Par ma précédente, je me suis engagé à vous faire part de ce qui avoit causé la perte du chevalier de Rohan, de la marquise de Villars, du chevalier de Préault et de Van den Ende ; j’en suis présentement si bien informé qu’on ne le sauroit être mieux, puisque j’ai parlé non seulement avec des personnes qui ont vu les pièces les plus secrètes du procès, mais qu’outre cela j’eus hier dans ma chambre, pendant trois heures, un gentilhomme de mes amis qui avoit été prié par le marquis de Bray, frère de madame de Villars, de prendre soin de son corps, et c’est de lui que j’ai appris des choses particulières, notre conversation n’ayant été que de cette triste aventure.
Vous saurez donc que, depuis le mois d’avril dernier, la Trueaumont2, avec la participation du chevalier de Rohan3, écrivit une lettre à Monterey4 sans être datée ni signée. Par cette lettre, il lui marquoit que la Normandie étoit très disposée à se soulever, et que, s’il vouloit faire venir une flotte qui portât 6000 hommes, des armes pour armer 20000 hommes, des outils pour faire des siéges et deux millions de livres, qu’il y avoit un grand seigneur qui s’engageroit, pourvu qu’on lui assurât 30000 écus de pension, et dans cette lettre il demandoit 20000 écus pour lui, la Trueaumont, ce qui est plutôt, comme on peut remarquer, une façon d’adresse qu’une imprudence, se persuadant que son nom, qui étoit fort connu en ce pays-là, disposeroit plus facilement les choses suivant son dessein, et engageroit le comte de Monterey à former cette entreprise. On devoit s’obliger, par les conditions, de livrer une ville maritime, Quillebeuf ou autre, et avec le secours on se faisoit fort de se rendre maître de toute la Normandie, de telle sorte qu’on pouvoit venir de là jusques à Versailles sans être obligé de passer aucun pont ni ruisseau, et parceque les lettres pouvoient être interceptées ou déchiffrées, on ne demandoit point de réponse ; on convint seulement que, pour marquer que la proposition étoit acceptée, l’on feroit mettre dans la Gazette d’Hollande que le roi alloit faire deux maréchaux de France, et qu’un courrier de Madrid étoit arrivé à Bruxelles5. Sur cette simple lettre non signée, on dépêcha cette flotte que nous avons vu rôder si long-temps autour de nos côtes, et qui passa enfin dans la Méditerranée, ne voyant point qu’il y eût apparence de faire rien en Normandie.
Cependant, dès que la Trueaumont vit dans la Gazette d’Hollande l’article qui parloit des deux maréchaux de France et du courrier de Madrid arrivé à Bruxelles, il partit de Paris pour aller faire soulever les Normands.
La misère de ces malheureux conjurés étoit si grande, que, depuis le mois d’avril jusqu’au mois d’août, ils n’avoient pu trouver un sol, sinon qu’enfin on leur prêta 2000 écus, dont ils donnèrent 1000 livres à Van den Ende6, qu’ils envoyèrent à Bruxelles pour conclure le traité avec Monterey, lequel, se plaignant du retardement de l’exécution de l’entreprise, fut extrêmement satisfait d’apprendre qu’on avoit cru qu’il falloit attendre quelque heureuse conjoncture, et qu’il ne s’en pourroit jamais trouver une plus favorable que celle qui se présentoit du ban et arrière-ban, dont ils profiteroient, pouvant, sous ce prétexte, faire des assemblées sans donner de l’ombrage à qui que ce fût.
C’étoit à peu près au commencement du mois de mai qu’on faisoit cette négociation, et qu’on vit sur les portes de plusieurs églises de Rouen ces fameux placards dont il n’est pas que vous n’ayiez ouï parler. On trouva dans le même temps quantité de billets qu’on avoit semés en divers endroits de la ville, qui tendoient à faire soulever le peuple ; ce qui obligea M. Pelot, premier président, d’en faire informer et de s’appliquer fortement à découvrir les auteurs de ces dangereux billets.
Il sut que la Trueaumont, homme hardi, capable de tout entreprendre, séditieux et connu pour tel, étoit dans la province, et qu’il venoit souvent à Rouen, où il faisoit de grandes parties de débauche avec la noblesse du pays. Ayant pris garde qu’il étoit dans une perpétuelle agitation, il le soupçonna, et, pour s’éclairer de ses doutes, il en communiqua à un gentilhomme de ses amis très habile, qu’il pria de vouloir s’insinuer dans les compagnies avec lesquelles la Trueaumont se divertissoit, convenant qu’au fort de la débauche qu’il feroit avec lui il déchireroit le gouvernement, et témoigneroit adroitement qu’il étoit très mécontent ; ce qui fut ponctuellement exécuté par ce gentilhomme, lequel se conduisit si bien en cela deux ou trois mois qu’il s’acquit l’amitié de la Trueaumont. Quelque confiance cependant que ce dernier pût avoir en sa discrétion, il ne lui avoit néanmoins jusque là fait aucune part de son projet et secret, et tous deux s’étoient contentés respectivement de plaindre le malheur de la Normandie.
