Précis de l’abolition de l’esclavage dans les colonies anglaises/1


PRÉCIS
DE
L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE
DANS LES POSSESSIONS BRITANNIQUES.




PREMIÈRE PARTIE.
Séparateur

ACTE

POUR L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE
DANS LES COLONIES ANGLAISES.




Londres, 28 août 1833.


Considérant que divers individus sont retenus en état d’esclavage dans plusieurs colonies de Sa Majesté ; qu’il est juste et opportun de les affranchir, et qu’en même temps il convient d’accorder aux personnes qui ont eu droit jusqu’à présent aux services de ces individus esclaves, une indemnité raisonnable pour la perte de ce droit ;

Considérant qu’il y a lieu de prendre des mesures pour exciter l’industrie des individus destinés à être émancipés, et pour s’assurer de leur bonne conduite pendant un certain laps de temps après leur émancipation ;

Considérant qu’il est nécessaire de mettre les lois actuellement en vigueur dans lesdites colonies en harmonie avec les nouvelles relations sociales que doit amener cette émancipation générale des esclaves, et que, pour donner le temps de modifier dans ce sens la législation dont il s’agit, il y a nécessité de laisser écouter un certain intervalle avant que l’émancipation commence à avoir lieu ;

Le Roi, d’après l’avis, le consentement et l’autorité des lords spirituels et temporels et des communes, réunis en parlement, a décrété ce qui suit :

ARTICLE PREMIER.

Tout individu, de l’un et de l’autre, sexe résidant dans les colonies ci-dessus mentionnées, qui, antérieurement au 1er août 1834, aura été, d’après les lois actuellement en vigueur, dûment porté sur le rôle des esclaves, et qui à cette époque sera âgé de six ans et au-dessus, deviendra apprenti-travailleur (apprenticed-labourer) par le simple effet des dispositions du présent acte, et sans qu’il soit besoin pour cela d’un brevet d’apprentissage ou d’aucun autre acte particulier. Les esclaves retenus habituellement en mer par la nature de leurs occupations seront, quant à l’application des présentes dispositions, considérés comme résidant dans la colonie à laquelle ils appartiennent.

ART. 2.

Auront droit au travail de chaque apprenti-travailleur, pendant la durée de l’apprentissage, les personnes qui auraient eu droit au travail du même individu comme esclave, si le présent acte n’eût pas été rendu.

ART. 3.

Sont déclarés complétement libres tous les esclaves qui, du consentement de leurs maîtres, auraient été transportés dans le royaume uni de la Grande-Bretagne et de l’Irlande antérieurement à la promulgation du présent acte, et tous les apprentis-travailleurs qui, postérieurement à sa promulgation, y seraient également transportés du consentement de leurs anciens maîtres.

ART. 4.

Les apprentis-travailleurs seront divisés en trois classes distinctes : la première, se composant d’apprentis-travailleurs ruraux (prædial apprenticed-labourers) attachés au sol, et dans laquelle seront compris tous les individus de l’un et de l’autre sexe jusqu’alors habituellement employés, comme esclaves, sur les habitations de leurs maîtres, soit à l’agriculture, soit à la fabrication des produits coloniaux, soit à tout autre travail ;

La seconde classe, se composant d’apprentis-travailleurs ruraux non attachés au sol, et dans laquelle seront compris tous les individus de l’un et de l’autre sexe jusqu’alors habituellement employés, comme esclaves, sur des habitations n’appartenant point à leurs maîtres, soit à l’agriculture, soit à la fabrication des produits coloniaux, soit à tout autre travail ;

La troisième classe, se composant d’apprentis-travailleurs non ruraux (non prædial), et dans laquelle seront compris tous les apprentis-travailleurs de l’un et de l’autre sexe qui n’appartiendront ni à l’une ni à l’autre des deux classes précédentes.

La division des apprentis-travailleurs par classes aura lieu conformément aux règles qui seront établies à cet effet par des actes d’assemblée, arrêtés ou ordres en conseil, comme il sera dit ci-après.

Toutefois, aucun individu âgé de douze ans et au-dessus ne pourra, en vertu desdits actes, être compris dans l’une des deux classes d’apprentis-travailleurs ruraux, si, antérieurement à la promulgation du présent acte, il n’a été employé, sans interruption, pendant une année au moins, soit à l’agriculture, soit à la fabrication des produits coloniaux

ART. 5.

Le temps d’apprentissage des apprentis-travailleurs ruraux, attachés ou non attachés au sol de l’habitation de leurs anciens maîtres, ne pourra se prolonger au delà du 1er août 1840. Pendant cette période, les personnes qui emploieront ces apprentis-travailleurs ruraux ne pourront exiger d’eux plus de quarante-cinq heures de travail par semaine.

ART. 6.

Le temps d’apprentissage des apprentis-travailleurs non ruraux ne pourra se prolonger au delà du 1er août 1838.

ART. 7.

Si la personne qui a droit aux services d’un apprenti-travailleur désire le libérer de ses obligations d’apprenti avant la fin de son apprentissage, elle pourra accorder cette libération par acte authentique, dans les formes qui seront déterminées par les actes d’assemblée, arrêtés ou ordres en conseil, ainsi qu’il sera dit ci-après.

Mais, si l’apprenti-travailleur ainsi libéré est âgé de cinquante ans et plus, ou s’il est atteint d’une infirmité corporelle ou intellectuelle qui ne lui permette pas de pourvoir par lui-même à sa subsistance, la personne qui l’aura libéré devra subvenir à ses besoins pendant le reste du temps de son apprentissage, comme si la libération n’avait point eu lieu.

ART. 8.

Tout apprenti-travailleur pourra, sans le consentement et même contre la volonté de la personne qui a droit à ses services, se libérer de son apprentissage moyennant le payement, fait à celle-ci, du montant de l’estimation qui aura été faite desdits services, en se conformant, tant pour le mode de cette estimation, que pour le mode et les conditions du payement et de la libération, aux règles qui seront établies par les actes d’assemblée, arrêtés ou ordres en conseil, ainsi qu’il sera dit ci-après.

ART. 9.

Aucun apprenti-travailleur ne pourra être transporté hors de la colonie à laquelle il appartient.

