Philosophie zoologique (1809)/Seconde Partie/Troisième Chapitre

Seconde Partie, Troisième Chapitre
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CHAPITRE III.


De la cause excitatrice des Mouvemens organiques.


La vie étant un phénomène naturel, qui lui-même en produit plusieurs autres, et résultant des relations qui existent entre les parties souples et contenantes d’un corps organisé et les fluides contenus de ce corps ; comment concevoir la production de ce phénomène, c’est-à-dire, l’existence et l’entretien des mouvemens qui constituent la vie active du corps dont il s’agit, sans une cause particulière excitatrice de ces mouvemens, sans une force qui anime les organes, régularise les actions et fait exécuter toutes les fonctions organiques, en un mot, sans un ressort dont la tension soutenue, quoique variable, est le moteur efficace de tous les mouvemens vitaux !

On ne sauroit douter que les fluides visibles d’un corps vivant, et que les parties solides et souples qui les contiennent, ne soient étrangers à la cause que nous recherchons ici. Toutes ces parties forment ensemble l’équipage du mouvement, selon la comparaison déjà faite, et ce n’est nullement le propre d’aucune d’elles de constituer la force dont il est question, c’est-à-dire, le ressort moteur, ou la cause excitatrice des mouvemens de la vie.

Ainsi, on peut assurer que, sans une cause particulière qui excite et entretient l'orgasme et l'irritabilité dans les parties souples et contenantes des animaux, et qui, dans les végétaux, y produit seulement un orgasme obscur, et y meut immédiatement les fluides contenus, le sang des animaux qui ont une circulation et la sanie blanchâtre et transparente de ceux qui n’en ont pas, resteroient en repos, et bientôt se décomposeroient, ainsi que les parties qui contiennent ces fluides.

De même, sans cette cause excitatrice des mouvemens vitaux, sans cette force ou ce ressort qui fait exister dans un corps la vie active, la séve et les fluides propres des végétaux resteroient sans mouvement, s’altéreroient, s’exhaleroient, enfin opéreroient la mort et le desséchement de ces corps vivans.

Les philosophes anciens avoient senti la nécessité d’une cause particulière excitatrice des mouvemens organiques ; mais n’ayant pas assez étudié la nature, ils l’ont cherchée hors d’elle ; ils ont imaginé une arché-vitale, une âme périssable des animaux ; en ont même aussi attribué une aux végétaux ; et à la place d’une connoissance positive à laquelle ils n’avoient pu atteindre, faute d’observations, ils n’ont créé que des mots, auxquels on ne peut attacher que des idées vagues et sans base.

Chaque fois que nous quitterons la nature pour nous livrer aux élans fantastiques de notre imagination, nous nous perdrons dans le vague, et les résultats de nos efforts ne seront que des erreurs. Les seules connoissances qu’il nous soit possible d’acquérir à son égard, sont et seront toujours uniquement celles que nous aurons puisées dans l’étude suivie de ses lois ; hors de la nature, en un mot, tout n’est qu’égarement et mensonge : telle est mon opinion.

S’il étoit vrai qu’il fût réellement hors de notre pouvoir de parvenir à déterminer la cause excitatrice des mouvemens organiques, il n’en seroit pas moins de toute évidence que cette cause existe et qu’elle est physique, puisque nous en observons les effets et que la nature a tous les moyens de la produire. Ne sait-on pas qu’elle a ceux de répandre et d’entretenir le mouvement dans tous les corps, et qu’aucun des objets soumis à ses lois ne jouit réellement d’une stabilité absolue.

Sans vouloir nous élever à la considération des premières causes, ni à celle de toutes les sortes de mouvemens et de tous les changemens qui s’observent dans les corps physiques de tous genres, nous nous restreindrons à considérer les causes immédiates et reconnues qui peuvent agir sur les corps vivans ; et nous verrons qu’elles sont très-suffisantes pour entretenir dans ces corps les mouvemens qui y constituent la vie, tant que l’ordre de choses qui les permet n’y est pas détruit.

Sans doute, il nous seroit impossible de reconnoître la cause excitatrice des mouvemens organiques, si les fluides subtils, invisibles, incontenables et sans cesse en mouvement qui la constituent, ne se manifestoient à nous dans une multitude de circonstances ; si nous n’avions des preuves que tous les milieux dans lesquels tous les corps vivans habitent en sont perpétuellement remplis ; enfin, si nous ne savions positivement que ces fluides invisibles pénètrent plus ou moins facilement les masses de tous ces corps, y séjournent plus ou moins de temps, et que certains d’entre eux se trouvent continuellement dans un état d’agitation et d’expansion qui leur donne la faculté de distendre les parties dans lesquelles ils s’insinuent, de raréfier les fluides propres des corps vivans qu’ils pénètrent, et de communiquer aux parties molles de ces mêmes corps un éréthisme, une tension particulière qu’elles conservent tant qu’elles se trouvent dans un état qui y est favorable.

