Plaisant galimatias d’un Gascon et d’un Provençal


Plaisant galimatias d’un Gascon et d’un Provençal, nommez Jacques Chagrin et Ruffin Allegret.

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Plaisant Galimatias d’un Gascon et d’un Provençal, nommez Jacques Chagrin et Ruffin Allegret.
À Paris, chez Pierre Ramier, ruë des Carmes, à l’Image Sainct-Martin.
M.DC.XIX. In-8.

Au Lecteur.

Si ce dialogue ne vous duit,
Que la fin luy soit pardonnée ;
De peu de perte peu de bruit :
S’il ne dure qu’une journée,
Il ne me couste qu’une nuict.

Allegret. Bon-jour, compagnon, bon-jour et bien à boire, camarade.

Chagrin. Ce dernier bon-heur que tu me desires te convient merveilleusement bien, Allegret, qui ouvres en mesme temps la bouche et les yeux. Je ne m’estonne pas si tes chevaux vont mieux que les miens, car c’est un dire commun que les chevaux des charretiers (sans toutefois que les comparaisons des qualitez nous puissent nuire ny prejudicier, puisque nous botant à la savaterie on nous donne aussi bien du Monsieur par le nez qu’aux autres courtisans), les chevaux, veux-je dire, marchent plus viste quand les maistres, cochez ou charretiers, ont bien beu, parce qu’alors nous les foüettons comme tous les diables ; et dit-on (pour entrer tousjours plus avant en similitude avec la noblesse) qu’il n’appartient qu’à eux et à nous de jurer Dieu, eux lorsqu’ils sont endebtez, et que, pressez de leurs creanciers, ils voudroient rendre avec le pied ce qu’ils ont receu avec la main, et nous, quand sommes embourbez, ne sommes pas moins jureurs. Mais parlons d’un plus haut style et de choses plus relevées. Je m’asseure, Allegret, que tu es dans la paille jusques au ventre, as plus d’argent qu’un chien n’a de puces, manges tous les jours la souppe grasse, travailles fort peu et disnes beaucoup ; soit que tu montes et que je descende, gardons tous deux que, de riches marchans que nous nous estimons, devenus enfin pauvres poulaliers, ne nous rencontrions l’un à la descente du pont aux oyseaux1, sifflant des linottes, et l’autre pas loing de là, à la vallée de Misère, vendant des cocqs chastrez pour des chappons du Mans.

Allegret. Parbieu ! Chagrin, tu verras beau jeu si la corde ne rompt ; si tu me croy, del tempo et de la seignoria non si da melancolia. On diroit, à te voir ainsi pasle et deffait, que tu ne manges que des ails, qui sont le poivre de ton pays de Gascongne, encores qu’en Provence on vive assez sobrement et frugalement, et que pour telle raison la saignée et phlebotomie ne soit pas tant en usage qu’à Paris, où nos chirurgiens viennent tant seulement pour mieux apprendre l’anatomie. Je me suis accoustumé à la façon de vivre des autres ; j’ai retenu ce proverbe italien : Secondo che tu ti senti socca di denti. J’estens plus de nappe maintenant que j’ay plus de table et que ma bourse s’enfle, outre que de mon naturel j’ayme extremement à faire bonne chère et gros feu. Je me plais à porter la devise des enfans de Lyon : Le dos au feu, le ventre à table, et une escuèle bien profonde. Ma carogne de femme a beau me dire : Aujourd’hui bon, demain meilleur, nous font bientost monstrer le cul. Je n’y sçaurois que faire, tous les mestiers qui ont le C pour la première lettre de leur nom, comme cochers, charretiers, cuisiniers, crocheteurs, prennent, selon l’ordre de l’alphabet, la suivante, qui est D, debauché, drolle, etc.