Tout apprenti-travailleur rural compris dans la première des trois classes établies en l’article 4 devra être employé, par la personne qui aura droit à ses services, aux travaux des plantations ou des propriétés auxquelles il était attaché ou sur lesquelles il travaillait habituellement antérieurement au 1er août 1834. Néanmoins, avec l’autorisation écrite de deux ou d’un plus grand nombre de juges de paix munis de la commission spéciale dont il sera fait mention ci-après, la personne qui aura droit aux services desdits apprentis-travailleurs ruraux pourra les employer aux travaux d’une autre habitation ou propriété à elle appartenant, pourvu qu’elle soit située dans la même colonie. L’autorisation dont il s’agit ne pourra être délivrée et ne sera valide qu’après que lesdits juges de paix se seront bien assurés qu’elle n’aura point pour effet de séparer l’apprenti-travailleur rural de ses père, mère, mari, femme ou enfants, ou de toute autre personne réputée lui appartenir à ces différents degrés d’alliance ou de parenté, et qu’il n’en résultera aucun inconvénient pour sa santé ou son bien-être. Ladite autorisation devra, d’ailleurs, être libellée, délivrée, certifiée et enregistrée conformément à ce qui sera établi par les actes d’assemblée, arrêtés ou ordres en conseil comme il sera dit ci-après.

ART. 10.

Les droits d’une personne aux services d’un apprenti-travailleur pourront se transmettre à une autre personne, par marché, acte de vente, contrat de mariage, donation, testament, succession, etc., en la forme et suivant les règles qui seront établies par les actes d’assemblée, arrêtés ou ordres en conseil, comme il sera dit ci-après, pourvu, toutefois, que cette transmission ne sépare point l’apprenti-travailleur de ses père, mère, mari, femme et enfants, ou de toute autre personne réputée lui appartenir ces différents degrés d’alliance ou de parenté.

ART. 11.

Toute personne ayant droit aux services d’un apprenti-travailleur est tenue de pourvoir à ce qu’il reçoive, pendant la durée de son apprentissage, la nourriture, l’habillement, le logement, les médicaments, les soins médicaux, etc., que tout maître, aux termes des lois actuellement en vigueur dans la colonie à laquelle appartiendra l’apprenti-travailleur, doit aujourd’hui à chacun de ses esclaves du même âge et du même sexe.

Dans le cas où l’apprenti-travailleur rural, au lieu d’être nourri par des distributions de vivres, cultivera lui-même pour sa subsistance une portion de terrain consacré à cet usage, la personne qui aura droit aux services de cet apprenti devra mettre à sa disposition un terrain d’une qualité et d’une étendue suffisantes pour assurer sa nourriture, lequel terrain sera situé à une distance raisonnable de l’habitation de l’apprenti, et lui accorder dans l’année, sur les quarante-cinq heures de travail auxquelles elle a droit chaque semaine, le temps nécessaire pour la culture dudit terrain, l’enlèvement et la rentrée des vivres récoltés.

L’étendue du terrain, sa distance du lieu d’habitation de l’apprenti-travailleur rural et le temps à allouer pour sa culture, seront réglés dans chaque colonie par des actes d’assemblée, arrêtés ou ordres en conseil, comme il sera dit ci-après.

ART. 12.

En se soumettant aux obligations imposées aux apprentis-travailleurs par le présent acte, ou qui leur seront imposées ultérieurement par des actes d’assemblée générale, arrêtés ou ordres en conseil, comme il sera dit ci-après, tout individu de l’un ou de l’autre sexe qui, au 1er août 1834, se trouvera en état d’esclavage dans lesdites colonies britanniques (british colonies), sera, à partir de cette époque, entièrement et pour toujours libre et affranchi.

Les enfants qui naîtront dudit affranchi postérieurement à ladite époque, et les enfants de ses enfants, seront également libres à partir du moment de leur naissance.

Enfin l’esclavage, entièrement et pour toujours aboli, est déclaré illégal dans toute l’étendue des colonies, plantations et possessions extérieures de la Grande-Bretagne, à dater du 1er août 1834.

ART. 13.

Si un enfant de l’un ou de l’autre sexe, n’ayant point encore atteint l’âge de six ans accomplis au 1er août 1834, ou étant né postérieurement à cette époque, d’une femme apprentie-travailleuse, est amené devant l’un des juges de paix investis des fonctions spéciales dont il sera parlé ci-après, et s’il est bien prouvé à ce juge de paix que l’enfant manque d’une partie des choses nécessaires à la vie, et qu’il est âgé de moins de douze ans, le juge de paix devra, dans l’intérêt de l’enfant, passer, avec la personne qui a ou qui a eu droit aux services de la mère, un engagement d’apprentissage (identure of apprenticeship), en vertu duquel l’enfant sera admis chez cette personne comme apprenti-travailleur. Mais, si le juge de paix reconnaît que cette personne est incapable, par un motif ou par un autre, de remplir convenablement les conditions stipulées, il pourra, par un acte semblable, placer l’enfant chez une autre personne qu’il choisira, et qui aura la volonté et le pouvoir de remplir les conditions stipulées.

L’engagement d’apprentissage devra déterminer si l’enfant appartiendra à la classe des apprentis-travailleurs ruraux attachés au sol, à celle des apprentis-travailleurs ruraux non attachés au sol, ou à celle des apprentis-travailleurs non ruraux, et stipuler expressément que l’apprentissage durera jusqu’à ce que l’enfant ait atteint sa vingt et unième année, et qu’il ne pourra être prolongé au delà de ce terme.

Durant son apprentissage, l’enfant sera, quant au nombre d’heures de travail et quant à ce qu’il lui sera alloué pour ses besoins, placé dans la même catégorie que tout autre apprenti-travailleur.

L’engagement d’apprentissage devra toutefois contenir une clause expresse, portant que le temps et les facilités nécessaires à l’éducation et à l’instruction religieuse de l’enfant seront donnés par la personne qui l’aura reçu comme apprenti.

ART. 14.

Sa Majesté pourra délivrer ou autoriser les gouverneurs de chacune des colonies susmentionnées à délivrer, en son nom et sous le sceau public de la colonie, à une ou à plusieurs personnes, des commissions spéciales de juges de paix, les chargeant de veiller à l’exécution du présent acte ou des lois qui seraient ultérieurement rendues, pour en assurer plus complètement encore l’exécution dans toute l’étendue de la colonie, ou seulement dans une paroisse, un arrondissement, un quartier ou un district.

Les personnes auxquelles ces commissions seront données auront le droit d’agir comme juges de paix dans les limites qui leur seront tracées par lesdites commissions ; mais elles devront se renfermer entièrement dans les attributions spéciales qui leur sont confiées : il est bien entendu néanmoins que rien, dans le présent acte, ne s’oppose à ce que ces mêmes personnes soient appelées à faire partie des comités généraux de paix établis, soit pour toute une colonie, soit pour une paroisse, un arrondissement, un quartier ou un district d’une colonie, si Sa Majesté, ou le gouverneur de la colonie à ce autorisé par Sa Majesté, juge convenable qu’elles y soient admises.

