Traduction par Saint-Germain-Leduc et Aug. Planche.
Librairie de Guillaumin et Cie (2p. 419-427).


CHAPITRE XXXV.

CONTINUATION DU MÊME SUJET.


VI. — Du mode de banque en France.

§ 1. — Taxation sur la population de France au moyen de réglementations de la circulation monétaire.

Dans le monde naturel, le pouvoir réel produit est toujours en raison inverse du pouvoir apparent, — le bruyant tremblement de terre se bornant à renverser les murs d’une ville, tandis que le froid silencieux en désagrégeant les rocs et en aplanissant les montagnes, fournit à un monde microscopique les matériaux pour édifier des îles, qui probablement deviendront continents à l’occasion. Il en est de même du monde monétaire, — le financier habile trouvant toujours ses taxes les plus productives dans ces échanges pour lesquels le pence et le demi-pence sont nécessaires et non dans ceux qui ont besoin de l’assistance de l’or. Tabac, sel et bière acquittent donc de lourdes taxes, tandis que la soie et le velours, les perles et les diamants contribuent peu à tout revenu public. Le principal cependant parmi les objets sujets à la taxation est l’instrument qui entre dans tous les échanges, — la monnaie. Le travailleur a besoin de son aide lorsqu’il lui faut sel, tabac, bière ou drap. Le capitaliste doit l’avoir quand il veut ajouter à ses terres ; et sans elle la femme élégante serait forcée de ne point satisfaire son goût pour les soirées, les bals, l’opéra. Nulle part on n’a si bien compris cela qu’en France. Nulle part la politique d’un pays n’a tendu davantage à l’expulsion des métaux précieux, que ce fut le cas dans ces terribles siècles qui interviennent entre l’accession de la maison des Valois et celle de Bourbon. Nulle part, conséquemment, la centralisation ne fut plus complète, — la pauvreté du gouvernement plus régulière, — ou ses nécessités plus urgentes. Nulle part donc la fraude en matière de falsification des espèces du royaume ne fut pratiquée plus systématiquement et supportée avec plus de patience, — la dernière trace de tels procédés se retrouve sous le règne de Louis XVI. À peine cependant la fraude avait-elle disparu du monnayage, que nous la retrouvons sous une autre forme, celle des assignats ou papier-monnaie de la Révolution, — émis avec une telle licence, que leur valeur tomba graduellement, au point qu’il fallut la somme de 600 francs pour payer une livre de beurre.

De tous les instruments de taxation celui fourni par la réglementation de circulation est le plus pénétrant dans ses effets, — le plus productif dans les cas urgents, — le plus démoralisant dans son action, — et le plus ruineux en définitive. C’est au moyen de monnaie continentale, d’abord émise par petites quantités et au pair, mais ensuite portée à une telle quantité qu’il fallait cent dollars pour acheter un baril de farine, que le congrès primitif parvint à imposer un montant de taxation bien au-delà de ce qu’il eût réussi à imposer de toute autre manière. C’est au moyen d’assignats que le gouvernement de la première révolution française parvint à lever des impôts et par eux à équiper des armées qui repoussèrent l’invasion de 1792. C’est par des moyens semblables que le gouvernement de l’Autriche a ajouté des centaines de millions à son revenu dans le présent siècle, — rappelant le papier-monnaie déprécié et le remplaçant par celui que l’on promettait devoir être bon ; et répétant l’opération tant de fois, que pour des dollars qu’on eut à l’origine on se trouve n’avoir aujourd’hui qu’un peu plus d’un pence.

§ 2. — Banques privées s’établissant à la fin de la révolution. Elles sont consolidées en la banque de France Pouvoirs de monopole de cette institution. Elle a divers intérêts à produire oscillations dans la circulation.

Avec accroissement de richesse et de population, le pouvoir sur la circulation passa graduellement des mains du gouvernement à celles des négociants en monnaie, — ardents à l’exercer à leur bénéfice et à celui de ceux avec qui ils sont liés. Ce fut le cas en Angleterre et ce l’est maintenant en France.

