a été démontré dans cette propoſition ; donc elles ſont proportionnelles à ces impulſions.

Cor. 4. Les forces par leſquelles les corps, qui ſe meuvent dans des eſpaces libres, ſont détournés du mouvement rectiligne & contraints à décrire des courbes, ſont entr’elles comme les fléches des arces évanouiſſants parcourus en temps égaux, & ces fléches convergent vers le centre des forces, & coupent les cordes des arcs évanouiſſants en deux parties égales ; car ces fléches ſont la moitié des diagonales dont on vient de parler dans le Cor. 3.

Cor. 5. Ainſi ces mêmes forces ſont à la force de la gravité comme les fléches des arcs décrits ſont aux fléches verticales des arcs paraboliques que les projectiles décrivent dans le même temps.

Cor. 6. Tout ce qui a été démontré juſqu’ici ſera encore vrai, par le Cor. 5. des loix, lorſque les plans dans leſquels les corps ſe meuvent, & les centres des forces placés dans ces plans, au lieu d’être en repos, ſe mouveront uniformément en ligne droite.


PROPOSITION II. THÉOREME II.


La force centripete d’un corps qui ſe meut dans une ligne courbe décrite ſur un plan, & qui parcourt autour d’un point immobile, ou mû uniformément en ligne droite, des aires proportionnelles au temps, tend néceſſairement à ce point.

Cas I. Tout corps qui ſe meut dans une courbe eſt détourné du mouvement rectiligne par une force qui agit ſur lui, par la premiere loi ; & cette force qui contraint le corps à ſe détourner de la ligne droite, & à décrire en temps égaux les petits triangles égaux SAB, SBC, SCD, &c. autour du point immobile S, agit au lieu B ſuivant la ligne BS ; & au lieu C ſuivant une ligne parallele à dD, c’eſt-à-dire ſuivant la ligne SC, &c. Elle agit donc toujours ſelon des lignes qui tendent à ce point immobile S. C.Q.F.D.

Cas. 2. Et par le Corollaire 5. des loix, le mouvement du corps eſt le même, ſoit que la ſuperficie dans laquelle s’éxécute ce mouvement ſoit en repos, ſoit qu’elle ſe meuve uniformément en ligne droite en emportant avec elle le centre, la courbe décrite, & le corps décrivant.

Cor. I. Dans les eſpaces ou milieux non réſiſtans, ſi les aires ne ſont pas proportionnelles au temps, les forces centripetes ne tendent pas au concours des rayons ; mais elles déclinent vers le côté vers lequel le corps ſe meut ſi la deſcription des aires eſt accélérée ; & elles déclinent vers le côté oppoſé ſi elle eſt retardée.

Cor. 2. Dans les mileux réſiſtans, ſi la deſcription des aires eſt accélérée, les directions des forces déclinent auſſi vers le côté vers lequel le mouvement du corps eſt dirigé.

SCHOLIE.

Le corps peut être animé par une force centripete compoſée de pluſieurs forces. Dans ce cas, le ſens de la Propoſition précédente eſt, que la force qui réſulte de toutes les autres tend au point S. De plus, ſi quequ’autre force agit continuellement ſelon une ligne perpendiculaire à la ſuperficie décrite, le corps ſe détournera du plan de ſon mouvement ; mais la quantité de la superficie décrite n’augmentera ni ne diminuera, ainſi on peut la négliger dans la compoſition des forces.


PROPOSITION III. THÉOREME III.


Si un corps décrit autour d’un autre corps qui ſe meut d’une façon quelconque des aires proportionnelles au temps, la force qui anime le premier eſt compoſée d’une force qui tend vers le ſecond, & de toute la force accélératrice par laquelle ce ſecond corps eſt animé.

