Poésies (Quarré)/À un Ami

Poésies d’Antoinette QuarréLamarche ; Ledoyen (p. 153-156).




À UN AMI.




À un Ami.



Oh ! pourquoi dans mon sein ne pas verser ta peine ?
Pourquoi me dérober tes déchirans soucis ?
Mon cœur en veut sa part, le nœud qui nous enchaîne
Pour souffrir isolés nous a-t-il réunis ?

Comme un esprit aimant que le Seigneur envoie
Pour veiller sur mes pas et les couvrir de fleurs,
Ne veux-tu donc sur moi répandre que la joie,
Et garder pour toi seul le secret de tes pleurs ?


Non, non, je suis jalouse, il me faut tout, mon ame
Est forte et veut porter la moitié de tes maux ;
Laisse-moi sur ta plaie, ainsi qu’un pur dictame,
De ma vive tendresse épancher tous les flots.

Tandis que la douleur sur ton visage est peinte,
Crois-tu mon cœur ingrat, satisfait de tes dons ?
Ah ! dans ta coupe aussi je veux boire l’absinthe,
Quand d’un miel savoureux tu m’offres les rayons.

Je veux souffrir aussi du mal qui te consume,
Préférer la tristesse aux accens du plaisir,
Et, de tous tes chagrins partageant l’amertume,
À force de t’aimer, peut-être, l’adoucir.