Précis de l’abolition de l’esclavage dans les colonies anglaises/2


ORDRES GÉNÉRAUX

DU GOUVERNEMENT

POUR L’EXÉCUTION

DE L’ACTE D’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE


DANS LES DIVERSES COLONIES.

TRADUCTION ANALYTIQUE, PARTIELLE OU INTÉGRALE, DES DOCUMENTS RELATIFS À L’EXÉCUTION DE L’ACTE SUR L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE DANS LES POSSESSIONS BRITANNIQUES, PUBLIÉS PAR ORDRE DE LA CHAMBRE DES COMMUNES.
Séparateur

DOCUMENTS PARLEMENTAIRES.



PARTIE I. 1833-1835.

A

Dépêche, du 20 mai 1833, du secrétaire d’État (lord Stanley) aux gouverneur des colonies.

En adressant aux gouverneurs les résolutions qu’il a cru devoir présenter au parlement dans la séance du 14 mai, le secrétaire d’État veut simplement leur exposer l’ensemble des vues du gouvernement sur les principes et les moyens d’après lesquels l’abolition de l’esclavage pourra s’opérer avec le moins de dommage pour les colonies.

Le gouvernement regrette de prendre l’initiative de cette mesure. Mais il a dû céder, à cet égard, au vœu prononcé de l’opinion, après avoir perdu tout espoir de se voir devancer et seconder par les législatures coloniales. La sécurité des colonies, d’ailleurs, ne permettait pas une plus longue hésitation. Le gouvernement a donc décidé l’affranchissement immédiat et général, mais en assujettissant les esclaves à un état intermédiaire qui les puisse initier progressivement à la liberté.

Le montant de l’indemnité à allouer aux propriétaires, les mesures de police à prendre pour assurer le bon ordre, enfin les moyens de répandre le bienfait d’un enseignement religieux et moral, seront examinés dans la discussion. Le ministre n’entrera donc dans aucun détail a ce sujet ; il se borne à transmettre MM. les gouverneurs, et recommander à toute leur prudente sollicitude, les résolutions suivantes :

« 1° L’opinion du comité est qu’il soit pris les mesures les plus efficaces pour l’abolition immédiate et générale de l’esclavage dans les colonies, en combinant ces mesures de manière à ce qu’elles puissent concilier l’intérêt des esclaves avec celui des maîtres.

« 2° Tout enfant né après la promulgation de l’acte d’affranchissement, ou n’ayant pas atteint sa sixième année révolue à l’époque de cette promulgation, est déclaré libre. Il sera toutefois soumis aux conditions jugées temporairement nécessaires pour son entretien.

« 3° Les esclaves sont autorisés à se faire inscrire comme apprentis-travailleurs (apprenticed-labourers), et, par conséquent, à acquérir tous les droits et priviléges des gens libres. Ils seront seulement soumis au travail, pour compte de leurs maîtres actuels, d’après des conditions et un temps qui seront déterminés par le parlement.

« 4° Comme indemnité des pertes que les propriétaires d’esclaves pourraient éprouver par l’abolition de l’esclavage, le gouvernement de Sa Majesté sera autorisé à avancer, à titre d’emprunt (by way of loan), et à recouvrer successivement, une somme dont le total ne devra pas excéder 15 millions de livres sterling (375 millions de francs). Cette somme sera remboursée de la manière et avec l’intérêt qui seront fixés par le parlement.

« 5° Sa Majesté sera autorisée à pourvoir aux dépenses auxquelles donneront lieu l’établissement d’une magistrature rétribuée dans les colonies, ainsi que l’aide accordée aux législatures locales pour favoriser l’éducation religieuse et morale de la population émancipée. »


B


Dépêche, du 13 juin 1883, de lord Stanley aux gouverneurs, par laquelle il leur transmet les résolutions adoptées dans la séance de la chambre des communes, du 12 juin, pour l’abolition immédiate et générale de l’esclavage.

Les mesures que les conseillers de la couronne doivent proposer au parlement, pour la mise à exécution desdites résolutions, seront combinées avec le plus de déférence possible pour les priviléges des conseils et des assemblées aux Indes occidentales. Le secrétaire d’État ne doute pas que les colons et les esclaves eux-mêmes, comprenant leurs mutuels et véritables intérêts, tels que les ministres de la religion et les magistrats devront s’attacher à les leur démontrer, ne restent également soumis à l’empire des lois.

Si cependant cet espoir était trompé, la persuasion et la force seraient employées pour prévenir ou réprimer la moindre atteinte portée à l’ordre, n’importe d’où viendrait cette atteinte.

L’abolition de l’esclavage doit amener de notables changements dans l’ordre civil, judiciaire et politique de la société coloniale. Les divers conseils ou assemblées peuvent seuls déterminer quelles devront être ces modifications du régime des colonies. Afin d’éclairer leurs délibérations, les officiers judiciaires commenceront, sur-le-champ, une enquête qui devra également s’étendre aux rapports à déterminer entre les entrepreneurs (employers) et les apprentis-travailleurs.

Nota. Le texte des résolutions transmises aux gouverneurs par la précédente dépêche est identiquement semblable à celui des résolutions votées par la chambre des communes, excepté à l’article 4, qui a été modifié ainsi qu’il suit :

« 4. À l’égard de l’indemnité à accorder aux propriétaires, Sa Majesté est autorisée à leur garantir une somme qui ne devra pas excéder 20 millions de livres sterling (500 millions de francs). Cette somme sera employée selon que le parlement l’aura décidé. »


C


Dépêche, du 26 juin 1833, de lord Stanley aux gouverneurs.

« C’est avec une grande satisfaction, leur dit lord Stanley, que je vous annonce le vote par la chambre des lords, dans sa séance de la nuit dernière, sans division et sans amendement, des résolutions de la chambre des communes que vous a transmises ma dépêche du 13 de ce mois. »


D


Dépêche, du 5 septembre 1833, de lord Stanley aux gouverneurs, en leur transmettant l’acte d’abolition de l’esclavage, sanctionné le 28 août par la Couronne.

