Imprimerie l’Union (p. 131-135).


APPELLATIONS


Il serait ridicule d’entendre mari et femme, se désigner, l’un l’autre, par les mots, Monsieur, Madame : ils se nomment de leurs prénoms simplement.

Un mari, parlant de sa femme, ne dit Madame, qu’en s’adressant aux domestiques ; aux autres personnes, il dit, ma femme. La femme, de même, dit, en parlant de son mari, mon mari : et non pas Monsieur, si ce n’est en parlant aux domestiques.

Les parents désignent leurs enfants, ma fille, mon fils ; ils emploient ma fillette, pour une toute jeune fille ; pour les fils, mon garçon, jusqu’à la seizième année.

En parlant de leurs enfants, aux domestiques, ils disent, Monsieur, en y joignant le nom de leur fils. Mademoiselle suffit pour une fille unique ; s’il y a plusieurs sœurs, il faut y joindre le nom de celle que l’on veut désigner.

Parlant à un homme, de sa femme, on ne dit pas : comment va votre dame ? mais comment va Madame Benoît ?

À un jeune homme, parlant de sa mère et de ses sœurs, on dit : Comment va Madame votre mère ? Comment vont Mesdemoiselles vos sœurs ? On ne dit jamais à une femme, Monsieur votre mari.

À une personne d’un certain âge, qui nous est peu connue, on dit Madame pour Mademoiselle à moins que l’on soit parfaitement sûr qu’il faut dire le contraire.

Un jeune homme, parlant de sa mère, à des étrangers, dit ma mère, et non pas maman.

Les mots Monsieur et Madame s’emploient à la première de nos phrases, et de temps en temps dans la suite de la conversation.

Il n’est pas permis de donner de surnom, à qui que ce soit.

Aux dignitaires ecclésiastiques, on dit, au pape : Très Saint Père ; à un délégué papal : Votre Excellence ; à un cardinal : Votre Éminence ; aux archevêques et évêques, aux prélats : Monseigneur ; à un curé de paroisse : Monsieur le Curé ; à un religieux : Mon Père, Révérend Père ou Très révérend Père s’il s’agit d’un supérieur. À un prêtre, dont les titres nous sont inconnus, il est toujours convenable de dire, Monsieur l’Abbé.

On évite de donner à nos prêtres le titre de Révérend, à moins qu’il ne soit accompagné de celui de Père, Révérend Père, qui semblent bien faits pour aller ensemble. Dans l’expression Révérend Monsieur, ce que nous réprouvons, c’est sa trop grande analogie avec la désignation de certains ministres protestants.

On ne dit pas, les Messieurs le Curé ; mais Messieurs les Curés. On ne dit pas, les Messieurs prêtres ; mais Messieurs les prêtres, comme on dirait Messieurs les avocats, et non les Messieurs avocats.

À la Supérieure d’un couvent, on dit : Révérende Mère, Révérende Sœur, ou Révérende Sœur Supérieure ; aux autres Sœurs : ma Mère ou ma Sœur. Les appellations Mère et Sœur sont toutes deux très convenables et polies : tout dépend de l’usage adopté dans chaque congrégation.

On dit, quand j’aurai le plaisir, l’honneur ou le bonheur de vous voir ; et non pas quand j’aurai la chance ou l’avantage.

Un homme dit à une femme, quand j’ai eu l’honneur de vous rencontrer. Une femme dit à un homme, quand j’ai eu le plaisir de vous voir. Les femmes se disent, l’une à l’autre, quand j’ai eu le plaisir de vous voir.

À une dame, beaucoup plus âgée ou de condition tout à fait supérieure, une jeune femme dira, quand j’ai eu l’honneur de vous voir.

Une jeune femme désigne les parents de son mari, des mots, Monsieur et Madame, suivis de leur nom de famille ; l’homme observe la même règle vis-à-vis des parents de son épouse.

La situation des enfants, dont le père ou la mère se remarie, est souvent embarrassante. Tout jeunes, ils ne feront aucune difficulté à se servir des mots papa et maman, pour désigner celui ou celle qui en prend la place ; dans un âge plus avancé, surtout si le deuil est encore récent, ce serait parfois pénible. Monsieur, Madame, semble un peu froid et distant : alors, laissez-moi vous dire que certains enfants ont su inventer une expression touchante et pleine de délicatesse, toute de respect au souvenir des disparus, et de déférence pour les nouveaux venus, en disant : « ma seconde mère, » « mon second père. » Je ne l’ai vue, nulle part, dans aucun manuel, cette expression-là : je l’ai recueillie des lèvres de mes élèves : elle m’a été douce à entendre, et je l’ai trouvée belle ! surtout, quand une petite fille de dix ans me dit, en guise d’explications : « Elle est bien bonne, ma seconde mère, je l’aime beaucoup : mais j’ai connu ma mère moi, et je ne pourrais pas jamais dire « maman », à une autre femme ! »…

« J’aime ma seconde mère, je veux bien lui obéir, et je ne voudrais pas lui faire de peine ; mais quand je suis seule, et le soir, c’est à l’autre que je pense, à la première, à la vraie ! »…

En s’adressant à eux directement, les enfants emploient les mots, père, mère.