Mais il est bien connu que nous ne sommes pas réduits à cette impossibilité ; car, qui ne sait qu’il n’est aucun des lieux du globe où les corps vivans habitent, qui ne soit pourvu de calorique (même dans les régions les plus froides), d'électricité, de fluide magnétique, etc. ; et que partout ces fluides, les uns expansifs et les autres diversement agités, éprouvent sans cesse des déplacemens plus ou moins réguliers, des renouvellemens ou des remplacemens, et peut-être même une véritable circulation à l’égard de quelques-uns d’entre eux.

Nous ignorons encore quel est le nombre de ces fluides invisibles et subtils qui sont répandus et toujours agités dans les milieux environnans ; mais nous concevons, de la manière la plus claire, que ces fluides invisibles, pénétrant, s’accumulant et s’agitant sans cesse dans chaque corps organisé ; enfin, s’en échappant successivement après y avoir été plus ou moins long-temps retenus, y excitent les mouvemens et la vie, lorsqu’il s’y trouve un ordre de choses qui y permet de pareils résultats.

Relativement à ceux de ces fluides invisibles qui composent principalement la cause excitatrice que nous considérons ici, deux d’entre eux nous paroissent faire essentiellement partie de cette cause ; savoir : le calorique et le fluide électrique. ce sont les agens directs qui produisent l’orgasme et les mouvemens intérieurs qui, dans les corps organisés, y constituent et y entretiennent la vie.

Le calorique paroît être celui des deux fluides excitateurs en question, qui cause et entretient l'orgasme des parties souples des corps vivans ; et le fluide électrique est vraisemblablement celui qui fournit la cause des mouvemens organiques et des actions des animaux.

Ce qui m’autorise à ce partage des facultés que j’assigne aux deux fluides dont il s’agit, se fonde sur les considérations suivantes.

Dans les inflammations, l’orgasme qui y acquiert une énergie excessive, et même à la fin destructive des parties, n’y devient évidemment tel que par l’extrême chaleur qui se développe dans les organes enflammés : c’est donc particulièrement au calorique qu’il faut attribuer l’orgasme. La vitesse des mouvemens du calorique, ainsi que celle avec laquelle ce fluide s’étend ou se distribue dans les corps qu’il pénètre, sont bien loin d’égaler la rapidité extraordinaire des mouvemens du fluide électrique : ce dernier fluide doit donc être celui qui fournit la cause des mouvemens et des actions des animaux ; ce doit être plus particulièrement le véritable fluide excitateur.

Il est possible, néanmoins, que quelques autres fluides invisibles et actifs concourent aussi, avec les deux que je viens de citer, à la composition de la cause excitatrice ; mais, ce qui me paroît hors de doute, c’est que le calorique et l'électricité sont les deux principaux composans de cette cause : peut-être même sont-ils les seuls.

Dans les animaux à organisation peu composée, le calorique des milieux environnans semble suffire lui seul pour l'orgasme et l'irritabilité de ces corps ; de là vient que, dans les grands abaissemens de température et pendant l’hiver des climats à grande latitude, les uns périssent entièrement, et les autres subissent un engourdissement plus ou moins complet. Dans ces mêmes animaux, le fluide électrique ordinaire, celui que fournissent les milieux environnans, paroît y suffire aux mouvemens organiques et aux actions. Il n’en est pas de même des animaux à organisation très-composée : dans ceux-ci, le calorique des milieux environnans ne fait que compléter, ou plutôt qu’aider et favoriser le moyen que ces corps vivans possèdent dans la production intérieure d’un calorique continuellement renouvelé. Il est même vraisemblable que ce calorique intérieurement produit, a subi quelques modifications dans l’animal qui le particularisent et le rendent seul propre à l’entretien de l’orgasme ; car lorsque, par l’état de l’organisation, l’orgasme et l’irritabilité se trouvent trop affoiblis, le calorique de l’extérieur, soit celui de nos foyers, soit celui d’une température élevée, ne sauroit suppléer le calorique intérieur.

