Poésies (Dujardin)/Jour de derby

PoésiesMercure de France (p. 163-164).


JOUR DE DERBY


Les prés fleurent la violette ;
Agrafe ta robe la plus coquette,
Couronne-toi de ton plus frais chapeau ;
Ô Lisette,
Pour un tantôt
On ira voir aux champs le renouveau.

Messieurs nos pères
S’en allaient à Asnières,
Passé le pont,
À Saint-Maur où sont deux rivières,
À Robinson
Où chevaucher semblait si bon.

Et les dames de mil huit cent trente
Dans quelque mélancolique sente
De Barbizon, de Marlotte ou Franchard
Promenaient leur âme dolente
Et le fatal de leur regard
Avec Arthur, avec Edgard.


Nos portes n’ont plus de poternes,
Les Robinsons nous semblent ternes,
Mais, ô ma belle aux yeux lascifs,
Nous avons des plaisirs modernes
Et pour la joie de nos dimanches oisifs
Nous savons des paysages plus suggestifs.

Viens ! c’est un grand jour ! la nature
Est en fête et la brise en romances murmure ;
Allons-nous-en vers Chantilly, vers le plein air ;
Les wagons nous emmèneront joyeuse allure ;
Et près de la forêt, sous le ciel clair,
Nous verrons ce que fera Schickler.