Mais il arriva un jour, dans la chaleur de la débauche, que, le gentilhomme s’emportant plus que de coutume contre le gouvernement, la Trueaumont s’échappa de lui dire qu’il ne suffisoit pas de connoître le mal si on n’y apportoit le remède. Ce gentilhomme en demeura d’accord, mais dit en même temps que pour lui il n’y en voyoit point. Sur cela, la Trueaumont sourit, et dit que les Espagnols et les Hollandois tendoient les bras aux Normands, et que, s’ils vouloient s’aider de la bonne sorte, il ne doutoit point qu’on ne secouât le joug. Le gentilhomme, de son côté, lui dit que, dans une affaire de cette importance, il falloit avoir un bon chef, et qu’il n’en connoissoit point. Ce fut l’instant où la Trueaumont, achevant de donner dans le panneau qu’on lui avoit tendu, nomma le chevalier de Rohan ; et comme le gentilhomme dit que c’étoit une tête trop légère pour s’embarquer avec lui, la Trueaumont répliqua que les fous rompoient toujours la glace en ces sortes d’affaires, et que les sages, comme lui et ses amis, suivoient après sans hésiter. Le gentilhomme, feignant d’entrer dans son sentiment et s’étant séparé de lui, fut, à l’entrée de la nuit, trouver le premier président, à qui il rendit un compte exact de toute la conversation qu’il avoit eue avec la Trueaumont7. À l’instant même le premier président prit la poste, et se rendit à Versailles, où il découvrit au roi toute la conspiration. La nuit suivante, il s’en retourna à Rouen avec les mêmes précautions qu’il avoit tenues pour venir à Versailles.
Dès que le roi fut ainsi informé de cette trahison, il donna ordre au comte d’Ayen, capitaine de ses gardes, de dire au sieur de Brissac, major des gardes du corps du roi, d’arrêter à la sortie de la messe le chevalier de Rohan. La chose fut exécutée, et ce chevalier conduit dans la chambre du sieur de Brissac, auquel il demanda à manger. Ce major lui en fit apporter, mais après en avoir demandé la permission au roi.
L’après-dînée, on le mit dans un carrosse, et on le mena à la Bastille, d’où je le vis sortir le jour qu’il fut exécuté, à demi mort, les lèvres toutes bleues, pâle et défiguré comme un trépassé, s’appuyant sur les bras des PP. Talon et Bourdaloue, et ne pouvant presque pas se soutenir, quoiqu’il parût faire tout ce qu’il pouvoit pour se tenir ferme.
Je vous ai ci-devant écrit tout ce qui se passa à sa mort, mais j’ai appris depuis des choses que j’avois ignorées, et dont je vais vous informer ; et je vous dirai que, le propre jour qu’on l’exécuta, il communia à une heure après minuit, le P. Bourdaloue en ayant obtenu la permission de M. l’archevêque, ce qui n’a pas été approuvé des docteurs de Sorbonne. Deux heures avant que de mourir, il écrivit à madame de Guémené, sa mère, et l’on a cru qu’il avoit quelque espérance qu’on lui feroit grace8, car on observa que, pendant qu’il écrivoit, il ne passa personne sur le pont qu’il ne demandât avec empressement : Qui est-ce qui entre ?
Quant au chevalier de Préault9, écuyer de M. de Rohan, et à madame la marquise de Villars10, de Préault a été regardé par ses juges comme un très malhonnête homme, en ce que, croyant se sauver, la première chose qu’il dit sur la sellette fut qu’il n’étoit entré dans l’affaire que pour penetrer le secret de son oncle, de son maître et de sa maîtresse, son dessein étant de revéler le tout au roi. Comme cette marquise étoit en commerce de lettres avec ce neveu de la Trueaumont, et qu’elle avoit été engagée par lui dans cette malheureuse affaire, il s’en trouva trois dans la cassette de ce Préault, qui sont les seules preuves qu’on ait trouvées contre elle. L’une de ces lettres portoit qu’elle avoit parlé au Chevalier, qui lui avoit promis de lui donner vingt-cinq bons hommes bien armés quand elle en demanderoit. Il y en avoit une autre à peu près de même sens, et l’autre étoit en ces termes : Il n’y fit jamais meilleur, et si l’on envoye dix mille hommes, on se rendra maître de tout.
