Poëmes en prose (Louis de Lyvron)/La Chanson d’Arthur/VI

Alphonse Lemerre (p. 74-77).
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vi



Les chevaux étant las à cause de la chaleur, le barde chante : « Ma bien-aimée a pour palais le nuage azuré, bluet des moissons d’or que le soleil mûrit, les soirs d’été, sur le ciel enflammé.

« Si la mort vous appelait, que répondriez-vous à la mort ? »

Les cavaliers frappent trois coups de lance sur leurs boucliers et crient tous ensemble : « Nous dirions à la mort, gaiement : « Hier déjà nous t’attendions gaiement ! aujourd’hui nous te suivrons gaiement ! »

Les yeux que j’aime ont la couleur de l’airelle sauvage ; ils sont plus doux qu’un vent de mai, plus profond qu’un étang glacé et plus purs qu’un bouclier d’or.

Si la mort vous appelait, que répondriez-vous à la mort ? »

Les chevaux avaient pris le trot. Les cavaliers crient tous ensemble : « Nous dirions à la mort, gaiement : « Hier déjà nous t’attendions gaiement ! aujourd’hui nous te suivrons gaiement ! »

Ma bien aimée a pour palais le brouillard azuré, pavillon doublé d’or, que la nuit déploie, les soirs d’été, sur les prés embaumés.

Si la mort vous appelait, que répondriez-vous à la mort ? »

Les derniers rangs ne peuvent plus entendre la voix du barde ; mais ils crient avec les autres : « Nous dirions à la mort, gaiement : « Hier déjà nous t’attendions gaiement ! aujourd’hui nous te suivrons gaiement ! »

Les seins que j’aime ont le parfum de la pomme vermeille ; ils sont plus blancs que le lait frais, plus doux que le cygne argenté et plus ronds qu’un bouclier d’or !

Si la mort vous appelait, que répondriez-vous à la mort ? »

Les chevaux, serrés par les genoux, bondissent, des étincelles jaillissent des boucliers. Les cavaliers crient tous ensemble : « Nous dirions à la mort gaiement : « Hier déjà nous t’attendions gaiement ! aujourd’hui nous te suivrons gaiement ! »

Ma bien-aimée a pour palais les golfes azurés, écrins des perles d’or que la lune arrondit, les soirs d’été, sous les vagues nacrées. Si la mort vous appelait…

– Halte ! voici l’ennemi ! »