Soit le premier corps L, & le ſecond T : Si une force nouvelle égale & contraire à celle qui agit ſur le corps T, agit ſur ces deux corps, ſelon des lignes paralleles, le premier corps L continuera, par le Cor. 6. des loix, à décrire autour du corps T les mêmes aires qu’auparavant ; mais la force qui agiſſoit ſusr le corps T ſera détruite par cette nouvelle force qu’on a ſupposé lui être égale & contraire. Donc, par la premiere loi, ce corps T abandonné à lui-même demeurera en repos, ou ſe mouvera uniformément en ligne droite ; & le corps L, qui eſt animé alors par la différence de ces forces, c’eſt-à-dire par la force reſtante, continuera à décrire des aires proportionnelles au temps autour du corps T. Donc par le Théor. 2. la différence de ces forces tend vers le corps T comme à ſon centre. C.Q.F.D.

Cor. 1. Il ſuit de-là, que ſi un corps L décrit autour d’un autre corps des aires proportionnelles au temps, & que de la force totale qui preſſe le corps L, ſoit ſimple, ſoit compoſée de pluſieurs forces, ſelon le Cor. 2. des loix, on ſouſtrait toute la force accélératrice qui agit ſur l’autre corps ; la force reſtant par laquelle le corps L eſt animé, tendra tout entiere vers l’autre corps T comme centre.

Cor. 2. Et ſi ces aires ne s’éloignent pas beaucoup d’être proproportionnelles au temps, la force reſtante ſera à peu près dirigée vers le corps T.

Cor. 3. Et réciproquement, ſi la force reſtante tend à peu près vers le corps T, les aires ſeront à peu près proportionnelles au temps.

Cor. 4. Si le corps L décrit autour du corps T des aires qui s’éloignent beaucoup de la proportionnalité des temps, & que ce corps T ſoit en repos, ou qu’il ſe meuve uniformément en ligne droite, la force centripete qui tend vers ce corps eſt nulle, ou bien elle eſt mélée & compoſée avec d’autres forces très puiſſantes ; & la force totale, compoſée de toutes ces forces, s’il y en a pluſieurs, ſera dirigée vers un autre centre mobile ou immobile. Il en eſt de même, lorſque le corps T ſe meut d’un mouvement quelconque, pourvû que l’on prenne pour force centripete, celle qui reſte après qu’on a ſouſtrait la force totale qui agit ſur le corps T.

SCHOLIE.

Comme la deſcription des aires égales en temps égaux marque que le corps qui décrit ces aires éprouve l’action d’une force qui agit ſur lui, qui le retire du mouvement rectiligne, & qui le retient dans ſon orbite ; pourquoi ne prendrions-nous pas dans la ſuite cette deſcription égale des aires pour l’indice d’un centre autour duquel ſe fait tout mouvement circulaire dans des eſpaces non réſiſtans ?


PROPOSITION IV. THÉOREME IV.


Les corps qui parcourent uniformément différens cercles ſont animés par des forces centripetes qui tendent au centre de ces cercles, & qui ſont entr’elles comme les quarrés des arcs décrits en temps égal, diviſés par les rayons de ces cercles.

Ces forces tendent au centre des cercles par la Propoſition 2, & le Corollaire 2. de la Propoſition 1. & elles ſont entr’elles, par le Corollaire 4. de la Propoſition 1. comme les ſinus verſes des arcs décrits dans de très petits temps égaux, c’eſt-à-dire par le Lemme 7. comme les quarrés de ces mêmes arcs diviſés par les diamétres de leurs cercles. Or, comme ces petits arcs ſont proportionnels au arcs décrits dans des temps quelconques égaux, & que les diamétres ſont comme les rayons, les forces ſeront comme les quarrés des arcs quelconques décrits dans des temps égaux diviſés par les rayons. C.Q.F.D.

Cor. I. Comme ces arcs ſont proportionnels aux vîteſſes des corps, les forces centripetes ſeront en raiſon compoſée de la raiſon doublée des vîteſſes directement, & de la raiſon ſimple des rayons inverſement.

Cor. 2. Et comme les temps périodiques ſont en raiſon compoſée de la raiſon directe des rayons, & de la raiſon inverſe des vîteſſes ; les forces centripetes ſeront en raiſon compoſée de la raiſon directe des rayons, & de la raiſon doublée inverſe des temps périodiques.

Cor. 3. Donc, ſi les temps périodiques ſont égaux, & que les vîteſſes ſoient par conſéquent comme les rayons ; les forces centripetes ſeront auſſi comme les rayons : & au contraire.

