Poésies complètes (Colet)/Texte entier

Librairie de Charles Gosselin.


MADAME
LOUISE COLET.

POÉSIES COMPLÈTES.




PARIS. — IMPRIMERIE DE BÉTHUNE ET PLON.



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PRÉFACE.


Il arrive un moment, dans toute vie littéraire, où l’esprit, faisant l’office de la conscience, se juge aussi rigoureusement lui-même qu’il pourrait l’être par la plus sévère critique : c’est l’heure intermédiaire entre l’inspiration facile, qui va toujours, et le travail réfléchi, qui doute, cherche, hésite et tend à se perfectionner. On éprouve alors une sincère désillusion sur tout ce qu’on a produit jusque-là ; on voudrait anéantir ces pâles ébauches autrefois caressées avec satisfaction ; on a l’espérance, presque la certitude de mieux faire à l’avenir, et l’on se demande s’il ne serait pas sage de livrer à l’oubli ces enfants premiers-nés pour lesquels on n’a plus de faiblesse.

Ce sentiment d’une rigide appréciation de soi-même m’a sérieusement préoccupée en réunissant dans ce volume presque tous les vers que j’ai faits jusqu’à ce jour[1]. Mon dessein avait été d’abord de rejeter en entier le premier recueil, chants de jeune fille, sonores, retentissants, d’une mélodie parfois un peu monotone, et exprimant des émotions de l’âme souvent ressenties et formulées par d’autres avant et depuis la publication de ces premiers vers. Une pensée m’a retenue : avais-je cherché à imiter ? Non, sincèrement, non : ces chants furent l’écho, peut-être inhabile, mais fidèle, de ce que j’éprouvais alors. Beaucoup de poètes ont traversé ces phases et les ont décrites ; ce n’est pas qu’ils se soient copiés l’un l’autre : c’est qu’avant d’atteindre à l’originalité, ils ont passé, en entrant dans la vie, par des sensations douloureuses et délicates traduites en plaintes élégiaques qui se ressemblent naturellement entre elles. D’ailleurs ces vers, quels qu’ils soient, m’avaient attiré la bienveillance des personnes qui cultivent et qui aiment encore la poésie, et une sorte de reconnaissance me prescrivait de les conserver, fût-ce aux dépens de mon amour-propre. C’est aussi à ce premier recueil que je dois le suffrage de mes amis et les sympathies inespérées qui sont venues me chercher dès le début. Il n’est pas nécessaire d’être peintre pour admirer un beau paysage, ni musicien pour être ému par des sons harmonieux ; de même il est dans la foule des âmes simples, des esprits illettrés qui goûtent profondément la poésie, et dont le jugement est souvent plus sûr que celui de quelques critiques de métier : meute agressive presque toujours hostile aux talents nouveaux ; aristarques de vingt ans inféconds et déjà blasés, prenant leur propre impuissance et leur propre dégoût pour l’impuissance et le dégoût du siècle ; esprits mal faits qui déflorent les œuvres de l’esprit et égarent le goût public. Qu’on me permette à ce sujet une comparaison toute féminine : est-il rien de plus gracieux que des enfants jouant à l’entour de leur mère, gais, insouciants, heureux ? On sourit à leurs jeux bruyants, on se prêle à toutes leurs tyrannies, leurs défauts sont embellis par leurs grâces ; mais placez ces beaux petits anges sous la férule d’un pédagogue célibataire sans entrailles, aussitôt ils deviennent des êtres disgraciés, hargneux, intolérables ; leur prestige a disparu, et c’est à peine si l’œil d’une mère pourrait les reconnaître. Il en est de même des plus fraîches créations du poète : en passant sous les verges de certains critiques, elles perdent leur parfum naturel, leur charme primitif, et ne s’offrent plus aux regards du public que sous le masque grimaçant que leur ont mis des juges sans justice.

Pour ceux-là, je serais heureuse que mon livre ne s’ouvrît point.

