Précis de l’abolition de l’esclavage dans les colonies anglaises/Introduction

INTRODUCTION.



En 1807, après dix-neuf années d’une ardente polémique, la traite des noirs fut abolie par l’Angleterre.

Dès le début de cette longue discussion, surgit la question de l’esclavage, qui retentit même jusqu’au sein du parlement. Mais les adversaires les plus prononcés de la traite bornèrent leurs vœux à une réforme prudemment calculée pour préparer la pacifique transition de l’esclavage à la liberté.

« Je ne suis point alarmé, s’écriait M. Wilberforce dans la séance du 2 avril 1792, de m’entendre attribuer le dessein d’émanciper les esclaves. Certes, je ne nierai pas que je désire leur assurer les bienfaits de la liberté. Quel homme, s’il est digne d’apprécier de tels bienfaits, se refuserait à s’associer à ce vœu ? Mais la liberté que j’entends est celle dont, hélas ! les noirs ne sont pas encore susceptibles. La vraie liberté est fille de la raison et de l’ordre, c’est une plante céleste, et le sol doit être préparé à la recevoir. Quiconque la veut voir fleurir et porter ses véritables fruits, ne croira pas qu’il faille l’exposer à dégénérer dans la licence. »

Les voix les plus éloquentes, les raisons les plus hautes : Pitt, Fox, Burke, Shéridhan, Windham. Dundas ; lord Howick (aujourd’hui lord Grey), le marquis de Lansdowne, lord Grenville, etc., etc., traitèrent à des points de vue divers, mais toujours avec une grande supériorité, la question de l’émancipation des esclaves aux Indes occidentales. Plus d’une fois cette grave question vint se formuler en motions et même en projets de bills au sein du parlement. Malgré ces tentatives, énergiquement soutenues par l’opinion dans le Royaume-Uni, une longue priorité fut maintenue à la question de l’amélioration préalable de la condition morale et matérielle des populations noires.

Les plus ardents promoteurs de l’émancipation s’accordèrent d’ailleurs a reconnaître, avec les partisans d’une réforme progressive, que cette amélioration du régime de l’esclavage devait être la conséquence naturelle et nécessaire de l’abolition de la traite. Par cette mesure, les maîtres se trouvaient intéressés a ménager les esclaves, et ceux-ci ne pouvaient, avec le temps, manquer de se dépouiller de la barbarie africaine, par l’heureuse influence du christianisme et le contact de la civilisation européenne.

Cependant l’intervention du gouvernement entre les maîtres et les esclaves fut plus tard jugée nécessaire pour accélérer le progrès. L’initiative de cette intervention, prise par un membre de la chambre des communes, reçut l’adhésion immédiate du cabinet par l’organe de M. Canning.

Ce fut dans la séance du 15 mai 1823 que M. F. Buxton, d’après le désir de son collègue M. Wilberforce prit la parole à la chambre des communes pour développer la motion par laquelle, cette fois, le parlement resta saisi de la question de l’abolition de l’esclavage. Pour rassurer les esprits, M. Buxton se prévalut de l’exemple de certaines parties des États-Unis de l’Amérique du nord et des nouveaux États de l’Amérique méridionale. Là, l’esclavage avait disparu ou achevait de disparaître, par l’effet de l’affranchissement graduel que l’orateur réclamait pour la population noire des possessions anglaises aux Indes occidentales. M. Buxton se prévalut d’exemples, à son avis, encore plus décisifs : « Depuis 1816, dit-il, des mesures semblables à celles que nous proposons, mises à exécution à Ceylan, n’y ont produit que du bien ; autant en ont-elles fait à Bencoolen, et surtout à Sainte-Hélène. »

Après avoir reproduit devant la chambre des communes la série des améliorations par lui indiquées dans une lettre adressée dès le 15 avril à lord Bathurst, secrétaire d’État des colonies, M. Buxton termina son discours par la motion suivante :

« Que, contraire aux principes de la constitution britannique et à ceux de la religion chrétienne, l’esclavage devait être aboli graduellement dans les colonies anglaises, aussi promptement que le permettrait le bien-être des parties intéressées. »

M. Canning, en faisant valoir les considérations d’une juste prudence dans une matière d’une telle gravité, obtint de fasscmbtée d’amender la motion de M. Buxton dans les termes suivants :

« Il est expédient d’adopter des mesures décisives et efficaces pour améliorer la condition de la population esclave dans les pays de la domination de Sa Majesté.

« La chambre prévoit que de semblables mesures, en recevant une extension constante et dirigée par un esprit de sagesse et de raison, amèneront progressivement l’amélioration des facultés morales de la population esclave, et la rendront capable de participer aux droits et aux privilèges civils dont jouissent les autres classes des sujets de Sa Majesté.

« La chambre désire ardemment que l'on exécute ce projet dès que l’exécution en sera compatible avec le bien-être des esclaves, avec la sécurité des colonies et avec les considérations d’équité qui doivent protéger les intérêts particuliers des propriétaires.

« Ces résolutions seront mises sous les yeux de Sa Majesté.»

En conséquence de ces résolutions, lord Bathurst, secrétaire d’État des colonies, adressa, le 9 juillet 1823, sous la forme de circulaire, une dépêche aux gouverneurs des possessions à charte. Par leurs propres législatures, ces possessions devaient concourir à l’adoption des modifications apportées par la circulaire au régime colonial, en ouvrant la voie à une réforme que le ministre déclarait devoir être plus complète.

L’œuvre aujourd’hui consommée de l’abolition de l’esclavage dans les possessions britanniques appelle désormais l’attention, plutôt sur les effets de cette grande mesure, que sur les dispositions par lesquelles l’Angleterre y préluda. Cependant, pour faciliter l’exacte appréciation de ces effets, on a pensé qu’il fallait rappeler les principales dispositions qui peuvent être considérées comme n’ayant pas été sans influence sur la marche des événements et sur la situation présente des colonies anglaises.

La circulaire de lord Bathurst aux gouverneurs des colonies offrant le point de départ de la réforme qui a conduit à l’émancipation, ce document est reproduit ici intégralement.