À la fin de la révolution, — comme le crédit n’existait pas, — le numéraire était rare et le taux d’intérêt très-haut. La situation engageait fortement à ouvrir des comptoirs où l’on pût acheter et vendre la monnaie, autrement dit des banques. Il s’en ouvrit donc quelques-uns ; et si le gouvernement se fût abstenu d’intervenir, nul doute que la concurrence entre eux n’eût fourni graduellement un remède pour les embarras financiers d’alors. Napoléon cependant était fortement convaincu de la nécessité de maintenir et d’étendre cette même centralisation à laquelle son prédécesseur avait dû sa déchéance du trône ; et rien d’étonnant de le voir en 1804 décréter la consolidation d’une unique banque de France, et assurer à cette institution un monopole de la faculté d’émettre des billets de circulation. On voit toujours le soldat et le négociant former alliance étroite, — tous deux cherchant à faire fortune aux dépens du commerce. À peine toutefois l’alliance fut-elle formée que le premier se servit de l’autre pour ses propres desseins uniquement, — à peine la banque fut-elle créée, qu’elle fut requise de garantir à l’État une partie si considérable de son capital qu’elle se trouva dans un embarras sérieux au point qu’il fallut changer de système. Vint alors (1806) l’organisation définitive de l’institution sur le pied actuel avec un capital de 90.000.000 francs.

Tout en centralisant le pouvoir monétaire dans la capitale, le gouvernement retenait le droit d’autoriser la création de banques locales et de produire ainsi une action de contre-poids dans les provinces. Toutefois il exerça si peu ce pouvoir que les quarante années qui suivirent ne virent créer que dix de ces établissements, et tous d’un caractère si insignifiant, que leur capital réuni n’allait qu’à 24.000.000 francs, — et le montant total de leurs prêts à moins de 80.000.000. Telle fut la machine d’échange préparée pour un pays ayant une population beaucoup plus nombreuse que celle de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Cela se doit attribuer à l’excès de centralisation, comme le montre le passage suivant d’un livre que nous avons déjà plus d’une fois cité.

« Il n’y a peut-être pas une ville un peu considérable en France qui n’ait aspiré, soit dans un temps, soit dans un autre, à posséder une banque. Mais il suffit de savoir par combien de formalités inextricables il fallait passer pour obtenir un semblable privilège, quels obstacles il y avait à vaincre, quelles démarches à faire, quelles lenteurs à subir, pour comprendre qu’un grand nombre de villes ait renoncé à un avantage si difficile à conquérir. Obtenir l’autorisation d’établir une banque, c’était, même pour les villes les plus considérables et les mieux posées, une œuvre de longue haleine, une sorte de travail d’Hercule. Sauf les deux ou trois banques départementales qui s’étaient formées spontanément à l’issue de notre grande révolution, comme celles de Rouen et de Bordeaux, et dont l’existence est contemporaine de celle de la banque de France, toutes les autres n’ont pu être fondées qu’au prix de pénibles efforts, de longues et coûteuses démarches qui étaient bien faites pour dégoûter le commerce de s’engager dans une semblable voie. Je citerai pour exemple la banque de Toulouse, qui n’a pu s’établir qu’après plusieurs années de sollicitations, auxquelles s’étaient associés le conseil général du département, le conseil municipal de la ville et la plupart des hommes marquants du pays. Pendant plusieurs années, il a fallu fatiguer les bureaux du ministère et les abords du conseil d’État pour obtenir, quoi ? la chose du monde la plus simple, la formation d’une compagnie de banque au capital de 1.200.000 francs. La ville de Dijon, après des efforts pareils, a dû renoncer devant les résistances qu’elle rencontrait[1].

Ce fut, comme on le voit, le monopole presque complet en faveur de la grande banque, et la chose dura jusqu’à la révolution de 1848, où il se compléta par l’abolition de toutes les banques départementales. La tendance de l’action politique et financière de la France, — toujours opposée au développement d’activité locale, se manifeste ici dans toute sa plénitude, ainsi que ses résultats en révolutions politiques et financières. En telles matières, donc Paris peut être regardé comme étant la France, — tant le développement local a été insignifiant et flottant, ce qui nous autorise, dans l’examen où nous allons entrer, à ignorer l’existence d’établissement locaux de n’importe quelle sorte.

§ 3. — Fermeté dans le montant de la circulation d’usage. Les caisses financières ont leur origine dans les oscillations de la circulation non employée.