MM. les gouverneurs s’attacheront à faire remarquer que l’acte ne pose que des règles générales, l’autorité métropolitaine n’ayant voulu s’immiscer dans la sphère des législatures coloniales que dans la mesure absolument indispensable. Les assemblées locales, là où il en existe, pourvoiront à l’application particulière des dispositions de l’acte par des règlements spéciaux. La même faculté est réservée à la Couronne à l’égard des colonies soumises au pouvoir législatif de Sa Majesté en conseil (to the legislative authority of His Majesty in council).


E


Dépêche, du 19 octobre 1833, de lord Stanley aux gouverneurs des colonies à législature.

Les rapports parvenus justifient l’espoir que le ministre avait fondé sur le cordial concours des diverses législatures dans l’œuvre de l’abolition de l’esclavage. Loin de lui la pensée de restreindre la latitude laissée par le parlement aux assemblées coloniales. Il sait apprécier leur expérience, leurs lumières ; il se promet d’en profiter. Dans cette intention, il a cru devoir tracer le cadre d’un projet d’ordre en conseil qui sera soumis, sous forme de bill, aux assemblées locales.

Si, par malheur, les assemblées se refusaient à l’examen de certains points de ce projet, afin de paralyser l’acte du parlement, il est bon que MM. les gouverneurs soient d’avance fixés sur la ligne de conduite qu’ils devront tenir.

En étendant aux vastes possessions de Sa Majesté l’acte dont l’effet doit être de faire succéder la liberté à l’esclavage, il a été formellement entendu et décrété que l’apprentissage faciliterait la transition dans l’intérêt inséparable des personnes, des biens et de la production. Toute l’économie du projet d’ordre en conseil repose sur cette base conservatrice. MM. les gouverneurs pourront se rendre à tout amendement qui serait dans la latitude laissée aux législatures locales. Mais si, sur un point et d’une manière quelconque, elles tentaient de s’écarter de l’esprit de l’acte du parlement, ils refuseront ou ajourneront leur adhésion.

MM. les gouverneurs tâcheront de faire introduire dans les différents actes des assemblées locales un délai d’exécution assez long pour qu’ils puissent avoir reçu des instructions de la métropole. Il serait même bon de rendre séparément les divers actes, de manière à ce que le veto de la Couronne, si elle avait à l’exercer sur quelques points, ne ralentît pas tout le mouvement de réforme.


F


Dépêche, du 19 octobre 1833, de lord Stanley aux gouverneurs des colonies qui ne possèdent pas de législature.

Par cette dépêche, le secrétaire d’État transmet aux gouverneurs de la Guyane et des autres possessions anglaises des Indes occidentales un projet d’ordre en conseil pour l’exécution de l’acte d’abolition de l’esclavage. Il développe, à cette occasion, les considérations déjà résumées dans l’analyse de la précédente dépêche. Après avoir rappelé qu’il entend maintenir scrupuleusement la latitude réservée par l’acte du parlement aux législatures locales, il ajoute : « En même temps, j’éprouverais un sincère regret, si, en usant de cette latitude, le conseil législatif combinait une ordonnance que Sa Majesté se verrait dans l’impossibilité de sanctionner, et qui pourrait enlever à la colonie tout titre à sa part du fonds d’indemnité. »

Le projet d’ordre en conseil, annexé aux deux précédentes dépêches, a pour objet de présenter l’ensemble des dispositions qui pouvaient assurer l’exécution de l’acte d’abolition de l’esclavage.

Cet ordre en conseil du 19 octobre 1833, est purement réglementaire. On en trouvera la traduction intégrale dans la troisième partie de ce volume. Le texte se divise en douze chapitres sous les titres :

Chapitre Ier. Action judiciaire et administrative à exercer.

II. Juridiction des magistrats spéciaux.

III. Division des apprentis par classes.

IV. Entretien des apprentis.

V. Devoirs et pénalités imposés aux apprentis.

VI. Devoirs et pénalités imposés aux entrepreneurs de travaux à l’égard des apprentis.

VII. Délits des apprentis à l’égard de l’État.

VIII. Cessation de l’apprentissage par contrat ou par rachat.

IX. Mutation d’apprentis d’une habitation à l’autre.

X. Apprentissage des enfants.

XI. Aliénation, par l’effet de vente, succession ou testament, de services d’apprentis.

XII. Situation des apprentis à l’égard de l’État.


Le volume qui reproduit les diverses dépêches dont l’exposé précède, est indiqué par son titre comme spécialement consacré à la Jamaïque. L’on a pu voir cependant que les diverses dépêches sont adressées, sous la forme de circulaires, à MM. les gouverneurs de la Guyane et des autres possessions anglaises dans les Indes occidentales. Si donc le nom de la Jamaïque est donné à ce volume, c’est qu’il contient une longue correspondance qui se rattache spécialement à cette île.

Le résumé de cette correspondance se retrouvera dans le précis historique de l’exécution de l’acte d’abolition de l’esclavage à la Jamaïque.


PARTIE II — 1833-1835.


G


Dépêche, du 30 septembre, du secrétaire d’État des colonies (M. Spring-Rice) à MM. les gouverneurs.

MM. les gouverneurs s’attacheront à suivre, on ne peut plus attentivement, les effets de l’apprentissage sur la production agricole et industrielle. L’aisance est un élément essentiel de bonheur, et, par conséquent, de bon ordre. L’autorité doit donc s’appliquer avec une constante sollicitude à discerner les obstacles qui s’opposent aux progrès de la richesse, et à lui ouvrir des voies nouvelles. Pour atteindre ce but, les investigations de MM. les gouverneurs devront porter sur les points suivants :

1° L’état présent de l’industrie indigène, en distinguant les produits consommés dans la colonie, et en comparant leur valeur relative à celle des produits exportés ;

2° Les modifications que l’acte d’abolition de l’esclavage pourrait produire dans le système agricole, manufacturier et commercial en général, et particulièrement dans la condition domestique du producteur agricole ;

3° Les obstacles qui paralyseraient la production ou l’échange ;

4° Les moyens législatifs, financiers ou administratifs par lesquels ces obstacles pourraient être atténués ou surmontés.