Londres, 9 juillet 1823.

« Je vous ai annoncé, par ma lettre du 12 du mois dernier, que j’avais à vous communiquer des instructions relatives aux améliorations que le gouvernement de Sa Majesté désirerait voir introduites dans le Code noir de la colonie de ***, conformément aux résolutions récentes de la chambre des communes.

« Ne considérez pas les améliorations dont je conseille ici l’adoption comme le complet développement des vues du gouvernement ; je ne me suis proposé que d’indiquer aux législatures les amendements qui peuvent s’adapter aux circonstances présentes, et servir de base a un plan de réforme plus solide et plus large. Vous aurez donc à présenter et à recommander instamment aux méditations de la législature de cette colonie les observations et les propositions qui vont suivre.

« Je crois inutile d’insister sur la nécessité de l’enseignement religieux comme source de toute amélioration véritable dans le caractère et la condition à venir des esclaves. Le gouvernement est si intimement convaincu de cette vérité, que si les revenus locaux se trouvent insuffisants pour entretenir le nombre nécessaire d’ecclésiastiques soumis au contrôle épiscopal, il n’hésitera pas à proposer au parlement les allocations pécuniaires qu’exigeront les besoins du culte ; il ne doute point que les dispositions philanthropiques manifestées par la législature de *** et par la population blanche en général, en faveur de la population esclave, ne portent parlement à répondre aux vues des ministres de Sa Majesté sur cet objet important : mais, de son côté, l’assemblée de *** doit seconder les projets du gouvernement et des chambres d’Angleterre en abolissant, par un acte législatif, les marchés du dimanche, afin que ce jour soit consacré au repos des travaux manuels et à l’instruction morale et religieuse des esclaves. Donner ce repos aux esclaves sans leur offrir en même temps les occupations qui doivent le sanctifier, ce serait sans doute mettre à leur disposition un avantage stérile, ce serait peut être compromettra la sûreté de la colonie. On n’insiste donc pas sur l’abolition des marchés du dimanche, jusqu’à ce qu’on ait pourvu aux moyens d’instruction morale et religieuse ; mais le gouvernement ne demandera pas au parlement l’assistance pécuniaire pour l’établissement religieux des colonies, avant que celles-ci se soient mises en état de remplir les conditions que la Grande-Bretagne exige d’elles.

« Une autre amélioration importante réclame impérieusement l’autorité de l’instruction religieuse. Il s’agit de l’admission du témoignage des esclaves devant les cours de justice. Cette question doit influer essentiellement sur toutes les mesures de protection qui pourraient être adoptées en leur faveur. Les déclarer tous et spontanément admis a témoigner, ce serait introduire dans le système judiciaire des colonies un changement trop important pour être subit un tel changement doit être la conséquence du perfectionnement moral et religieux de la classe laquelle il confère un droit. Il serait donc convenable que, conformément aux résolutions unanimes de la chambre des communes, une loi déclarât l’admission du témoignage des esclaves dans tous les cas, excepté un petit nombre, si individu qui se présente comme témoin fournit à la cour un certificat d’un ecclésiastique de paroisse ou de l’habitation dont il fait partie, attestant qu’il est assez instruit dans les principes de la religion pour comprendre l’obligation du serment. Les cas d’exception seraient ceux qui concerneraient directement le maître du témoin ou la vie d’une personne blanche. Pour prévenir la falsification des certificats, on établirait, dans chaque paroisse, des registres ou seraient inscrits les individus qui prouveraient être compétents à témoigner : se faire porter sur cette liste deviendrait peut-être le mobile d’une louable ambition, un stimulant au travail et à la bonne conduite. Le certificat dont il a été question ne conférerait sans doute pas, absolument et par lui-même, la capacité de témoigner ; il n’aurait de validité que dans le cas où le témoin ne serait atteint d’aucune des incapacités qui, dans la législation anglaise, rendent inhabiles les personnes libres.

« L’instruction religieuse n’est pas moins nécessaire comme base d’une institution dont l’agence est pour ce pays un véritable fléau ; je parle de l’institution du mariage. Là ou le père de famille n’est point investi des droits paternels et conjugaux, on demanderait vainement au mariage ses conséquences salutaires, le bien infini qu’il produit de lui-même dans les sociétés civilisées. La disette d’ecclésiastiques aux colonies présente une autre difficulté ; sans leur intervention il est à peine possible de faire comprendre aux esclaves le caractère sacré des obligations qu’ils contractent, et même de donner au pur cérémonial la solennité qui en laisse une impression durable.

« Cette salutaire institution ne saurait être trop tôt et trop soigneusement établie : on aura l’attention d’encourager autant que possible les mariages entre esclaves attachés aux mêmes habitations. En effet, les mariages entre individus appartenant à des maîtres différents ont deux inconvénients graves : de relâcher encore davantage les liens conjugaux et paternels, et de diminuer l’intérêt que le noir doit porter à l’habitation qu’il cultive. Il faudrait de plus exempter du travail des champs l’esclave mère d’un nombre donné d’enfants légitimes. Jusqu’à ce que le clergé colonial fût complètement organisé, on tolérerait la célébration des mariages par des individus qui ne sont point engagés dans les ordres sacrés ; on pourvoirait seulement à ce que ces mariages fussent définitivement enregistrés à l’église paroissiale, et à ce qu’aucun ne fut célébré sans le consentement par écrit du maître. Dans le cas où celui-ci y mettrait opposition, il serait sommé de comparaître devant le prêtre de la paroisse pour exposer les motifs de son refus.