C’est pourquoy j’estime que de là m’est venüe cette mauvaise habitude et naturelle inclination culinaire que j’ay au couvercle du pot et à la fumée du rost, car, à mesure que je m’esveille en sursaut, je fais un saut du lict à la cuisine, et cours plus viste à la table qu’à l’estable. Mon asne m’est plus en recommendation que les chevaux de mon maistre. Il me fait bon voir depescher besongne, vuider les escuelles, de peur que le cuisinier n’en ait à faire. Si j’ai haste, au lieu de mascher, j’avalle, ressemblant à ces pages et lacquais qu’on fait disner quand monsieur est au fruict et fait mine de sortir promptement du logis. Trefve pour maintenant des mots de gueule ; monstrons que nous avons la teste bien faite, participons au soin qu’ont nos maistres. Que deviendront ces orages et tempestes que chacun d’eux tasche de destourner de son chef ? Vertu bleu ! j’entens bien d’autre cliquetis que celuy des plats ! Le bruit des armes, le son des trompettes et clairons, le colin-tan-pon des tambours, feront sans doute taire tout court les cornemuses de Poictou. Que je prévoy de pleurs, que de malheurs si Dieu n’a pitié de nous ! Gardez vos femmes et vos filles, bonnes gens ; serrez de bonne heure vos poules et poulets. Manans à la longue jacquette, puisque les sous-delards sont aux champs, tout va passer par Angoulesme2 et Angoulement. Peu s’en faut que je ne dise clairement la verité de ce que la lunette de mon jugement m’a fait voir dans le mal-entendu de la cour, et, comme les soldats de Philippe, je ne nomme toutes choses par leurs noms. Aussi bien dit-on que les grands n’ont faute que d’une chose, sçavoir, des gens qui leur disent leurs veritez. Nous autres Provençaux, qui sommes nais en un pays solaire, avons l’esprit par consequent esveillé, cognoissons bientost une verte entre deux meures, et si avons la teste chaude et près du bonnet, ne portons pas volontiers croppière, aimons trop nostre liberté. C’est pourquoy nous nous contentons en nos maisons d’une honneste pauvreté, estimans que qui est content est riche ; n’importunons pas tant le roy comme vous autres Gascons, qui vous dittes tous neantmoins cadets de dix mil livres de rente. Il faut donc que vos aisnez soient tous des mille-soudiers3 d’Orleans, et que, si je n’avois esté en ce païs, on m’en feroit accroire de belles. Toutes les bordes de Gascongne ne sont pas semblables : à Saint-Germain ou à Fontaine-bleau, ce sont bourdes que vous nous contez. Vous vous mecontez en vos supputations ; vous sçavez faire valoir le triomphe toutefois, et soustenez mieux une menterie que nous autres Provençaux, dissimulez une injure long-temps à l’italienne, promettez à la normande sans jamais vous engager par vos paroles, et parlez ambigüement par monosyllabes en galimatisant, hardis et prompts en rodomontades. Bref, vous autres Gascons estes fins en diable et demy ; aussi en avez-vous la plus part le poil et les griffes, et, meschans comme vieux singes qui tirent les marrons du feu avec la patte du levrier et du chat, vous dressez en sorte vos parties que, faisant tenir le dedans à ceux ausquels vous vous accouplez, vous gardez les galleries et faites beau jeu de l’argent et reputation d’autruy. Mais prenez garde aussi que ceux qui tiennent le dedans recognoissent les seconds foibles, ne tirent souvent aux galleries ou frisent des coups que vous ne sçauriez parer sans mettre sous la corde4. Je trouve escrit en un grand livre couvert de bazane verte, que mon fils porte à l’eschole, que la plus grande finesse est d’estre homme de bien, et non point si fin, et qu’on aura beau faire, car il faudra tousjours rendre à Cesar ce qui appartiendra à Cesar, par brevet ou autrement, en quelque façon que ce soit, termes de parler que j’ay appris des refferendaires de Rome, qui voyoient souvent le cardinal que je servois. Que si cette viande est de mauvaise digestion, prenez quelques onces de poudre digestive d’une saine et saincte obeïssance, et ne donnez jamais sujet de preparer les pillules corrosives et destructives du grand maistre de l’artillerie, qui font bien d’autre effect que le cotignac gluant qu’on sert dans ces boistes de Flandres dont on a usé naguères. Ha ! mais je sçay bien que vous estes baillans comme l’espée de Rolland, qui, à la journée de Roncevaux, fendit un grand rocher en deux, pensant trouver de l’eau pour appaiser son ardeur, et si mourut de soif le brave cavalier, et fut un très grand dommage. C’est pourquoy j’estime que les Suisses, ayant leu cette deplorable histoire, craignant un semblable malheur, portent en tout temps une bouteille pendüe à la ceinture. Croy-moy, que la petite verge du grand capitaine Moyse fit bien autre effect que ceste espée rollandine : car, au premier coup qu’il en frappa, maistre Guillaume m’a juré, comme present en cette action, qu’il rejalit de la dure pierre une telle abondance d’eau, que tant de milliers de peuples beurent à leur benoist saoul.

Chagrin. Si tu avois l’appetit aussi subtil, Allegret, comme nous avons la main habile (qui est la cause qu’on ne nous donne guères de bources à garder, et que du costé que nous sommes on les change promptement en l’autre), tu ne t’arresterois pas à ces comparaisons d’Onosandre5.

Allegret. Veritablement, Dieu est un bon gouverneur et un grand maistre ! Il peut hausser et abaisser, et faire de nous comme un potier de ses vases de terre, voire plus que cela. C’est luy sans doute qui nous a donné le beau temps dont nous avons jouy trois ou quatre mois. Ô ! que les cochez à douzaine qu’on ira enfin louer chez les recommanderesses6 à la descente du pont Nostre-Dame, tirant devers la Grève, ont eu beau se bransler les jambes attendant leurs maistres et maistresses aux portes des hostels, au lieu qu’ils trembloient le grelot auparavant ! car l’hyver cette année a esté long, rude et tardif, comme tu sçais.