Cor. 4. Si les temps périodiques & les vîteſſes ſont en raiſon ſousdoublée des rayons ; les forces centripetes ſeront égales entre elles ; & au contraire.

Cor. 5. Si les temps périodiques ſont comme les rayons, & que par conſéquent les vîteſſes ſoient égales, les forces centripetes ſeront en raiſon renverſée des rayons : & au contraire.

Cor. 6. Si les temps périodiques ſont en raiſon ſeſquiplée des rayons, & que par conſéquent les vîteſſes ſoient réciproquement en raiſon ſousdoublée des rayons ; les forces centripetes ſeront réciproquement comme les quarrés des rayons : & au contraire.

Cor. 7. Et généralement, ſi le temps périodique eſt comme une puiſſance quelconque Rn du rayon, & que par conſéquent la vîteſſe ſoit réciproquement comme la puiſſance Rn-1 du rayon, la force centripete ſera réciproquement comme la puiſſance R2n-1 du rayon : & au contraire.

Cor. 8. On peut trouver de la même maniere tout ce qui concerne les temps, les vîteſſes et les forces avec leſquelles les corps décrivent des parties ſemblables de figures quelconques ſemblables, qui ont leurs centres poſés de même dans ces figures ; il ne faut pas pour ces cas d'autres démonſtrations que les précédentes, pourvû qu’on ſubſtitue la deſcription égale des aires au mouvement uniforme, & qu’on mette les diſtances des corps aux centres à la place des rayons.

Cor. 9. Il ſuit auſſi de la même démonſtration, que l’arc qu’un corps décrit pendant un temps quelconque en tournant uniformément dans un cercle en vertu d’une force centripete donnée, eſt moyen proportionnel entre le diamétre de ce cercle & la ligne que le corps parcoureroit en tombant par la même force donnée & pendant le même temps.

SCHOLIE.

Le cas du Corollaire 6. eſt celui des corps céléſtes, (comme nos Compatriotes Hook, Wren & Halley l’ont chacun conclu des obſervationſ) c’eſt pourquoi j’expliquerai fort au long dans la ſuite de cet Ouvrage tout ce qui a rapport à la force centripete qui décroît en raiſon doublée des diſtances au centre.

De plus, par la Propoſition précédent & par ſes Corollaires, on peut trouver la proportion qui eſt entre la force centripete & une force quelconque connue, telle que la gravité ; car ſi le corps tourne dans un cercle concentrique à la terre par la force de la gravité, la gravité ſera ſa force centripete ; or, connoiſſant d’un côté la deſcente des graves, & de l’autre le temps de la révolution, & l’arc décrit dans un temps quelconque, on aura par le Corollaire 9. de cette Propoſition la proportion cherchée entre la gravité & la force centripete. C’eſt par des propoſitions ſemblables que M. Hugens, dans ſon excellent Traité de Horollogio oſcillatorio, a comparé la force de la gravité avec les forces centrifuges des corps qui circulent.

On pourroit encore démontrer cette propoſition de cette maniere. Soit ſuppoſé un Polygone d’un nombre de côtés quelconques inſcrit dans un cercle. Si le corps, en parcourant les côtés de ce Poligone avec une vîteſſe donnée, eſt réfléchi par le cercle à chacun des angles de ce Poligone, la force avec laquelle ce corps frappe le cercle à chaque réfléxion ſera comme ſa vîteſſe : donc la ſomme des forces en un temps donné ſera comme cette vîteſſes multipliée par le nombre des réfléxions, c’eſt-à-dire, (ſi le Poligone eſt donné d’eſpece) comme la ligne parcourue dans ce temps, laquelle doit être augmentée ou diminuée dans la raiſon qu’elle a elle-même au rayon de ce cercle ; c’eſt-à-dire, comme le quarré de cette ligne diviſé par le rayon : ainſi ſi les côtés du Poligone diminuant à l’infini, le Poligone vient à coïncider enfin avec le cercle, la ſomme des forces ſera alors comme le quarré de l’arc parcouru dans un temps donné diviſé par le rayon. C’eſt là la meſure de la force centrifuge avec laquelle le corps preſſe le cercle ; & cette force eſt égale & contraire à la force par laquelle ce cercle repouſſe continuellement le corps vers le centre.