« J’appelle maintenant vos regards sur les affranchissements. Il faut les favoriser. Quoique presque toutes les colonies aient imposé des taxes sur les affranchissements, j’ai appris avec plaisir que, dans l’application, ces restrictions restaient généralement sans effet : je ne vois donc aucune difficulté à ce que la législature coloniale concoure à l’abolition définitive de toute charge de cette nature en y comprenant les droits qui peuvent avoir été établis, soit par la coutume, soit par des dispositions législatives. Un libre système d’affranchissement présente, il est vrai, plus d’un obstacle. Ce sont ces obstacles qu’il s’agit d’examiner et d’écarter. Le premier est la crainte que le maître n’abuse de la liberté illimitée d’affranchir en se débarrassant de ses esclaves vieux ou infirmes. Il est nécessaire, je le sens, d’exiger la comparution de l’individu à affranchir, soit au bureau du trésorier, soit à celui du secrétaire colonial, dont le devoir serait, avant d’enregistrer l’acte de manumission, de s’assurer que l’esclave n’a pas moins de six ans, ou plus de cinquante, et qu’il n’est atteint d’aucune maladie ou infirmité permanente. Dans ces cas d’exception, et dans ceux-là seulement, le secrétaire ou le trésorier, avant d’enregistrer l’affranchissement, feraient souscrire au maître de l’esclave une obligation au profit du roi, sous la condition que cette obligation n’aurait de force qu’autant que l’esclave affranchi deviendrait incapable de pourvoir par lui-même à sa propre subsistance, dans la période de dix années si c’était un enfant, et de quatorze si c’était un adulte. Le second obstacle paraît découler d’une difficulté légale présumée. On a objecté que l’esclave, n’ayant pas la capacité de contracter, ne pouvait le faire légalement pour sa liberté ; c’est une difficulté de tonne et nullement de fond. Aussi rien n’est-il plus aisé que d’y porter remède, soit que la capacité de l’esclave à contracter pour sa propre liberté se trouve reconnue par un acte déclaratoire, ou qu’elle le soit au nom du roi. Un troisième obstacle, plus sérieux que les deux autres, provient des limitations sous l’empire desquelles l’esclave est tenu par la législation. Un esclave et sa descendance peuvent avoir été l’objet de transactions, d’engagements de famille ou d’hypothèques, et alors leur affranchissement ne peut s’effectuer sans le concours de tous les intéressés, dont quelques-uns peuvent être mineurs ou décédés ; le titre de propriété sur l’esclave peut être douteux ou contestable, etc. Dans ces cas, et dans d’autres encore où la question du titre est en litige, l’esclave se trouve dans la nécessité d’attendre la fin de la contestation entre les intéressés, avant de payer à l’une ou à l’autre partie le prix de sa liberté.

« Afin d’écarter ces obstacles, vous proposerez à la législature de *** une loi tendant à ce qu’il soit nommé des commissaires qui, sur le consentement du maître de l’esclave, s’assurent des noms et domiciles des personnes ayant intérêt sur ce dernier, a quelque titre que ce soit ; ces personnes seraient averties, par sommation privée ou publique, du temps et du lieu de l’estimation dudit esclave. Là l’estimation sera faite, en présence d’un commissaire au moins, par un ou plusieurs jurés appréciateurs ; et, dans le cas où il s’élèverait des réclamations de la part des parties dans le délai d’un mois, les commissaires pourront procéder a une estimation nouvelle. Celle-ci sera définitive, et la valeur en sera versée au trésor colonial. Tous les droits qui existaient précédemment sur l’esclave existeront dorénavant, non sur lui, mais sur le fonds qui représente le prix estimé de son affranchissement.

« Reste encore un cas à prévoir, la perte de l’acte d’affranchissement. On y pourvoira par l’enregistrement de toute manumission, et, afin d’en assurer l’exécution ponctuelle, il sera prescrit par l’autorité législative un mode simple d’affranchissement. La comparution du maître, ou de son fondé de pouvoir, par-devant le greffier, sera une condition essentielle de tout acte de cette nature.

« J’ai à traiter maintenant de la vente des esclaves pour dettes de leurs propriétaires. Dans la vaste série des améliorations projetées, il n’y en a peut-être pas une seule qui, considérée mûrement, présente plus de difficultés.

« On peut, je crois, résumer de la manière suivante les règles de la loi coloniale, telles qu’on a pu les extraire des documents existant dans mon administration.

« D’abord il paraît établi en maxime générale, dans notre jurisprudence coloniale, que l’entière propriété d’un débiteur, hommes et choses, et tous ses intérêts sur des immeubles, peuvent être saisis et vendus en exécution de jugement prononcé contre lui. En outre, dans l’ordre de vente, l’exécuteur des cours de justice (le shérif ou le prévôt maréchal) est tenu de faire saisir et vendre les différentes sortes de propriétés dans l’ordre suivant : 1° les récoltes, 2° les meubles, 3° les créances de l’intimé, 4° les ustensiles de l’habitation, 5° les esclaves, 6° et en dernier lieu, la terre. Ces deux dernières classes de propriété ne doivent être saisies qu’à défaut des premières. Il paraît aussi que, dans chacune des colonies, un jugement a l’effet d’une hypothèque sur toute la propriété immobilière et sur tous les droits que le débiteur pouvait avoir à des propriétés de cette nature à l’époque du jugement rendu contre lui ; enfin il paraît qu’un jugement antérieur obtient la priorité, dans l’ordre du payement, sur une hypothèque postérieure.

« Un jugement ayant ainsi plus d’effet dans les colonies qu’en Angleterre, le nombre de ceux qui sont rendus aux Indes occidentales y est beaucoup plus considérable, eu égard au nombre des habitants libres et à l’étendue de leurs transactions pécuniaires. Un autre résultat de l’efficacité des jugements, c’est que les possesseurs d hypothèques en ont invoqué et obtenu, comme une sûreté collatérale, pour les avances qu’ils avaient faites. Il existe donc, dans les colonies, une classe immense de personnes ayant des droits sur des esclaves, droits qu’ils ont acquis sur la foi des lois passées par les assemblées et approuvées par la Couronne. Maintenant, si l’on prohibait d’une manière absolue, par une nouvelle loi, la vente des esclaves par exécution légale, on détruirait les droits acquis en vertu d’actes législatifs, et je suis loin de vous recommander une mesure qui violerait à ce point les droits de la propriété. En supposant que la prohibition ne dût affecter que les dettes qui seraient contractées postérieurement à la loi, le prévôt maréchal pourrait saisir encore et mettre en vente les ustensiles et la terre elle-même. À cette question s’en rattache évidemment une autre les esclaves seront-ils vendus sans la terre, ou la terre sans les esclaves ? En supposant, en outre, que la terre, les esclaves et les ustensiles fussent affranchis de l’exécution légale, si le propriétaire jouit encore de la faculté de vente volontaire, voici ce qui arrivera : on pourvoira à ses besoins en vendant ses esclaves, au lieu d’emprunter sur leur tête, comme on le fait aujourd’hui. Il semble donc résulter de tout cela que la prohibition absolue de la vente des esclaves en payement de dettes du propriétaire ne proviendrait la séparation de l’esclave de l’habitation qu’autant qu’on enlèverait en même temps au maître le droit de vente volontaire. Mais je n’ai point le projet de vous recommander une aussi grande innovation.

