Poésies (Éphraïm Mikhaël)/La Bonne fenêtre




LA BONNE FENÊTRE




Vois-tu ? c’est un pays de songe ;
Le parc est plein de tourterelles,
Un escalier d’or pâle plonge
Parmi les fleurs surnaturelles.

Les éperviers, l’aile charmée,
S’endorment sur les tours fleuries ;
Des paons épars dans la ramée
Éparpillent des pierreries.


Joyeuses, sur les claires ondes
D’un golfe paisible et splendide,
Des galères aux voiles blondes
Appareillent pour l’Atlantide.

Et des lys ravis par les brises
Neigent dans la douce venelle,
Tandis qu’au loin des voix éprises
Proclament la joie éternelle.

Mais toi, ma sœur, blanche et plaintive,
Laissant choir la quenouille lasse,
Telle qu’une reine captive
Tu te penches sur la terrasse.

Et parmi les lourdes bannières
Qui claquent dans le vent sonore,
Tu lèves tes mains prisonnières
Comme pour cueillir de l’aurore.


1889.