Poésies complètes (Colet)/Fleurs du midi/Une Amie

Librairie de Charles Gosselin (p. 82).

UNE AMIE.

SONNET.


Si vous l’aviez connue à sa quinzième année,
Elle était belle alors, belle à vous rendre fou !
En voyant les attraits dont elle était ornée,
Vous auriez devant elle incliné le genou !

Pour caresser sa main frêle, blanche et veinée,
Poète, vous eussiez été je ne sais où ;
Et votre part du ciel, oh ! vous l’auriez donnée
Pour un baiser d’amour posé sur son beau cou !

Mais, avec la douleur, toute beauté se fane ;
Elle a souffert long-temps, et le regard profane
Ne voit plus sur ses traits de magiques trésors :

Ses yeux se sont ternis et son front n’est plus rose…
Eh bien ! moi, j’applaudis à sa métamorphose,
Car son âme a gagné ce qu’a perdu son corps.


1834.