« Cependant il est satisfaisant de remarquer que, bien que la loi, en théorie, accorde la vente des esclaves pour payer les dettes du propriétaire, en pratique cette vente ne peut s’effectuer que dans le cas où le propriétaire a le fief simple de la terre et des esclaves (where the owner has the fee simple of the land and slaves), mode de posséder que l’usage des substitutions a rendu très-rare dans la plupart de nos colonies des Indes occidentales ; et dans celui, beaucoup plus rare encore (j’ai sujet de le craindre), où il n’a contracte aucune dette hypothécaire. La terre et les esclaves étant presque généralement substitues ou hypothéqués, comme propriété consolidée, les droits de l’individu à qui la propriété est réversible dans le premier cas, et dans le second ceux du créancier hypothécaire, empêchent nécessairement la vente séparée de la terre et des esclaves. Je suis fondé a inférer de là que la grande majorité des esclaves vendus par exécution judiciaire, soit en vertu du vieil ordre anglais de venditioni exponas, à la Jamaïque, ou de la jurisprudence locale dans les îles inférieures, est vendue avec la terre, et ne subit d’autre altération dans sa condition que le changement de maître. Les esclaves vendus séparément sont donc, pour la plupart, ceux qui ne sont point attachés habituellement aux travaux de la terre, des domestiques ou des individus employés, par les classes inférieures d’hommes libres, à différentes occupations domestiques au profit de leurs maures. Placés dans ces circonstances, les esclaves ne sont peut-être pas matériellement lésés par une vente forcée, puisque leurs travaux ne sont point de nature a leur créer de forts attachements locaux.

« Quelque peu nombreux que soient les cas de séparation des esclaves de la terre, il convient du moins de les prévenir, s’il est possible, et de pourvoir à ce qu’ils ne s’accroissent pas à l’avenir. Je vous recommande donc de présenter à l’examen de la législature de la colonie de *** les amendements suivants a la loi sur la matière : Que, sans empiéter sur les droits de créanciers ayant obtenu des jugements non encore exécutés, des dispositions soient prises pour prévenir que de tels jugements subsistent encore après le payement effectif des dettes au sujet desquelles ils auront été obtenus ; qu’une époque soit fixée au delà de laquelle les jugements actuellement existants ne seront plus exécutoires ; et, quant aux jugements qui pourront être rendus par la suite, que leur exécution ait lieu plutôt sous forme de séquestre que sous forme de vente, c’est-à-dire, que le créancier ait la faculté de prendre possession des terres, esclaves et ustensiles, et de les tenir indivis jusqu’à ce que les produits aient satisfait à ses réclamations, ou que les rentes et profits de la terre, les esclaves et les ustensiles puissent être vendus dans un seul et même lot. Si ce pendant la substitution du séquestre à la vente ne paraissait pas praticable, il faudrait pourvoir du moins à ce que les esclaves de culture et les ustensiles de l’habitation ne fussent jamais vendus qu’en bloc et dans le même lot. Il faudrait pourvoir encore à ce que les esclaves ne fussent plus séparés pour le payement des dettes du propriétaire décédé ; mais que la terre les esclaves et le matériel de l’habitation fussent toujours vendus sans division.

« À l’égard de tous les esclaves attachés ou non aux habitations, vous proposerez un acte qui défende de vendre le mari séparément de la femme, celle-ci du mari et des enfants au-dessous de quatorze ans. Et comme, malheureusement, l’usage de ne point marier les esclaves rendait superflue jusqu’à ce moment la constatation des unions légales, l’empêchement sera étendu au cas de mari, femme et enfants réputés. J’ai à ajouter que si le débiteur ne possédait pas tout à la fois le mari et la femme, ou les parents et les enfants, les membres de la famille appartenant au débiteur seraient évalués et offerts, un peu au-dessous de l’évaluation, au propriétaire des autres membres de la famille.

« Relativement aux punitions des esclaves, j’ai déjà anticipé jusqu’à un certain point sur l’objet de la présente dépêche, en recommandant que des mesures législatives fussent proposées à l’effet d’affranchir les femmes de la punition du fouet ; j’ai fait sentir aussi la nécessité d’en abolir l’usage aux champs. J’ai à ajouter à ces instructions que vous présenterez à la législature une loi tendant à ce qu’il ne puisse être infligé aucune punition domestique que le lendemain du délit commis et en présence d’une personne libre, outre l’individu d’après l’ordre duquel le châtiment sera infligé. Il sera tenu dans chaque habitation un registre particulier ou seront inscrites régulièrement toutes les punitions infligées, excédant trois coups de fouet. Dans ce registre devront être spécifiés : 1o la nature du délit ; 2o l’époque et le lieu où il aura été commis ; 3o le nom des personnes libres présentes ; 4o le nombre des coups reçus. Le propriétaire, l’économe ou le surveillant de l’habitation attesteront par serment devant un magistrat, chaque trimestre, que le registre dont il est question est tenu fidèlement. Comme la punition d’un esclave dans l’absence d’une personne libre ne serait pas susceptible de preuve directe, si le témoignage des esclaves eux-mêmes n’était pas admis, afin de faciliter autant que possible la découverte du délit, on arrêterait que si un esclave exhibe les marques d’une flagellation ou mutilation récente, et que ces marques soient reconnues, par lui ou par un autre esclave, être les traces d’une punition non dûment enregistrée, les apparences seront suffisantes pour élever une présomption de contravention à la loi, et l’économe ou surveillant sera passible d’une certaine peine, moins qu’il ne parvienne à détruire la présomption par des preuves suffisantes.