Il en est encore qui, dans un autre ordre, doivent être, sinon hostiles, du moins indifférents à la poésie : ce sont les heureux de la terre, ceux qui jouissent en réalité des douces choses que le poète regrette ou n’a fait que rêver. S’ils ont des enfants à caresser, un beau ciel à contempler, une passion noble et vraie qui remplisse leur âme, à ceux-là je dirai : Savourez le temps, jouissez de vos loisirs, et ne lisez pas ces tristes rêveurs qu’on appelle les poètes. Quelle poésie vaut la nature ? Mais, hélas ! combien ils sont en petit nombre, ces élus du monde ! combien fragile est leur douce et confiante félicité ! Le néant des sentiments les meilleurs, la mort des êtres aimés, arrivent aussi pour eux ; les misères de l’humanité nous sont communes, chaque homme a son jour d’infortune marqué d’avance, et c’est ce qui attire vers les poètes, c’est ce qui fait que, même les plus infimes, s’ils ont toujours peint des passions et des souffrances sincèrement éprouvées, ne manqueront jamais de lecteurs.


Paris, 31 octobre 1843.


JEUNE FILLE.


PREMIER RECUEIL.




FLEURS DU MIDI.


Chil of the sun, soul of fire.
Byron


PRÉFACE
DU PREMIER RECUEIL.




Ces chants ont été composés dans un désert de la Provence, triste en hiver comme un steppe de la Pologne, et dévoré en été par un soleil d’Afrique et par le mistral, assez semblable au simoun. Là, l’imagination, ne pouvant se répandre au dehors pour admirer, est condamnée à chercher un aliment dans les émotions de l’âme, dans la pensée.

Peut-être ces vers auraient-ils dû mourir où ils étaient nés, dans cette solitude où je n’étais entendue ni comprise ; mais quelques poètes les ont écoutés, quelques amis les ont applaudis, et je les livre au public, sans espérer qu’il les lise.

Paris, 1835.

POÈME
À UNE ÂME EN DEUIL.




I

TOURMENTS DU POÈTE.


Après tout, qu’importent les revers, si notre

nom, prononcé dans la postérité, va faire battre un cœur généreux deux mille ans après

notre vie ?
Chateaubriand.
Amour, vertu, génie, tout ce qui a honoré l’homme, l’homme l’a persécuté.
Madame de Staël.


Oh ! ne me parle pas de bonheur et de gloire,
À moi, pauvre ignorée, à qui rien n’a souri !
À moi qui, dans la coupe où j’aurais voulu boire,
      Trouvai le miel tari !

Comme la sensitive aux regards je me cache ;
Mais il ne suffit pas d’être pure et sans tache
      Pour couler d’heureux jours :
Au désert, la pensée ardente, insatiable,
Qui sonde trop la vie, et que la vie accable,
Fermente dans mon âme, et la ronge toujours !

Parce qu’il est encor des roses sur ma joue,
Et qu’étouffant mes pleurs, je souris et me joue
      Du bonheur qui me fuit,
Tu dis, en me voyant : « Cette femme est heureuse !
» Elle pourra calmer ma vie aventureuse,
» Elle pourra répandre un rayon sur ma nuit ! »

Ah ! si c’est la pitié que ton passé réclame,
J’en ai pour le malheur ; viens puiser dans mon âme :
      Mais moi, te consoler !
Moi, qu’entoura toujours la froide indifférence,
Ce langage d’amour qu’implore ta souffrance,
      Saurai-je le parler ?

Puis-je, pour adoucir le mal qui te dévore,
Au songe du bonheur te faire croire encore,
      Lorsque je n’y crois plus ?
Puis-je à ton cœur brisé conseiller la prière,
Moi qui reste à genoux muette sur la pierre,
Et n’ose plus former des vœux toujours déçus ?

À des jours sans bonheur, non, je ne puis me faire ;
Je suis faible à la vie ; et, vers une autre sphère
En tournant mes regards, j’ose interroger Dieu ;
Je dis : « Quoi ! sans pitié pour une pauvre femme,
» D’amour, de poésie il a pétri mon âme,
» Et j’ai dû lutter seule avec ce double feu !