Chagrin. J’en suis encore tout morfondu, et si je n’ay pas fait la sentinelle, car je suis des appointez, marchant sous l’enseigne couronnelle. Mal de terre ! je me promettois bien que tant de cochons et cocherots eussent du foye de connil et de la cassette, quand j’entendis publier ces belles deffences contre les carrosses7, et qu’on parloit qu’il y avoit un si beau reiglement dressé pour distinguer les qualitez des personnes de merite d’avec les autres. Grand cas, rien ne s’observe, tant la licence est grande en France, où l’on se plaist de vivre en confusion. L’on dit aux pays estrangers qu’en ce royaume nous avons les plus belles lois et ordonnances du monde, mais qu’elles sont très mal observées ; tous les François veullent estre egaux comme de cire. C’est l’un des principaux pactes de mariage que de stipuler une maison à porte cochère8 et un carrosse pour madamoiselle. Et Dieu sçait, s’il manque en après quelque chose, si on court au voisin ou à l’amy ! Ceux qui ont donné le nom de macquerelle à ceste isle agreable proche le Pré aux Clercs9, s’ils retournoient en vie, pourroient bien appeller les carrosses macquereaux et les cochez maccabées. Teste d’un petit poisson ! si les putains par Paris n’alloient point en carrosse, comme il est deffendu à Rome aux courtisanes, on verroit un beau retranchement ! Vous ne voyez que carrosses de ces femmes courir de çà, courir de là, et carrognes dedans. Entendez parler ces perroquets et ces chèvres coiffées : Je vous envoyeray mon coché ; vous cognoistrez bien la livrée de mon coché ? Il attendra à cette porte, il fera, il dira ; bref, il aura autant d’occupation et d’affaires qu’un greffier commissionnaire. C’est bien vrayement le paradis des femmes que Paris, qui ont gaigné en ce temps leur cause contre les hommes : car, leur requeste tendante à bransler et brimballer, elles vont en des carrosses branslans et suspendus10, et que, pour entretenir souvent ce train, leurs maris jouent parfois à se faire pendre, par le moyen de mille meschancetez et volleries qu’ils commettent. Paris, dis-je encores, est plus que jamais l’enfer des chevaux, plus cruel qu’on le vit onques. Le bon Panurge, autrefois chez maistre François Rabelais, avoit appellé cette ville la ville des bouteilles et des lanternes ; j’adjouste : et des carrosses11 ; et est le purgatoire encores non seulement des plaidans, mais de toute sorte de gens qui vont à pied, bottez et non bottez, appuyez sur baguettes et non baguettez, qui sont tousjours en cervelle pour se garder, non des charrettes ferrées, mais bien des carrosses, tousjours courant comme si la foire estoit sur le pont. Que j’ay plusieurs fois desiré d’introduire en France cette gravité de marcher des carrosses de Rome, lesquels, au moindre signal du carrossier d’un cardinal, font alte ! Et à Paris à peine s’arreste-on pour le carrosse du roy. Ô ! que les gondoliers de Venise sont bien heureux, qui, ayant mené leurs seigneurs Pantalons chez eux (gens qui ne veulent point entretenir des animaux qui mangent leur bien cependant qu’eux dorment), les gonfalins, dis-je, ne font qu’attacher leurs esquifs, et puis bassa la man ! Non pas en ce païs, où il y a plus d’affaires à atteller et harnacher un carrosse qu’à Venise de construire un vaisseau ou d’armer une galère.