H


Dépêche, du 15 juin 1835, de lord Glenelg à MM. les gouverneurs.

Le secrétaire d’État remarque que, dans certaines colonies, il a été délivré un trop grand nombre de commissions à des magistrats rétribués et chargés de concourir à l’exécution de l’acte d’abolition de l’esclavage. Ce nombre sera diminue proportionnellement à celui des esclaves, et selon l’état des localités ; de plus, aucun de ces magistrats ne devra être choisi parmi des personnes tenant par un lien quelconque a la société coloniale.


I


Dépêche, du 12 juillet 1835, du même aux mêmes.

Le gouvernement voulant juger par lui-même les effets des lois sur l’apprentissage, MM. les gouverneurs auront à lui adresser régulièrement l’état détaillé des punitions encourues par les esclaves. Cet état devra être dressé d’après le registre des magistrats spéciaux chargés de concourir à l’exécution de l’acte d’abolition de l’esclavage, et le registre restera déposé dans les archives de la colonie.


K


Dépêche, du 15 juillet 1835, de Glenelg aux gouverneurs.


L’indemnité de 300 livres sterling (7,500 francs) allouée aux magistrats rétribués est, le ministre le reconnaît, évidemment insuffisante. Mais comment arriver, pour les diverses colonies, à une exacte évaluation de l’augmentation à accorder à ces magistrats ? Il a été décidé que MM. les gouverneurs pourraient, selon les lieux et les cas, fixer cette augmentation à 150 livres sterling au plus (3,750 francs), avoir : 100 livres sterling applicables au logement, et 50 livres sterling à l’entretien d’un cheval.




A la suite du volume, de la page 273 à la page 391, se trouvent reproduits les divers actes par lesquels les législatures coloniales, usant de la latitude qui leur était laissée de modifier, mais sans s’écarter de son esprit, le projet d’émancipation adressé par la métropole, ont pourvu à l’exécution de ce projet.

Ces actes locaux seront indiqués à la suite des Précis de l’application de l’acte d’abolition de l’esclavage aux diverses colonies, et quelques-uns seront reproduits dans la troisième partie.

Le volume contient, en outre, des séries de modèles de documents destines à faciliter l’exécution des actes.




PARTIE III – 1836.


L


Dépêche, du 18 juin 1835, de lord Glenelg (secrétaire d’État des colonies) aux gouverneurs des possessions anglaises aux Indes occidentales.


MM. les gouverneurs auront à adresser au ministre, pour être produits la chambre des communes :

1° La liste nominative des magistrats spéciaux ou rétribués (special or stipendiary magistrates) qui auraient été révoques ou qui se seraient démis : s’il était possible de communiquer le motif de la révocation il en serait fait mention ;

2° Le relevé du nombre et de la nature des punitions infligées aux apprentis, en distinguant les deux sexes ;

3° L’état des noms et du nombre des apprentis qui auraient racheté le terme non encore expiré de leur apprentissage, avec indication des sommes reçues pour cet objet ;

4° La copie des instructions données aux magistrats pour l’accomplissement de leur mandat.


M


Dépêche, du 12 octobre 1835, du même aux mêmes.


Le secrétaire d’État est informé que les titres des ayants droit à l’indemnité garantie par l’État aux propriétaires des esclaves affranchis sont la proie des entremetteurs. Des alarmes sont propagées pour accroître la baisse de ces titres. Ces alarmes troublent le bon ordre. Les législatures de chaque colonie devront se hâter de décréter que toute vente, tout transfert de titre, opéré comme spéculation, ne sera reçu que pour le montant de l’avance faite par l’acheteur, plus l’intérêt de l’argent et le coût des frais auxquels aura donné lieu la réclamation. On pourrait encore stipuler, en faveur du vendeur, un moyen de recouvrer la balance lui revenant, après l’acquittement de l’avance reçue.


N


Dépêche, du 16 novembre 1835, du même aux mêmes.


Le ministre transmet à MM. les gouverneurs copie de deux lettres.

Par la première, il a demandé au secrétaire d’État des finances de proposer une allocation de 20,000 livres sterling (500,000 francs) pour l’établissement d’écoles normales primaires pour l’enseignement des noirs ; plus, une somme de 5,000 livres sterling (125,000 francs) pour l’entretien de ces écoles.

La seconde lettre, adressée sous la forme de circulaire, fait un appel de fonds aux diverses sociétés religieuses qui voudraient concourir à l’œuvre de l’éducation chrétienne des esclaves.


O


Dépêche, du 25 novembre 1835, du même aux mêmes.


Non-seulement le parlement a voté, à l’unanimité, les 25,000 livres sterling (625,000 francs) proposés pour l’enseignement de la population affranchie ; mais encore il a compté que les législatures coloniales ne pouvaient manquer de concourir à répandre le bienfait de l’éducation religieuse, principe fondamental du bonheur social. Cet objet devra être recommandé à toute leur sollicitude dès la prochaine session.


P


Dépêche du 30 janvier 1836, du même aux mêmes.


Il semble prouvé, par les rapports parvenus de temps à autre (time to time) sur les résultats de l’apprentissage, que l’émancipation sera également favorable aux propriétaires et aux esclaves affranchis aux Indes occidentales.

Cependant, au lendemain de cette mesure générale, il est à craindre qu’une cessation de travail, aussi funeste à la production qu’a la propriété, fasse rétrograder ces contrées dans les voies de la civilisation.