Le pouvoir de la banque devait dériver d’abord du privilège exclusif à elle accordé de fournir circulation ; et en second lieu de sa capacité d’offrir aux propriétaires de monnaie un lieu de sûr dépôt. Le crédit étant à peu près éteint, et ses billets au porteur étant d’un fort montant, — 500 francs, — il y eut au début peu à compter sur le premier ; et l’on voit qu’il s’en obtint très-peu d’après le fait que dans les deux premières années la circulation flotta entre 10.000.000 et 45.000.000 francs ; que dans la première année de l’établissement définitif de la banque comme elle est aujourd’hui constituée (1806), elle monta à 76.000.000 et tomba à 54.000.000, tandis que l’année suivante elle fut entre 74.000.000 et 107.000.000, La période, — étant une période de grande perturbation dans le monde politique, — n’était pas bien calculée pour produire confiance dans l’esprit de ceux qui avaient vu les charretées d’assignats, dont la valeur n’excédait que peu celle du papier qui avait servi à leur impression. Sous le gouvernement de la Restauration cependant, les choses changèrent : la paix rétablie à l’intérieur et au dehors, un sentiment de confiance naquit peu à peu, — qui se manifesta dans une augmentation graduelle de la circulation, comme on le voit par les chiffres suivants[2] :

________ ____ Maximum ____ Minimum ____ Moyenne
1819 135.000.000   79.000.000 107.000.000
1820 172.000.000 122.000.000 147.000.000
.
1827 203.000.000 173.000.000 179.000.000
1828 214.000.000 188.000.000 196.000.000
.
1833 228.000.000 193.000.000 210.500.000
1834 222.000.000 192.000.000 207.000.000
.
1843 247.000.000 216.000.000 231.500.000
1844 271.000.000 233.000.000 252.000.000
1845 289.000.000 247.000.000 268.000.000
1846 311.000.000 243.000.000 277.000.000

On voit ici la fermeté croître avec le degré croissant d’utilité de la monnaie, qui s’est accompli au moyen de billets de circulation. Dans la première des périodes ci-dessus, le minimum de 1819 est moins de moitié du maximum de l’année suivante. Dans la seconde, la différence est moins d’un cinquième, dans la troisième moins d’un sixième. La quatrième période est de quatre ans, et dans les derniers mois commença une crise d’une intensité si effroyable que la banque eut peine à supporter l’orage ; et encore au moment de la calamité extrême, le montant de circulation reste presque exactement ce qu’il a été trois ans auparavant.

Il est difficile d’étudier ces chiffres sans en conclure que la circulation, — régie comme elle l’est par les besoins de la population, n’a réellement rien à faire avec les crises financières, dont la véritable et unique cause se trouve dans cet autre élément de pouvoir, — le montant des crédits inscrits aux livres de la banque et qu’on nomme dépôts. Plus on les peut enfler, plus augmente le pouvoir de la banque pour l’excès du négoce, et plus sera forte l’intensité de détresse, résultat de la révulsion ; mais plus aussi sera grande cette atteinte au crédit qui force tout le monde de recourir à la grande institution souveraine, — plus elle aura pouvoir de prendre un taux élevé d’intérêt. » et plus les dividendes grossiront. Cette banque aussi bien que celle d’Angleterre, a donc intérêt direct à faire de l’énorme pouvoir à elle conféré tel genre d’usage qu’il produise des révulsions fréquentes et sévères.

§ 4. — Ces oscillations sont dues à l’irrégularité de la grande banque. On en voit ; le résultat dans l’augmentation de ses dividendes.

Le pouvoir de la banque sur la circulation et sur la valeur de la propriété en tant que mesurée par le numéraire est donc, nous le voyons, sans contrôle aucun, — elle est sous ce rapport, omnipotente. Voici des faits qui montrent comment ce pouvoir a été exercé. » De 1807 à 1810, la somme de prêts annuels pour la banque a été porté de 333.000.000 francs à 715.000.000, après quoi vient une crise qui finit par une réduction, en 1811, à 391.000.000. D’où venait le pouvoir d’effectuer cette augmentation énorme ? De la circulation ? Certainement non. Car les variations de son montant, dans aucune partie de cette période, ne paraissent pas avoir excédé 30.000.000 ou 40.000.000. Il est venu probablement de la paralysie du capital des particuliers dans les mains de la banque, rendu stérile pour ses propriétaires et appelé « dépôts. »