Allegret. De quoy vas-tu, Chagrin, emberliquoquer ta pauvre cervelle ? Si à Paris n’ont assez d’aller en carrosse, qu’ils se fassent traisner dans une broüette de vinaigrier, ou porter par la ville sur les espaules, comme à Aix, en Provence, on porte le duc d’Urbin12. Il est vray que vous autres Gascons ne prenez pas beaucoup de plaisir à cette feste, non plus que d’ouyr renouveller vos douleurs pendant le fort d’Aix13, où plusieurs des vostres, pour n’avoir sceu dire Cabre, ains Crabe, furent mal menez, et fit-on déloger les autres sans trompette et plus viste que le pas. Vous avez beau dire : Va, Provençal, pis je ne te puis dire : car, outre que la Provence a des pertinens objects et reproches contre l’autheur et inventeur de ce blason, on dit qu’il est permis sur la chaude, à un qui pert sa cause, d’injurier la justice et ceux qui l’administrent. Ainsi cestuy-cy se trouvant depossedé de son tiltre, tout luy estoit loisible, comme à nous de faire des chansons sur tous les tons et semy-tons de musique : il n’est pas que tu n’ayes ouy chanter le Hay Bernard et autres, touchées sur diverses cordes. Prend seulement garde que le roy, pour le service du quel nous formions telles oppositions, n’aye suject de dire de plusieurs de vous autres Gascons (sans blesser la nation, car de toute taille bon levrier) : Allez, Gascons, ou plustost Gavestons, pis je ne vous puis dire ; ou que, par permission divine, la bien heureuse ame de Henry III ne se represente à eux en songe ou autrement, et ne leur dise, avec une voix terrible et menaçante de quelque grand malheur : Petits cadets, je vous ay autrefois eslevé par dessus vos frères, comme un autre Joseph en Ægypte ; j’ay garenty vos pas de tant d’embusches, que mes autres courtisans, envieux de vos fortunes, vous dressoient pour vous ruiner et perdre ; je vous ay comblez d’honneurs et de moyens : vous en voudriez-vous bien rendre indignes maintenant, et, ingrats envers moy, vous rebeller contre mon digne successeur, petit-fils de sainct Louys et imitateur de ses vertus ? Si vous faites dessein d’employer le glaive ennemy contre le roy vostre seigneur et maistre, qu’à jamais le glaive puisse regner dans vos maisons ! que vos propres enfans se bandent contre vous ! que plus tost ils soüillent leurs mains parricides dans vostre sang ! et que le soleil, après avoir veu ce scandale, pallisse d’horreur d’un tel crime, perpetré et permis par juste jugement de Dieu ! Par ce, je supplie tous les jours la divine bonté d’illuminer vos entendemens, à fin de vous faire recognoistre vostre erreur et venir à un amendement. Certes, Chagrin, proferant ces belles paroles, forgées dans le tymbre de mon jugement et alambyquées dans le cerveau de ma grande capacité, je pense avoir aussi bien parlé qu’un savetier qui list la Bible, et si je ne suis pas Thessalonicien. Çà, reprenons nos flustes ; aille comme voudra l’affaire des carrosses : j’ayme autant l’entier que le rompu. Tout m’est indifferent ; qu’il y ait reglement ou non, peu m’importe : je n’en boiray pas un coup moins. Ne meiné-je pas avec le mien la faveur, et par consequent Cesar et sa fortune ? L’herbe sera bien courte si je ne puis paistre. Quel retranchement qu’il y ait de colonel, maistre de camp ou regiment de cette grande armée de carrosses qu’on voit par Paris, le mien roulera tousjours, en despit des Simons et Simonets14. Comme nos maistres changent quelquefois de livrées, aussi ils changent parfois de devises. Je porte maintenant la mesme qu’un grand-duc, fils de Mars, a ès vieilles tapisseries de son hostel. Chacun à son tour : la Gascogne n’a-t-elle pas tenu assez long-temps le haut bout à la cour ? L’on dit qu’un contraire succède volontiers à son contraire : les Anglois et les Ecossois, les Portugais et les Espagnols, les Normans aux Parisiens, principalement aux marchandes du Palais (qui disent qu’elles ont fait un Normand quand quelqu’un se dedit), ne sont pas plus diametralement opposés que les Gascons aux Provençaux. Je croy que cette grande haine provient de ce que vous autres vous voulustes opiniatrer de manger nos figues de Marseille avec du sel, contre la coutume du pays, ou bien de ce que vous mangiez les plus belles prunes de Brignoles et nous donniez la trialle15. C’est pourquoy on vous fist sauter des pruniers en bas, sortir bien viste du clos sans vendanger, et eustes contraires jusques aux bœufs et aux bouviers, qui vous coururent à force et vous firent arpenter la Provence au grand dextre et pied de roy. Quelle merveille si maintenant les braves et courageux Provençaux ont sceu prendre leur tems et leur advantage ! La conjectura de lor cosse est le plus beau secret qu’ayent les prudens Italiens en matière de cour. Les Provençaux, dis-je, sont venus à la cadance croiser leurs picques d’une parfaicte obeïssance aux volontez du roy et grande fidelité à son service, et pour le soustien de ses favoris, l’honneur de la nation provençale ; et à ces fins, comme on n’entendoit autrefois à Paris que : De cap de jou ! et Mal de terre ! à present vous n’oyez dire que : Corps de stioure ! otte vez et le Dieu me damne ! de Languedoc. La faveur durera tant qu’il pourra, gauderemo questo pocco, et dirons avec les astrologues : Dieu sur tout. Pour moy, je suis si bon François et tellement passionné au service de mon roy, que, si j’estimois que Messieurs de la faveur luy fussent un jour si ingrats qu’on bruit de quelques seigneurs gascons, je conjurerois dès asture tous les astres de leur influer un pareil desastre que naguères arriva à ce superbe Phaëton, qui, par son arrogance, fut precipité du chariot de sa presomption, et traisné après sa mort, ayant laissé emporter durant sa vie le char triomphant de la raison, le siége de nostre ame, par les chevaux indomptables de ses passions aveuglées et cruelles vengeances, ausquelles il avoit par trop lasché les resnes d’une grande indiscretion et inconsideration, pensant, par ce moyen, parvenir au but de sa damnable et fole ambition. Nous ne verrons jamais, Dieu aidant, de tels spectacles. L’exemple de la punition de ce temeraire et presomptueux fera aller bride en main tous les courtisans judicieux, et ceux de mon pays entendront mon langage, que mal usa non pou dura. Les exemples n’en sont que trop frequens, et les histoires remplies de pareils accidens. Je recognois une humeur si douce, un naturel si humain et une disposition si grande en ces trois genereuses ames, aimées et animées de l’air de la faveur de mon prince, qu’elles ne respireront jamais que l’air de son très humble service, et diront franchement : Il n’y a pas un de nous si fol et insensé qui se vueille jouer à son maistre, s’opposer à la volonté de son roy et bienfaicteur, sur la grandeur et puissance duquel jettant les yeux de nostre consideration, nous nous estimons petits mouscherons envers cet aigle royal. Qu’il frappe, qu’il tuë, qu’il taille en pièces et morceaux ceux qui seront rebelles à ses commandements ! Quand ce seroient nos femmes, nos enfans et proches parens, ce sera sans aucune resistance qu’il chastiera les coupables de crime de léze-majesté. Nous garderons ce commandement jusques à la mort d’avoir presté tout devoir et obeïssance à nostre prince legitime et naturel, sans violer ny contrevenir jamais aux lois de nostre Dieu. Voilà comme j’ay ouy prescher autrefois un bon religieux au village de mon maistre, et qui luy dit un jour, et à ses frères, en sortant de la predication : Retenez cela, mes enfans ; soyez gens de bien, craignans Dieu et bons serviteurs du roy : vostre fortune n’est pas perdüe. — Non, vrayement, ay-je dit depuis ; car ils l’ont bien trouvée. Je fais ce jugement de mes maistres qu’ils continueront de servir le roy, encores que je ne vueille respondre de rien : car qui respond paye le plus souvent. Je sçay qu’il a mal pris à mon père pour avoir cautionné mon grand-oncle Magloire. Cela le mit si bas, qu’il fut contraint à boire de l’eau, la chose du monde qu’il a tousjours la plus haïe jusques à la mort, et ne voulut jamais humer bouillon, de peur d’en mettre dans son ventre. Or, se voyant proche de sa fin, il s’en fit apporter un plein verre ; et, comme on luy eust demandé quelle humeur le prenoit, veu le mal qu’il avoit voulu toute sa vie à cette liqueur : C’est la raison, dit-il, pour laquelle j’en veux boire à cest heure ; car il se faut reconcilier avec ses ennemis. Mais tout ce discours est un peu hors de propos : je reviens à mon affaire. S’il m’estoit aussi aisé de mettre une cheville à la roüe de leur fortune comme aux roües de leurs carrosses, j’en mettrais une qui tiendrait bien, et regarderais souvent s’il y aurait rien à refaire : car malheureux est qui se fie à fortune, disent nos anciens.

