Poésies (Quarré)/Le Baptême du Comte de Paris

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LE BAPTÊME


Du Comte de Paris.

2 mai 1841.




LE BAPTÊME DU COMTE DE PARIS.



Sur les fronts nouveau nés, sur les têtes blanchies,
La lyre a, de tout temps,
Exhalé ses concerts de paroles bénies,
D’ineffables accens.

Vers les seuils de la vie évoquant l’espérance
Au magique regard,

Elle promet la terre à l’enfant qui s’avance,
Et les cieux au vieillard.

Ainsi du rossignol la voix mélodieuse,
Où languit tant d’amour,
Chante les premiers feux de l’aube radieuse,
Et le déclin du jour.

Pareille au doux chanteur du soir et de l’aurore,
Lyre, présent des cieux !
Sur un berceau royal aujourd’hui fais éclore
Des sons harmonieux.

Chante un hymne riant, car c’est un jour de fête.
Oh ! béni du Seigneur,
Qu’il soit paisible et pur, sans que nulle tempête
En trouble le bonheur.


Le temple est préparé, l’autel déjà rayonne,
Et l’airain, dans les airs,
Aux superbes accens du bronze qui résonne
Mêle de saints concerts.

Un cortége imposant de la divine enceinte
Franchit l’antique seuil,
Et sous ses nobles pas tressaille la nef sainte
Et d’amour et d’orgueil.

Mais au Dieu des chrétiens qui donc rend cet hommage
Auguste et solennel ?
Est-ce l’encens, la myrrhe, ou l’or qu’un nouveau mage
Vient offrir à l’autel ?

Non, ce n’est point l’or pur, ni la myrrhe embaumée,
Ou le divin encens,

Dont le Roi qui s’avance et sa famille aimée
Apportent les présens.

Plus cher que les joyaux dont leurs fronts se couronnent
À nos yeux éblouis,
Plus cher que tous leurs biens, le trésor qu’ils te donnent,
Roi des Rois, c’est leur fils ;

Leur fils, leur premier né, leur plus riche espérance,
Qu’ils sont venus t’offrir ;
Car ils savent, Seigneur, qu’avant d’être à la France,
Il doit t’appartenir.

Ils savent que tu tiens la force et la victoire
Dans tes puissantes mains,
Et seul fais resplendir la véritable gloire
Au front des souverains.


Imprime donc au sien, fait pour le diadême,
La marque des élus,
Le sceau victorieux, la majesté suprême
Des sublimes vertus.

Tout un peuple, à genoux, avec moi t’en conjure,
Qu’il soit grand, qu’il soit bon,
Qu’il brave les dangers, et n’accorde à l’injure
Qu’un généreux pardon.

C’est ainsi seulement que, dans nos jours d’orage,
Les Rois peuvent encor
Briller, astres sereins, au milieu des nuages,
Et triompher du sort.

Car les temps ne sont plus où la seule naissance
Assurait, en tous lieux,

De leurs sujets soumis l’aveugle obéissance
Aux monarques heureux.

À plus d’un front lassé la couronne est pesante ;
Même on a vu parfois
Le sceptre s’échapper d’une main impuissante
À soutenir son poids.

Et des partis rivaux quand les luttes profondes,
Par des coups incessans,
Du vaisseau de l’état ballotté sur leurs ondes
Assaillissent les flancs ;

Ton aïeul, quelque jour, instruisant ta jeunesse
Te dira, noble enfant,
Ce qu’il faut de vertu, de force, de sagesse,
Pour régner triomphant.


Mais, non ! tu n’auras pas de sombres destinées,
Ô prince ! et de beaux jours,
Accordés à nos vœux, de tes jeunes années
Vont marquer l’heureux cours.

C’est là le prix divin gardé sur cette terre,
Par la main du Seigneur,
À la plus sainte femme, à la plus tendre mère,
À celle dont le cœur,

Trésor sublime et pur d’angélique tendresse,
Dans la joie ou le deuil,
A toujours vers les cieux exhalé sa tristesse
Ou son royal orgueil.

Oui, tu seras pour tous un gage d’alliance,
Un espoir, un lien ;

De notre liberté, de nos lois, de la France
L’amour et le soutien.

La discorde, la haine, et la funeste envie,
Éteignant leur flambeau,
Vont s’enfuir en voyant la paix et l’harmonie
Planer sur ton berceau.

Et, jeune arbre grandi sous l’ombre tutélaire
Des rameaux paternels,
Tu porteras des fleurs au parfum salutaire
Et des fruits immortels ;

Comme ces Rois, vivans dans leurs linceuls de gloire,
Dont les noms sont encor
Aux fastes éclatans de notre belle histoire
Écrits en lettres d’or.


D’un horizon long-temps noirci par les tempêtes
Fuyez, sombres vapeurs ;
Un nouvel arc-en-ciel se lève, et sur nos têtes
Vont briller ses couleurs.