Un sûr moyen de prévenir un tel danger, ce serait de rendre difficile l’acquisition partielle des terres. Mais la mesure ne porterait-elle pas atteinte aux droits des possesseurs du sol ? La question restera donc ajournée. En attendant, et afin d’préserver la grande culture, rien ne doit être négligé pour que cette mesure exerce son effet sur les terres dont la Couronne dispose.

MM. les gouverneurs devront donc arrêter qu’aucune vente de terre n’aura lieu qu’aux enchères ; qu’un minimum sera fixé, mais que l’adjudication ne pourra être définitive que lorsqu’il semblera notoire qu’aucune offre supérieure n’est faite ; qu’enfin plus de 10 p. o/o sera payé comptant, et le reste du prix garanti à une courte échéance. À ces conditions seulement la vente sera valable.


Q


Dépêche, du 15 mars, du même aux mêmes.


Le sentiment religieux, la morale et la politique veulent que les missionnaires des différentes sectes puissent célébrer les mariages. Il est donc à désirer que les diverses législatures s’empressent de rendre un bill qui sanctionne, pour le passé comme pour l’avenir, ces mariages qui concourent à l’œuvre de la transformation sociale dans le nouvel hémisphère.




La correspondance relative a t’application de l’acte d’abolition de l’esclavage à la Jamaïque forme la suite du volume. Cette correspondance comprend une série de soixante-treize dépêches avec un grand nombre d’annexés : le résumé en sera présenté dans le Précis historique dont cette colonie est l’objet dans la deuxième partie.




PARTIE IV (i).– 1837.


R


Dépêche, du 15 juillet 1836, du secrétaire d’État des colonies (lord Glenelg) aux gouverneurs des possessions britanniques dans les Indes occidentales.


Indépendamment du rapport mensuel des crimes et punitions, MM. les gouverneurs auront à adresser au ministre, de temps en temps, les rapports généraux des magistrats spéciaux sur l’état de leurs districts. Les questions suivantes, ainsi que celles que MM. les gouverneurs croiront devoir ajoutée, seront faites auxdits magistrats :

1. Quelle a été la conduite, en général, des apprentis dans votre district depuis votre dernier rapport ?

2. Existe-t-il quelque mésintelligence entre eux et les propriétaires, et, dans ce cas, quelle en est la cause ?

3. Travaillent-ils d’après leur propre volonté, et, dans le cas contraire, à quoi attribuez-vous leur répugnance à s’occuper ?

4. Quelles sont les heures généralement fixées pour le travail dans votre district ? Est-il accordé un repos aux apprentis pendant ces heures de travail ? Quelle en est la durée ?

5. Le travail à la tâche est-il généralement appliqué dans votre district ? Dans le cas contraire, à qui l’imputer, aux maîtres ou aux apprentis ?

6. Les apprentis, pendant leurs heures de loisir, travaillent-ils pour de l’argent ? Dans ce cas, quel est le taux ordinaire des salaires ? Comment sont-ils payés ? Dans le cas contraire, leur a-t-on propose une rémunération pécuniaire ?

7. Les prive-t-on de quelques douceurs qu’il était d’usage de leur accorder sur l’habitation pendant le régime de l’esclavage ?

8. Quelle est la condition des enfants libres, et comment est-il pourvu à leur entretien ?

9. Quelles sont les facilités laissées dans votre district à l’éducation religieuse ? La fréquentation des églises et des écoles est-elle en raison de ces facilités ?

10. Parmi les apprentis se manifeste-t-il un désir général d’acheter leur libération (discharge) ? Combien de libérations opérées depuis votre dernier rapport ?

11. A quel genre d’emploi s’adonnent généralement ceux qui ont obtenu leur libération ?

12. Comment s’annonce la prochaine récolte ? La saison a-t-elle été favorable ? Quelle est la situation générale de la culture ?

13. Avez-vous quelques mesures a suggérer[1] ?


S


Dépêche du 4 novembre 1836, du même aux mêmes.


Aucune indemnité ne pourra être allouée aux magistrats rétribués, à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions comme magistrats spéciaux, sans une décision expresse du gouvernement métropolitain.


T


Dépêche du 23 février 1837, du même aux mêmes.


Le porteur de la dépêche ( M. Latrobe) est chargé d’inspecter les écoles aux Indes occidentales, afin d’assurer l’exécution des mesures prescrites par le parlement pour procurer le bienfait de l’éducation aux noirs. Toute facilité devra lui être donnée pour qu’il s’acquitte efficacement de cette mission.

Sont annexées les instructions très-développées remises à l’inspecteur par M. le sous-secrétaire d’État des colonies.


U


Dépêche du 13 mars 1837, du même aux mêmes.


Un ordre en conseil, du 1er mars 1837, leur est transmis. Il a pour objet de consacrer, en la modifiant, une ordonnance rendue à la Guyane sur le meilleur règlement des devoirs mutuels des mitres et d(s apprentis. MM. les gouverneurs donneront la plus grande publicité à cet acte, dont le texte est reproduit comme annexe de la dépêche.


V


Dépêche, du 25 mai 1837, du même aux mêmes.


L’expérience prouve que la déportation est inefficace à l’égard de la race noire. L’application de cette peine a donné lieu à de graves abus. Mais il importe surtout d’arrêter son plus fâcheux résultat, en réduisant le nombre des noirs annuellement importes dans les colonies pénales de l’Australie.

Le gouvernement ne saurait donc trop recommander à l’attention des diverses législatures la révision des lois sur la déportation, et l’application du système pénitentiaire (prison discipline) aux Indes occidentales.


W


Dépêche, du 5 mars 1837, du même aux mêmes.


Le ministre transmet a MM. les gouverneurs une lettre adressée, par le secrétaire des maisons pénitentiaires, à l’un de MM. les secrétaires d’État, sur la situation des prisons et des maisons de correction aux Indes occidentales.

Il joint également à sa dépêche les règlements adoptés pour ces établissements aux îles Bahamas, et divers documents aussi reproduits comme annexes.