ART. 15.

Sa Majesté pourra accorder aux juges de paix investis des fonctions spéciales dont il vient d’être parlé, pourvu que le nombre n’en excède pas cent, un traitement annuel dont le maximum est fixé à 300 livres sterling. Ce traitement ne leur sera payé que tant qu’ils conserveront leur commission spéciale, qu’ils résideront dans la colonie, et qu’ils y rempliront les devoirs de leur emploi.

L’acceptation d’une commission de juge de paix spécial, et la jouissance du traitement qui y sera attaché, ne priveront, en aucune manière, le titulaire des droits qu’il pourrait avoir à toucher une demi-solde, pension ou allocation quelconque, à raison de ses services antérieurs dans les armées de terre ou de mer de Sa Majesté, nonobstant toutes lois et tous usages ou statuts à ce contraires.

Chaque année il sera présenté au parlement un état indiquant : 1° les noms de tous ceux à qui des traitements auront été accordés ; 2° la date de leurs commissions ; 3° le montant du traitement attribué à chacun d’eux.

ART. 16.

Attendu qu’il est nécessaire d’établir, dans chacune des colonies ci-dessus mentionnées, des règles et des règlements (rules and regulations), pour déterminer d’une manière certaine à laquelle des classes d’apprentis-travailleurs ruraux attachés au sol, d’apprentis-travailleurs ruraux non attachés au sol, ou d’apprentis-travailleurs non ruraux, appartient chaque apprenti-travailleur ; pour déterminer de quelle manière, dans quelle forme et avec quelle solennité devra avoir lieu la remise volontaire à un apprenti-travailleur de tout ou partie du temps de son apprentissage ; pour déterminer de quelle manière, dans quelle forme et avec quelle solennité devra également avoir lieu le rachat par un apprenti-travailleur de tout ou partie du temps de son apprentissage, sans le consentement et, au besoin, contre le consentement de la personne qui a droit à ses services ; pour déterminer comment sera faite l’estimation de la valeur future desdits services ; comment et à qui le montant de cette estimation sera payé dans chaque cas ; de quelle manière, dans quelle forme, et par qui la libération dont il s’agit sera donnée, effectuée et enregistrée ;

Attendu qu’il est également nécessaire, pour le maintien de la tranquillité publique dans lesdites colonies, de faire et d’établir des règlements propres à maintenir l’ordre et la bonne discipline parmi les apprentis-travailleurs ; à assurer l’accomplissement ponctuel de leurs obligations en ce qui regarde les services dus par eux aux personnes qui les emploient ; à prévenir et à punir l’indolence, la négligence ou la mauvaise exécution de leur travail ; à garantir l’accomplissement, par l’apprenti-travailleur, des engagements qu’il aurait pris volontairement pour louer ses services pendant le temps qu’il ne doit point à la personne qui l’emploie ; à prévenir et à punir l’insolence et l’insubordination, de la part des apprentis-travailleurs, envers ceux qui les emploient ; à prévenir et à punir le vagabondage desdits apprentis-travailleurs, et toute inconduite de leur part, qui tendrait à porter ou porterait attente à la propriété de ceux qui les emploient ; à réprimer et à punir toute émeute, toute résistance concertée contre les lois de la part des apprentis-travailleurs, et à empêcher que, durant le temps de leur apprentissage, ils ne s’évadent de la colonie à laquelle ils appartiennent ;

Attendu qu’il sera également nécessaire, dans l’intérêt des apprentis-travailleurs, d’établir diverses règles pour qu’ils reçoivent avec exactitude et régularité la nourriture, les vêtements, le logement, les médicaments, les soins médicaux, et toutes les autres allocations auxquelles ils ont droit, conformément à ce qui a été dit ci-dessus, et pour régler la quotité ainsi que la qualité de ces diverses choses, dans le cas où la législation actuellement en vigueur dans lesdites colonies n’aurait pas posé des règles convenables à cet égard en ce qui concerne les esclaves ;

Attendu qu’il est également nécessaire que des dispositions soient prises pour prévenir et punir toutes les fraudes, omissions ou négligences qui pourraient être commises relativement à la quantité ou la qualité des fournitures et aux époques où elles devront être faites ; attendu qu’il est nécessaire, dans le cas où l’apprenti-travailleur rural pourvoirait lui-même, en tout ou en partie, à sa subsistance par la culture d’un terrain particulier à ce affecté, que des règlements soient faits et établis quant à l’étendue de ce terrain, à la distance à laquelle il doit être du domicile ordinaire de l’apprenti-travailleur rural, et au temps à prélever, pour sa culture, sur le temps de travail annuel dû, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, par l’apprenti-travailleur rural à la personne qui l’emploie ;

Attendu qu’il peut être aussi nécessaire d’adopter des dispositions pour assurer auxdits apprentis-travailleurs ruraux la jouissance de la portion de temps durant laquelle ils ne sont pas obligés de travailler au service des personnes qui les emploient, et pour assurer un compte exact du temps durant lequel lesdits apprentis-travailleurs ruraux sont obligés, par le présent acte, de travailler au service des personnes qui les emploient ;

Attendu qu’il est nécessaire, en outre, de prendre des dispositions pour empêcher d’imposer à un apprenti-travailleur rural un travail à la tâche (task work) sans son libre consentement ; mais qu’il peut être nécessaire aussi, dans le cas où la majorité d’un atelier d’apprentis-travailleurs ruraux attachés à une habitation voudrait accomplir un travail à la tâche, d’imposer l’obligation de demander et d’obtenir l’assentiment de la minorité quant à la proportion dans laquelle devront être réparties les tâches entre les différents travailleurs composant l’atelier ;

Attendu qu’il est encore nécessaire d’adopter des dispositions, afin de régler tout ce qui concerne les contrats volontaires que les apprentis-travailleurs pourront par la suite passer, avec ceux qui les emploient ou avec toute autre personne, pour le loyer de leur travail ; de fixer une limite à la durée de ces engagements volontaires, et d’assurer l’exact accomplissement des conditions stipulées, tant par les apprentis-travailleurs, que par ceux qui loueront leurs services ;

Attendu qu’il est encore nécessaire de faire des règlements pour prévenir ou punir tout acte de cruauté ou d’injustice, tout dommage ou autre tort quelconque dont se rendraient coupables envers lesdits apprentis, les personnes qui ont droit à leurs services ;

Attendu qu’il est encore nécessaire que des dispositions soient prises pour déterminer de quelle manière et dans quelle forme seront faits les engagements d’apprentissage passés dans l’intérêt des enfants dont il a été question ci-dessus, et pour assurer l’enregistrement et la conservation desdits actes ;

