Éditions Georges du Cayla (p. 65-71).

CHAPITRE VII

Guy de Saivre m’avait-il oubliée ? Pas tout à fait cependant, car ce matin-là je reçus une boîte de chocolat. C’était ma fête. Une aimable attention de sa part. Il y avait sa carte et c’était tout. Pas un mot. J’exagérais certainement mon inquiétude concernant ses sentiments à mon égard. Il pouvait si bien s’il l’avait voulu me faire patienter. Comme j’étais éprise. Comme je l’aimais. Que n’aurai-je pas fait pour qu’il se décidât à m’aimer. Je doutais maintenant ! Voulait-il vraiment m’épouser ? S’il savait… Un seul espoir, un mot gentil, une toute petite promesse et je n’allais pas chez ce Dimier.

Il n’avait pas compris ma tendresse. J’étais furieuse. Rien ne pouvait maintenant me faire changer de décision. Je partis retrouver le disciple du modernisme.

Il m’attendait. Il me dit qu’il savait que je viendrais. S’il avait supposé qu’il ne devait ma visite qu’à ma désillusion. Pour me remettre j’acceptai plusieurs cocktails. Il me demanda si j’avais l’intention d’être gentille envers lui. D’accepter d’être son modèle, en camarade ajoutait-il…

Devant la réalité je refusai, cela me choquait.

— Je ne puis me mettre nue devant vous ! C’est impossible. Je n’oserai jamais.

Il essayait de me rassurer.

— Nous, les artistes, dans la nudité nous ne voyons que l’art. Soyez gentille, charmante Irène, soyez charitable pour un pauvre artiste qui n’aspire qu’au chef-d’œuvre !

Le bon apôtre. Comme il savait me griser de paroles et de cocktails. Peu à peu je me laissai convaincre.

Il me conduisit derrière un paravent. Puis retourna à son chevalet pour préparer sa toile.

J’hésitais. Il me restait encore un sentiment de pudeur. Je crus qu’il était trop tard pour reculer. Je me déshabillai. Nue, je m’enveloppai dans un peignoir. Je rentrai dans l’atelier, je montai sur l’estrade.

Dimier dut encore supplier pour me faire retirer le châle qui me dissimulait. Alors vaincue je fermai les yeux. Je le laissai tomber. Je me montrai telle que j’étais.

J’entendais les compliments qu’il m’adressait sur ma beauté. Il semblait travailler, J’ouvris les yeux.

Il s’approchait souvent, trop souvent. Sous prétexte de me donner la pose il me frôlait. Ses mains s’attardaient sur mes jambes, sur mon ventre. Je me reculais. Tout était à recommencer. Il se lassa vite de son barbouillage.

— Reposons-nous, me dit-il. Venez vous asseoir sur ce canapé.

Je pris mon peignoir, je le remis et j’allais prendre place à ses côtés.

Il m’interrogea lui aussi sur mes goûts, sur mes aspirations, se faisant insinuant, cherchant visiblement à me plaire. Il se rapprochait de moi. Être nue sous ce peignoir près d’un homme me produisait un effet étrange. J’étais émue. Lui-même semblait en proie à une étrange émotion. Son bras se posa sur le dossier du canapé, puis vint encercler mes épaules. Tout d’abord je voulus me dégager. Il me serra plus fort. Je poussais un cri. Sa bouche se posa sur ma bouche. J’essayais de le repousser. Il prolongea son baiser. Je n’eus plus la force de l’écarter. Sa main ouvrit mon peignoir. Frôla ma poitrine, la caressa, puis descendit le long de mon corps et s’introduisit entre mes jambes. Je poussais des gémissements. Je suppliais. Je me défendais sans conviction. Alors il me renversa sur le canapé, se pencha sur mon ventre. Je sentis un baiser brûlant. Rassurée je fermais les yeux en proie à l’extase de chaque soir. C’était la caresse de Lou. J’adorais cette volupté toujours nouvelle. Plus encore peut-être, sous le baiser de l’homme. Je m’y abandonnai.

Guy Dimier était un galant homme, il avait respecté ma jeunesse. Je n’aurais pas osé lui refuser davantage. Il savait que j’étais une vierge. Qu’il serait coupable d’en abuser. J’avais confiance en lui désormais.

J’aimais Guy de Saivre d’un véritable amour. Mon cœur lui appartenait. J’abandonnais mon corps à Guy Dimier. Je l’aimais d’un autre amour.

Je revins durant toute une semaine chez mon peintre. Il termina son tableau qui était loin d’être un chef-d’œuvre.

Mais j’étais la première à solliciter la caresse avec une impudeur frisant l’inconscience.

Je m’étendais alors de moi-même. Comme mon Lou, fidèlement il se rendait à mon désir. Puis sur sa demande j’acceptai moi-même de le caresser. La première fois je fus surprise et effrayée. Bientôt j’éprouvais une certaine volupté à baiser cette chair en feu. Doucement je la caressais en activant le désir par une pression savante jusqu’à ce que, violent, le désir s’épanche entre mes doigts, laissant mourir la volupté.