Le reste du volume est consacré à la correspondance du secrétaire d’État des colonies avec les gouverneurs de la Jamaïque, des Barbades et de la Guyane anglaise.

La partie IV (2) n’a pas encore été publiée. Ainsi qu’on pourra le voir par l’ordre alphabétique et parfaitement suivi des dépêches, il n’en résultera aucune lacune dans la première partie de cette publication.

La lacune ne sera à regretter que pour l’ordre des faits auxquels la seconde partie est consacrée.




PARTIE V. – 1838.


X


Dépêche, du 13 mai 1837, de lord Glenelg, secrétaire d’État de colonies, à MM. les gouverneurs des possessions anglaises aux Indes occidentales.


Le ministre est informé que des noirs, ayant quitté les possessions anglaises, ont été vendus comme esclaves dans des colonies étrangères. MM. les gouverneurs devront les prémunir contre ce danger ; et, s’ils persistaient à franchir les limites de la domination britannique ils leur feront délivrer sans frais des passe-ports, les recommandant, comme sujets anglais, à la protection étrangère.


Y


Dépêche, du 1er août 1837, du même aux mêmes.


Le secrétaire d’État transmet à MM. les gouverneurs le rapport du comité nommé par la chambre des communes, dans la dernière session, pour s’enquérir des résultats de l’apprentissage aux Indes occidentales.


Z


Dépêche, du 12 aoùt 1837, du même aux mêmes.


Le gouvernement ayant décide qu’une enquête serait faite sur l’état des prisons et des maisons de correction aux Indes occidentales, MM. les gouverneurs voudront bien investir le commissaire chargé de cette mission, d’un mandat local pour en assurer le succès.


AA


Dépêche, du 13 octobre 1837, du même aux mêmes.


Les magistrats spéciaux préposés à l’exécution de l’apprentissage, dont le nombre s’élève à 155, sont prévenus qu’à l’expiration de leur mandat ils auront à pourvoir eux-mêmes à leur avenir.

BB


Dépêche, du 21 octobre 1837, du même aux mêmes.


Le secrétaire d’État transmet à MM. les gouverneurs un volume contenant des extraits du second rapport publié sur les prisons de la métropole. Il leur recommande l’examen attentif de ce travail, qui peut offrir des points d’application aux Indes occidentales.


CC


Dépêche, du 6 novembre 1837, du même aux mêmes.[2]


Le 1er août des années 1838 et 1840 seront des époques mémorables dans l’histoire des Indes occidentales. Jusqu’ici les résultats de la grande expérience de l’abolition de l’esclavage ont justifié les plus vives espérances des auteurs et des avocats de cette mesure. A examiner attentivement les abus qui ont pu se produire dans l’exécution, il me semble qu’ils doivent être en grande partie attribués à l’ancien système colonial. Quiconque avait réfléchi sur la nature humaine et l’histoire de l’esclavage pouvait s’attendre à ce qu’une telle reforme ne se fît pas sans inconvénients. Je m’estime donc heureux de pouvoir assurer qu’il s’est fait, dans ce court laps de temps, un progrès dans l’état social qui ajoutera au bonheur de l’humanité, et dont l’histoire n’offrit jamais un plus grand exempte. Ce qui distingue sur tout ce progrès, c’est qu’il s’est accompli sans le moindre trouble, sans la plus légère commotion, sans le renversement d’aucune institution sociale un le moindre affaiblissement de l’autorité souveraine. Au contraire, plus de respect a entouré des lois qui ocraient une plus égale protection aux droits de toutes les classes de la société. Avec le sentiment d’une sécurité croissante, la valeur de la propriété s’est élevée au point qu’il est permis d’espérer que la crise finale et déjà si prochaine se fera sans que le bon ordre en soit troublé.

En contemplant avec une vive gratitude envers la divine Providence ces résultats de la sage et généreuse politique de son royal prédécesseur, la reine attend avec une profonde anxiété la crise dont les difficultés ne sauraient être trop tôt et trop attentivement prévues, si l’on veut les surmonter.

Me rendant aux ordres de Sa Majesté, j’appelle votre attention sur cet objet.

Le principe fondamental de l’acte d’abolition de l’esclavage, c’est que l’apprentissage des esclaves émancipés sera pour eux immédiatement suivi de la liberté personnelle, dans le sens explicite et général du mot appliqué aux autres sujets anglais.

Telle est la base du contrat entre la Grande-Bretagne et les colonies. Sur cette base sont conçus les actes rendus par le parlement ou les colonies. Je suis persuadé que les législatures locales ne voudront pas s’en écarter. Mais, si la tentative en était faite, elle serait repoussée par le gouvernement, le parlement et la nation anglaise.

La liberté dont il est question doit être celle d’hommes vivant dans la société civile, jouissant des franchises et remplissant les devoirs de citoyen. Leurs privilèges sont soumis à des restrictions qui en préviennent l’abus. Dans la Grande-Bretagne ni dans aucun autre pays du monde civilisé, il ne nous serait possible de citer une classe d’hommes qui ne soit soumise à des lois réglant, pour le commun bien de la société, les devoirs de tous ses membres entre eux et à l’égard de l’État en général. Déterminer quelles devront être ces restrictions aux Indes occidentales, tel sera le problème à résoudre à la fin de l’apprentissage.

Si rien n’était fait dans la prévision de ce grand événement, les esclaves émancipes seraient soumis au code par lequel les législatures coloniales ont déjà détermine les droits et les devoirs des membres libres des sociétés locales. Mais, comme il sera bientôt prouvé, cette législation s’appliquerait mal aux exigences du prochain état des choses.

L’ancien code de l’esclavage était fondé sur deux maximes générales : obéissance absolue de l’esclave aux ordres de son maître ; obligation imposée au maître de pourvoir à l’entretien et aux soins de l’esclave. Mais à ces lois, maintenant heureusement abrogées, s’en mêlaient d’autres pour le gouvernement de la population affranchie, qui établissaient d’innombrables et odieuses distinctions en faveur des Européens et de tours descendants, au préjudice des individus de naissance ou d’origine africaine.

