Théophile Berquet, Libraire (p. 150-151).

BALLADES.


Dans ce hameau je vois de toutes parts
De beaux atours mainte fillette ornée :
Je gagerais que quelque jeune gars
Avec Catin unit sa destinée ;
Elle a l’œil doux, elle a les traits mignards ;
L’air gracieux, l’humeur point obstinée ;
Mais grand défaut gâte tous ses attraits :
Point n’a d’écus. Pour belle qu’on soit née,
L’Amour languit sans Bacchus et Cérès.

De doux propos et d’amoureux regards
On ne saurait vivre toute l’année.
Jeunes maris deviennent tôt vieillards,
Quand leur convient jeûner chaque journée,
Soucis pressans chassent pensers gaillards.
Tendresse alors est en bref terminée :
S’il en paraît, ce n’est qu’ad honores.
Par maints grands clercs l’affaire examinée,
L’Amour languit sans Bacchus et Cérès.


L’âtre entouré d’un tas d’enfans criards,
De créanciers la porte environnée,
D’un triste hymen tous les autres hasards
Font endurer peine d’âme damnée,
Et donnent joie aux voisins babillards.
Myrtes dont fut la tête couronnée
Voir on voudrait transformer en cyprès.
D’un tel désir point ne suis étonnée ;
L’Amour languit sans Bacchus et Cérès.

ENVOI.

Vous qui d’Amour suivez les étendards,
Point ne croyez canteleux papelards
Disant : Beauté suffit pour l’hyménée.
Si vous voulez en tout faire florès,
Qu’avec beauté grosse dot soit donnée :
L’Amour languit sans Bacchus et Cérès.