La même observation semble aussi pouvoir s’appliquer au fluide électrique excitateur des mouvemens et des actions dans les animaux dont l’organisation est très-composée. Il paroît effectivement que ce fluide électrique, qui s’y est introduit par la voie de la respiration, ou par celle des alimens, a subi une modification quelconque en séjournant dans l’intérieur de l’animal, et s’y est transformé en fluide nerveux ou galvanique.

Quant au calorique, il est si vrai qu’il est l’un des principaux élémens de la cause excitatrice de la vie, et que c’est particulièrement celui qui forme et entretient l'orgasme sans lequel la vie ne pourroit exister, que, long-temps avant d’atteindre le froid absolu, un grand abaissement de température pourroit l’anéantir dans tous les corps qui en sont doués, s’il étoit assez considérable. Effectivement, le froid de nos hivers, surtout lorsqu’il est rigoureux, fait périr un grand nombre des animaux qui s’y trouvent exposés. Mais on sait que dans aucun point du globe, et en aucun temps de l’année, une absence totale de calorique ne se rencontre jamais.

Je le répète, sans une cause particulière excitatrice de l’orgasme et des mouvemens vitaux, sans cette force qui, seule, peut produire ces mouvemens, la vie ne sauroit exister dans aucun corps. Or, cette cause excitatrice est entièrement étrangère aux facultés des fluides visibles des corps vivans, et elle l’est pareillement à celles des parties contenantes et solides de ces corps : c’est un fait dont il n’est plus possible de douter, et que toutes les observations attestent.

Cette même cause excitatrice est aussi celle de toute fermentation ; et c’est elle seule qui en exécute les actes dans toute matière composée, non vivante, dont l’état des parties s’y trouve favorable. Aussi dans les grands abaissemens de température, les actes de la vie et ceux de la fermentation sont plus ou moins complétement suspendus, selon que l’intensité du froid est plus ou moins considérable.

Quoique la vie et la fermentation soient deux phénomènes fort différens, elles puisent, l’une et l’autre, dans la même source les mouvemens qui les constituent ; et il faut, de part et d’autre, que l’état des parties, soit du corps organisé capable de vivre, soit du corps inorganique qui peut fermenter, se trouve favorable à l’exécution de ces mouvemens. Mais dans le corps doué de la vie, l’ordre et l’état de choses qui y existent sont tels, que toutes les altérations dans la combinaison des principes sont successivement réparées par des combinaisons nouvelles et à peu près semblables que les mouvemens subsistans occasionnent ; tandis que dans le corps non organisé ou désorganisé qui fermente, tous les changemens qui s’exécutent dans la composition de ce corps ou de ses parties, ne sauroient se réparer par la continuité de la fermentation.

Dès l’instant de la mort d’un individu, son corps désorganisé réellement, quoique souvent il n’en ait pas l’apparence, rentre aussitôt dans la classe de ceux dont les parties peuvent subir la fermentation, surtout les plus souples d’entre elles ; et alors la cause excitatrice qui le faisoit vivre devient celle qui hâte la décomposition de celles de ses parties qui sont susceptibles de fermenter. On voit donc, d’après les considérations que je viens d’exposer, que la cause excitatrice des mouvemens vitaux se trouve nécessairement dans des fluides invisibles, subtils, pénétrans, et toujours actifs, dont les milieux environnans ne sont jamais dépourvus ; et que le principal élément de cette cause est celui qui entretient un orgasme essentiel à l’existence de la vie ; enfin, que c’est véritablement le calorique ; ce que les observations suivantes feront mieux sentir.

Je n’ai besoin d’aucune citation particulière à cet égard, parce que le fait général qui s’y rapporte est assez connu. On sait que la chaleur, dans de certaines proportions, est généralement nécessaire à tous les corps vivans, et qu’elle l’est principalement aux animaux. Lorsqu’elle s’affoiblit jusqu’à un certain point, l’irritabilité des animaux perd de son intensité, les actes de leur organisation diminuent d’activité, et toutes les fonctions languissent ou s’exécutent avec lenteur, surtout dans ceux de ces animaux en qui aucune production de calorique intérieur ne s’opère. Lorsqu’elle s’affoiblit encore davantage, les animaux les plus imparfaits périssent, et un grand nombre des autres tombent dans un engourdissement léthargique, et n’ont plus qu’une vie suspendue : ils la perdroient tous successivement, si cette diminution de chaleur s’accroissoit encore beaucoup au delà dans les milieux environnans ; c’est ce dont on ne sauroit douter.

