Pleureuses/33
Un peu d’aube (1895)
UN PEU D’AUBE
Voici le long sommeil blêmir…
Ton geste vaguement implore
La bonté trouble de l’aurore
Et l’innocence de dormir…
Ton âme est encore noyée
Dans la tiède douceur d’hier,
Tu sens faiblement que ta chair
Ouvre ses ailes repliées…
Dans la réalité du jour,
Très vaillante, tu t’es dressée,
Les yeux pleurants, martyrisée,
Comme une étoile dans le jour.
L’aube de promesse et de crainte
Est en argent sur l’oreiller,
Elle voudrait t’émerveiller
Et consoler la lampe éteinte.
Puis levée, et les doigts amis
Comme le froid est plein de haine,
Tu recouvres du drap de laine
La douce place où tu dormis…