Les années de 1815 à 1818 ont vu un pareil cours d’opération, — les effets escomptés dans l’année ayant été portés de 203.000.000 à 615.000.000, après quoi est venue une crise aboutissant à une réduction à 389.000.000. À peine échappé de là, la banque répète l’opération, portant le chiffre de ses prêts de 384.000.000, en 1824, a 638.000.000 dans l’année de la crise de 1825. La chose recommence dans la période d’excitation qui finit en 1837. De 1844 à 1846, le montant des escomptes fut porté de 809.000.000, à 1.294.000 ; et pourtant la circulation moyenne de la dernière année excède celle de 1845 de 25.000.000 seulement, — somme incapable de produire aucun effet sensible ; réduction aussi que l’on produirait rien qu’en retenant dans les caves des banquiers particuliers ou des banques départementales une petite quantité en excès de billets, — les billets ainsi retenus étant entièrement hors de la circulation, comme s’ils eussent été retournés à la banque d’émission et placés au crédit de dépositaires.

La somme totale des mouvements de la banque, en 1847, fut 2.714.000 francs. En 1850, elle tomba à 1.470.000, — présentant ainsi une réduction de près de moitié dans la mesure étalon à laquelle se rapportent les valeurs monnaie. Une telle révolution tendait à ruiner tous ceux qui devaient vendre travail, terre ou propriétés de toute sorte. Deux ans après, en 1852, le chiffre était 2.514.000 ; et alors ceux qui désiraient acheter se trouvaient dans la position par laquelle venaient de passer ceux qui avaient dû vendre. Une classe toutefois profitait de toutes ces oscillations, — les individus déjà riches qui font le négoce de monnaie.

Le pouvoir d’effectuer de tels changements dérive de l’existence d’un monopole qui tire profit de l’arrêt de la circulation sociale. Plus il se peut paralyser de monnaie dans les mains de ses propriétaires, plus nombreux seront les millions gisants à la banque qu’elle pourra employer à forcer les prix des valeurs que ces propriétaires seraient heureux d’acheter à tout taux raisonnable. Conduits enfin à créer de nouveaux placements, en bâtissant des maisons ou en construisant des routes, ils se trouvent arrêtés dans le cours de leurs entreprises par une disparition subite de la surabondance imaginaire de numéraire, accompagnée d’une baisse de 40 ou 50 % dans le prix de la terre, des lots, des matériaux de bâtisse et d’autres articles et objets par eux achetés. Après des mois d’attente, ne recevant point d’intérêts de la banque, ils perdent de nouveau une partie, sinon le tout de leur capital. Toutefois il n’en est pas ainsi pour la grande machine qui a produit ces effets. Comme la banque d’Angleterre, elle prospère toujours, — ses dividendes grossissant d’une manière soutenue et la tendance vers un accroissement nouveau étant en raison directe de la destruction du crédit particulier. En 1844, ses actionnaires avaient 9 %. L’année suivante, ils recevaient 12.4 ; mais en 1846, année préliminaire pour la crise qui ne tarda pas à survenir, ils n’avaient pas moins que 14.4 % ou presque le triple du taux ordinaire d’intérêt.

§ 5. — Petit nombre de banques locales depuis dix ans. Leur disparition après la révolution de 1848. La centralisation de pouvoir aujourd’hui complète.

En passant aux banques locales telles qu’elles existaient il y a dix ans, nous trouvons des résultats exactement semblables, — le taux moyen d’intérêt chez elle ayant été de près de 12 %[3]. Avec un capital total de 24.000.000, elles ont une circulation de non moins de 86.000.000 ; et par la simple raison, que dans leur sphère d’action elles jouissent d’un monopole aussi parfait que celui de la banque de France elle-même. D’après quoi elles ont suivi aveuglément les traces de la grande institution, comme ça toujours été le cas en Angleterre. Quand elle s’épandait, elles s’épandirent ; quand elle se resserra, elles firent de même, — toutes leurs opérations tendant à un peu plus qu’augmenter les changements qui sans elles auraient été produits. Elles ont cependant disparu depuis, et toutes les affaires de banque de l’un des plus riches pays de l’Europe sont aujourd’hui dans les mains d’une seule institution, — ayant un capital de 91.000.000, et présentant des débets et des crédits qui montent à plus de 1.000.000.000 francs. Ses actions qui, dans le principe, ont coûté 1.000 francs, se vendent aujourd’hui 3.200, dont l’intérêt, au taux ordinaire de l’escompte, donnent 16  %[4].