Au contraire, lorsque la température s’élève, c’est-à-dire, lorsque la chaleur s’accroît et se répand partout, si cet état de choses se soutient, on remarque constamment que la vie se ranime et semble acquérir de nouvelles forces dans tous les corps vivans ; que l’irritabilité des parties intérieures des animaux augmente proportionnellement en intensité ; que les fonctions organiques s’exécutent avec plus d’énergie et de promptitude ; que la vie amène plus rapidement les différens états par lesquels les individus doivent passer pendant son cours, et qu’elle-même arrive plutôt à son terme ; mais aussi que les régénérations sont plus promptes et plus abondantes.

Quoique la chaleur soit nécessaire partout pour la conservation de la vie, et qu’elle le soit principalement pour les animaux, il ne faudroit pas cependant que son intensité dépassât de beaucoup certaines limites, car alors ils en souffriroient considérablement, et la moindre cause exposeroit les animaux dont l’organisation est très-composée, à des maladies rapides qui les feroient promptement périr.

On peut donc assurer que non-seulement la chaleur est nécessaire à tous les corps vivans, mais que, lorsqu’elle a une certaine intensité, sans dépasser certaines limites, elle anime singulièrement tous les actes de l’organisation, favorise toutes les générations, et semble répandre partout la vie d’une manière admirable.

La facilité, la promptitude et l’abondance avec lesquelles la nature produit et multiplie dans les contrées équatoriales les animaux les plus simplement organisés, sont autant de faits qui viennent à l’appui de cette assertion. En effet, la multiplication de ces animaux se fait singulièrement remarquer dans les temps et dans les lieux qui y sont favorables, c’est-à-dire, dans les climats chauds ; et pour les pays à grande latitude, dans la saison des chaleurs, surtout lorsque les circonstances qui favorisent cette fécondité y concourent.

Effectivement, dans certains temps et dans certains climats, la terre, particulièrement vers sa surface où le calorique s’amasse toujours le plus fortement, et le sein des eaux se peuplent, en quelque sorte, de molécules animées, c’est-à-dire, d’animalcules extrêmement variés dans leurs genres et leurs espèces. Ces animalcules, ainsi qu’une multitude d’autres animaux imparfaits de différentes classes, s’y reproduisent et s’y multiplient avec une fécondité étonnante et qui est bien plus considérable que celle des gros animaux dont l’organisation est plus compliquée. Il semble, pour ainsi dire, que la matière s’animalise alors de toutes parts, tant les résultats de cette prodigieuse fécondité sont rapides. Aussi, sans l’immense consommation qui se fait, dans la nature, des animaux qui composent les premiers ordres du règne animal, ils accableroient bientôt et peut-être anéantiroient, par les suites de leur énorme multiplicité, les animaux plus parfaits qui forment les dernières classes et les derniers ordres de ce règne, tant la différence dans les moyens et la facilité de se multiplier est grande entre les uns et les autres !

Ce que je viens de dire, relativement à la nécessité, pour les animaux, d’un calorique répandu dans les milieux environnans et qui y varie dans de certaines limites, est parfaitement applicable aux végétaux ; mais, à l’égard de ceux-ci, la chaleur ne maintient en eux la vie que sous quelques conditions essentielles.

La première, qui est la plus importante, exige que le végétal, en qui la chaleur anime la végétation, ait continuellement et proportionnellement de l’humidité à la disposition de ses racines ; car plus la chaleur augmente, plus ce végétal doit avoir d’eau pour fournir à la consommation qu’il en fait, ce qu’il perd de ses fluides par la transpiration étant alors d’autant plus considérable ; et plus la chaleur diminue, moins il lui faut d’humidité qui nuiroit alors à sa conservation.

La seconde condition pour que la végétation puisse perfectionner ses produits, exige que le végétal à qui la chaleur et l’eau ne manquent pas, ait aussi de la lumière en abondance. La troisième, enfin, le met dans la nécessité d’avoir de l’air, dont il s’approprie probablement l'oxygène, ainsi que les gaz qu’il y trouve, les décomposant aussitôt pour s’emparer de leurs principes.

D’après tout ce que je viens d’exposer, il est de toute évidence que le calorique est la première cause de la vie, en ce qu’il forme et entretient l'orgasme, sans lequel elle ne pourroit exister dans aucun corps, et qu’il y réussit tant que l’état des parties du corps vivant ne s’y oppose pas. On voit, d’ailleurs, que ce fluide expansif, surtout lorsqu’il jouit, par son abondance, d’une certaine intensité d’action, est le principal agent de l’énorme multiplication des corps vivans dont j’ai parlé tout à l’heure. Aussi est-il constant que, dans les climats chauds du globe, les règnes animal et végétal offrent une richesse et une abondance extrêmement remarquables ; tandis que, dans les régions glacées de la terre, ils ne s’y montrent que dans l’état du plus grand appauvrissement. Relativement à quantité d’animaux et de végétaux, il y a même, dans ce qui se passe à leur égard, une différence considérable que produisent l’été et l’hiver de nos climats, et qui témoigne en faveur du principe que je viens d’établir.