» Seule ! sans rencontrer la source où l’on s’étanche !
» Seule ! sans une autre âme où mon âme s’épanche !
» Seule ! pour admirer, croire, aimer et souffrir !
» Seule ! seule toujours !… Si je dois ainsi vivre,
» Avant qu’à blasphémer le désespoir me livre,
      » Mon Dieu, fais-moi mourir !… »

Et pourtant, ce n’est pas que le destin m’abreuve
De ces malheurs puissants qui mettent à l’épreuve
Le poète ici-bas, pour le régénérer.
Et qui, bouleversant son âme indépendante,

Inspirent à sa voix, plus fière et plus stridente,
Des hymnes de douleur si beaux qu’ils font pleurer !…

Ah ! ces nobles tourments, souvent je les envie ;
Ils déchirent le cœur, mais font sentir la rie.
Gladiateur sanglant, il est beau de lutter :
À l’homme de génie il faut de grands contrastes ;
Après des jours sereins il faut des jours néfastes…
      Son âme doit tout refléter.

Il est beau de souffrir comme a souffert le Dante !
Aux cris de Némésis, implacable et mordante,
II est beau d’imposer silence en l’étouffant !
Il est beau que le Tasse , accusé de folie ,
Meure, et lègue un remords à toute l’Italie,
      Qui ne le vit pas triomphant !
      
Comme Homère, il est beau que Camoëns mendie ;
Que Corneille expirant fasse une tragédie
      Pour obtenir du pain ;
Que Milton, en créant son ange des ténèbres.
Ressente tour à tour, dans ses heures funèbres.
      Les tourments qu’il dépeint !

Puis, il est beau d’ouïr le jeune Malfilâtre,
Lui qui trouva toujours la nature marâtre,
      Chanter la volupté !
Il est beau que Gilbert, mourant dans un hospicf ,
À ses vers dédaignés laisse pour frontispice :
      Génie et Pauvreté !

Eh ! n’est-ce pas encore une chose sublime
Que la gloire vouée au supplice du crime ?
Chénier[2], de l’échafaud volait au Panthéon !…
Sous le glaive, Roland déployait sa grande âme.
Fière et belle Roland, est-il un cœur de femme
Qui ne batte d’orgueil en prononçant ton nom !

Et vous dont les accents réveillaient l’Ausonie,
Vous qu’on a torturés dix ans dans l’agonie,
Noble Maroncelli, sublime Pellico,
Martyrs de liberté que l’amitié rassemble,
À la postérité vos noms iront ensemble,
Et dans tous les grands cœurs trouveront un écho !…

Oui, j’aime vos malheurs ! quelle âme assez commune
N’envîrait le génie au prix de l’infortune ?
Laissez les jours de joie à des mortels obscurs ;
La douleur est pour vous l’offrande expiatoire
Dont vous avez payé l’auréole de gloire
Qui couvrira vos fronts dans les siècles futurs !…
 
Comme l’éclair jaillit au milieu des nuées,
Dans les âmes ainsi fortement remuées
Dieu jette quelquefois un regard de merci ;
Alors, se dégageant des ombres de la terre ,
Leur avide pensée au ciel se désaltère…
      Oh ! je voudrais souffrir ainsi !

Mais il est des douleurs que le monde méprise,
Dont notre âme se meurt sans qu’elle soit comprise,
Sans qu’un mot de pitié dit par un être aimé
Vienne cicatriser nos blessures qui saignent :
Par ces tourments secrets que les hommes dédaignent,
      Mon cœur est consumé !
 
Traîner une existence aride et monotone
Où l’amour n’a jamais répandu sa chaleur ;
Voir pâlir mon printemps comme pâlit l’automne ;
Dans l’abîme du temps jeter mes jours en fleur !