« Le dernier sujet sur lequel rappelle maintenant votre attention, c’est, la nécessité d’assurer aux esclaves la jouissance des propretés quelconques qu’ils sont aptes à posséder. Il faudrait pour cela que des banques d’épargne fussent établies par l’autorité législative sur le plan de celles d’Angleterre, mais avec cette différence que le dépositaire déclarait, au moment d’opérer son premier dépôt, à qui le fonds sera dévolu en cas de son propre décès. Cette déclaration, dûment enregistrée à la banque, serait réputée équivaloir à une dernière volonté, à défaut de toute autre.

« Je désire que vous soyez vivement frappé de nécessité de mettre en pleine exécution, le plus tôt possible, les améliorations projetées, dans un esprit de parfaite et cordiale coopération aux efforts du gouvernement de Sa Majesté. Attachez-vous particulièrement à ce que les lois nécessaires à l’accomplissement de ce plan, dictée par une sage prévoyance, ne négligent aucune des précautions qui doivent garantir leur fidèle exécution. Dans cette vue, vous consulterez les conseillers légaux de la Couronne sur la confection des bills que vous devrez présenter ; vous me rendrez compte du progrès de vos efforts ou des difficultés qui les arrêteront : et, si (ce que je ne saurais croire) vous rencontriez quelque opposition sérieuse, faites m’en parvenir l’avis sans délai, afin que je porte l’affaire à la connaissance du parlement, et que je propose les mesures que la circonstance pourra exiger.

« J’ai l’honneur d’être, etc.

« Signé Bathurst. »

Les colonies reçurent avec des dispositions généralement peu favorables ces résolutions qui, dix ans plus tard devaient aboutir à l’acte d’abolition de l’esclavage. L’intervention de la chambre des communes, que le gouvernement métropolitain avait réclamée pour donner une plus forte impulsion à la réforme[1], fut déclarée inconstitutionnelle par les législatures locales. De leur côté, les esclaves, trompés pur le bruit assez répandu d’un affranchissement immédiat et général, tentèrent de se soulever sur plusieurs points. À Démérary, une grave insurrection éclata, dans la nuit du 18 août 1823, à la lueur des habitations incendiées. L’année suivante, des révoltes eurent lieu à la Jamaïque ; elles furent réprimées et suivies de plusieurs exécutions à mort.

Il serait trop long, il serait d’ailleurs sans utilité de chercher à retracer ici tous les incidents de cette lutte prolongée et souvent très-animée entre la mère patrie et ses colonies. Il suffira de rappeler que, d’après les ordres de l’autorité métropolitaine en exécution des résolutions du 15 mai 1823, les modifications a opérer dans le régime des colonies à esclaves portaient sur les points ci-après énumérés :

I. Pourvoir à l’éducation et l’instruction religieuse des esclaves.

II. Supprimer les marchés du dimanche.

III. Faire que le dimanche, au lieu d’être employé par les esclaves au travail des terrains qui leur sont alloués, soit consacré au repos et à la religion.

IV. Allouer aux esclaves, en remplacement du dimanche, un temps équivalent pour cultiver leurs terrains et pour aller au marché.

V. Admettre le témoignage des esclaves, sous certaines restrictions, dans les procédures civiles ou criminelles.

VI. Légitimer les mariages parmi les esclaves, et protéger leurs droits conjugaux.

VII. Empêcher que la séparation des familles esclaves ait lieu par suite de vente.

VIII. Empêcher la vente des esclaves séparément des plantations auxquelles ils appartiennent.

IX. Garantir légalement aux esclaves le droit d’acquérir de posséder et de transmettre des propriétés.

X. Établir des caisses d’épargne dans l’intérêt de leurs propriétés.

XI. Abolir toutes taxes sur affranchissements.

XII. Accorder aux esclaves le droit de se racheter, ou de racheter les membres, de leur famille, à un prix raisonnable.

XIII. Limiter le pouvoir des maîtres et de leurs agents pour le châtiment arbitraire des esclaves, et en restreindre les abus.

XIV. Pourvoir à ce qu’il soit tenu enregistrement, et à ce qu’il soit fait rapport régulièrement, de tous châtiments arbitraires infligés par le montre ou par ses agents.

XV. Abolir entièrement l’usage de fouetter les femmes.

XVI. Abolir l’usage du fouet sur les plantations, pour stimuler au travail.

XVII. Nommer des protecteurs des esclaves dans chaque colonie.

XVIII. Pourvoir à ce que, dorénavant, aucune personne propriétaire d’esclaves, ou intéressée dans la propriété d’un esclave, ne puisse être nommée aux emplois de protecteur des esclaves, gouverneur, juge, fiscal, procureur général, évêque, ecclésiastique ou instituteur salarié, et généralement aucune fonction ayant trait à l’application des lois sur l’esclavage.

XIX. Pourvoir a ce que, dans les questions concernant l’esclavage ou la liberté des individu, la présomption légale soit en faveur de la liberté.

XX. Améliorer l’administration de la justice.

Avant l’année 1830, la première phase de la réforme avait été marquée dans les diverses colonies par les améliorations dont on va présenter le résumé.


COLONIES OU LA COURONNE POSSÈDE SEULE LE POUVOIR
DE LA LÉGISLATION.


I. La Trinité.

Plusieurs des points de réforme ci-dessus mentionnés furent l’objet d’un ordre en conseil spécial pour l’île. Cet acte, présenté au parlement le 16 mars 1824, était désigné comme devant être le modèle à suivre par les autres colonies à esclaves.