Après qu’on lui eut prononcé son arrêt, elle lui reprocha d’avoir gardé ses lettres, et, de Préault lui en demandant pardon, elle lui dit que cela n’étoit plus de saison, et qu’il ne falloit songer qu’à bien mourir.
C’est maintenant que vous allez apprendre des choses bien particulières, puisque c’est de la conversation qu’elle eut avec ce gentilhomme de mes amis que je vais vous entretenir.
Vous saurez que, trois heures avant qu’on l’exécutât, mon ami demanda à MM. de Besons et de Pommereuil, commissaires, la permission de parler à cette dame en présence du sieur le Mazier, greffier. Cela lui étant accordé, il fit dire son nom, et elle voulut bien le voir. Dès qu’il entra dans la chapelle, où elle étoit assise près du feu avec son confesseur, elle se leva et le reçut avec autant de civilité qu’elle l’auroit pu s’il fût venu dans sa chambre lui rendre une visite ordinaire. Il lui témoigna d’abord le déplaisir qu’il avoit de la voir dans l’état où elle étoit, et lui dit ensuite qu’il avoit jugé qu’il ne la toucheroit pas tant que si c’eût été son cousin de Sanra, comme elle avoit cru, ayant même cette pensée que son nom et son visage ne lui étoient pas connus. Elle lui repondit sans hésiter qu’elle connoissoit l’un et l’autre, et même sa famille, à qui elle étoit très humble servante. Ce gentilhomme lui dit, après cela, qu’il n’avoit pu refuser à monsieur son frère de la venir voir pour lui témoigner de sa part la douleur qu’il ressentoit de son infortune, et lui dire en même temps qu’il avoit été se jeter aux pieds du roi, et lui demander grace pour elle ; que le roi lui avoit répondu que cela n’étoit point en son pouvoir, mais qu’il lui donnoit la confiscation de son bien. Alors elle prit la parole et lui dit : Je suis bien aise que mon frère ait mes biens. Je crois qu’il en usera bien avec mes enfants, et j’aime mieux qu’il les ait que s’ils avoient à les partager entre eux, parcequ’ils ne le pourroient peut-être faire sans entrer en procès. Et quant à la grace qu’on avoit demandée, elle dit que le roi, étant le maître, la faisoit à qui il vouloit. Le gentilhomme lui fit voir après un mémoire d’affaires domestiques dont le marquis de Bray l’avoit chargé. Elle répondit à chaque article avec une grande netteté et une présence d’esprit admirable. À mesure qu’elle y répondoit, il écrivoit avec un crayon sur le dos du mémoire, et, ayant mis le tout au net sur le papier, il le fit voir et le fit signer au greffier, afin qu’il pût faire foi.
Cela fait, elle luy dit qu’elle desiroit trois ou quatre choses : la première, que son frère fît bien prier Dieu pour son âme ; qu’il se souvînt tendrement d’elle ; qu’on fît en sorte que son corps ne demeurât pas dans les rues ; qu’on payât à M. Mannevillette, receveur du clergé, trente pistoles qu’elle lui devoit, dont il n’avoit pas d’écrit, et qu’elle prioit qu’on donnât à la demoiselle qui la servoit dans la prison non seulement les hardes qu’elle avoit sur elle, mais encore tout ce qui s’en trouveroit dans la maison.
Ce discours fini, elle se tourna vers M. le Mazier, et lui dit que, ne voulant rien garder sur sa conscience, elle avouoit que, dans le mois de mai dernier, elle avoit fait part de l’affaire à un gentilhomme qu’elle nomma, qui s’étoit engagé à lui envoyer, quand elle voudroit, une compagnie de cavalerie. Le greffier en dressa son procès-verbal, et lui fit signer. On a cru que son confesseur l’avoit obligée à faire cette déclaration.
Tout cela se passa en présence de mon ami, qui, prenant congé de cette dame, lui dit qu’il avoit été prié par son frère de prendre soin de son corps, et qu’il s’en acquitteroit bien.
Comme ce gentilhomme fut dans la Bastille depuis les neuf heures du matin jusqu’à trois heures après midi, qui fut celle de l’exécution, il vit et entendit tout ce qui se passa, dont il m’entretint ; et je vais vous en dire tout ce que ma mémoire m’en pourra fournir pour satisfaire autant que je pourrai votre curiosité.