Attendu qu’il est encore nécessaire que des dispositions soient prises pour que les juges de paix, pourvus du mandat spécial dont il a été parlé ci-dessus, apportent économie et célérité dans l’exercice de la juridiction et des pouvoirs qui leur sont confiés ; pour qu’ils soient à même de juger sommairement toutes les questions susceptibles d’être portées devant eux ; pour que chacune des colonies susmentionnées soit partagée en districts de manière à fixer l’étendue de leurs juridictions respectives, et pour que les apprentis-travailleurs de ces districts soient fréquemment et exactement visités par eux ;

Attendu qu’il est encore nécessaire que des règlements soient faits pour déterminer les indemnités et la protection auxquelles lesdits juges de paix ont droit dans l’exercice de leurs fonctions ;

Considérant que les différentes dispositions à prendre sur les objets énumérés dans le présent article ne pourraient, sans de grands inconvénients, émaner d’une autorité autre que celle des gouverneur, conseil, assemblée ou autre législature locale de chacune des colonies susmentionnées, ou autre que celle du Roi assisté de son conseil privé, quant à celles de ces colonies qui sont soumises à l’autorité législative de Sa Majesté en conseil,

Il est arrêté et décrété que rien, dans le présent acte, ne s’oppose à ce que les gouverneurs, conseils, assemblées ou autres législatures locales dont il vient d’être parlé, ou Sa Majesté en son conseil privé, rendent des arrêtés, actes d’assemblée générale ou ordres en conseil qui peuvent être nécessaires pour régler les différents objets mentionnés dans cet article, ou pour assurer la pleine et entière exécution des dispositions déjà adoptées dans cette vue ; mais il est décrété en même temps que lesdits gouverneurs, conseils, assemblées ou autres législatures locales ne pourront, non plus que Sa Majesté en conseil, adopter ni faire exécuter aucune disposition contraire au présent acte.

ART. 17.

Il est interdit aux gouverneurs, conseils, assemblées ou autres législatures locales, ainsi qu’à Sa Majesté en conseil, de conférer aux personnes qui ont droit aux services d’un apprenti-travailleur, ou à toutes autres personnes, à l’exception des juges de paix investis des fonctions spéciales susmentionnées, l’autorisation de punir lesdits apprentis-travailleurs, pour les fautes qu’ils auraient commises, en leur infligeant des coups de fouet, en les battant, en les emprisonnant, en leur infligeant toute autre correction ou châtiment corporel, ou en augmentant le nombre d’heures de travail fixé par le présent acte.

Lorsqu’il s’agira d’une femme appartenant à l’une des classes d’apprentis-travailleurs, il leur est également interdit de conférer à une cour, à l’un des membres d’une cour ou d’un tribunal, ou à un juge de paix, l’autorisation de la punir, par le fouet ou par d’autres coups, d’une faute qu’elle aurait commise.

Il est bien entendu, toutefois, que les lois et règlements de police en vigueur dans les colonies susmentionnées, pour la répression et la punition des différents délits, seront applicables aux apprentis-travailleurs comme régissant toutes les personnes de condition libre.

ART. 18.

Aucun acte colonial ou ordre en conseil ne pourra attribuer à d’autres magistrats qu’aux juges de paix pourvus des mandats spéciaux ci-dessus mentionnés, la connaissance ; 1° des délits que pourraient commettre les uns envers les autres, dans leurs relations respectives, telles qu’elles résultent du présent acte, les apprentis-travailleurs et les personnes qui les emploient ; 2° de toute inexécution, violation ou négligence de la part des uns et des autres dans l’accomplissement de leurs obligations réciproques ; 3° de toutes les difficultés et contestations auxquelles donneraient lieu les relations respectives subsistant entre les apprentis-travailleurs et les personnes ayant droit à leurs services.

ART. 19.

Les juges de paix spéciaux exerceront, dans les colonies auxquelles ils seront respectivement attachés, la juridiction exclusive qui leur est attribuée par l’article précédent, nonobstant toute loi, coutume ou usage à ce contraire, mais sans qu’il puisse être porté atteinte aux pouvoirs dont la loi investit les cours supérieures civiles et criminelles desdites colonies.

ART. 20.

Aucun apprenti-travailleur ne pourra, pour quelque motif, prétexte, faute ou délit que ce soit, être condamné, soit à la prolongation de son temps d’apprentissage, excepté dans le cas ci-après indiqué, soit à un nouvel apprentissage, soit à une augmentation de travail de plus de quinze heures par semaine, en sus du nombre d’heures pendant lesquelles il doit, aux termes du présent acte, travailler au profit de la personne qui a droit à ses services.

Néanmoins, tout apprenti-travailleur qui, pendant le temps de son apprentissage, aurait volontairement abandonné le service de celui qui l’emploie, pourra, à l’expiration de ce temps, être contraint de travailler pour ladite personne pendant un temps équivalent à la durée de l’absence qu’il aura faite, ou de l’indemniser du préjudice que lui aura cause cette absence, à moins que l’apprenti-travailleur n’ait déjà compensé ce préjudice, soit par un travail extraordinaire, soit autrement. Cependant, après un laps de sept années à dater du jour de l’expiration du temps de l’apprentissage, il ne pourra plus être exigé de l’apprenti-travailleur aucune indemnité ou compensation semblable.

ART. 21.

Les apprentis-travailleurs ne pourront être forcés de travailler le dimanche, si ce n’est pour vaquer aux occupations domestiques, faire les travaux indispensables, veiller sur les propriétés, nourrir et soigner le bétail.

Aucun obstacle ou dérangement quelconque ne devra les empêcher de remplir librement leurs devoirs religieux, le dimanche, où et comme il leur plaira.

ART. 22.

Attendu qu’il peut être nécessaire que les personnes en état d’apprentissage soient, pendant la durée de cet apprentissage, dispensées de l’accomplissement de services civils et militaires, déclarées impropres à certains offices civils et militaires ainsi qu’à la jouissance de certaines franchises politiques dans lesdites colonies, et exemptées de toute arrestation ou emprisonnement pour dettes, il est décrété que rien, dans le présent acte, ne s’oppose à ce que des dispositions adoptées dans ce but soient mises en vigueur dans les colonies susmentionnées par des actes d’assemblée, arrêtés ou ordres en conseil.

ART. 23.

