La romance (1895)
PleureusesErnest Flammarion (p. 127-130).


LA ROMANCE


Sur la pluie un peu de jour…
Le soleil jaune et bleu verse
Un rayon perlé d’averse
Sur les maisons du faubourg.

Parmi l’atelier avare,
Sombre et courbée elle coud ;
Et sent doucement sur tout
L’arc-en-ciel qui se prépare.


Quand il luit illimité
Sur les maisons éblouies
Des longs rayons de la pluie,
Comme un ange elle a chanté.

Chanté l’étendue immense,
L’avenir vague et fleuri.
Les yeux sur ses mains sourient,
Elle croit à sa romance.

Elle croit à la beauté,
Elle croit à l’harmonie,
Elle se sent infinie
Les lèvres dans la clarté.

Et plus tard, grise et fidèle,
Murmurant les airs anciens
Elle revient vers les siens
Avec le soir autour d’elle.


Au milieu du grand frisson
Indifférent qui la foule,
Elle est seule dans la foule
À cause de sa chanson.

Toute sainte d’impossible,
Elle rentre du labeur
Égarée et l’air rêveur
Dans la musique invisible.