Poissons d’eau douce du Canada/Graylings

C. O. Beauchemin & Fils (p. ill-482).


Fig. 207. — LE GRAYLING. — Le Porte-Enseigne.

LES GRAYLINGS



Il en existe de deux espèces, dans l’Amérique du Nord, toutes deux particulières au Canada, mais jusqu’ici étrangères à la province de Québec. C’est pourquoi nous n’avons pas de nom français pour désigner ce poisson d’une beauté si rare. L’une de ces espèces porte le nom de Grayling Thymallus Signifer, et l’autre, celui de Grayling T. tricolor. Signifer veut dire « Porte-enseigne, » et la gravure ci-jointe vous dit, par sa dorsale, mesurant plus d’une fois et demie la largeur du corps de l’animal, qu’il appartient décidément à cette espèce.

Comment le désignerons-nous en français ? Poisson enseigne, poisson porte-drapeau, poisson voilier, cela irait-il ?

Commençons par dire qu’il appartient à la famille des Salmonidés, et qu’il fait grandement honneur à cette espèce de poissons, dans les eaux glaciales de l’Amérique du Nord. N’est-ce pas John Franklin, qui, lors de son expédition vers le pôle, en 1819, en fit la découverte et lui donna le nom de Signifer ? Tel serait le cas s’il faut en croire, au moins, sir John Richardson, qui en parle à peu près comme suit :


« Ce poisson, d’une beauté merveilleuse, abonde dans les cours d’eau rocailleux qui arrosent le sol primitif, au nord du soixante-deuxième parallèle, entre le fleuve McKenzie et la rivière Welcome. Les Esquimaux l’appellent le voilier, faisant allusion a sa dorsale immense. À mon avis, ce nom lui convient d’autant mieux que le premier de ces poissons révélé au monde civilisé, a été capturé, à la mouche, par un de mes jeunes compagnons de voyage, le capitaine Back, alors simple porte-enseigne à bord de notre vaisseau. Ce poisson abonde surtout dans l’Amérique anglaise, dans l’Alaska et jusqu’aux extrêmes limites nord du continent d’Amérique. »


La seconde variété, dite Thymallus tricolor, appartient aux eaux de la presqu’île de Michigan ; elle abonde aux sources de la rivière au Sable, et du Missouri.

Au nord de l’Europe, il existe, dit-on, diverses variétés de « Graylings, » en Suède, Norvège, dans les Orcades, en Laponie, en Russie et en Sibérie. C’est chose possible, mais la science n’a pas encore vérifié leur identité, par une étude comparative consciencieuse. « L’Ombre » et « l’Ombre Chevalier » des grands lacs de Suisse, transportés en France, en Allemagne et en Angleterre, signalés en Russie et en Sibérie, appartiennent peut-être à cette famille des Thymmalés, mais revient-il à un humble Canadien-Français, casanier et loin des grands musées, de se prononcer sur un sujet scientifique de pareille importance ?

Le Porte-enseigne américain fraie au mois d’avril, et ce même poisson, sur le vieux continent, fraie en mars et avril, et quelquefois en mai. Rarement atteint-il une longueur de plus de quinze pouces, un poids de plus de deux livres. Il se nourrit d’insectes et de mollusques. Poisson sportif du nord avant tout.


LE POISSON-BLEU

Appelé comme témoin devant le comité du sénat, à Ottawa, le 25 avril 1888, Monsieur George U. Dawson déclare :

« Le poisson-bleu ressemble à la truite, de forme et de taille, seulement il a une fort grande nageoire dorsale. C’est un poisson sportif, presque autant que la truite, qui peut se pêcher à la mouche, et qui est très bon à manger. Il se trouve dans les affluents du Mackenzie, et jusqu’aux sources mêmes de la rivière de la Paix et de la rivière aux Liards ; on le rencontre pareillement dans les eaux supérieures du Youkon, lequel, comme on le sait, se jette dans la mer de Behring. »

Et le 27 du même mois, devant le même comité, Monsieur Joseph A Graham disait :

« Le poisson-bleu est un des plus beaux poissons que je connaisse. Il est plus beau même que le maquereau. C’est tout à la fois un poisson des régions arctiques et des montagnes Rocheuses. On le trouve dans les barren grounds, et nous en avons pris quantité de pièces dans les eaux courantes de la passe de la Paix, 56° de latitude. Quand ce poisson avait mordu à l’hameçon, il faisait des sauts de deux pieds, ou à peu près, hors de l’eau, et l’éclair de ses couleurs, au soleil, nous donnait alors les plus vives émotions. »