Poëmes en prose (Louis de Lyvron)/La Chanson d’Arthur/VII

Alphonse Lemerre (p. 77-78).
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vii



L’armée d’Arthur s’est arrêtée à dix portées de flèche de l’armée de Médrod. Les Gaëls s’assoient autour des grands feux ; puis, la nuit arrivant, ils s’endorment la tête dans le casque.

La lune se lève, un nuage plus sombre sort du brouillard et se dirige vers le tertre sur lequel Arthur parle de Genièvre au barde gaulois. Peu à peu ce nuage prend la forme d’un homme. Arthur, attentif, distingue un torse musculeux, un front large d’où tombent d’épaisses boucles de cheveux châtains, de grands yeux clairs, une moustache blonde. « Vercingétorix ! » s’écrie le barde.

Le fantôme est beau comme un taureau sauvage et son regard est doux. Il dit au barde : « Ami, nous allons nous rejoindre pour ne plus nous quitter. » Puis, s’adressant à Arthur : « Mon fils, je suis content de toi.

– Si tu es la nuée vivante qui aima la vierge bretonne, si tu es le chardonneret dont le baiser m’a engendré, donne la victoire à ton fils, mystérieux ordonnateur des batailles.

– Je suis le roi de la guerre Je t’ai engendré avec une vierge bretonne, sous un chêne aux racines profondes, aux branches nerveuses, et tu as été l’épée des Bretons. Je suis l’homme du passé, tu seras l’homme de l’avenir. »

Une bande de pourpre s’allume à l’horizon, le nuage pâlit et disparaît. L’armée de Médrod s’ébranle. Arthur sonne du cor et les Bretons sont à cheval.

La terre tremble sous les pieds des chevaux.