Toutefois, les articles Ier (instruction religieuse), II (abolition des marchés du dimanche), et IV (temps accordé aux esclaves pour cultiver leurs terrains), étaient omis dans cet acte. L’article XIX (présomption légale en faveur de la liberté) était omis également, mais il y avait été préalablement pourvu dans cette colonie par l’acte relatif à l’enregistrement des esclaves.

L’article III (observation religieuse du dimanche) fut en partie exécuté. Le travail du dimanche au bénéfice du maître était textuellement prohibé ; mais l’article IV ayant été omis, la mise à exécution de l’article III resta sens effet.

L’article, V (témoignage) fut imparfaitement exécuté, plusieurs restrictions contraires à l’admission du témoignage des esclaves ayant été introduites dans l’acte.

La manière dont l’ordre en conseil fut rédigé concernant les articles VI (mariage), IX (propriétés), X (caisses d’épargne), XI (affranchissement), XV et XVI (usage du fouet), et XVII (protecteurs des esclaves), n’admettait aucune exception aux résolutions de 1823.

L’article XII sur l’affranchissement aurait été aussi entièrement exécuté à la Trinité, si les commissaires experts jurés n’avaient pas cru pouvoir évaluer parfois au double et même au triple de ce qu’ils auraient été vendus aux enchères, les esclaves qui désiraient racheter leur liberté à un prix juste et raisonnable.

L’article VII, sur la séparation des familles, fut imparfaitement exécuté. D’après l’ordre en conseil, la prohibition ne s’étendait pas jusqu’à la séparation par autorité de justice.

L’effet des moyens adoptés pour restreindre les abus d’autorité du maître (article XIII) fut fortement contre-balancé par une disposition introduite subséquemment, laquelle portait que l’esclave qui ne pourrait appuyer de preuves une plainte dirigée par lui contre son maître, ou contre les agents de son maître, encourrait une punition.

Les rapports et l’enregistrement des punitions arbitraires, prescrits par l’article XIV, ne furent exigés que des propriétaires de plantations.

L’article XVIII (défense à tout propriétaire d'esclaves d'être protecteur, etc.) fut imparfaitement exécuté. Le protecteur des esclaves à la Trinité ne put, il est vrai, avoir dans cette colonie des plantations cultivées par des esclaves ; mais il lui était permis d’en avoir dans toute autre colonie ; et même il pouvait posséder, à la Trinité, des esclaves non attachés à la culture.


2. Berbice.

Le nouveau Code noir de Berbice, consacré par un arrêté du gouverneur, établit dans la colonie un enregistrement exact des mariages des esclaves, ou des liaisons réputées légitimes.

Sur plusieurs points très-importants, ce Code resta en deçà de celui de la Trinité.

1° Le pouvoir du protecteur, pour la défense des esclaves, ne s’étendait pas jusqu'aux causes criminelles.

2° Non seulement les marchés du dimanche (articles Ier et III) étaient maintenus, comme à la Trinité ; mais le maître fut autorisé a consacrer une partie du jour à distribuer à ses esclaves leur nourriture de la semaine ;

3° Une disposition importante du Code de la Trinité, qui punissait l’abus de pouvoir de la part du maître (XIII), était entièrement omise à Berbice ;

4° Le mariage (VI) était soumis a plus de restrictions qu’à la Trinité ;

5° L’affranchissement sans le consentement du maître (XII) était rendu difficile, attendu la faculté donnée aux experts d’évaluer l’esclave, non ce qu’il eût été vendu publiquement, mais à un taux propre à compenser le préjugée éprouvé par le maître.


3. Démébary.

Mêmes observations que pour Berbice.


4. Cap de Bonne-Espérance.

Le Code noir de cette colonie, émané, comme à Berbice, de l’autorité locale, permit de fouetter les femmes séparément (XVI), et permit aussi de séparer les enfants de leurs parents par la vente, à l’âge de dix ans au lieu de seize (VII).

Il allait plus loin que l’ordre en conseil de la Trinité : 1° en abolissant les marchés du dimanche (II) ; 2° en donnant à l’esclave le droit d’assister le dimanche à l’office divin (III) ; 3° en l’admettant librement en témoignage dans les cours de justice (V), excepté dans les procès civils que pourrait avoir son maître ; 4° en obligeant le maître à n’infliger que de sa propre main des corrections à sont esclave. et en ne soumettant pas à une punition l’esclave qui ne pouvait prouver sa plainte contre son maître (XIII).


5. Honduras. — 6. Maurice.

Aucune mesure de réforme ne fut adoptée dans ces deux colonies.

7. Sainte-Lucie.

Dans cette colonie seulement, les esclaves furent autorisés disposer d’un certain temps en remplacement du dimanche (III) ; la séparation des familles par vente fut défendue (VII) ; les esclaves détachés de l’habitation ne pouvaient être vendus (VIII) ; le droit d’actionner fut accorde aux esclaves eux-mêmes ; le témoignage de l’esclave fut librement reçu, excepté dans les procès civils contre son maître ; on consacra la présomption légale de liberté en matière de demandes d’affranchissement (XIX).


COLONIES AYANT DES CHARTES.


8. Antuigue. — 9. Les Bermudes. — 10. Montserrat. — 11. Nevis. — 12. Saint-Christophe. — 13. Les îles Vierges.

Il ne fut rien fait dans ces six colonies.


14. Les Bahamas.

L’abolition du fouet fut adoptée.

Les articles VI (mariage). VII (non séparation des familles), IX (droit de propriété) et X (caisses d’épargne), furent en partie mis à exécution.

Tous les autres points de réforme furent éludés ou rejetés.


15. La Barbade.

Les marchés du dimanche (XI) furent abolis ; mais il ne fut pas accordé de temps à l’esclave en remplacement.

Les articles V (témoignage), VI (mariage) et VII (non séparation des familles), furent insérés dans l’acte local, mais d’une manière restrictive.

Au lieu d’un protecteur d’esclaves (XVII) il y eut à la Barbade un conseil de protection qui pouvait être compose et, par conséquent, de propriétaires d’esclaves.

Les autres articles de réforme furent écartés.