Ces distinctions sont aussi abolies. Les codes des Indes occidentales (West India statute books), même tels qu’ils existent maintenant, ne pourraient manquer d’offrir encore les traces profondes des effets indirects de l’ancien système de législation à l’égard de la classe des esclaves et de celle des affranchis. Cependant des lois conçues dans des termes généraux, c’est-à-dire s’appliquant aux hommes libres de toute catégorie, et, par conséquent, en apparence égaux, ont été rendues : c’est a peine si elles se référaient, même indirectement, à un état social qui n’existe plus. Elles s’appliqueront aux personnes qui arriveront à la liberté en 1838 et en 1840, d’une manière et à un degré imprévus lorsque les actes en question ont été rendus.

Ainsi, par exemple, les lois qui déterminent les conditions requises pour l’exercice des franchises politiques ; celles relatives au vagabondage ; celles qui s’appliquent à l’entretien des pauvres, à la police et à beaucoup d’autres objets, survivront à l’apprentissage. Mais elles pourront sembler bien mal s’adapter à un état de choses dans lequel le travail forcé aurait fait son temps. Je n’entends pas établir que ce code paraîtrait constamment peser avec une injuste sévérité sur la population affranchie. Dans certains cas, les objections pourraient être autres ; mais je crains que beaucoup de statuts ne réclament une interprétation entièrement nouvelle, encore que la lettre restât la même.

Il sera donc nécessaire que les codes coloniaux soient soumis à une révision fondamentale, afin qu’ils s’adaptent au nouvel ordre de choses. Ce devra être l’œuvre spéciale des législatures locales. Il est d’une grande importance que cette œuvre se fasse avec la plus extrême circonspection, et de façon, s’il est possible, à prévenir tout conflit entre l’autorité souveraine du royaume et l’autorité locale dans les diverses colonies.

L’on ne saurait trop repousser tout ce qui pourrait placer la classe des propriétaires dans une hostilité réelle ou apparente à l’égard de ceux qui devront vivre du salaire d’un travail manuel. J’espère que le plus grand soin sera mis à prévenu ce résultat.

Dans ces circonstances, je vous adresse les instructions suivantes elles portent d’abord sur l’état présent de la loi ; en second lieu, sur la manière dont elle devrait être amendée.

Quant à cette première tâche, de déterminer l’état présent de la loi, vous aurez à réclamer l’assistance des magistrats de la Couronne qui se trouvent dans votre gouvernement, en leur demandant de répondre aux questions suivantes :

1. Quelles sont les conditions mises l’exercice des franchises civiles et politiques dans la colonie ?

2. Quelles sont les règles d’admission aux écoles, aux établissements religieux et autres, entretenus aux frais de l’État pour le bien général de la société ?

3. Quelles sont les règles qui imposent le service de la milice ?

4. Des restrictions sont-elles mises à l’exercice des industries particulières, telles que cabaretiers, colporteurs, canotiers, etc., etc. ? Quelles sont ces restrictions ?

5. Comment les droits et les devoirs ont-ils été réglés entre les entrepreneurs (employers) et les serviteurs à l’égard des travaux agricoles ou industriels ? Comment sont-ils dirigés dans les contrats par lesquels ils s’engagent dans l’avenir pour un temps défini ou indéfini ? Par quels moyens ces contrats sont-ils garantis, et comment leur violation serait-elle punie ? A quelles cours ou à quels magistrats cette juridiction est-elle attribuée ? Quelles sont les mesures prises pour le recouvrement des salaires et des petites dettes (petty-debts) des serviteurs ?

6. Quelles sont les classes de personnes admises, comme pauvres abandonnés, aux secours publics ? Et d’après quelles règles ?

7. Quelles sont les lois de la colonie contre le vagabondage, et par lesquelles les personnes valides sont tenues de suffire à leur propre entretien ?

8. A combien s’élève la taxe prélevée sur les personnes (poll-tax), et sur les objets de première nécessite ?

9. Quel est le montant des impôts acquittés par les personnes libres dans l’état actuel du travail, pour la réparation des routes ou pour l’exécution de travaux publics ?

10. En quoi la loi de la colonie diffère-t-elle de celle d’Angleterre pour la définition, la prévention ou la punition de la trahison, de la rébellion, de l’insurrection ou de la sédition à l’égard des personnes libres ?

11. Comment prévient on la prise de possession, sans autorisation, de terres appartenant à la Couronne ou à des particuliers ?

12. Sous quelle autorité se trouvent les prisons et les maisons de travaux ou de correction ? Jusqu’à quel point le gouverneur peut-il en réprimer les abus ?

13. Existe-t-il une loi qui oblige les magistratures locales à faire au gouverneur des rapports périodiques sur l’exercice de leur autorité ?

14. Existe-t-il aucun magistrat local recevant un traitement (paid by stipends) ? Le gouverneur peut-il révoquer les magistrats locaux pour cause d’inconduite ?

15. Existe-t-il aucun officier public dont le mandat soit de poursuivre d’office dans les cas de préjudices causés à des travailleurs libres ?

16. Existe t-il quelque autre point sur lequel les droits légaux ou les devoirs des travailleurs dans la colonie différent essentiellement de ceux établis dans le royaume, et par quels moyens sont-ils garantis ?

Lorsque la réponse à ces questions vous sera parvenue, vous me la transmettrez avec un rapport dans lequel vous m’indiquerez les mesures qu’il conviendrait de prendre pour adapter la loi à l’état social qui succédera immédiatement à l’apprentissage. Il restera alors au gouvernement de Sa Majesté à examiner la marche à suivre dans celles des colonies soumises à l’autorité législative de la reine en conseil, et la marche à recommander aux colonies qui ont des assemblées représentatives. Je n’ai pas besoin d’ajouter que je désire recevoir ces rapports aussi complets et aussi promptement que possible.


