Poëmes en prose (Louis de Lyvron)/La Chanson d’Arthur/III

Alphonse Lemerre (p. 67-69).
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III



Les deux dames d’honneur, Enid et Teyaf au sein d’or, peignent les cheveux de la reine et découvrent le grand lit aux courtines de pourpre.

Elle est si belle, la reine Genièvre, dans sa fine tunique de lin ; mais Arthur est un soldat, et sa bouche ne sait pas dire ce que dit son cœur……

Arthur dort comme une épée dans son fourreau ; la reine se lève et s’accoude à la fenêtre qui regarde la prairie où l’on entrave les juments. Elle pense aux flatteries des bardes, elle pense à Médrod, et elle se dit : « Autour de moi on ne parle que de combats livrés pour les belles, et je n’ai point de chevalier. »

Une voix lui répond : « Si vous vouliez, reine Genièvre, je serais votre chevalier. »

Elle avait été grisée par les flatteries des bardes ; elle fait semblant de ne pas avoir entendu. « Belle Genièvre, dit la voix, je suis Médrod, ton neveu, descends dans la prairie ; le son de l’oliphant peut seul éveiller Arthur endormi.

– Que veux-tu ?

– Te chanter une chanson d’amour, te dire ce que dit Arthur aux belles demoiselles dans les châteaux enchantés dont il renverse les murailles.

– La rosée tombe, et j’ai des souliers en satin rouge.

– La rosée ne mouillera pas tes souliers. »

Médrod enfourche son cheval noir et prend dans ses bras la reine accoudée à la fenêtre.

« Laisse-moi ! » dit Genièvre. Médrod relève la bride, serre les genoux, et le cheval franchit la haie de la prairie.