Poésies (Quarré)/La Promesse, idylle




LA PROMESSE,


Idylle.




LA PROMESSE.



Jeune fille, où vas-tu si blanche et si parée ?
N’es-tu pas de nos bois quelque nymphe égarée,
Fleur entr’ouverte à peine aux doux rayons du jour,
Que Phébus étonné contemple avec amour ?
Car ton pas est léger, ton air semble candide,
Et sous mon œil brûlant rougit ton front timide.

Belle aux regards baissés ! vois, je suis jeune encor,
Et je saurais t’aimer ; l’amour au vif transport,
L’amour au doux accent, je voudrais te l’apprendre,
T’enseigner son langage harmonieux et tendre,
Ses mystères charmans, ses maux pleins de douceurs,
Et son brûlant délire, et ses molles langueurs ;
Viens, et sois mon amante, et bientôt, sur tes traces
Naîtront tous les plaisirs enfantés par les Graces ;
Et tu vivras alors, car, un cœur sans amour,
C’est la fleur sans parfum, la paupière sans jour,
Le rossignol sans voix et les flots sans murmures ;
Et lui seul sait donner des félicités pures.


— Ah ! qu’il sait bien aussi prodiguer les douleurs !
Vois ces regards chargés d’un nuage de pleurs ;

Lis sur ce front pâli par la triste insomnie
La fleur de ma jeunesse en son espoir flétrie,
Et mes chagrins passés, et mon malheur présent ;
Et dis-moi si l’amour est un dieu bienfaisant.

— Quoi ! déjà tu connais l’amertume des larmes ;
Ah ! sans doute un volage a causé tes alarmes,
Belle, il faut l’oublier, mépriser son dédain,
Des roses du plaisir parsemer ton chemin ;
Un autre amour, jaloux d’effacer ton injure,
Par des soins caressans guérira ta blessure,
Et l’ingrat qui t’a fait gémir dans l’abandon
Viendra, sans l’obtenir, implorer son pardon.

— Merci de ta pitié, mais son cœur est fidèle ;
Mais c’est lui qui me nomme insensible et cruelle,

Car je n’ai jamais dit, il ne saura jamais
Combien mon ame est tendre et combien je l’aimais.
Je vais bientôt partir ; sur l’écorce naissante,
Vois ce nom qu’a gravé ma main faible et tremblante :
C’est le seul monument d’un malheureux amour,
C’est la trace, laissée en ce triste séjour,
D’un chaste sentiment renfermé dans mon ame,
Dont ma lèvre jamais n’a dû trahir la flamme.


— Enfant, je t’ai comprise, et bénis ta douleur ;
Va, tu peux sans rougir l’épancher dans mon cœur.
Pauvre fleur en bouton, dès le matin flétrie,
Qui te penches déjà sur ta tige qui plie,
Que ne puis-je adoucir la rigueur du destin,
Et te verser l’espoir pour rafraîchir ton sein ?

Mais le nom que tu viens de graver sur ce hêtre,
Il le verra du moins, je puis te le promettre ;
C’est moi qui, le guidant sous ces ombrages frais,
De ton cœur attristé lui dirai les secrets,
Et tous deux nous viendrons rêver dans cet asile
Un avenir pour toi plus doux et plus tranquille.