DD


Dépêche, de 1er décembre 1837, de lord Glenelg aux gouverneur des Indes occidentales.


Le secrétaire d’État transmet à MM. les gouverneurs la résolution de la chambre des communes du 28 novembre, par laquelle sont demandes les états de tous les enfants soumis à l’apprentissage par l’acte d’abolition, spécifiant le nombre des enfants par colonie.


EE


Dépêche, du 15 décembre 1837, du même aux mêmes.


MM. les gouverneurs recevront, annexées à la dépêche, une pétition présentée au gouvernement pour la suppression anticipée de l’apprentissage, ainsi que la réponse faite par ordre du ministre à cette pétition.


ANNEXES A LA DÉPÊCHE EE.


Pétition adressée au gouvernement, le 17 novembre 1837, sur système d’apprentissage des noirs[3].


« Milord, profitant de l’autorisation si courtoise que vous avez bien voulu nous accorder, malgré le nombre et l’importance des devoirs qui se partagent vos moments, nous avons l’honneur de nous présenter à vous comme délégués par toutes les parties du Royaume-Uni, pour exprimer les sentiments et les vœux d’un corps considérable des fidèles et loyaux sujets de Sa Majesté sur une question vitale. Cette question réclame la plus immédiate, la plus sérieuse attention.

« Qu’il nous soit permis d’assurer Votre Seigneurie qu’a avec la grande majorité de la nation, nous considérons l’esclavage, n’importe sous quelle forme, comme un mal monstrueux, aussi contraire à l’esprit de la constitution qu’à tous les principes de notre sainte religion. Nous avons donc résolu de poursuivre l’objet de la pétition présentée au comte Grey et à ses collègues par une députation de délègues réunis dans cette métropole en 1833. Par cette pétition, nous déclarâmes, dans les termes les plus formels, que nous nous engagions collectivement ou individuellement à poursuivre, par tous les moyens légitimes, l’extinction de l’esclavage, sous quelque forme qu’il se présentât et de quelque sanction qu’il se prévalût.

« Nous sommes convaincus de la manière la plus positive, et principalement d’après les documents officiels, que l’esclavage subsiste dans ses plus essentiels effets ; que même ces effets sont parfois aggravés dans les colonies anglaises ; que l’acte impérial en apparence rendu pour l’émancipation des noirs, qui a coûté la somme énorme de vingt millions sterling (500,000,000 fr.), a été systématiquement annule par les législatures et la magistrature spéciale des colonies.

« Nous représentons respectueusement à Votre Seigneurie que le résultat de cette expérience, conforme aux inspirations d’une saine politique et aux principes de l’éternelle équité, prouve, ainsi que les leçons de l’histoire, que l’esclavage, rebelle à l’action de la législation, est un mal dont ou ne peut trouver le remède que par son immédiate extirpation. Le système d’apprentissage, comme tous les autres palliatifs du crime, a démontre l’impossibilité absolue de concilier le bien avec le mal, de combiner la lumière avec les ténèbres. Aussi sommes-nous prévenus de ne pas prolonger davantage le mal dans l’espoir que le bien en pourra résulter.

« Nous nous référons, avec une confiance qu’aucun mécompte n’a pu affaiblir, aux favorables résultats obtenus par l’émancipation complète opérée aux îles d’Antigue et des Bermudes. Les mêmes résultats, nous le prévoyons, suivirent l’application de la même mesure à toutes nos possessions coloniales. Si nous avons des inquiétudes, elles ne portent pas sur l’entière liberté qui serait accordée, mais plutôt sur le refus qui en serait fait à une classe ou à une partie de la race noire. Les plus grands dangers qui menacent les colonies sont, nous le craignons, ceux qui naîtraient de l’affranchissement d’une partie des noirs apprentis, tandis que les autres en plus grand nombre, ayant les mêmes passions, unis par des liens naturels et soumis aux mêmes maux, resteraient plongés dans un esclavage ainsi aggravé. Dans les différentes colonies, des milliers de ces noirs n’appartenant pas à la culture, et d’abord destinés à obtenir leur liberté en 1838, sont maintenant, par la fraude et la cupidité des maîtres, relégués dans la classe moins favorisée des apprentis.

« Qu’il nous soit permis d’assurer Votre Seigneurie que, d’une extrémité à l’autre du Royaume-Uni, il n’y a qu’un cri d’indignation contre la manière honteuse dont la population noire est traitée par la législation colonial, par les magistrats spéciaux et les planteurs. Après le sacrifice de tant de millions, le peuple sent que les noirs de nos colonies sont devenus non sa propriété, mais les vrais enfants de la nation, et que c’est maintenant plus que jamais pour elle un devoir de les protéger contre l’outrage et l’injustice, et de les faire admettre sur-le-champ à la complète jouissance de tous les privilèges garantis par la constitution britannique.

« Toutes les fois que le public a été informé que l’acte destiné protéger les esclaves et à leur garantir la liberté n’a fait qu’aggraver leur malheur, il s’en est suivi la plus amère mortification. La demande d’une liberté immédiate et entière pour cette race malheureuse s’est élevée, que Votre Seigneurie nous permette de lui en donner l’assurance, des classes les plus éclairées, les plus religieuses et les plus influentes de la société anglaise.

« Ces considérations fondées sur l’opportunité aussi bien que sur la justice et l’humanité de la mesure, nous décident à exprimer à Votre Seigneurie le vœu ardent, unanime, que le gouvernement de Sa Majesté mette le plus tôt possible un terme à l’apprentissage des noirs dans les colonies. Le 1er août 1838, déjà fixé pour l’affranchissement des noirs n’appartenant pas à la culture, semblerait devoir consacrer cette grande mesure, s’il fallait renoncer à l’effectuer plus tôt.

