Poésies (Amélie Gex)/Les Vieilles Églises

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 89-90).

LES VIEILLES ÉGLISES




À quoi songent les cathédrales
Quand leur porte est close la nuit ?
Quand, comme un œil d’ange qui luit,
La lampe vient blanchir les dalles ?
Lorsque la lune, aux rayons pâles,
Aux grands vitraux frappe sans bruit
Et, comme un larron, s’introduit
Au bord des couches sépulcrales,
À quoi songent les cathédrales ?

Debout sous les sombres piliers,
Que disent-ils les saints de pierre ?
Et dans leur armure de guerre
À quoi songent les chevaliers ?
Sur leur tombe aux blancs escaliers,
Brandissant lance ou cimeterre,
Quand la lune, perçant le verre,
Allume les grands chandeliers,
À quoi songent les chevaliers ?


— Ils songent aux pages d’histoire
Dont l’heure présente se rit.
À ce nom sur le marbre inscrit
Qui seul conserve leur mémoire…
Et les vieux saints de pierre noire
Parlent entr’eux de Jésus-Christ !
Aux ruses du malin esprit,
Dont ils ont su tirer victoire,
Songent les saints de pierre noire.

… Mais le temple où pleure et gémit,
Le jour, la pauvre foule humaine,
Comme un ami garde la peine
Des voix dont sa voûte frémit !
Quand le soir triste qui blêmit,
Tombe sur l’église sereine,
Un soupir doux comme une haleine,
Echo des vœux qu’on lui transmit,
Passe en la voûte qui frémit !