PROPOSITION V. PROBLÉME I.


Trouver le point auquel tendent comment centre les forces qui font une courbe donnée, lors qu’on connoît la vîteſſe du corps à chaque point de cette courbe.

Que les lignes PT, TQV, VR,, qui ſe rencontrent aux points Fig. 14. T & V, touchent la courbe donnée dans les points P, Q, R,, que l’on mene enſuite par ces points & perpendiculairement aux tangentes les droites PA, QB, RC, réciproquement proportionnelles aux vîteſſes dans les mêmes points ; c’eſt-à-dire, de ſorte que PA ſoit à QB comme la vîteſſe au point Q eſt à la vîteſſe au point P, & que QB ſoit à RC comme la vîteſſe au point R à la vîteſſe a point Q. Cela fait, ſoient menées à angles droiſt par les extrémités A, B, C, de ces perpendiculaires les lignes AD, DBE, EC, qui ſe rencontrent en D & en E : & en tirant les lignes TD, VE, elles ſe rencontreront au centre cherché S.

Car les perpendiculaires tirées du centre S aux tangentes PT, QT ſont (par le Cor. 1. de la Prop. 1) réciproquement comme les vîteſſes du corps aux points P & Q ; donc par la conſtruction elles ſeront comme les perpendiculaires AB, BQ directement, c’eſt-à-dire, comme les perpendiculaires abaiſſées du point D ſur ces tangentes. D’où l’on dire facilement, que les points S, T, D, ſont dans une même ligne droite. On prouvera par le même raiſonnement que les points S, E, V ſont auſſi dans une même ligne droite ; donc le centre S ſe trouvera dans l’interſection des lignes TD, VE. C.Q.F.D.


PROPOSITION VI. THÉORÉME V.


Si un corps décrit autour d’un centre immobile un orbe quelconque dans un eſpace non réſiſtant, & qu’on ſuppoſe que la fléche de l’arc naiſſant que ce corps parcount dans un temps infiniment petit, & qui partage ſa corde en deux parties égales, paſſe, étant prolongée par le centre des forces : la force centripete dans le mileu de l’arc ſera en raiſon directe de cette fléche, & en raiſon doublée inverſe du temps.

Par le Cor. 4. de la Prop 1. la fléche dans un temps donné eſt comme la force ; donc, en augmentant le temps en une raiſon quelconque, la fléche (par les Cor. 2 & 3. du Lemme 11.) augmentera dans la raiſon doublée du temps ; car l’arc augmente en même raiſon que le temps, donc la fléche eſt en raiſon ſimple de la force, & en raiſon doublée du temps, & ſouſtrayant de part & d’autre la raiſon doublée du temps, la force ſera en raiſon directe de la fléche, & en raiſon doublée inverſe du temps. C.Q.F.D.

On pourroit auſſi démontrer facilement cette Propoſition par le Cor. 4. du Lemme 10.

Cor. 1. Si le corps P en tournant autour du centre S décrit la courbe APQ, & que cette courbe ſoit touchée par la ligne ZPR en un point quelconque P, que d’un autre point quelconque Q de cette courbe, on tire QR paralléle à SP, & qu’on abaiſſeFig. 15. QT perpendiculaire ſur SP : la force centripete ſera réciproquement comme la quantité que devient lorſque les points P & Q coïncident ; car QR eſt égale à la fléche de l’arc double de QP, dont le mileu eſt P, & le double du triangle SQP ou SP × QP eſt proportionnel au temps dans lequel cet arc double eſt décrit ; ainſi on peut l’écrire à la place de ce temps.

Cor. 2. On prouvera par le même raiſonnement que la force centrepite eſt réciproquement comme la quantité pourvû que SY ſoit abaiſſée perpendiculairement du centre les forces ſur la tangente PR de l’orbite ; car les rectangles SY × QP & SP × QT ſont égaux.