Comme il est désirable que tout ce qui se rattache au régime intérieur des colonies susmentionnées soit, autant que possible, réglé par les législatures locales, dans le cas où ces législatures rendraient des actes pour substituer aux dispositions de la présente loi d’autres dispositions qui, sans rien changer au fond, s’adapteraient mieux aux localités et au régime intérieur de ces colonies, et où Sa Majesté confirmerait et approuverait les modifications par un ordre en conseil, les dispositions du présent acte ainsi modifiées seront suspendues et cesseront d’être en vigueur dans lesdites colonies après la réception et la promulgation de l’ordre en conseil, tant que les modifications elles-mêmes ne seront point rapportées.

ART. 24.

Afin d’indemniser les personnes qui ont actuellement des droits aux services des esclaves dont le présent acte prononce l’affranchissement, le parlement met à la disposition de Sa Majesté une somme de 20 millions de livres sterling.

[Le reste de cet article contient des dispositions purement financières. Il autorise les lords commissaires de la trésorerie à régler, comme ils le jugeront convenable, les époques auxquelles auront lieu les différents emprunts partiels destinés à procurer la somme de 20 millions de livres sterling ; à déterminer la quotité de chacun de ces emprunts, et à créer, au profit des soumissionnaires, soit des annuités perpétuelles rachetables (redeemable perpetual annuities), soit des annuités à terme (annuities for terms of years), etc. Il établit que le taux de l’intérêt des sommes empruntées sera réglé sur le cours des annuités, au moment de l’emprunt, et que dans aucun cas il ne pourra dépasser ce cours de plus de 5 schellings pour cent par an.]

ART. 25.

Lorsque les lords commissaires de la trésorerie voudront contracter un emprunt, ils devront en donner avis au public par l’intermédiaire du gouverneur et du député gouverneur de la banque d’Angleterre, etc., etc.

Les soumissions seront reçues selon les formes usitées pour les emprunts ordinaires, etc., etc.

Aucun emprunt ne pourra être contracté que lorsque le parlement sera assemblé, et qu’il aura pris connaissance des pièces y relatives.

ART. 26.

Les annuités à créer pour les emprunts faits en exécution du présent acte seront semblables aux annuités existant au moment où ces emprunts seront contractés.

ART. 27.

Lesdites annuités seront dans la même catégorie que les autres annuités, et soumises aux mêmes lois et règlements.

ART. 28.

Les commissaires pour la réduction de la dette nationale pourront souscrire et contribuer, pour lesdits emprunts, avec les valeurs déposées en leur nom à la banque d’Angleterre.

ART. 29.

Les sommes provenant desdits emprunts seront versées à la banque d’Angleterre, et portées en recette sous le titre : Compte de l’indemnité des Indes occidentales (The west India compensation account), etc.

ART. 30.

Les caissiers de la banque d’Angleterre donneront reçu des versements faits entre leurs mains en vertu desdits emprunts, etc.

Lorsqu’un soumissionnaire ne versera qu’une partie des sommes qu’il se sera engagé à fournir, ces sommes demeureront acquises au trésor public, et les annuités que ledit soumissionnaire aura reçues en échange n’auront plus aucune valeur.

ART. 31.

Les intérêts dudit emprunt de 20 millions de livres sterling, et les frais qui en résulteront, seront acquittés sur les fonds de la dette consolidée du royaume uni de la Grande-Bretagne et de l’Irlande (consolidated fund, etc.).

ART. 32.

Les fonds nécessaires pour servir les annuités créées en vertu dudit emprunt et payer les frais qui en résulteront seront versés, par l’échiquier, entre les mains du caissier de la banque.

ART. 33.

Pour la distribution et la répartition entre les ayants droit du fonds d’indemnité créé par le présent acte, Sa Majesté pourra nommer des commissaires arbitres.

Ces commissaires, dont le nombre ne pourra être moindre de cinq, examineront les réclamations qui leur seront déférées, et prononceront sur les droits des réclamants au partage de l’indemnité dont il s’agit.

ART. 34.

Avant d’entrer en fonctions, les commissaires arbitres prêteront, entre les mains du chancelier de l’échiquier ou du greffier de la chancellerie, le serment dont la teneur suit :

« Je jure de remplir, aussi fidèlement et aussi impartialement qu’il me sera possible, le mandat dont je suis investi par l’acte du 28 août 1833, intitulé, etc.[1] »

ART. 35.

Les commissaires arbitres pourront se réunir aux jours et lieux qu’ils jugeront convenables, sauf l’approbation des commissaires de la trésorerie.

Ils pourront avoir un solliciteur (solicitor), un secrétaire des commis, des messagers et d’autres officiers sous leurs ordres, dont ils fixeront les émoluments, sauf la même approbation.

Ils pourront exiger desdits solliciteur, secrétaire, commis, messagers et autres officiers, le serment de remplir fidèlement leurs devoirs, les révoquer quand ils le jugeront convenable, et en nommer d’autres à leur place.

Ces divers employés devront s’acquitter fidèlement des fonctions qui leur seront confiées, sans accepter, pour leurs services, d’autres émoluments que ceux qui leur seront alloués ainsi qu’il est dit ci-dessus.

ART. 36.

Les délibérations des commissaires arbitres devront, pour être valables, être prises par trois d’entre eux, au moins.

ART. 37.

Il ne pourra être accordé d’émoluments qu’à trois des commissaires arbitres, et qu’autant qu’ils ne seront point membres du parlement.

ART. 38.

Dans chacune des colonies susmentionnées, le gouverneur, le procureur général ou un autre magistrat supérieur attaché au gouvernement (chief law adviser), et deux ou un plus grand nombre d’habitants, au choix du gouverneur, seront nommés commissaires adjoints, à l’effet d’éclairer les commissaires arbitres dans tous les cas et sur tous les objets pour lesquels lesdits commissaires les consulteraient.

Ces commissaires adjoints exerceront les mêmes pouvoirs et la même autorité que les commissaires arbitres : ils prêteront serment (le gouverneur, entre les mains du chef de justice ou de tout autre juge, et les commissaires adjoints, entre les mains du gouverneur) d’exercer loyalement et impartialement les pouvoirs et l’autorité qui leur sont confiés sur toutes les matières à l’égard desquelles ils seront consultés par les commissaires arbitres ; ils transmettront à ces derniers l’exposé complet des différentes informations verbales qu’ils auront recueillies, ainsi que la copie exacte des renseignements écrits qui leur auront été adressés ; et, d’après ces documents et ceux qu’ils auraient pu recevoir d’ailleurs, les commissaires arbitres rendront leur décision.

ART. 39.