L’âme ardente de foi trouver un siècle athée !
Avant d’avoir joui, vivre désenchantée,
      Et garder le désir !
Poursuivre sans espoir, dans un monde frivole,
Le bonheur idéal, qui sous ma main s’envole
      Quand je veux le saisir !

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XIX ESPERE !! ! Quoique mes espérances aient été déçues, elles ne sont pas oubliées. Chateaubriand. Ainsi , j’avais en vain suivi d’un œil avide Mille rêves d’amour, de gloire et d’amitié ; Toujours ils avaient fui ; mon âme restait vide : Je me faisais pitié ! La douleur arrêtait ma course haletante, Je renonçais au but avant qu’il fût atteint ; Dans mon cœur épuisé par une longue attente L’espoir semblait éteint. Et je disais : mon Dieu, je mourrai solitaire ! Et je n’attendais plus de beaux jours sur la terre. Quand soudain , à ta voix , mon cœur s’est rajeuni : Cette voix m’a promis un avenir prospère : Cette voix m’a jeté ce mot si doux : espère I... Que ton nom soit béni ! Tous ces chastes désirs que mon âme renferme, Tous ces purs sentiments étouffés dans leur germe , De ton cri d’espérance ont entendu l’appel : Oh ! que ton amitié me guide et me soutienne , Laisse-moi reposer mon âme sur la tienne ; L’amitié, c’est l’amour que Ton ressent au ciel !... Novembre 1833.

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C’est lui qui l’a livrée aux souillures du monde,
Lui qui la trouva chaste et la rendit immonde ;
Lui qui jeta la perle à la dent du pourceau,
Et la neige sans tache aux fanges du ruisseau !

Eh bien ! on applaudit à cet homme ; et la femme
Qui meurt sur un grabat, apparaît seule infâme !


1839.

UNE AMIE.

SONNET.


Si vous l’aviez connue à sa quinzième année,
Elle était belle alors, belle à vous rendre fou !
En voyant les attraits dont elle était ornée,
Vous auriez devant elle incliné le genou !

Pour caresser sa main frêle, blanche et veinée,
Poète, vous eussiez été je ne sais où ;
Et votre part du ciel, oh ! vous l’auriez donnée
Pour un baiser d’amour posé sur son beau cou !

Mais, avec la douleur, toute beauté se fane ;
Elle a souffert long-temps, et le regard profane
Ne voit plus sur ses traits de magiques trésors :

Ses yeux se sont ternis et son front n’est plus rose…
Eh bien ! moi, j’applaudis à sa métamorphose,
Car son âme a gagné ce qu’a perdu son corps.


1834.

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SONNET.


Avoir toujours gardé la candeur pour symbole,
Croire à tout sentiment noble et pur, et souffrir ;
Mendier un espoir comme un pauvre une obole,
Le recevoir parfois, et long-temps s’en nourrir !

Puis, lorsqu’on y croyait, dans ce monde frivole
Ne pas trouver un cœur qui se laisse attendrir !
Sans fixer le bonheur voir le temps qui s’envole ;
Voir la vie épuisée, et n’oser pas mourir !

Car mourir sans goûter une joie ineffable,
Sans que la vérité réalise la fable
De mes rêves d’amour, de mes vœux superflus,

Non ! je ne le puis pas ! non, mon cœur s’y refuse,
Pourtant ne croyez pas, hélas ! que je m’abuse ;
Je désire toujours… mais je n’espère plus !


1834.


LA DEMOISELLE.

SONNET.


Dans un jour de printemps, est-il rien de joli
Comme la demoiselle, aux quatre ailes de gaze,
Aux antennes de soie, au corps svelte et poli,
Tour à tour émeraude, ou saphir ou topaze ?

Elle vole dans l’air quand le jour a pâli ;
Elle enlève un parfum à la fleur qu’elle rase ;
Et le regard charmé la contemple en extase
Sur les flots azurés traçant un léger pli.

Comme toi, fleur qui vis et jamais ne te fanes,
Oh ! que n’ai-je reçu des ailes diaphanes !
Je ne planerais pas sur ce globe terni !