Cor. 3. Si l’orbe PQ eſt un cercle dont la droite PV, qui paſſe par le corps & par le centre les forces, ſoit une corde, ou que cet orbe PQ ait pour cercle oſculateur le cercle dont la corde eſt PV, la force centripete ſera réciproquement comme la quantité SQ2 × PV ; car dans cette ſuppoſition

Cor. 4. Les mêmes choſes étant poſée, la force centripete eſt dans la raiſon doublée directe de la vîteſſe, & dans la raiſon inverſe de la corde PV ; car le Cor. 1. de la Propoſ. I. la vîteſſe eſt réciproquement comme la perpendiculaire SY.

Cor. 5. Donc, ſi on a une figure curviligne quelconque APQ, & dans cette figure un point donné S, vers lequel la force centripete ſoit perpétuellement dirigée, on pourra trouver la loi de la force cetnripete, par laquelle un corps quelconque P ſera retiré à tout moment du mouvement rectiligne & retenu dans le périmetre de cette figure, en cherchant la valeur du ſolide , ou celle du ſolide , qui ſont réciproquement proportionnels à cette force. Nous en donnerons des éxemples dans les Problémes ſuivans.


PROPOSITION VII. PROBLÉME II.


Trouver la loi de la force centripete qui tend à un point donné, & qui fait décrire à un corps la circonférence d’un cercle.


Fig. 16.Soient VQPA la circonvéhence du cercle ; S le point donné vers lequel la force fait tendre le corps comme à ſon centre ; P un lieu quelconque où l’on ſuppoſe le corps arrivé ; Q le lieu conſécutif ; PRZ la tangente du cercle au point P ; & PV la corde qui paſſe par S. Soient de plus VA le diametre qui paſſe par V ; AP la corde tirée de A à P ; QT une perpendiculaire à PV, laquelle étant prolongée rencontre la tangente PR en Z ; RL la parallele à PV qui paſſe par Q, & qui rencontre le cercle en L, & la tengente PZ en R.

Cela poſé, à cauſe des triangles ſemblables ZQR, ZTP, VPA ; on aura RP2, c’eſt-à-dire,  : QT2 :: AV2 : PV2 ; donc  ; multipliant préſentement cette équation par & écrivant PV au lieu de RL, ce qui eſt permis lorſque les points P & Q coïncident, on aura donc, par les Corol. 1. & 5. de la Prop. 6. la force centripete ſera réciproquement comme c’eſt-à-dire, à cauſe que AV2 eſt donné, réciproquement comme le quarré de la diſtance ou hauteur SP multipliée par le cube de la corde PV. C.Q.F.T.

AUTRE SOLUTION.

Soit menée la perpendiculaire SY ſur la tangente PR prolongée ; à cauſe des triangles ſemblables SYP, VPA, on aura AV : PV :: SP : SY. Donc , & . Donc par les Cor. 3. & 5. de la Prop 6. la force centripete eſt réciproquement comme c’eſt-à-dire, à cauſe que AV eſt donnée, réciproquement comme . C.Q.F.T.

Cor. 1. Donc, ſi le point donné S, auquel la force centripete tend ſans ceſſe, ſe trouve dans la circonférence de ce cercle, comme en V ; la force centripete ſera réciproquement comme la cinquiéme puiſſance de la hauteur SP.

Fig. 17.Cor. 2. La force par laquelle le corps P décrit le cercle APTV autour du centre S des forces, eſt à la force par laquelle ce même corps P peut tourner dans le même tems périodique & dans le même cercle autour d’un autre centre quelconque de forces R, comme à SG3, SG étant une droite menée parallelement à RP, & terminée par la tangente PG.

Car par la conſtruction, la premiere force eſt à la derniere comme à c’eſt-a-dire, comme à , ou bien, à cauſe des triangles ſemblables PSG, TPV, comme à SG3.

Cor. 3. La force par laquelle le corps P circule dans un orbe quelconque autour d’un centre de forces S, eſt à la force, par laquelle ce même corps P peut circuler dans le même temps périodique & dans le même orbe autour d’un autre centre quelconque R de forces, comme à SG3, c’eſt-à-dire, comme la diſtance du corps au premier centre des forces S, multipliée par le quarré de la diſtance au ſecond centre R, eſt au cube de la ligne SG tirée du premier centre S parallelement à la diſtance du ſecond centre, & terminée par la tangente PG de l’orbite. Car les forces dans cet orbe ſont les mêmes à un de ſes points quelconques P, que dans le cercle qui a la même courbure.