Les lords commissaires de la trésorerie sont autorisés à faire payer aux commissaires arbitres, sur des reçus signés d’eux, et sans aucune retenue, les sommes qu’ils demanderont pour l’acquittement des diverses allocations et dépenses auxquelles donneront lieu les travaux de la commission. Ces sommes seront prélevées sur celle de 20 millions de livres sterling, etc.

Le compte des sommes ainsi payées sera mis sous les yeux du parlement dans les deux mois qui suivront l’ouverture de sa plus prochaine session.

ART. 40.

Les commissaires arbitres pourront citer devant eux toutes les personnes qu’ils jugeront capables de leur donner des éclaircissements sur les diverses questions qui leur seront soumises.

Si les personnes citées ne comparaissent point aux jours et lieux indiqués, sans pouvoir donner d’excuse valable, ou si, comparaissant, elles refusent d’affirmer leurs déclarations, sous serment, ou de répondre aux questions qui leur seront faites par les commissaires, ou de produire et d’exhiber des pièces et documents qui se rattachent aux objets soumis à l’examen des commissaires arbitres, lesdites personnes encourront les mêmes poursuites et seront passibles des mêmes amendes que les témoins qui, dans les affaires portées devant la cour du banc du Roi, font défaut et refusent de prêter serment ou de donner les renseignements qui leur sont demandés. Les commissaires arbitres sont, en conséquence, investis des mêmes pouvoirs, juridiction et autorité que les membres de ladite cour, pour prononcer les amendes dont il s’agit et en poursuivre le recouvrement.

ART. 41.

Les commissaires arbitres pourront déférer le serment aux personnes qui comparaîtront devant eux, et les entendre comme témoins sur toutes les matières concernant leurs attributions. Ils pourront aussi recevoir, sur ces mêmes matières, toutes les dépositions faites, par écrit et sous serment, dans le royaume, devant les juges de paix ou magistrats dans la juridiction desquels se trouveront les déposants, et, dans chacune desdites colonies, devant le président ou l’un des membres des cours de greffe (court of record), ou toutes cours suprêmes de judicature.

ART. 42.

Tout individu qui fera sciemment de fausses déclarations, devant les commissaires arbitres ou les magistrats mentionnés en l’article précédent, sera passible des peines portées par la loi contre les faux témoins.

ART. 43.

[Cet article accorde aux commissaires arbitres leur port franc pour les lettres et paquets qu’ils expédieront ou qui leur seront adressés, mais en tant seulement que ces lettres et paquets auront trait aux matières dont la connaissance leur est attribuée par le présent acte ; il indique, avec quelque détail, les mesures à prendre pour prévenir les abus qui pourraient résulter de cette franchise, et prononce une amende de 100 livres et la révocation de l’employé chargé de l’expédition des lettres et paquets, qui prêterait les mains à quelque abus de ce genre.]

ART. 44.

Aucune portion de l’indemnité de 20 millions de livres sterling ne pourra être répartie entre les ayants droit, si Sa Majesté n’a préalablement déclaré, par un ordre en conseil, que les dispositions nécessaires pour assurer l’exécution du présent acte ont été adoptées et mises en vigueur dans la colonie où sont domiciliés ces ayants droit, si une copie en forme dudit ordre en conseil n’a été transmise aux lords commissaires de la trésorerie pour leur gouverne, si cet ordre n’a été publié à trois reprises différentes dans la Gazette de Londres (London Gazette), et s’il n’a été mis sous les yeux du parlement, six semaines après sa promulgation, lorsque le parlement sera assemblé, et, lorsqu’il ne le sera pas, six semaines après l’ouverture de la session suivante.

ART. 45.

Les commissaires arbitres procéderont à la répartition de la somme de 20 millions de livres sterling entre les dix-neuf colonies et possessions suivantes, savoir :

Les îles Bermudes,
Les îles de Bahama,
La Jamaïque,
Honduras,
Les îles Vierges,
Antigue,
Montserrat,
Nevis,
Saint-Christophe,
La Dominique,
La Barbade,
La Grenade,
Saint-Vincent,
Tabago,
Sainte-Lucie,

La Trinité,
La Guyane anglaise,
Le cap de Bonne-Espérance,
L’île Maurice.

Ils détermineront la part à laquelle chacune de ces colonies aura droit : 1° d’après le nombre des esclaves appartenant à chacune d’elles ou y étant établis, tel que le donneront les derniers relevés faits au bureau de l’enregistrement des esclaves, créé en Angleterre par un acte de la cinquante-neuvième année du règne de George III intitulé : Acte pour l’établissement, dans la Grande-Bretagne, d’un enregistrement des esclaves coloniaux, et pour la mise en vigueur de dispositions nouvelles relativement au transport des esclaves hors des colonies anglaises ; 2° d’après les prix de vente des esclaves dans chacune desdites colonies pendant les huit années antérieures au 1er janvier 1834, en excluant de cette évaluation toutes les ventes d’esclaves qu’ils supposeraient avoir été faites sous des réserves ou à des conditions qui auraient affecté le prix des esclaves. Ils établiront ensuite, en livres sterling, la valeur moyenne d’un esclave dans chacune desdites colonies pendant les huit années dont il vient d’être parlé ; ils multiplieront le nombre total des esclaves de chacune d’elles par le chiffre de cette valeur moyenne, et les 20 millions de livres sterling seront répartis entre les dix-neuf colonies proportionnellement au produit de cette multiplication.

ART. 46.

Lorsque les commissaires arbitres reconnaîtront que des individus à raison desquels l’indemnité sera réclamée ont été illégalement portés sur les rôles des esclaves dans l’une des colonies susmentionnées, ils déduiront de la somme réservée pour les propriétaires d’esclaves de cette colonie une somme représentant la valeur desdits individus, et cette somme sera consacrée au payement des dépenses générales de la commission.

ART. 47.

Attendu qu’il est nécessaire d’adopter des règles pour la répartition, entre les propriétaires des esclaves affranchis par le présent acte, de la portion de l’indemnité assignée à chaque colonie, et que ces règles ne sauraient être établies qu’après une enquête préalable sur tous les faits qui doivent être pris en considération pour ladite répartition, il est enjoint aux commissaires arbitres de se livrer aux investigations les plus complètes sur tout ce qui peut servir à déterminer l’équitable répartition de l’indemnité dont il s’agit. Ils auront égard, notamment, à la valeur relative des esclaves ruraux et des esclaves non ruraux ; ils diviseront ces esclaves en autant de catégories différentes qu’ils le jugeront convenable, suivant la situation particulière de chaque colonie ; ils fixeront, avec toute la précision possible, la valeur moyenne de l’esclave dans chacune de ces catégories ; ils rechercheront et examineront d’après quels principes l’indemnité à allouer doit être distribuée entre les personnes qui auraient des droits quelconques, communs ou séparés, sur lesdits esclaves, comme propriétaires, créanciers, légataires ou rentiers ; ils rechercheront encore d’après quels principes et de quelle manière devront être établies les dispositions nécessaires pour protéger les droits que peuvent avoir, sur le fonds d’indemnité, les femmes mariées, les mineurs, les individus qui sont dans un état habituel d’imbécillité, de démence ou de fureur, les personnes qui se trouvent au delà des mers ou celles qui sont sous le poids de quelque incapacité légale ; conformément à quelles règles, de quelle manière et par qui seront choisis les curateurs qu’il peut être nécessaire de nommer pour veiller au intérêts des individus dont il s’agit, et comment ces curateurs seront indemnises de leurs peines.