Chagrin. Tu es tellement transporté dans le bonheur de tes maistres, que tu vas à travers champ le chemin des ivrongnes par tes discours extravagans, et je m’asseure que qui te laisseroit parler, tu en aurais pour toute ta journée. Nous en sçavons assez, quoy que logez loing des cuisines du roy, et où tu as maintenant ton plat ordinaire. Dy-nous, de grace, quelque chose de la guerre. Je voy tant de milliers de personnes qui vont, viennent, courent, discourent à perte de veuë ! Tout le monde se produit pour avoir des commissions, mais plustost de l’argent de l’espargne, où il se fait de grands barats16, principalement des sacs qui viennent des receptes normandes. Il est vray que la pluspart de ces guerriers, s’appercevant de tels barats, disent comme l’advocat à qui un paysan avoit donné un escu qui n’estoit pas de poids : Mon advis et conseil est encores plus leger. Le service que je rendray à la guerre vaudra bien peu s’il ne vaut le payement qu’on m’a faict. Où es-tu maintenant, brave Castel Bayard, qui, ayant accompagné une fois le deffunct roy jusques à Saint-Germain, t’en retournas coucher à Paris parceque ton valet de chambre avoit oublié d’apporter ton sac où estoient tes besongnes17 de nuict, et qui te ventois neantmoins de coucher sur des matelats faits de moustaches de capitaines que tu avois tués en duel ou en combat general.

Allegret. Que c’est d’un homme qui ne sçait pas du latin, qui n’est pas congru, et veut neantmoins parler comme un qui entend l’art oratoire et la gregorique ! En pençant louer ceux de ta nation, tu les mesprises, et tantost peut-estre tu compareras son espèce à celle de Gouville, Champenois, auquel le deffunct roy commanda de ne plus porter qu’un baston, avec lequel, neantmoins, il a souvent attaqué des personnes qui avoient espée et dague. Tu veux donc sçavoir des nouvelles de la guerre, vieux renard, le nom qu’ont donné les ministres fidèles du saint Evangile à un que je cognois bien, que le nouveau Aristarque appelle en ses visions hipocrite à visage d’hermite ? Sçaches que, puisque je n’entens crier par Paris que des lettres, que ces mouvemens ne seront que remuemens des lèvres et de la langue, et mouvemens de plume que le vent emportera, quoy qu’on nous conte de ce vaillant comte18, venu de Germanie, qui a fait de meilleures rodomontades en douze lignes de sa lettre que le non pareil don Pietro de Toledo19, ou le duc d’Aussonne20, en toute leur vie. Je loüe grandement son courage, car il n’en manque jamais, et son zèle au service du roy doit excuser l’essor de sa plume, qu’on ne doit pas pour cela tant rongner au Palais, comme certains Aristarques font, qui glosent sur la glose d’Orleans21. Si ces rongneurs et gloseurs ordinaires venoient ainsi corriger les actions des serviteurs du roy sur le pont Neuf, ils ne s’en retourneroient pas sans beste vendre, et seroient endossez comme les mandemens de l’Espagne : car il y a d’ordinaire une trouppe de Provençaux, frezez comme les testons de Lorraine, qui font corps de garde du costé de l’isle du Palais, et sont logez en garnison dans ces maisons ainsi que les lapins dans la garenne de Boulongne, les quels s’en font bien accroire, et ont tantost deslogé de ce pont les huissiers de la Samaritaine, qui vacquoient continuellement à exploicter de prinse de corps, ou donner des assignations aux masles pour se joindre aux femelles, à celle fin de communiquer les pièces des quelles ils desirent s’aider au procez, dont le jugement ne peut estre jamais autre qu’un appointement de contraires. Que diable avons-nous affaire de guerre ?

La guerre abbat l’honneur des villes,
Aneantist des lois civiles
La crainte, par impunité.

