Poésies (Poncy)/Vol. 1/La Barque à sec
LA BARQUE À SEC
I
Un beau matin, sur la rive muette,
Une nacelle effilée et fluette
Se balançait ;
Et chaque flot, illuminé par l’aube,
En l’entourant d’une luisante robe,
La caressait.
Un ciel heureux, une mer éclatante,
Des vapeurs d’or la diaphane tente
Qui la couvrait,
Et les zéphyrs, sous qui la mer se plisse,
Tout lui jetait un parfum de délice
Qui l’enivrait.
Le soir… les flots avaient quitté la rive.
La barque était à sec, triste et pensive
Comme un vieillard.
Le vent soufflait. Et le ciel, sans étoiles,
Disparaissait, envahi par les voiles
Du noir brouillard.
II
Pauvre petit esquif, délaissé sur nos grèves
Comme les flots dorés, hélas ! nos premiers rêves
Nous bercent d’avenir, mais ils sont bien trompeurs !
Et nos illusions, nos amours ineffables,
Ne brillent qu’un instant, puis s’envolent semblables
À tes éphémères vapeurs.
Oui, tout luit, tout rayonne au matin de la vie !
Mais la clarté du jour de la nuit est suivie.
Quand vient le soir des ans, l’homme désenchanté,
N’étant plus soutenu par le flot d’or des rêves,
Comme toi, pauvre esquif, reste à sec sur les grèves
De la froide réalité.