« Qu’il nous soit encore permis d’assurer Votre Seigneurie que cette mesure, si elle n’était d’ailleurs réclamée par les éternels principes de la justice et de la vérité, aussi bien que par les garanties de notre libre constitution est, dans notre opinion, tellement conseillée par les documents officiels publiés par ordre du parlement, qu’il ne devrait pas y avoir lieu d’en saisir un comité. Une telle manière de procéder ne nous paraissant avoir d’autre but que d’ajourner le triomphe de la justice et de prolonger la misère des noirs, nous supplions avec la dernière instance Votre Seigneurie de résister à la proposition qui en pourrait être faite.

« Soyez convaincu, milord, que le règne de notre jeune bien-aimée reine, commencé sous de si favorables auspices, recevrait un immortel éclat d’un acte d’humanité et de justice rendu cette partie des sujets de Sa Majesté, qui a si longtemps souffert et gémi dans nos colonies avec une si exemplaire patience.

« Déjà la sympathie des femmes du Royaume-Uni s’est émue en leur faveur ; plus de 600,000 d’entre elles ont inscrit leurs noms à l’adresse qui va être présentée à Sa Majesté. Elles peuvent être assurées des généreuses sympathies de la reine de la Grande-Bretagne, dont le sexe, plus encore que le nôtre, souffre du système dont nous implorons l’immédiate et complète suppression.

Signé, au nom de tous les délégués,
par R. Harward, président.


Réponse


« Monsieur, je suis charge par lord Glenelg de vous accuser réception du mémoire daté du 17 et présenté le 18 de ce mois à Sa Seigneur e par vous et d’autres personnes. Ce mémoire exprime le vœu de voir le gouvernement de Sa Majesté proposer le plus tôt possible au parlement de supprimer le système d’apprentissage des noirs aux colonies, sans qu’un comité de l’une ou l’autre chambre soit préalablement charge d’examiner comment ce système fonctionné. J’ai à vous répondre qu’après s’être consciencieusement applique depuis deux ans et demi à l’examen de cet objet, après avoir attentivement recueilli toutes les informations qu’il a pu se procurer, lord Glenelg ne pense pas qu’il y ait suffisamment lieu pour le gouvernement de Sa Majesté de proposer au parlement de modifier l’acte de 1833 d’une manière aussi essentielle que le désirent les pétitionnaires. De plus, Sa Seigneurie pense que, si désirable qu’il puisse être de voir des actes rendus par les législatures coloniales anticiper sur l’époque fixée par la loi comme terme de l’apprentissage, la proposition faite par le gouvernement au parlement de le supprimer immédiatement n’aurait d’autre effet que de produire de l’irritation et des mécomptes aux Indes occidentales. Cette proposition, à ce qu’il semble à lord Genelg, présenterait un sérieux obstacle au succès des constants efforts du gouvernement de Sa Majesté pour assurer à la population des apprentis la jouissance des droits qui lui sont immédiatement et légalement acquis, et pour la préparer, à l’expiration de l’apprentissage, à entrer dans la pleine jouissance d’une entière liberté. Dans cette vue, le gouvernement de Sa Majesté n’hésiterait pas, s’il y avait lieu, à demander au parlement tes moyens nécessaires pour fortifier le pouvoir exécutif dans l’accomplissement des devoirs si graves imposés à sa responsabilité.

« Quant au désir exprimé par les pétitionnaires de voir le gouvernement de Sa Majesté s’opposer à toute proposition qui aurait pour objet de faire nommer un comité par l’une ou l’autre chambre, pour s’enquérir de la manière dont fonctionne le système actuel, je dois vous informer que, dans les deux dernières sessions, le gouvernement a consenti, sur la motion de M. Buxton, à la nomination d’un comité par la chambre des communes pour cet objet. L’enquête du dernier comité ayant été interrompue par clôture inopinée de la session, un court rapport fut présenté à la chambre des communes. Dans ce rapport, qui parait avoir été unanimement approuvé, il est demandé qu’un comité soit choisi pour continuer l’enquête dans la prochaine session du parlement. D’après cette recommandation et l’obligation imposée au gouvernement de fournir toutes les informations que le parlement peut désirer sur un objet aussi important, lord Glenelg me charge de répondre que, dans son opinion, le gouvernement de Sa Majesté ne saurait refuser son assentiment à la nomination d’un tel comité pendant la présente session, si la motion en était faite dans l’une ou l’autre chambre du parlement. »




Ici se terminent les documents généraux relatifs à la période d’apprentissage.

La partie V (2), 1838, ne contient aucune instruction générale de la métropole. Le volume est spécialement consacré à l’exécution de l’acte d’abolition aux Barbades et à la Guyane anglaise. Les faits les plus intéressants de ce volume seront reproduits dans le Précis historique consacré à la Guyane, dans la seconde partie de la présente publication.

Il convient seulement de rappeler ici qu’à la suite de la pétition rapportée ci-dessus, et des propositions analogues faites dans le sein du parlement, le gouvernement anglais refusa de trancher législativement la question de la suppression de deux dernières années d’apprentissage pour les noirs ruraux ; mais qu’il présenta un bill destiné à modifier l’acte d’abolition de l’esclavage, à la satisfaction des pétitionnaires et de leurs organes dans le parlement, par la réforme des principaux abus reprocha au régime de l’apprentissage.

L’acte adopté à ce sujet, le 11 avril 1838, figure dans la troisième partie du présent volume ; et, comme il a été immédiatement suivi, dans toutes les colonies, de la suppression générale et absolue de l’apprentissage, on peut le considérer comme formant la clôture de cette première période de l’émancipation.

  1. Les faits les plus importants recueillis à la suite de cette enquête sont, pour la plupart, rapportes dans les Précis historiques dont les principales colonies sont l’objet dans la deuxième partie du présent volume.
  2. Traduction intégrale et aussi littérale que possible.
  3. Traduction intégrale et aussi littérale que possible.