On ne voit alors que confusion et desordre : les capitaines et les chefs guerroyent la bource des riches laboureurs ; les soldats font la guerre aux filles et femmes des paysans, cependant que leurs goujats, au coin d’un buisson, attendent qu’il passe quelque pauvre poulle pour l’estropier, ou bien vont querir la poire d’angoisse22 pour la mettre dans la bouche de quelque marchand ou bon bourgeois prisonnier de guerre, pour le contraindre à promettre de payer une bonne rançon, ou indiquer où il tient serré son argent. Manans, si vous eussiez mal traicté ces goujats, comme ont fait ès guerres passées les Piemontois et Savoyards, ils ne vous feroient pas tant de mal. Nous voudrions desirer la guerre encores une fois, et retourner endurer les maux que nous avons soufferts ! Je ne le pense pas, quoy que les François soient de ce naturel qu’ils ne se souviennent plus du mal qu’ils ont enduré quand ils se trouvent un peu à leur aise, font bonne chère et gros feu. Tels François, en un mot, ne sçavent ce qu’ils demandent : ils sont changeans comme le temps, et font voile à tout vent. On a si long-temps desiré en cour le Ver23, et à present plusieurs le voudroient mettre à la pille au verjus. Il me souvient d’avoir ouy un Tourangeois, habitant de la ville de Marseille, qui disoit trois jours auparavant qu’on tuast ce tyran de Casau24, qu’il voudrait avoir donné un tiers de son capital et que ce meschant fust assommé par quelque liberateur de la patrie ; qu’un tel homme seroit adoré des Marseillois. Et cependant, deux ans après le coup fait, baissant à Orleans avec ce mesme marchand, il me dit pis que pendre de Libertat25, vray liberateur, vainqueur et dompteur de ce monstre, et luy envyoit sa mediocre fortune. Quel bourgeois de Paris et bon François n’eust donné volontiers chose de grand pris pour voir representer la tragedie qui se joua naguères ! Et cependant, après la catastrophe, on commença d’envier les bien faits dont jouyssent ceux qui avoient combatu et abbatu ce monstre d’orgueil. Allez vous puis tourmenter pour le public, hazardez le pacquet pour le salut du peuple : tous joüent au mal content26 après qu’ils ont eu ce qu’ils desirent ! La devise de feu ce brave Philippes de Commines, que j’ay leuë quelquefois en la chappelle des Augustins de Paris, est par trop recogneuë veritable : c’est un monde representé par une boule avec la croix et un chou cabus27. Au monde n’y a qu’abus, et particulierement au royaume de France, où tous les mouvemens ne procèdent que d’une certaine envie que les courtisans ont les uns contre les autres, qui jouent à boute-hors28, et chacun voudrait tenir le dez et gouverner son maistre. Lors que ces trois galans gentils-hommes jouyssoient d’une mediocre fortune, c’estoient, au dire de tous, les plus honnestes et courtois du monde ; tous les courtisans, du plus grand jusques au moindre, honoroient extremement leur vertu et merite. Maintenant qu’ils sont eslevez en grade et dignité, voyez comme l’envie decoche ses traicts aiguz de medisance contre ces fermes et asseurez rochers de constance, que les foudres d’une haine et commune indignation pourront bien toucher, mais non pas brecher ! Nous autres gens de basse estoffe, qui nous laissons emporter aux passions des grands, qui bien souvent commencent par un petit manquement, comme seroit une certaine espèce de desobeïssance au roy, laquelle, opiniastrement defendue, se trouve, au bout du compte, une grande erreur, du quel, pour l’ordinaire, les petits compagnons sont chastiez et portent tousjours la penitence, et payent la fole enchère des fautes commises par les grands. Qui pense bien à ce qu’il doit faire n’est pas oisif, et celuy qui pense le plus à une chose n’est jamais fautif. Il n’y a rien si aisé que de prendre les armes, donner des alarmes, troubler le repos public. Joüer et perdre, chacun le sait faire. Un fol qui cherche son malheur le trouve bien tost ; il n’avance pas grand chose, car il est bien tost decouvert, et se laisse prendre à la parfin sans verd, parcequ’il s’est repeu de vaines esperances d’estre protegé de ceux qu’il a assistez, qui l’abandonnent incontinent qu’ils ont fait leur paix. Et cependant le roy, qui a du jugement, remarque ces factieux pour les chastier à la première occasion. C’est tousjours le plus seur de se retirer près de son maistre, embrasser son party : il y a, outre ce de l’honneur, il y a du profit. C’est un commun dire entre les courtisans que les fols aux eschets et les sages à la cour sont tousjours les plus proches du roy29. M. le mareschal de la Diguières dit qu’un bon courtisan ne doit jamais passer un jour sans voir le roy. Efforcez-vous donc, nobles qui tenez rang de seigneurs, ducs et pairs, officiers de la couronne, de recognoistre vostre devoir ; gardez-vous de perdre par vos desservices les moyens et les honneurs que vos merites et ceux que vos pères et ancestres vous ont acquis dans les bonnes graces de nostre prince ; monstrez par vos actions que vous avez du ressentiment en ses interests, et generalement tous bons François :

Prions de cœur le souverain
Qu’il mette fin à ce discorde ;
Que nostre roy, doux et humain,
Puisse vivre en paix et concorde ;
Qu’il reçoive à misericorde
Ceux que l’envie a des-unis ;
Que ce different tost s’accorde,
À fin que tous servent Louys.



1. Il étoit placé entre le Pont-au-Change et le Pont-Neuf. Du côté de la Vallée de Misère (quai de la Mégisserie), dont il est parlé plus loin, il débouchoit près l’Arche-Marion, en face le For-l’Évêque. Avant qu’il eût été détruit, en 1596, par une inondation, on l’appeloit le Pont-aux-Colombes ou à Coulons, ou bien le Pont-aux-Meuniers, à cause des moulins accrochés sous ses arches. G. Marchand, qui acheva de le reconstruire en 1606, lui donna son nom ; mais le peuple l’appela de préférence Pont-aux-Oiseaux, soit à cause des oiseliers et poulaillers, très nombreux sur le quai voisin, soit plutôt parceque chaque maison avoit pour enseigne un oiseau peint sur un cartouche.