Ils rechercheront encore quels sont les principes qui devront régler, en ce qui touche l’indemnité, la succession des ayants droit qui mourraient ab intestat.

Ils examineront toutes les questions qu’il pourrait être nécessaire d’éclaircir, afin d’établir des règles justes et équitables pour la répartition de l’indemnité entre les personnes qui auraient des droits hypothécaires, des créances, ou tout autre droit quelconque assis sur les esclaves émancipés par le présent acte.

Après avoir fait ces différentes recherches et recueilli tous les renseignements nécessaires, les commissaires arbitres prépareront, pour chaque colonie en particulier, en ayant égard aux lois et usages qui y sont en vigueur, des projets de règlements généraux (general rules), renfermant les dispositions qu’ils jugeront les plus propres à assurer l’équitable répartition du fonds d’indemnité entre les différentes personnes mentionnées ci-dessus, et à protéger les droits de chacune, etc. Quand lesdits commissaires arbitres auront définitivement arrêté et signé ces projets, ils en feront l’envoi au président du conseil, pour être soumis à Sa Majesté en conseil ; et ils agiront de même pour toutes dispositions nouvelles qu’ils croiraient utile de proposer ultérieurement.

ART. 48.

Les projets de règlements généraux dont il est question dans l’article précédent seront insérés, à trois reprises différentes au moins, dans le London Gazette, avec un avis portant que toutes les personnes intéressées d’une manière quelconque à l’adoption ou au rejet des dispositions contenues dans lesdits règlements pourront, dans un délai que l’avis fixera, adresser à Sa Majesté en conseil leurs réclamations contre les dispositions dont il s’agit. Le conseil privé de Sa Majesté pourra, par un nouvel avis publié dans le London Gazette, prolonger la durée du délai autant qu’il sera jugé nécessaire de le faire.

ART. 49.

Lorsque des réclamations de la nature de celles dont il est fait mention dans l’article précédent seront adressées à Sa Majesté en conseil, Sa Majesté, ou l’un des comités du conseil privé, pourra les envoyer en communication aux commissaires arbitres qui feront connaître leur avis.

Sa Majesté pourra, au reste, sur le vu desdites réclamations, confirmer ou annuler les projets de règlements qui en seront l’objet, y faire toutes les modifications qu’elle jugera convenables, ou les renvoyer aux commissaires arbitres pour être soumis à un nouvel examen.

ART. 50.

À l’expiration du délai fixé pour faire lesdites réclamations, Sa Majesté, bien qu’il ne lui en ait été adressé aucune, pourra confirmer ou annuler les projets de règlements, les modifier comme elle le jugera convenable, ou les renvoyer aux commissaires arbitres pour être de leur part l’objet d’un nouvel examen.

ART. 51.

Lorsque Sa Majesté donnera son approbation à l’un des projets de règlements mentionnés ci-dessus, elle le déclarera par un ordre en conseil, lequel ordre reproduira tout au long les dispositions desdits projets avec les modifications qui y auront été faites.

Cet ordre, dûment certifié par le président du conseil de Sa Majesté, sera ensuite transmis au grand chancelier pour être enregistré et classé dans les archives de la haute cour de chancellerie.

ART. 52.

Les règlements généraux dont il s’agit pourront être révoqués, amendés, modifiés et renouvelés, suivant qu’il sera nécessaire, par d’autres règlements, rédigés, publiés, approuvés, enregistrés et classés dans les archives de la cour de chancellerie, ainsi qu’il est dit ci-dessus.

ART. 53.

Les règlements généraux rendus dans les formes qui viennent d’être déterminées auront les mêmes force et valeur que s’ils avaient été rendus par le Roi avec le concours du parlement ; pourvu, néanmoins, qu’ils ne contiennent aucune disposition contraire au présent acte ou aux lois et usages en vigueur dans lesdites colonies, en tant, toutefois, que ces lois et usages ne seraient point eux-mêmes contraires aux dispositions du présent acte.

ART. 54.

Lesdits règlements généraux seront obligatoires pour les commissaires arbitres. Ils devront toujours s’y conformer dans l’exercice des fonctions qui leur sont confiées par le présent acte, et dans les décisions qu’ils auront à rendre sur les diverses réclamations en obtention de l’indemnité qui leur seront déférées.

ART. 55.

Toute personne qui, il quelque titre que ce soit, sera ou se prétendra fondée à réclamer son admission à participer à l’indemnité, pourra adresser directement sa réclamation aux commissaires arbitres.

Et, afin que la méthode, la régularité et la célérité convenables soient apportées dans le mode de procéder relativement aux réclamations dont il s’agit, les commissaires arbitres sont autorisés à préparer, dans les formes ci-dessus indiquées, des règlements destinés à fixer la marche à suivre par les réclamants ; à conférer aux commissaires adjoints, nommés dans chaque colonie, le droit de recevoir lesdites réclamations et d’émettre leur avis sur leur objet, en se conformant aux règlements généraux établis comme il a été dit ci-dessus ; à prescrire le mode, le temps, le lieu et la forme dans lesquels il conviendra de donner avis au public des réclamations formées, ou de les communiquer spécialement aux personnes qu’elles intéressent ; à déterminer les formes et le mode de procéder pour la liquidation de ces réclamations ou pour former les oppositions auxquelles elles peuvent donner lieu ; enfin à faire toutes les dispositions qui leur paraîtront convenables sur la méthode, l’économie et la célérité à apporter dans l’examen desdites réclamations ; sur les témoignages à requérir et à admettre pour ou contre elles ; sur la forme à suivre pour statuer sur leur objet, et sur la méthode, les formes et le mode de procéder à observer (pour les réclamations portées devant les commissaires adjoints), tant par ces commissaires adjoints que par les parties intéressées, leurs agents ou leurs témoins.