Aux régions de l’âme, où nul mortel ne passe,
J’irais, cherchant toujours dans les cieux, dans l’espace,
Le monde que je rêve, éternel, infini !


Mai 1834

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» Non, de nouveaux plaisirs t’enivreront encore ;
» C’est toi qui m’as tuée, et tu me survivras !
» Jette ton âme impie à la fange du monde,
» Dieu recevra la mienne, et sera mon vengeur !… »
Elle dit, et soudain de l’abîme qui gronde
Elle fend, comme un trait, la sombre profondeur…
Le gouffre l’engloutit… Au retour de l’aurore,
Sur les bords du torrent elle apparut encore ;
Son beau cou sur son sein retombait à demi ;
Ses noirs cheveux flottaient autour de son visage ;
Et sur les nymphéas qui croissaient au rivage,
Les flots la balançaient comme un cygne endormi.

À cet ange tombé nul ne donne des larmes :
De louange et d’amour le monde l’entourait ;
Et celle dont hier on admirait les charmes
N’a pas même un regret !

Le mépris a payé les tourments de sa vie ;
Ses malheurs ici-bas ne seront pas vengés ;
Personne ne maudit celui qui l’a trahie,
Mais Dieu les a jugés !


Nîmes, décembre 1829.



LES BAUX.

SONNET.


J’aime les vieux manoirs, ruines féodales
Qui des rocs escarpés dominent les dédales ;
J’aime du haut des tours de leur sombre prison
À voir se dérouler un immense horizon ;

J’aime, de leur chapelle en parcourant les dalles,
À lire les ci-gît couronnés de blason,
Et qui gardent encor la trace des sandales
Des pèlerins lointains venus en oraison.

Parmi ces noirs châteaux, gigantesques décombres
Dont les murs crénelés jettent au loin leurs ombres,
Aux champs de la Provence est le donjon des Baux ;

Là, chaque nuit encore, enlacés par les Fées,
Dans une salle d’arme aux gothiques trophées,
Dansent les chevaliers sortis de leurs tombeaux.


Aux ruines des Baux, en Provence, 1834.



SONNET.


Oui, les illusions dont toujours je me berce
En vain leurrent mon cœur d’un espoir décevant ;
Impassible et cruel le monde les disperse,
Ainsi que des brins d’herbe emportés par le vent.

Et moi, me rattachant à ma fortune adverse,
J’étouffe dans mon sein tout penser énervant ;
Malgré mon désespoir et les pleurs que je verse,
Je crois à l’avenir, et je marche en avant !

Pour soutenir ma foi, j’affronte le martyre
Des sarcasmes que jette une amère satire
À mon rêve d’amour le plus pur, le plus cher !

On peut tailler le roc, faire mollir le fer,
Fondre le diamant, dissoudre l’or aux flammes,
Mais on ne fait jamais plier les grandes âmes !


1834.



UN CŒUR BRISÉ.


« Ô souvenir de pleurs et de mélancolie !
» Ceux que j’aurais aimés ne m’ont point accueillie !
» Ou bien, insoucieux,
» Ils vantaient ma beauté sans comprendre mon âme,
» Et ne soupçonnaient pas sous ces dehors de femme
» L’ange tombé des cieux !

» Comme un lac dont la brise effleure la surface
» Sans agiter le fond,
» Ces êtres aux cœurs froids, où tout amour s’efface,
» Pour moi n’eurent jamais un sentiment profond.

» Innocence, candeur, tendresse virginale,
» Ils vous abandonnaient sans larmes, sans regret,
» Et toujours triomphait dans leur âme vénale
» Un vulgaire intérêt.

» Ils passaient tous ainsi comme des ombres vaines ;
» Le fantôme adoré, l’idéal que j’aimais,
» Celui qui de ma vie eût adouci les peines,
» N’apparaissait jamais !

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ISOLA-BELLA.


Vierges, lorsqu’à vos cœurs l’amour se révéla,
Par votre fiancé quand vous fûtes aimées,
Le jour où son destin au vôtre se mêla,
Ne rêvates-vous pas aux îles Borromées ?

