Traduction par Charles Héguin de Guerle.
Poésies de CatullePanckoucke (p. 59-61).

XXXIX.

CONTRE EGNATIUS.


Egnatius a les dents belles, et il rit sans cesse pour les montrer. Près du banc d’un accusé, au moment où l’avocat fait verser des larmes à l’auditoire, Egnatius rit ; il rit encore près du bûcher d’un fils unique que pleure une mère désolée : en toute occasion, en quelque lieu qu’il soit, quoi qu’il fasse, il rit toujours. C’est là sa manie ; mais elle n’est, à mon sens, ni agréable ni polie. Je dois donc t’avertir, pauvre Egnatius, que quand bien même tu serais né à Rome, ou chez les Sabins, à Tibur, ou chez l’Ombrien économe, chez l’Étrurien somptueux, ou le Lanuvien brun et bien endenté, ou, pour dire un mot de mes compatriotes, chez le Transpadin, ou tout autre peuple qui se rince la bouche avec de l’eau pure, encore ne te permettrais-je pas de rire ainsi à tout propos : car rien n’est plus sot qu’un sot rire. Mais tu es Celtibérien ; et les gens de ton pays ont tous la coutume de se rincer chaque matin les dents et les gencives avec leur urine ; or, plus l’émail de vos dents a d’éclat, plus il prouve que vous avez fait usage de ce dégoûtant gargarisme.