PROPOSITION VIII. PROBLÉME III.


On demande la loi de la force centripete dans le cas où le corps décrivant un demi-cercle PQA tend continuellement vers un point S ſi éloigné, que toutes les ligens PS, RS tirées à ce point peuvent être regardées comme paralleles.


Fig. 18.Par le centre C de ce demi cercle, ſoit tiré le demi diametre CA coupé perpendiculairement en M & en N par les directions de la force centripete. Tirant CP, on aura, à cauſe des triangles ſemblables, CPM, PZT & RZQ, CP2 : PM2 :: PR2 : QT2 & par la nature du cercle (les points Q & P coïncidant) . Donc CP2 : PM2 ::  : QT2 donc & , donc, par les Corol. 1. et 5. de la Prop 6. la force centripete eſt réciproquement comme , c’eſt-à-dire (en négligeant la raiſon déterminée de ) réciproquement comme PM3. C.Q.F.T.

On tireroit facilement la même choſe de la Propoſition précédente.

SCHOLIE.

Par un raiſonnement à peu près ſemblable, on trouveroit que ſi le corps décrivoit une ellipſe, une hiperbole, ou une Parabole, en vertu d’une force centripete dirigée à un point très-éloigné, cette force centripete ſeroit encore réciproquement comme le cub de l’ordonnée qui tend à ce point.


PROPOSITION IX. PROBLÉME IV.


Suppoſé que le corps tourne dans une ſpirale PQS qui coupe tous les rayons SP, SQ, &c. ſous un angle donné : on demande la loi de la force centripete qui tend au centre de cette ſpirale.

Fig. 19.Soit ſuppoſé conſtant l’angle indéfiniment petit PSQ, la figure SPRQT, ayant tous ſes angles conſtans, ſera donnée d’eſpece ; donc ſera donnée auſſi ; donc ſera comme SP, parce-que, comme on vient de le dire, SPRQT eſt donnée d'eſpece.

Suppoſons préſentement que l’angle PSQ change ſelon une loi quelconque, la droite QR qui ſouſtend l’angle de contact QPR changera, par le Lemme 11. en raiſon doublée de PR ou de QT. De-là il ſuit, que la raiſon de demeurera la même qu’auparavant, c’eſt-à-dire qu’elle ſera encore comme SP. C’eſt pourquoi ſera comme SP3 ; donc par les Corol. 1. & 5. de la Prop. 6. la force centripete ſera réciproquement proportionnelle au cube de la diſtance SP. C.Q.F.T

AUTRE SOLUTION.

La perpendiculaire SY abaiſſée ſur la tangente, & la corde PV du cercle oſculateur étant en raiſon donnée avec SP, SP3 eſt proportionnel à , c’eſt-à-dire, par les Cor. 3. & 5. de la Prop. 6. réciproquement proportionnel à la force centripete.

LEMME XII.
Tous les parallélogrammes décrits autour des diametres quelconques conjugés d’une ellipſe ou d’une hyperbole donnée ſont égaux entr’eux.

Cette Propoſition eſt claire par les Coniques.


PROPOSITION X. PROBLÉME V.


Un corps circulant dans une ellipſe : on demande la loi de la force centripete qui tend au centre de cette ellipſe.


Fig. 20.Soit CA, CB, les demi-axes de l’ellipſe ; GP, DK d’autres diametres conjugués ; PF, QT, des perpendiculaires à ces diametres ; Qv une ordonnée au diametre GP ; ſi on acheve le parallélogramme QvPR, on aura par les coniques  :  :: PC2 : CD2. Mais à cauſe des triangles ſemblables QvT, PCF, Qv2 : QT2 :: PC2 : PF2. Donc, en compoſant ces raiſons, on aura  : QT2 :: PC2 : CD2, & PC2 : PF2, ou vG :  :: PC2 : . Si on écrit préſentement QR pour Pv, que l’on mette, à cauſe du Lemme 12. à la place de , & que l’on ſuppoſe vG égale à , ainſi qu’on le doit lorſque les points P & Q coïncident, on aura, en multipliant les extrémes & les moyens, . Donc, par le Cor. 5. de la Prop. 6. la force centripete ſera réciproquement comme , c’eſt-à-dire, à cauſe que eſt donnée, réciproquement comme  ; ou, ce qui revient au même, directement comme la diſtance PC. C.Q.F.T.