Quoique le calorique soit réellement la première cause de la vie dans les corps qui en jouissent, lui seul cependant ne pourroit nullement l’y faire exister et y entretenir les mouvemens qui la constituent en activité ; il faut encore, surtout pour les animaux, l’influence d’un fluide excitateur des actes de leur irritabilité. Or, nous avons vu que l'électricité possède toutes les qualités nécessaires pour constituer ce fluide excitateur, et qu’elle est assez généralement répandue partout, malgré ses variations, pour que les corps vivans en soient toujours pourvus.

Que quelqu’autre fluide invisible se joigne à l’électricité pour compléter la cause qui a la faculté d’exciter les mouvemens vitaux et tous les actes de l’organisation, cela est très-possible, mais je n’en vois nullement la nécessité.

Il me paroît que le calorique et la matière électrique suffisent parfaitement pour composer ensemble cette cause essentielle de la vie ; l’un en mettant les parties et les fluides intérieurs dans un état propre à son existence, et l’autre en provoquant, par ses mouvemens dans les corps, les différentes excitations qui font exécuter les actes organiques et qui constituent l’activité de la vie.

Tenter d’expliquer comment ces fluides agissent, et de déterminer positivement le nombre de ceux qui entrent comme élémens dans la composition de la cause excitatrice de tous les mouvemens organiques ; ce seroit abuser du pouvoir de notre imagination, et créer arbitrairement des explications dont nous n’avons pas les moyens d’établir les preuves.

Il nous suffit d’avoir montré que la cause excitatrice des mouvemens qui constituent la vie, ne réside dans aucun des fluides visibles qui se meuvent dans l’intérieur des corps vivans ; mais qu’elle prend sa source principalement, savoir :

1°. Dans le calorique, qui est un fluide invisible, pénétrant, expansif, continuellement actif, se tamisant avec une certaine lenteur à travers les parties souples qu’il distend et rend irritables par ce moyen, se dissipant et se renouvelant sans cesse, et ne manquant jamais entièrement dans aucun des corps qui possèdent la vie ;

2°. Dans le fluide électrique, soit ordinaire pour les végétaux et les animaux imparfaits, soit galvanique pour ceux dont l’organisation est déjà très-composée ; fluide subtil, dont les mouvemens sont d’une rapidité extraordinaire, et qui, provoquant les dissipations subites et locales du calorique qui distend les parties, excite les actes d’irritabilité dans les organes non musculaires, et les mouvemens des muscles lorsqu’il porte son influence sur leurs parties.

Si les deux fluides que je viens de citer combinent ainsi leur action particulière, il en doit résulter pour les corps organisés qui éprouvent cette action, une cause ou une force puissante qui agit efficacement, se régularise dans ses actes par l’organisation, c’est-à-dire, par l’effet de la forme régulière et de la disposition des parties, et entretient les mouvemens et la vie tant qu’il existe dans ces corps un ordre de choses qui y permet de semblables effets.

Tel est, selon les apparences, le mode d’action de la cause excitatrice de la vie ; mais on ne sauroit le regarder comme connu, tant qu’il sera impossible d’en établir les preuves. Telle est peut-être aussi, dans les deux fluides cités, la totalité des principes qui concourent à la production de cette cause ; mais c’est encore une connoissance sur laquelle on ne sauroit compter. Ce qu’il y a de très-positif à ces égards, c’est que la source où la nature prend ses moyens pour obtenir cette cause et la force qui en résulte, se trouve dans des fluides invisibles et subtils, parmi lesquels les deux que je viens d’indiquer sont incontestablement les principaux. Je dirai seulement que les fluides actifs et expansifs qui composent la cause excitatrice des mouvemens vitaux, pénètrent ou se développent sans cesse dans les corps qu’ils animent, les traversent partout en régularisant leurs mouvemens, selon la nature, l’ordre et la disposition des parties, et s’en exhalent ensuite continuellement avec la transpiration insensible qu’ils occasionnent. Ce fait est incontestable, et sa considération répand le plus grand jour sur les causes de la vie.

Examinons actuellement le phénomène particulier que je nomme orgasme dans les corps vivans, et de suite l'irritabilité que cet orgasme produit dans les animaux où, par la nature de leur corps, il obtient une grande énergie.