Et parmi les trois sœurs, corbeilles parfumées,
Au rivage enchanteur de l’Isola-Bella,
Où l’on voit des palais sous de fraîches ramées,
N’avez-vous pas choisi quelque blanche villa ?

Là, le grand lac qu’entoure un cercle de collines
Reflète dans l’azur de ses eaux cristallines
L’Italie au ciel bleu, la Suisse aux sombres monts

N’est-il pas ici-bas deux âmes exilées
Qui coulent sur ces bords, l’une à l’autre mêlées,
Une vie enfermée en ce seul mot : Aimons !


Aix. 1834.
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Au lieu de l’ardente lumière
Qui rayonnait quand tu m’aimais,
Que de larmes dans ma paupière,
Que rien n’éclaire désormais !

Comme dans l’opale qui tremble,
Le feu s’éteint dans mon regard,
Tu m’avais dit : Vivons ensemble,
Je suis seule au jour du départ.

Vois ! déjà la mort va descendre.
Et, comme Hermione, avant peu
Mon corps te laissera sa cendre,
L’âme éplorée ira vers Dieu !



VIII
SOUVENIR DE SERYANNE.
À MA MÈRE.


Oh ! que ne puis-je encore habiter sous ton aile,
Dans la maison des champs, la chambre maternelle !
Près de toi que ne puis-je y dormir chaque nuit,
Jusqu’à l’heure où renaît la lumière et le bruit,
Jusqu’à l’heure où toujours, la première levée,
Tu venais en riant, d’une voix élevée,
M’éveiller et finir ces rêves orageux

Qui pour moi de l’enfance empoisonnaient les jeux !
Ces rêves dont j’étais jour et nuit poursuivie,
Qui formaient dans ma vie une seconde vie,
Idéale, sublime, et qui tue à jamais
L’existence réelle ! Et toi, toi qui m’aimais :
« Enfant, me disais-tu, laisse tout penser grave
À l’âme des vieillards. L’atmosphère est suave,
Viens voir du jour naissant les secrètes beautés ;
Que de naïfs plaisirs ton cœur n’a pas goûtés !
Du luxe et des grandeurs l’âme se rassasie ;
Mais il est une intime et simple poésie
Que pour toi Dieu sema dans les champs d’alentour ;
Viens, tu feras des vers sur le lever du jour.
Et ton chant virginal, ainsi qu’une prière.
Montera vers le ciel, d’où descend la lumière. »

Et de ma couche alors levant le blanc rideau,
Ma mère, tu semblais soulever le fardeau
Qui pesait sur mon cœur ; et, soudain éveillée,
Puis par tes douces mains avec soin habillée,
Après avoir prié pour mon père et pour toi
Le ciel où maintenant vous priez Dieu pour moi ;
Après avoir reçu de ta lèvre adorée
Ce baiser du matin dont la mort m’a sevrée,
Plus calme et ranimant mon cour à ton amour.
Je te suivais aux champs pour voir lever le jour.
Et d’abord sous cet orme à l’ombre séculaire,
Qui sur la grande cour dresse un toit circulaire,
Comme pour abriter avec son vert manteau
Du soleil du midi les murs blancs du château ;
Sous cet orme où l’oiseau pose son nid de mousse,
Où le coq matinal chante, où la poule glousse,
Où le paon fait briller son plumage étoile,
D’abord tu t’arrêtais en égrenant du blé ;
Et la poule et le coq à la crête écarlate
Accouraient en frappant le gazon de leur patte ;
Et le paon, déployant sa queue en tournesol,
Leur disputait le grain qui tombait sur le sol ;
Et les oiseaux dans l’air jetaient mille ramages,
Et le soleil jouait dans leurs brillants plumages.,