Ces règlements pourront, au reste, quand l’occasion l’exigera, être amendés, modifiés, changés ou renouvelés dans les formes indiquées ci-dessus.

ART. 56.

Les commissaires arbitres examineront les réclamations qui leur seront présentées, et statueront sur les droits des réclamants dans les formes établies par les règlements généraux dont il vient d’être parlé.

Les parties intéressées, qui ne seraient pas satisfaites de la décision prise par les commissaires arbitres, pourront en appeler devant Sa Majesté en conseil ; et il sera donné avis de ces appels aux commissaires arbitres, qui devront soutenir leur décision.

Sa Majesté en conseil déterminera le mode de procéder en ce qui touche ces appels.

Lorsque deux ou un plus grand nombre de personnes auront élevé des prétentions opposées devant les commissaires arbitres, celles en faveur de qui la décision des commissaires aura été rendue seront admises à la soutenir à la place de ces derniers.

ART. 57.

Sa Majesté en conseil pourra confirmer, annuler, amender ou modifier, comme elle le jugera convenable, toute décision des commissaires arbitres contre laquelle il aura été interjeté appel, ou renvoyer l’affaire devant les commissaires pour plus ample informé et nouvel examen.

Toutefois Sa Majesté ne pourra recevoir en conseil, à l’appui des appels, des explications et renseignements qui n’auraient point été fournis aux commissaires ou admis par eux avant l’adoption de leur décision.

ART. 58.

Les décisions des commissaires arbitres, lorsqu’elles n’auront donné lieu à aucun appel dans les délais qui seront déterminés par Sa Majesté en conseil, seront définitives et obligatoires à l’égard de toutes les parties intéressées. Les décisions rendues sur appel par Sa Majesté en conseil seront définitives et sans appel.

ART. 59.

Le lord haut trésorier, ou trois commissaires au moins de la trésorerie, sont autorisés à faire payer, sur le fonds de 20 millions de livres sterling, le traitement des commissaires, officiers, commis et autres personnes employées à la répartition de l’indemnité, ainsi que les diverses autres dépenses qui pourront se présenter.

Chaque année, l’état de toutes ces dépenses sera mis sous les yeux du parlement.

ART. 60.

De temps à autre les commissaires arbitres dresseront une liste contenant les noms et la désignation des personnes auxquelles aura été allouée une part dans l’indemnité, et, après que trois d’entre eux au moins auront certifié et signé ladite liste, ils en feront l’envoi au principal secrétaire d’État de Sa Majesté, chargé du portefeuille des affaires desdites colonies, qui, après l’avoir lui-même approuvée et signée, la transmettra aux commissaires de la trésorerie. Les commissaires de la trésorerie autoriseront alors, par un mandat revêtu de leurs propres signatures, les commissaires pour la réduction de la dette nationale, à payer aux personnes dénommées dans la liste les sommes qui leur seront allouées, en imputant ce payement sur le crédit ouvert à la banque d’Angleterre, sous le titre : Compte de l’indemnité des Indes occidentales, etc.

ART. 61.

L’acte de la cinquante-deuxième année du règne de George III, intitulé : Acte pour abroger ou amender certains actes relatifs à des cérémonies et assemblées religieuses et aux personnes prêchant et enseignant dans ces assemblées, est mis en vigueur dans celles des colonies susmentionnées auxquelles auraient été appliqués, en tout ou en partie, les statuts suivants, savoir :

Le statut de la treizième et de la quatorzième année du règne de Charles II, intitulé : Acte pour prévenir les malheurs et les dangers qui peuvent résulter du refus du serment judiciaire, fait par certains individus appelés quakers et par d’autres personnes ;

Le statut de la dix-septième année du règne de Charles II, intitulé : Acte pour empêcher les non-conformistes de se réunir en corporation ;

Le statut de la vingt-deuxième année du règne de Charles II, intitulé : Acte pour prévenir et supprimer les conventicules séditieux ;

Le statut de la première et de la deuxième année du règne de Guillaume et de Marie, intitulé : Acte pour exempter des pénalités portées par certaines lois les sujets protestants de leurs Majestés, dissidents de l’Église anglicane ;

Le statut de la dixième année du règne de la reine Anne, intitulé : Acte pour consolider la religion protestante en affermissant l’Église anglicane ; pour confirmer la tolérance établie en faveur des protestants dissidents, par l’acte intitulé : « Acte pour exempter des pénalités portées par certaines lois les sujets protestants de leurs Majestés, dissidents de l’Église anglicane ; » pour suppléer aux défauts de cet acte, et pour mieux assurer la succession protestante en obligeant les gens de loi de l’Écosse à prêter serment et à souscrire la déclaration mentionnée dans le présent statut.

Dans les colonies auxquelles les dispositions de l’acte de la 52me année du règne de George III seront étendues et appliquées comme il est dit ci-dessus, la juridiction, les pouvoirs et l’autorité que cet acte confère en Angleterre aux juges de paix et aux juges tenant les assises générales et trimestrielles (general and quarter sessions), seront exercés par deux ou par un plus grand nombre de juges de paix investis du mandat spécial dont il a été parlé ci-dessus.

ART. 62.

Sa Majesté pourra, par des ordres en conseil, établir l’enregistrement des esclaves dans la colonie de Honduras, afin que le présent acte puisse y recevoir son exécution. Toutes les lois faites par Sa Majesté pour le gouvernement de ladite colonie seront, en ce qui touche le présent acte, aussi valides et aussi efficaces que toutes celles faites en conseil par Sa Majesté pour le gouvernement des diverses colonies soumises à son autorité législative.

ART. 63.

Tout fonctionnaire placé à la tête du gouvernement de chacune des colonies susmentionnées sera considéré comme gouverneur de cette colonie, pour tout ce qui se rattache à l’exécution du présent acte.

ART. 64.

Aucune des dispositions du présent acte n’est applicable aux territoires appartenant à la compagnie des Indes orientales, à l’île de Ceylan ou à l’île Sainte-Hélène.

ART. 65.

Les délais fixés, tant pour la mise à exécution du présent acte dans les colonies susmentionnées, que pour la durée de l’apprentissage des apprentis-travailleurs, devront être prolongés de quatre mois pour le cap de Bonne-Espérance et de six mois pour l’île Maurice.

ART. 66.

Devront être considérés comme parties intégrantes de chacune des colonies susmentionnées (en ce qui regarde l’exécution du présent acte) les îles et territoires qui en dépendent et qui sont soumis au même gouvernement colonial.

  1. An act for the abolition of slavery throughout the british colonies, for promoting the industry of the manumitted slaves, and for compensating the persons hitherto entitled to the services of such slaves.