Poésies (Quarré)/À mon Perroquet

Poésies d’Antoinette QuarréLamarche ; Ledoyen (p. 299-304).




À MON PERROQUET.




À mon Perroquet.



Viens, ô mon seul ami !
Mon bien-aimé fidèle,
Fais place à mes baisers, viens, soulève à demi
La plume de ton aile.

Bel oiseau caressant, de ton bec amoureux
Effleure, en te jouant, mon œil humide encore ;

Tu n’as plus de rival, désormais sois heureux,
Ô mon oiseau jaloux, c’est toi seul que j’adore ;

Toi seul, et pour toujours, va, crois en ma parole ;
Ainsi qu’un doux parfum brûlant près d’une idole,
Tu ne me verras plus pour un amant frivole
Prodiguer vainement ma tendresse et mes jours.

Pardonne si j’ai pu, trop long-temps insensée,
D’un infidèle amour caresser la pensée,
Te préférer l’ingrat dont les sermens trompeurs
À mes yeux attristés ont coûté tant de pleurs.

Tout à toi désormais, je veux, tendre et farouche,
Imiter ta constance, ô mon oiseau si fier !
Qui, dormant sur mon sein et buvant sur ma bouche,
T’enflammes de courroux dès qu’une autre main touche
De ses doigts étrangers ton beau plumage vert.

Que te font les attraits dont Lucie est si vaine,
La grace de Jenny, les charmes de Nina ?
Dédaignant leurs baisers, tu regardes à peine
Ces trésors de beauté dont Dieu les couronna.

Pour moi seule étalant ta parure élégante
Aux diverses couleurs,
Tu fais, en doux transports, de ta flamme constante
Éclater les ardeurs.

Mais pour toi seul aussi je veux être coquette,
Tu peux me voir parer sans en prendre d’effroi ;
Non, non, je t’appartiens ; baisers, soupirs, toilette,
Jusqu’à mes chants, tout est pour toi.

Et si jamais l’ingrat qui fit couler mes larmes
À mes faibles accens trouvait encor des charmes,

Tendre comme autrefois, s’il venait, à genoux,
Implorer son pardon et fléchir mon courroux ;

S’il redisait : Je t’aime, avec sa voix si douce,
En couvrant de baisers la main qui le repousse,
Comme au jour où, timide, et lui cachant mes feux,
Je voulais sur sa lèvre étouffer ses aveux ;

Oh ! tu verrais alors jusqu’où va ton empire !
Bien loin de partager son impuissant délire,
Sur son sein adoré loin d’appuyer mon cœur
Faible, et tout palpitant d’ivresse et de bonheur,
Je viendrais, te baisant, ô mon oiseau fidèle !
À ses regards jaloux dérober sous ton aile
Peut-être ma rougeur.