2. La bouche, équivoque sur le vieux mot engouler.

3. Mot du vieux gof parisien qui servoit à désigner les gens assez riches pour pouvoir dépenser mille sols par jour, c’est-à-dire par an 18,250 livres. Quant à Orléans, je ne sais pourquoi l’on parle plutôt de ses mille-soudiers que de ceux de toute autre ville. Il faut peut-être voir ici une ironie, une antiphrase, eu égard à la réputation toute contraire qu’au XVe et au XVIe siècle, le bonhomme Peto d’Orléans, patron des mendiants et des gueux, avoit faite à sa ville. — V. Eutrapel, chap. 10, Des bons larrecins, et une note de Le Duchat sur Rabelais, liv. 3, ch. 6.

4. Terme du jeu de paume.

5. Écrivain grec dont Rigault avoit traduit en latin, et Vigenère en françois, le Traité du devoir et des vertus d’un général d’armée. On trouve dans le Cabinet satyrique une pièce de Bautru intitulée l’Onosandre ou l’Âne-homme.

6. V., sur ce mot et sur ce qu’il signifioit, une note d’une pièce précédente.

7. Les carrosses durent être, en effet, compris alors dans les édits somptuaires qu’on préparoit de nouveau pour compléter ceux de 1601 et 1606. L’un des vœux des gens du peuple avoit été que les États de 1614 statuassent quelque bonne défense à ce sujet. Une pièce du temps, Discours véritable de deux artisans de Paris, mareschaux de leur estat, 1615, in-8, p. 11, déclare nettement, comme conclusion, « que les carrosses seront deffendus, sinon à ceux qui auront qualité requise, comme princes, seigneurs, barons, présidents, conseillers et messieurs du conseil, et les chefs des finances, comme superintendant, intendant, messieurs les trésoriers de l’espargne ordinaire et extraordinaire. Cela est de trop grand entretien, et cause que l’on reçoit trop d’incommodité dedans Paris ; et aussi, pour entretenir le train de carrosse, il faut trop dérober le peuple. »

8. V., sur l’importance que donnoit à son propriétaire et à ceux qui l’habitoient une maison à porte cochère, une note de notre édition du Roman bourgeois, p. 294.

9. On pense qu’elle devoit son nom aux rixes fréquentes (mal querelles) qui s’y livroient entre les écoliers de l’Université, et non pas, comme l’a dit M. Eloi Johanneau dans une note de son Rabelais (t. 2, p. 335), au voisinage du moulin de Javelle, dont la réputation de débauche ne commença que bien plus tard. On l’appelle aujourd’hui l’île des Cygnes, à cause d’un certain nombre de ces oiseaux que Louis XIV y fit mettre, « sous la protection du public », par ordonnance du 16 octobre 1676, et dont il est parlé avec de grands détails dans l’Ambigu d’Auteuil (1718, in-12, p. 70).

10. Ces carrosses étoient de lourdes caisses, grossièrement vernies, suspendues sur de larges courroies, ou simplement sur des cordes. Le premier qu’on vit à Paris en ce genre fut celui dans lequel se montra, au commencement du règne de Henri IV, la veuve du maître des comptes Bordeaux (Sauval, Antiq. de Paris, liv. 2, ch. Voitures). Il y a loin de là aux carrosses à ressort bien liant dont parle Regnard (le Joueur, art. 1, sc. 1), et encore plus à nos voitures d’aujourd’hui.

11. Le proverbe Paris, paradis des femmes, purgatoire des hommes, enfer des chevaux, qu’on croyoit ne remonter qu’à la fin du XVIIe siècle, se trouve ainsi au complet. Nous l’avons vu servir de texte à une caricature parue dans la dernière partie du règne de Louis XIV, et qui a été reproduite par le Musée de la Caricature, 11e liv., et par le Magasin pittoresque, t. 7, p. 36. — Le proverbe liégeois étoit différent : Liége, à l’entendre, étoit le paradis des prêtres, l’enfer des femmes, le purgatoire des hommes. (Michelet, Hist. de France, 6, 146.)

12. Notre auteur se trompe : les images grotesques du duc et de la duchesse d’Urbin n’étoient pas portées sur les épaules, mais placées sur des ânes, pour être promenées à la procession de la Fête-Dieu d’Aix, à la suite de la statue du roi René. C’étoit en souvenir de la victoire que ce prince avoit remportée en 1460 sur le duc d’Urbin.

13. Il s’agit sans doute ici de quelque événement du siége d’Aix, durant la Ligue, par M. d’Épernon et ses troupes gasconnes. V. Bouche, Hist. de Provence, t. 1, p. 775–783. Le fait, du reste, sauf le mot à prononcer, est renouvelé d’un épisode bien connu des guerres des Israélites. Dans les Histoires byzantines on l’avoit déjà repris au sujet de je ne sais plus quel mot grec qu’il falloit bien prononcer, sous peine de passer pour ennemi et d’être immédiatement massacré. On raconte une anecdote semblable au sujet des deux mots polonois Orzeł Biały, que les Allemands ne pouvoient prononcer.