16. La Dominique.

Les articles V, VII et IX (témoignage, non séparation et droit de propriété), furent consacrés d’une manière incomplète.

Les autres dispositions furent repoussées.


17. La Grenade.

Les articles V, VII et IX, auxquels on peut ajouter l’article VI (mariage), furent consacrés dans cette colonie de la même manière qu’à la Dominique.

Le nombre des coups de fouet qu’un maître ou son agent pouvait infliger était réduit de 39 à 25 (XIII).

Il fut défendu à l’esclave de porter un fouet sur les plantations.

Cette colonie adopta avec empressement l’article XIX (présomption légale en faveur de la liberté).

Tous les autres articles de réforma furent écartés.


18. La Jamaïque.

Ce fut en 1826 seulement qu’intervint un premier acte local sur l’esclavage. Sauf les articles V, VI et VII, qui furent incomplètement consacrés, les autres dispositions furent repoussées.


19. Saint-Vincent.

Cette colonie, comme celle de la Grenade, réduisit de 39 à 25 le nombre de coups de fouet à infliger par punition ; mais elle n’empêcha pas la séparation des familles par vente (VII), et elle n’adopta point l’article XIX.


20. Tabago.

La législature de Tabago abolit les marchés du dimanche ; mais elle n’accorda pas de temps à l’esclave pour compensation.

Elle réduisit le châtiment arbitraire infligé par le maître ou par son agent de 39 à 20 coups de fouet.

Les articles V et IX (témoignage et propriété) furent consacrés de la même manière que dans les colonies de la Grenade et de Saint-Vincent.

Les autres articles de réforme furent rejetés.

Le tableau suivant présente l’ensemble des mesures adoptées par les différentes colonies à l’égard des divers points de réforme ci-dessus énumérés.

TABLEAU
FAISANT CONNAÎTRE DE QUELLE MANIÈRE LES PROPOSITIONS DU GOUVERNEMENT ANGLAIS FURENT MISE À EXÉCUTION.
  I. II. III IV. V. VI. VII VIII. IX. X. XI. XII. XIII. XIV. XV. XVI. XVII. XVIII. XIX. XX.
COLONIES DE LA COURONNE. Instruction religieuse Marché du dimanche. Célébration du dimanche. Temps alloué à l’esclave. Témoignage. Mariage. Non séparation des familles. Vente d’esclaves détachés. Propriété des esclaves. Caisse d’épargne. Affranchissement. Rachat d’esclaves. Punition. Enregistrement des punitions. Punitions des femmes. Usage du fouet sur les plantations. Protecteurs des esclaves. Nomination des protecteurs. Présomption légale en faveur de la liberté. Amélioration de l’administration de la justice.
01. Trinité 
N. A. N. A. A. P. N. A. A. P. A. A. P. N. A. A. A. A. A. A. P. A. P. A. A. A. A. P. A. N. A.
02. Berbice 
N. A. N. A. N. A. N. A. A. P. A. P. A. N. A. A. P. A. P. A. A. S. E. N. A. A. P. A. A. A. A. P. N. A. N. A.
03. Cap de Bonne- Espérance 
N. A. A. A. P. N. A. A. A. A. P. N. A. A. A. A. A. A. A. P. A. A. A. A. P. N. A. N. A.
04. Démérary 
N. A. N. A. N. A. N. A. A. P. A. P. A. P. N. A. A. P. A. P. A. N. A. N. A. A. P. A. A. A. A. P. N. A. N. A.
05. Honduras. 
Rien. 
// // // // // // // // // // // // // // // // // // // //
06. Maurice. 
Rien. 
// // // // // // // // // // // // // // // // // // // //
07. Sainte-Lucie 
N. A. N. A. N. A. A. P. A. A. A. A. A. A. A. A. A. P. A. P. A. P A. A. A. P. A. N. A.
COLONIES À CHARTE.
                                         
08. Antigue. 
Rien. 
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09. Les Bahamas 
N. A. N. A. N. A. N. A. A. S. E. A. P A. P. N. A. A. P. A. P. A. A. S. E. N. A. N. A. N. A. A. N. A. N. A. N. A. N. A.
10. La Barbade 
N. A. A. N. A. N. A. A. P. A. P. A. P. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A.
11. Les Bermudes. 
Rien. 
// // // // // // // // // // // // // // // // // // // //
12. La Dominique 
N. A. N. A. N. A. N. A. A. S. E. N. A. A. P. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A.
13. La Grenade 
N. A. N. A. N. A. N. A. A. S. E. A. S. E. A. P. A. A. A. A. A. A. A. A. A. A. A. A. A.
14. La Jamaïque 
N. A. N. A. N. A. N. A. A. P. A. A. N. A. N. A. N. A. A. N. A. N. A. N. A. A. A. A. A. A. A.
15. Montserrat. 
Rien. 
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16. Névis. 
Rien. 
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17. Saint-Christophe. 
Rien. 
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18. Saint-Vincent 
N. A. N. A. N. A. N. A. A. S. E. A. S. E. A. P. N. A A. S. E. N. A. A. P. N. A. N. A. N. A. N. A. A. S. E. N. A. N. A. N. A. N. A.
19. Tabago 
N. A. A. N. A. N. A. A. S. E. N. A. N. A. N. A. A. S. E. N. A. N. A. N. A. A. P. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A. N. A.
20. Les Îles Vierges. 
Rien. 
// // // // // // // // // // // // // // // // // // // //
Explication des signes : A. signifie adoption ; A. P. adoption partielle ; A. S. E. adoption sans effet ; N. A. non adoption.

En approchant du terme des mesures préparatoires qui devaient précéder l’émancipation, le gouvernement métropolitain qu’il devait donner l’exemple aux colonies. Il décida en principe, en 1831, l’affranchissement immédiat et général des esclaves de la Couronne.

La circulaire suivante du vicomte Goderich, secrétaire d’État des colonies, expose les vues d’après lesquelles furent conçus les ordres transmis aux gouverneurs pour l’exécution de cette mesure.