Je rêvais en voyant ta sublime bonté
Embrasser la nature en son immensité,
Se répandre, depuis les douleurs du génie
Jusqu’à l’agneau bêlant, en tendresse infinie,
Et donner à tout être, bêlas ! qu’on foule au pié,
Une part de ton cœur, tout amour et pitié.
Je rêvais en voyant tout ce que l’homme blesse,
Misère, probité, génie, amour, faiblesse,
Dans ton âme si grande et si simple à la fois,
Trouver un sentiment, des larmes, une voix.
Cette troupe d’oiseaux, à tes pieds accourue,
Peignait la pauvreté, qui, par toi secourue,
Venait à la même heure, au bord de ton chemin,
Recevoir chaque jour l’aumône de ta main.
La mère qu’accablait le poids de ses entrailles,
Voyait doubler par toi le froment des semailles ;
Tu cachais sous l’épi dans nos moissons glané
La layette de lin pour l’enfant nouveau-né ;
Puis tu disais avec un sourire céleste :
« La pauvre femme assise à son foyer modeste,
Ce soir en déliant les gerbes du faisceau,
De ce fils qu’elle attend trouvera le trousseau ;
Et l’enfant, qui déjà pressentait la misère,
Tressaillera joyeux dans le sein de sa mère. »
La charité, l’amour, ces divines vertus
Dont pour nous ennoblir Dieu nous a revêtus ;
La charité, ce mot du céleste idiome,
Qu’un ange à son berceau dut enseigner à l’homme,
La charité du Christ, qui fit naître la foi,
O ma mère, elle était inépuisable en toi ;
Sur les douleurs du corps, sur les tourments de l’âme,
Sur tout ce qui souffrait tu versais son dictame ;
Oui, l’amour qui console et guérit, tu l’avais.
Voilà pourquoi marchant près de toi je rêvais ;
Pourquoi, quand je sondais ma pensée orgueilleuse,
Qui demandait aux arts une gloire douteuse,
Je me sentais rougir de désirer si peu :
Au lieu de tes vertus, la gloire… Oh ! non, mon Dieu !

La gloire, «cho qui meiiit, terre un jour éboulée
Source qui se dessèche après s’être écoulée ;
La gloire, qui n’a pas un ami près de soi,
Cette gloire, ô mon Dieu ! détournez-la de moi,
Et faites-moi chercher la charité féconde ,
Dont ma mère reçut la couronne en ce monde.
Et qui vint se pencher riante à son chevet
Le jour où son exil ici-bas s’achevait.

Paris, 1833.



MADELEINE. A MADAME LA BARONNE DE

Pour rendre Madeleine il fallait être femme ; Un homme eût peint le corps, vous avez compris l’âme ; Ame toute d’amour, de génie et de feu , Sentant une tendresse immense, inassouvie, La demandant au monde, aux. plaisirs, à la vie, Et déçue , ici-bas , la demandant à Dieu : A Dieu , foyer brûlant , à Dieu , suprême essence , Qui de sa passion comprendra la puissance. Qui remplira ce cœur que rien n’a pu remplir, Qui, peuplant son désert, saura répandre en elle L’intarissable amour et l’extase éternelle, Immuable rayon qu’on ne voit point pâlir. Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/151 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/152 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/153 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/154 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/155 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/156 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/157 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/158 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/159 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/160 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/161 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/162 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/163 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/164 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/165 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/166 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/167 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/168 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/169 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/170 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/171 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/172 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/173 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/174 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/175 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/176 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/177 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/178 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/179 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/180 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/181 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/182 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/183 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/184 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/185 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/186 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/187 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/188 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/189 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/190 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/191 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/192 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/193 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/194 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/195 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/196 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/197 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/198 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/199 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/200 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/201 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/202 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/203 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/204 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/205 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/206 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/207 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/208 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/209 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/210 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/211 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/212 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/213 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/214 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/215 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/216 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/217 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/218 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/219 Page:Colet - Poésies complètes, 1844.djvu/220


XXXIV

SONNET.


Le malheur m’a jeté son souffle desséchant :
De mes doux sentiments la source s’est tarie,
Et mon âme abattue, avant l’heure flétrie,
En perdant tout espoir perd tout penser touchant.