14. Nous n’avons pu trouver le sens de ces mots Simons et Simonets ; mais il est certain qu’on les employoit alors quand on vouloit parler de la braverie et de la piaffe des gens du bel air. Faire du Simonet, par exemple, se disoit, je crois, ce passage-ci me le confirme, dans le sens de se pavaner en carrosse, etc. Nous lisons dans l’une des satires du sieur Auvray, les Nompareilles :

Esclatter en clinquant, gossierement vestu,
Piaffer en un bal, gausser, dire sornettes,
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Savoir guerir la galle à quelques chiens courrans,
Mener levrette en lesse, assomer paysans,
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Faire du Simonet à la porte du Louvre,
Sont les perfections dont aujourd’hui se couvre
Sont les perfLa noblesse Françoise.

15. C’est-à-dire ce qui reste de déchet après qu’on a trié.

16. Trahisons, tromperies. Au XVIIe siècle on disoit encore à Paris, dans le peuple, barateur pour trompeur.

17. Hardes. V., sur ce mot ainsi employé, une note de notre édition des Caquets de l’Accouchée, p. 19.

18. Il s’agit ici de ce que M. de Schomberg avoit mandé au roi touchant le fort d’Uzarche, en Limosin, enlevé au comte d’Épernon le 11 avril de cette année-là. Entre autres pièces sur cette affaire, nous connaissons celle-ci : Lettre envoyée au roi par M. le comte de Schomberg sur la prise d’Uzarche, Paris, par F. Morel, 1619, in-8.

19. D. Pedro Manriquez, connétable de Castille, qui, en allant en Flandre, s’arrêta quelque temps à Paris, où il se rendit ridicule par son faste et ses fanfaronnades. (V. Œconomies de Sully, 2e part., chap. 26 ; Mathieu, Hist. de Henri IV, t. 2, p. 292.) Ce passage de D. Pèdre, qui eut lieu à la fin de 1603, fit si bien événement, qu’un proverbe en resta, dont Régnier a fait un vers. L’un des personnages de sa 10e satire dit :

Si don Pèdre est venu, qu’il s’en peut retourner.

20. C’est le fameux D. Pedro Tellez y Gyron, duc d’Ossuna, qui fit tant parler de lui, de 1610 à 1621, comme vice-roi de Sicile, puis comme vice-roi de Naples, et surtout au sujet de la conjuration des Espagnols contre Venise, pour laquelle le marquis de Bedmar ne fut que son instrument. Tallemant a beaucoup parlé du duc d’Ossone.

21. C’est-à-dire commentent le commentaire, tirent le fin du fin. On sait le dicton : « C’est la glose d’Orléans, plus forte que le texte. »

22. C’est la fameuse invention du voleur toulousain Palioli. Gouriet, dans son livre les Personnages célèbres des rues de Paris (t. 2, p. 27-28), en a parlé d’après l’auteur de l’Inventaire général des larrons (1555). Celui-ci décrit ainsi « cet instrument tout à fait diabolique, et qui a causé de grands maux dans Paris et dans toute la France. « C’estoit, dit-il, une sorte de petite boule qui, par de certains ressorts intérieurs, venoit à s’ouvrir et à s’eslargir, en sorte qu’il n’y avoit moyen de la refermer ni de la remettre en son premier état qu’à l’aide d’une clef faite expressément pour ce sujet. » Quand on vouloit faire quelque vol sans être inquiété par les cris de celui qu’on voloit, on lui mettoit dans la bouche cette poire d’angoisse, « qui, en même temps, s’ouvroit et se delaschoit, fesant devenir le pauvre homme comme une statue beante, et ouvrant la bouche sans pouvoir crier ni parler que par les yeux. »

23. Le président qui, en 1597, s’étoit rendu très populaire à Marseille par l’oraison funèbre qu’il avoit faite de Libertat.

24. Charles de Casaux, consul, et Louis d’Aix, viguier, tenoient et tyrannisoient Marseille pour le duc d’Épernon. V. Bouche, Hist. de Provence, 2, 812.

25. Le Corse Pierre de Libertat, capitaine de la porte Royale, à Marseille, ouvrit la ville au duc de Guise, tua Casaux d’un coup d’épée dans le ventre, et fut ainsi le libérateur des Marseillois. Il mourut en 1597, bien récompensé et honoré. (V. Bouche, id., p. 816–819.) Sa statue se voit encore à l’hôtel-de-ville de Marseille.

26. C’est un jeu de cartes, le même que Rabelais appelle jeu du maucontent (liv. 1, chap. 22}. Celui qui est mécontent de sa carte cherche à la changer ; s’il n’y parvient pas, devient le hère ou le malheureux, comme on disoit dans le Languedoc.

27. Nous lisons dans les Mélanges d’histoire et de ture'littérature de Vigneul-Marville (Paris, 1699, in-12, p. 313), à propos de Commines : « On voyoit autrefois sur son tombeau, dans l’église des Grands-Augustins de Paris, où il est inhumé, un globe en relief et un chou cabus, avec cette devise, qui marque la grande simplicité de ce temps-là : « Le monde n’est qu’abus. »

28. Jeu que nomme aussi Rabelais (ibid.), et que son nom explique assez.

29. On sait le vers de Régnier dans sa 14e satire :

Les fous sont, aux échecs, les plus proches des rois.