AUTRE SOLUTION.

Sur la droite PG de l’autre côté du point T par rapport à P, ſoit pris le point u en ſorte que Tu = Tv. Soit pris enſuite uV à vG, comme DC2 à PC2. Puiſque les coniques donnent Qv2 :  :: DC2 : PC2, on aura , & ajoûtant le rectangle de part & d’autre, il eſt clair que le quarré de la corde de l’arc PQ ſera égal au rectangle  ; donc le cercle qui touche la ſection conique en P & qui paſſe par le point Q paſſera auſſi par le point V. Suppoſez à préſent que les points P & Q ſe confondent, la raiſon de uV à vG, qui eſt la même que la raiſon de DC2 à PC2, deviendra la raiſon de PV à PG ou de PV à 2 PC ; donc , donc, par le Cor. 3. de la Propos. 6. la force par laquelle le corps P fait ſa révolution dans l’ellipſe, ſera réciproquement comme , c’eſt-à-dire, à cauſe que eſt donné, que cette force ſera directement comme PC. C.Q.F.T.

Cor. 1. La force eſt donc comme la diſtance du corps au centre de l’ellipſe : & réciproquement, ſi la force eſt comme la diſtance, le corps décrira ou une ellipſe dont le centre ſera le même que le centre des forces, ou le cercle dans lequel l’ellipſe peut ſe changer.

Cor. 2. Les temps périodiques des révolutions qui ſe font autour du même centre ſont égaux dans toutes les ellipſes ; car ces temps ſont égaux dans les ellipſes ſemblables (par les Cor. 3. & 8. de la Prop. 4.) ; mais dans les ellipſes qui ont le grand axe commun, ils ſont les uns aux autres directement comme les aires elliptiques totales, & inverſement comme les particules de ces aires décrites en temps égal, c’eſt-à-dire directement comme les petits axes, & inverſement comme les vîteſſes des corps dans les ſommets principaux, ou directement comme les petits axes, & inverſement comme les ordonnées au même point de l’axe commun. Mais ces deux raiſons directes & inverſes qui compoſent la raiſon des temps ſont alors égales ; dont les temps ſont égaux.

SCHOLIE.

Si le centre de l’ellipſe s’éloigne à l’infini, & qu’elle devienne une parabole, le corps ſe mouvera dans cette parabole ; & la force tendant alors à un centre infiniment diſtant, elle deviendra uniforme. C’eſt le cas traité par Galilée. Si (en changeant l’inclinaiſon du plan au cône coupé) la parabole ſe change en une hiperbole, le corps ſe mouvera dans le périmetre de cette hyperbole, la force centripete ſe changeant alors en force cetnrifuge ; & de même que dans le cercle ou l’ellipſe, ſi les forces tendent au centre de la figure placé ſur l’abſciſſe, en augmentant ou diminuant les ordonnées en une raiſon donnée quelconque, ou en changeant l’angle d’inclinaiſon des ordonnées ſur l’abſciſſe, ces forces augmenteront ou diminueront toujours en raiſon des diſtances au centre, pourvû que les temps périodiques demeurent égaux : ainſi dans toutes les courbes, ſi les ordonnées augmentent ou diminuent dans une raiſon donnée quelconque, ou que l’angle de ces ordonnées change d’une façon quelconque, le temps périodique & le centre des forces, qu’on ſuppoſe placé à volonté ſur l’abſciſſe, demeurans les mêmes, les forces centripetes aux extrémités des ordonnées correſpondantes ſeront entr’elles comme les diſtances au centre.



  1. Les aires décrites autour d’un centre ſont les eſpaces terminés par les rayons qui partent de ce centre, & par l’arc ſur lequel s’appuient ces rayons.