Pieusement (Verhaeren - Les Débacles)

Poèmes (IIe série)Société du Mercure de France (p. 101-102).

PIEUSEMENT


 
La nuit d’hiver élève au ciel son pur calice.
 
Et je lève mon cœur aussi, mon cœur nocturne,
Seigneur, mon cœur ! vers ton pâle infini vide,
Et néanmoins je sais que tout est taciturne
Et qu’il n’existe rien dont ce cœur meurt, avide ;
Et je te sais mensonge et mes lèvres te prient

Et mes genoux ; je sais et tes grandes mains closes
Et tes grands yeux fermés aux désespoirs qui crient,

Et que c’est moi, qui seul, me rêve dans les choses ;
Sois de pitié, Seigneur, pour ma toute démence,
J’ai besoin de pleurer mon mal vers ton silence !…

La nuit d’hiver élève au ciel son pur calice !