Mes yeux n’ont plus de pleurs, ma voix n’a plus de chant,
Mon cœur désenchanté n’a plus de rêverie ;
Pour tout ce que j’aimais avec idolâtrie
Il ne me reste plus d’amour ni de penchant.

Une aride douleur ronge et brûle mon âme,
Il n’est rien que j’envie et rien que je réclame ;
Mon avenir est mort, le vide est dans mon cœur.

J’offre un corps sans pensée à l’œil qui me contemple ;
Tel sans divinité reste quelque vieux temple,
Telle après le banquet la coupe est sans liqueur.


1834.
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Loin des bruits enivrants dont nous berçait la terre
De toutes les vertus conserver le flambeau,
Mourir durant dix ans, sans que l’âme s’altère,
Oh ! c’est rare ! oh ! c’est beau !

C’est ce qui fait qu’on t’aime et que l’on te révère,
C’est ce qui porte à toi l’hommage universel,
Ô poète martyr dont la gloire sévère
Te fit grand sur la terre et te couronne au ciel !



VI

IL VIT !

SONNET.


Il n’est pas étendu dans la couche muette
Où du dernier sommeil tout homme enfin s’endort.
Aux sublimes malheurs qui courbèrent sa tête,
Dieu n’a pas ajouté l’épreuve de la mort.

Il vit ! ce cri porté de poète en poète
Nous a fait tressaillir d’un sympathique accord ;
Son retour à la vie est pour nous une fête,
Par des liens sacrés nous tenons à son sort.

N’est-il pas notre ami ? n’est-il pas notre frère ?
Ne nous donna-t-il pas, dans sa noble carrière,
D’héroïsme et de gloire un exemple puissant ?

Il est à nous, ce cœur où nos cœurs ont su lire ;
À nous fils dispersés, mais unis par la lyre…
Oh ! cette parenté vaut bien celle du sang !



VII

L’OMBRE DE NAPOLÉON.

À LA FRANCE.


29 novembre 1849.


Pourquoi m’appeler sur ta rive
France ? quand dans ton sein j’arrive
Ton grand nom est humilié ;
Pourquoi revendiquer ma tombe,
Si de ton front ma gloire tombe
Et si mon règne est oublié ?

Si tu n’es plus la même, ò France !
Pourquoi fêter ma délivrance

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XVIII

SONNET

AU PEUPLE DE TROYES.


Depuis quelque temps il n’est plus possible de trouver dans la ville de Troyes des charpentiers qui consentent à dresser les échafauds nécessaires pour l’exécution des arrêts criminels. (Journaux du 10 avril 1843.)


Ah ! ton exemple est beau ; c’est la digne conquête
Que sur le siècle enfin exerce le progrès ;
Seul de la loi du Christ véritable interprète,
Tu sais te refuser à de sanglants arrêts.

Lorsqu’en tous lieux encor, comme pour une fête,
On voit les citoyens, dès l’aube toujours prêts,
Accourir pour savoir comment tombe une tête,
Et du drame inhumain savourer les apprêts ;

Toi, peuple intelligent, tu livres les coupables
Aux tourments du remords ; du sang de tes semblables
Tu ne veux point rougir ta fraternelle main,

Tu laisses à Dieu seul ces terribles justices :
Oh ! d’un grand avenir ce sont là les prémices !
Le peuple sera libre en devenant humain.


Paris, 1843.
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TABLE.





FLEURS DU MIDI.


 32
 54


 74
 75
 77
 86
 91
 99
 108
 109
 111


PENSEROSA.


 121
 161


MEZZA VITA.



FIN DE LA TABLE.
  1. Excepté les scènes sur Charlotte Corday et sur madame Roland et la Jeunesse de Goethe ; ces trois essais dramatiques en vers (déjà publiés), réunis à une pièce que l’auteur destine au théâtre, formeront un nouveau volume du même format que celui-ci.
    (Note de l’éditeur)

  2. André Chénier