Poèmes (Canora, 1905)/Des chansons d’amour

(p. 83-86).

LA LENTE ÉPREUVE


RENOUVEAU


I


 
Des chansons d’amour, des parfums subtils,
Aux rayons dorés du soleil d’avril,
Montent vers le ciel en ondes légères
Et mon cœur aussi, mon cœur de vingt ans,
Débordant de sève, ivre de lumière,
Tressaille aux baisers du nouveau printemps.

Viens, les bois sont pleins de clochettes blanches,
Les fleurs d’églantier tremblent sur les branches ;
Nous moissonnerons gaîment jusqu’au soir
Au couchant doré, quand les anémones
Étincelleront dans tes cheveux noirs,
Comme les joyaux clairs d’une couronne.

 

Ou s’il te plaît mieux, près d’un frais ruisseau,
Nous répéterons de très vieux rondeaux
Et des virelais, et des villanelles,
Et l’âme des doux rêveurs d’autrefois
Qui fêtaient ici la saison nouvelle,
Renaîtra légère au son de ta voix…


Viens dans les prés verts, dans les bois, qu’importe !
Si nous pouvons fuir la vile cohorte
Des ambitieux, des affamés d’or…
Je verrai le ciel dans tes yeux, amie,
Et mon rythme ailé prendra son essor
Pour planer bien haut par-dessus la vie.