Poèmes (Canora, 1905)/Le secret des lys

(p. 30-31).

LE SECRET DES LYS


À mademoiselle Jeanne Puaux.


 
Au cœur des gazons verts inondés de clarté
Les fleurs s’ouvrent… les fleurs humides de rosée,
Sur les roses déjà les abeilles posées
S’enivrent des parfums d’été :

Les liserons coquets ont des cloches nouvelles,
Le soleil met sa flamme aux corolles d’azur,
De rubis, d’améthyste. Un petit ruisseau pur
Saute et rit, diapré d’étincelles.

Tous les oiseaux du ciel sifflent un chant très clair ;
Les cigales, en chœur, chantent dans la verdure ;
Pour fêter le réveil de toute la nature,
L’hymne et l’encens montent dans l’air.


Seuls les grands lys muets, inclinés sur leur tige,
Rêvent à cette enfant, qu’ils virent, dans la nuit,
Au clair de lune blanc s’approcher d’eux sans bruit,
Comme un pâle reflet voltige…

Elle a passé par là, jetant sur le chemin
Un regard débordant de tristesse infinie,
Et seule, elle a chanté… lente et douce harmonie,
Effleurant les lys, de sa main…

Les lys se sont courbés sous sa chère caresse…
Déjà le soleil d’or a monté dans les cieux
Qu’ils écoutent encor des mots mystérieux,
Des mots d’amour et de tendresse.

Plus d’un secret charmant demeure enseveli
Sous ces pétales blancs que la brise balance.
Les lys sont des rêveurs : c’est pour cela, je pense,
Que les vierges aiment les lys.