Un peu auparavant les dix heures du matin, on fut éveiller cette pauvre dame, qui dormoit profondément, ce qui est bien extraordinaire. On lui dit qu’on la demandoit à la chapelle, ce qui, joint aux larmes qu’elle vit sur le visage de sa demoiselle, lui fut un presage assuré de sa perte. Elle demanda ses habits sans donner aucune marque de foiblesse, et dit qu’elle voyoit bien qu’il falloit se résoudre à mourir. Elle pria qu’on fît retirer sa demoiselle, qui l’attendrissoit, et descendit en bas avec une assurance qui surprit tout le monde. Dès que l’arrêt fut prononcé à tous ces criminels, le chevalier de Rohan se tourna vers elle, et lui dit qu’il croyoit ne l’avoir jamais vue, et que le chevalier de Préault leur causoit la mort, mais qu’il lui pardonnoit. Elle lui dit qu’en effet elle ne l’avoit jamais vu, et qu’elle pardonnoit aussi sa mort au chevalier, lequel, regardant sa maîtresse et touché de ce reproche, ne put s’empêcher de pousser un grand soupir. Elle lui dit qu’il n’étoit plus temps, et que, bien que ces lettres lui coûtassent la vie, elle louoit Dieu de ce qu’il lui faisoit la grâce de la faire mourir de la manière dont elle alloit finir ses jours, parceque, ayant vécu dans le fracas et l’éclat du monde, elle n’avoit pas eu lieu de se promettre une meilleure et plus heureuse fin ; et, s’adressant à ceux qui devoient subir le même supplice qu’elle, elle leur dit qu’il falloit que chacun tâchât de faire un bon usage de la mort qu’il alloit souffrir.
Lorsqu’elle sortit de la Bastille pour aller au supplice, son confesseur la pria de faire une action d’humilité chrétienne en montant sur la charrette, ce qu’elle fit incontinent, en disant qu’elle feroit bien d’autres choses pour Dieu. Son confesseur ne lui demanda cela que pour éviter la peine qu’elle auroit eue de voir executer M. de Rohan, qui devoit pourtant mourir le dernier, suivant ce qui avoit été ordonné ; mais le P. Bourdaloue, le voyant au pitoyable état où il étoit réduit, fut demander par grâce aux commissaires qu’on le fît mourir le premier, ce qu’on lui accorda. Cette pauvre dame devoit mourir la première, et, par un effet du hasard, elle mourut la dernière, le bourreau ayant trouvé sous sa main le chevalier de Préault plutôt qu’elle. On vient de me dire tout présentement qu’après qu’on lui eut lu son arrêt, elle dit qu’elle mouroit innocente, ce que disent ordinairement les gens que l’on a condamnés.
Dès qu’on lui eut exécuté la tête, mon ami, qui avoit des gens tout prêts, la fit envelopper dans un drap de lit et porter incontinent dans un carrosse de deuil. Il jeta deux pistoles à l’exécuteur et quelques écus à ses valets pour avoir la liberté de la faire emporter chez lui sans qu’on la dépouillât.
Elle étoit fille d’un secrétaire du roi et nièce de M. de Sanra, conseiller au Parlement. Le lendemain de cette exécution, le roi envoya faire compliment à madame de Guémené, qui fut reçu avec effusion de larmes et beaucoup de respect. J’ai parlé au gentilhomme qui en avoit été chargé. M. Colbert, par ordre du roi, en fit un pareil à madame de Chevreuse et à madame de Soubise. Lorsqu’on fit le récit au roi de la mort du chevalier de Rohan, il dit que, quand il auroit attenté à sa propre personne, il lui auroit volontiers pardonné, mais qu’il n’avoit pu lui faire grâce à cause de ce qu’il devoit à ses peuples.
Voilà l’histoire de cette malheureuse affaire. Chacun la conte à sa mode, mais je puis vous protester que cette relation que je vous en ai faite est très sincère et très véritable. Toute la France a su comme quoi la Trueaumont s’étoit fait blesser à mort lorsque M. de Brissac fut à Rouen pour l’arrêter11, et comme Van den Ende avoit été pris au Bourget en allant à Bruxelles12 ; mais peut-être n’avez-vous pas su qu’un écolier qui étudioit chez lui l’a découvert. Ayant fait réflexion, après qu’on eut arrêté M. de Rohan, qu’il l’avoit vu souvent avec son maître, il fut trouver M. de Louvois13, qui le mena au roi, qui lui a donné 1,000 livres de rente pour récompense.