En affaires ordinaires, l’homme qui court des risques considérables dans l’expectative des gros profits, se ruine généralement. Ici cependant il en est autrement, — les risques et profits n’y marchent pas de compagnie pour l’ordinaire. Les premiers sont engendrés par la banque, mais quand vient le jour d’épreuves, c’est la population qui les subit, — le profit se montrant toujours d’année en année dans les dividendes grossissants des actionnaires, et augmentant constamment le prix des actions.

§ 6. — Centralisation politique et monétaire de la France. Elle tend à affaiblir l’action sociétaire et à diminuer le montant de commerce. Elle est contrebalancée, à un certain degré, par la maintien d’un système qui a pour objet d’affranchir la terre de la taxe de transport et de favoriser l’accroissement de commerce.

Dans les deux mondes physique et social, l’accroissement de force résulte de l’accroissement de vitesse du mouvement, l’usage du billet de circulation tendant à donner cette vitesse, et on a pour effet l’accroissement rapide de commerce et de pouvoir de la France.

Tous deux cependant sont faibles, comparés au degré qu’ils pourraient atteindre sous un système calculé pour imprimer au mouvement de la machine sociétaire cette fermeté qui est nécessaire pour obtenir une force constamment accélérée.

« Personne en France, dit M. Coquelin, ne produit autant qu’il peut, » fait qui a sa cause dans la circulation languissante. La difficulté réelle, ajoute-t-il, n’est pas de produire, mais de trouver un acheteur pour les choses produites. D’où vient cette difficulté ? De l’existence d’une centralisation politique et financière qui n’est surpassée nulle part en Europe.

La centralisation politique exige pour son entretien un montant de taxation, en numéraire et en services, tout à fait hors de proportion avec les ressources du pays. La nécessité d’accumuler la monnaie avec laquelle payer les taxes, est une cause d’arrêt dans la circulation. Versée, elle va à Paris et de là va à des gens qui, autrement pourraient être employés chez eux, et il s’ensuit la tendance extraordinaire à l’instabilité du gouvernement. La centralisation financière maintenant s’introduit et cause arrêt de plus de la circulation, — rendant nécessaire pour tous ceux qui ont monnaie à placer, d’envoyer leurs moyens à Paris, pour y être employés à entretenir des milliers et des dizaines de milliers de gens qui pourraient être avantageusement employés ailleurs.

La France est néanmoins un pays « d’anomalies. » Une centralisation qui n’a point son égale y tend à l’esclavage et à la mort ; tandis que d’un autre côté elle profite des avis de Colbert, — cherchant toujours à rapprocher l’un de l’autre consommateur et producteur, et à donner ainsi valeur à la production de la ferme. Il en résulte qu’elle exporte plus de produits domestiques sous une forme achevée qu’aucun autre pays du monde, — qu’elle obtient pour eux un prix plus élevé qu’aucun autre, — que son pouvoir d’altérer les métaux précieux va constamment croissant, — et qu’elle prospère malgré une taxation pour l’entretien du gouvernement, accablante au plus haut degré, et une taxation pour l’entretien des actionnaires de la banque en comparaison de laquelle la dépense pour ses flottes et ses armées reste insignifiante.

  1. Coquelin. Du Crédit et des banques, 2e édition, p. 310.
  2. Du Crédit et des Banques, p. 273.
  3. Du Crédit et des Banques, p. 294.
  4. « Toute spéculation extravagante en Angleterre, dit le Quarterly Review, a son principe dans la révolte de John Bull contre le deux pour cent comme taux d’intérêt. » Il en a été de même en tout temps en France, dont la grande banque monopolise les valeurs et réduit ainsi la monnaie au point auquel la révolte se produit. « Quelques écrivains, poursuit l’auteur de l’article, émettent un nouveau système, ou en ressuscitent un vieux, « après quoi, canaux, travaux hydrauliques, houille et gaz ont leur tour. » Cependant lorsqu’il s’agit de payer pour tout cela, il se trouve que le surplus apparent de monnaie n’a consisté qu’en un surplus réel d’obligations de banque, — qu’il s’agit maintenant de payer. Alors vient la débâcle, pour la ruine de tous, — le prêteur de numéraire excepté.