CIRCULAIRE ADRESSÉE À TOUTES LES COLONIES À ESCLAVES,
L’ÎLE MAURICE EXCEPTÉE[2].


Londres, 12 mars 1831.

« Le gouvernement britannique a dû prendre en sérieuse considération ce fait que, dans plusieurs des possessions d’outre mer de Sa Majesté, des noirs sont retenus en esclavage comme étant la propriété de la Couronne. Il a été humblement représenté à Sa Majesté, par ses conseillers, que c’était la une nature de propriété à laquelle, par beaucoup de raisons, il était désirable que la Couronna renonçât immédiatement. En conséquence, il a plus à Sa Majesté de décides des mesures seraient prises pour l’élargissement (for releasing) desdits noirs.

« D’après toutes mes informations, je n’ai pas lieu de craindre qu’il puisse résulter, pour les personnes dont il s’agit ou pour les colonies dont elles font partie, aucun inconvénient réel de cet affranchissement immédiat. En 1828, une instruction fut adressée, sous la forme de circulaire, à MM. les gouverneurs, pour leur prescrire de mettre les esclaves appartenant à la Couronne dans la situation des personnes libres d’origine ou de descendance africaine, et de leur laisser le soin de se suffire à eux-mêmes. Dans certaines colonies, le nombre des noirs confisqués s’élevait à plusieurs centaines. Les rapports reçus de MM. les gouverneurs ont pleinement répondu à l’espérance que ces esclaves pourraient et voudraient pourvoir à leur entretien par des moyens honnêtes, sans être à charge, soit, au gouvernement, soit aux colonies, et sans porter le moindre préjudice aux établissements d’outre mer. Cette expérience donne l’heureuse assurance que les noirs, maintenant la propriété de la Couronne, sauront, quand ils seront affranchis, se suffire par eux-mêmes et honorablement. Je dois prévoir que, par l’effet, de l’âge et des infirmités, il pourra se présenter des cas où l’aide du gouvernement serait nécessaire à des noirs affranchis de la Couronne ou à d’autres. Vous y pourvoirez de la manière dont la dépêche ci-annexée règle des cas analogues à l’égard des noirs confisqués.

« La charge qui en pourra résulter pour le gouvernement est reconnue devoir être peu importante.

« Je suis informé que beaucoup d’esclaves appartenant à la Couronne dans les colonies sont gratuitement, donnés ou loués à des fonctionnaires publics. Il peut être nécessaire de laisser à ces fonctionnaires le temps de prendre des arrangements avec les noirs affranchis, soit pour continuer de jouir, en les rétribuant, de leur service volontaire, soit pour les remplacer. Vous accorderez donc un mois, au plus, avant la complète exécution des ordres de Sa Majesté pour l’affranchissement total de tous les noires appartenant à la Couronne.

« Signé Vte Goderich. »


L’émancipation des esclaves de la Couronne fut suivie de l’ordre en conseil du 2 novembre 1831, destiné à remplacer tous les actes précédemment rendus à l’égard des colonies conquises et placées sous l’action directe du gouvernement métropolitain[3].

Cet ordre en conseil produisit une extrême agitation dans les colonies qu’il était destiné à régir. Les dispositions relatives aux pouvoirs des magistrats institués protecteurs des esclaves ; celles qui déterminaient les allocations imposées aux maîtres pour l’entretien des esclaves, parurent des atteintes portées au droit de propriété. Elles furent le texte de la plus violente opposition, principalement à Sainte-Lucie, à la Trinité, à Démérary et à Maurice. De nombreuses réunions eurent lieu ; les plus énergiques protestations furent votées et signées. A l’île Maurice, les habitants, après s’être armés, firent un appel à ceux de Bourbon, qu’une communauté d’intérêts et les souvenirs encore vivants d’une même nationalité semblaient devoir associer à une lutte devenue imminente.

Cette lutte fut évitée, grâce à la prudente fermeté que montra l’autorité dans les diverses colonies. Mais une telle situation parut ne pouvoir se prolonger sans péril. Un comité fut nommé par la chambre des communes pour examiner les moyens d’arriver à l’abolition de l’esclavage dans les termes des résolutions du 15 mai 1823 : c’est-à-dire, en conciliant la liberté à donner aux esclaves avec l’intérêt des maîtres.

Pressé par la session qui touchait à sa fin, ce comité, après avoir procédé à une minutieuse enquête, présenta, le 11 août 1832, son rapport à l’assemblée. La conclusion de ce rapport était que les faits recueillis révélaient une situation qui réclamait la plus prompte et la plus sérieuse attention de la part de la législature.

Le gouvernement se trouvait réduit à la grave alternative, ou de revenir sur ses pas en s’exposant à soulever la population esclave, trompée dans l’espérance d’une liberté prochaine et promise ; ou d’employer contre les colons des moyens extrêmes. Il se décida pour l’émancipation générale, mais à la double condition d’une indemnité pour la valeur de la propriété dont il allait disposer, et d’un système d’apprentissage, destiné à ménager, dans l’intérêt de l’ordre et de la production, la transition du travail forcé au travail libre.

Dans la séance du 14 mai 1833, lord Stanley, secrétaire d’État des colonies, présenta les résolutions par lesquelles le cabinet saisit le parlement du projet d’abolition de l’esclavage dans les possessions britanniques des deux Indes.

Ainsi qu’un le verra dans la suite de cette publication, ces résolutions furent adoptées par la chambre des communes, le 12 juin 1823, et par la chambre des lords, dans la nuit du 25 du même mois.

Enfin, le 28 août 1833, l’acte d’abolition fut sanctionné par la Couronne.

Le texte de cet acte, et le résume des ordres transmis aux gouverneurs pour son exécution, forment la première partie de ce volume.

  1. Second discours de M. Canning, dans la séance du 15 mai 1823.
  2. Document intitulé : Slave emancipation : crown slaves, 1831.
  3. Cet ordre en conseil est intégralement reproduit, dans la troisième partie de ce volume, comme présentant le dernier régime du l'esclavage au moment où fut rendu l'acte d'abolition du 28 août 1833.