Poésies de Schiller/Herculanum et Pompéi

Poésies de Schiller
Traduction par Xavier Marmier.
Poésies de SchillerCharpentier (p. 165-167).
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HERCULANUM ET POMPÉI.

Quelle merveille se révèle à nous ! On te demandait, ô terre, des sources rafraîchissantes, et qu’avons-nous vu sortir de tes entrailles ? La vie est-elle aussi dans l’abîme ? Y a-t-il une nouvelle race cachée sous la lave et revient-elle à nous ? Grecs, Romains, approchez et voyez : la vieille ville de Pompéi reparaît, la ville d’Hercule s’élève de nouveau ; le pignon joint le pignon ; le portique est là avec sa large enceinte. Oh ! venez l’animer. Le théâtre est ouvert : que la foule y entre par ses sept ouvertures. Mânes, où êtes-vous ? avancez. Que le fils d’Atrée achève son sacrifice et que le chœur lamentable suive Oreste ! Où va cet arc de triomphe ? reconnaissez-vous le Forum ? Que vois-je sur cette chaise curule ? Licteurs, marchez en avant avec la hache ; que le prêteur monte sur son siège ; que le témoin vienne avec l’accusateur ! Les rues se développent, et sur un pavé élevé, un sentier plus étroit s’étend le long des maisons. Les toits penchés en avant offrent un sûr abri, les appartements élégants sont rangés autour de la cour. Ouvrez les boutiques et les portes longtemps fermées. Que le jour pénètre dans ces ténèbres. Voyez comme les bancs sont bien rangés, comme les pierres de différentes couleurs brillent sur le carreau. Les murailles sont revêtues de riantes peintures. Où est l’artiste ? Il vient de quitter son pinceau. Les festons sont ornés de fleurs et de fruits. Ici, s’avance un Amour avec sa corbeille pleine. Là, des Génies actifs foulent la vigne de pourpre. D’un côté la Bacchante danse, de l’autre elle sommeille, et le Faune indiscret ne peut se lasser de la voir. Plus loin elle étourdit le Centaure rapide et le pousse gaiement avec son thyrse. Enfants, que tardez-vous ? allons ! Les beaux harnais ! Jeunes filles, venez et puisez dans le vase étrusque. Le trépied n’est-il pas là sur le Sphinx ailé ? Attisez le feu, esclaves : préparez le foyer. Achetez, voici des monnaies du temps de Titus et voici la balance, il n’y manque rien. Posez la lumière sur les flambeaux brillants et remplissez la lampe d’une huile pure. Qu’y a-t-il dans cette cassette ? Oh ! voyez ce que le fiancé envoie à sa fiancée : des agrafes d’or, des parures superbes. Conduisez la jeune fille dans le bain odorant. Voici les parfums, et dans ce vase de cristal je retrouve encore le fard. Mais où sont les hommes, les vieillards ? Dans une retraite sérieuse on découvre un précieux trésor de rouleaux rares, on découvre le poinçon et les tablettes de cire. Rien n’est perdu, la terre a tout fidèlement conservé. Les Pénates sont là aussi et tous les autres Dieux. Où sont allés les prêtres ? Hermès aux ailes légères balance le caducée ; la Victoire s’enfuit des mains qui la tiennent ; les autels sont debout. Oh ! venez et allumez le feu du sacrifice dont les Dieux ont été longtemps privés.