Vous observerez, s’il vous plaît, que, quand Madame de Villars dit qu’elle étoit innocente, c’étoit parcequ’elle a toujours protesté qu’elle croyoit que ces gendarmes qu’on lui devoit envoyer devoient être employés pour l’enlèvement de mademoiselle d’Alègre, qu’elle disoit que le chevalier de Rohan devoit faire enlever ; mais il me semble que la teneur des trois lettres qui parlent de dix mille hommes détruit entièrement ce qu’elle a dit, et par conséquent qu’elle n’étoit pas innocente, comme elle le prétendoit.
1. Cette curieuse lettre n’a été publiée qu’une seule fois, dans un recueil devenu très difficile à trouver, le Conservateur (avril 1758).
2. « Il étoit fils d’un auditeur de la Chambre des comptes de Rouen, lisons-nous dans l’Histoire de la vie et du régne de Louis XIV, publiée par le jésuite de La Motte sous le pseudonyme de La Hode. C’étoit un homme de résolution, d’un esprit souple et adroit pour le maniement des affaires, également capable d’une bonne et d’une mauvaise action… Depuis quelques années, il s’étoit fort attaché au chevalier de Rohan. L’un et l’autre, également ennuyés du mauvais état de leur fortune, que leurs débauches et leurs dérèglements avoient entièrement ruinée, cherchèrent à la rendre meilleure par toutes les mauvaises ressources que l’extrémité fait tenter à ceux qui ne savent plus où donner de la tête. »
3. Selon La Hode, c’étoit « l’un des hommes de France le mieux fait, hardi, mais sans jugement. »
4. Le comte de Monterei étoit un des généraux du prince d’Orange. Il commandoit, à Senef, un des corps de l’armée de 90,000 hommes que venoit de battre le prince de Condé.
5. Nous connoissons un autre exemple de cette transmission d’une réponse ou plutôt d’un signal à l’aide des gazettes. L’abbe Blache, ayant fait secrètement connoître au chancelier Le Tellier le projet qu’avoit la marquise d’Asserac d’empoisonner Louis XIV, le pria « d’ordonner, pour preuve que son avis étoit parvenu, que la première lettre de la prochaine gazette fût imprimée en encre rouge, ce que le chancelier fit exécuter pour la tranquillité de cet abbé. » (Barbier, Examen critique des Dict. histor., p. 115.) Le numéro de la Gazette dont le G initial est rouge porte la date du 31 décembre 1683. (Rev. rétrosp., 1re série, I, pag. 10, 187. Mém. de Blache.) Il est probable que l’abbé ne recourut à ce moyen que parcequ’il avoit eu connoissance du stratagème épistolaire de La Truaumout.
6. C’étoit un maître d’école hollandois, dont le fameux Spinosa avoit été l’élève. Des persécutions pour cause d’impiété l’avoient forcé de quitter Amsterdam et de venir s’établir à Picpus, près Paris.
7. Selon La Hode, la conspiration fut découverte soit par Londres, où le comte de Monterei avoit ordre de délivrer cent mille écus en divers paiements au chevalier de Rohan, soit par les papiers pris dans les bagages au combat de Senef.
8. Au dire de La Hode, « personne n’intercéda pour lui, pas même madame de Montespan, à qui l’on veut qu’il n’ait pas été indifférent. » Le président Hénault cite, au contraire, un fait qui prouve combien tout fut mis en usage pour tâcher de fléchir Louis XIV. « On représenta devant le roi, dit-il, quelques jours avant l’exécution, la tragédie de Cinna, pour exciter sa clémence ; mais ses ministres lui firent sentir la nécessité d’un exemple, etc. » Il est dommage que le Journal du marquis de Dangeau ne fût pas commencé à cette époque : nous saurions positivement par lui si la tragédie de Corneille fut en effet donnée devant le roi en novembre 1674.
9. Il étoit neveu de La Truaumont.
10. Elle étoit accusée d’avoir empoisonné deux maris dont elle étoit lasse, et de s’être donnée au chevalier de Préault. Limiers, dans ses Annales de France, l’appelle de Bordeville et aussi de Villiers. Le président Hénault lui donne ce dernier nom.
11. Grièvement blessé, il déchira sa plaie avec ses dents, et en mourut le même jour.
12. Il fut pendu. On dit que, tout fier d’avoir décapité un Rohan, une marquise et un chevalier, le bourreau dit à ses valets, en leur montrant Van-den-Ende : « Vous autres, pendez celui-là. »
13. Louvois étoit un peu intéressé dans cette affaire, car c’étoit par haine contre lui que le chevalier de Rohan s’y étoit jeté.