Éditions Georges du Cayla (p. 53-58).

CHAPITRE V

Une après-midi que je rentrais à la maison, après une courte promenade, j’entendis au salon des rires et des conversations animées.

Par discrétion, je restais dans ma chambre ; lorsque ma mère vint m’y chercher, elle me demanda de mettre ma plus jolie robe et de la rejoindre aussitôt ; j’obéis.

Je me trouvais tout à coup en présence de Monsieur Maxwell.

Je n’avais plus, je l’avoue, songé à lui. Lui, par contre, n’avait pourtant pas oublié ses promesses. Il manifesta une joie très vive de me rencontrer. Il me fit de nombreux compliments sur ma beauté et sur celle de ma toilette. Je lui répondis avec respect et amabilité. Il demanda à ma mère l’autorisation de m’emmener au bois avec lui. Il m’apprendrait à conduire. Elle accepta sa proposition avec un empressement qui m’étonna.

Le jour suivant, en effet, Monsieur Maxwell vint me prendre. Sous sa direction, je conduisais un joli petit cheval bai attelé à un ravissant tonneau. Sur notre passage, on se retournait. On prenait Monsieur Maxwell certainement pour mon père. J’étais très fière.

Il se contentait de me donner des avis, des conseils. Il me parlait comme à une petite fille. Je voyais qu’il me regardait avec plaisir. J’y mettais un peu de coquetterie. Je devais le troubler. Je remarquais son émotion. Je trouvais un peu curieux que ce Monsieur, dont l’âge dépassait celui de mon père, puisse ainsi s’intéresser à une jeune fille comme moi.

Au fond, j’étais très flattée. Ma modestie n’était pas exagérée.

Plusieurs jours, il vint ainsi me chercher. Un matin que nous avions ainsi parcouru le bois dans tous les sens, il m’offrit de prendre un porto au pavillon, rendez-vous des promeneurs.

Nous fîmes une entrée sensationnelle. Il y avait foule. Maxwell était connu. Nous nous installâmes à une table. Un jeune homme portant monocle, très élégant, se détacha d’un groupe, s’approcha de nous. Et familièrement tapa sur l’épaule de Maxwell, clignant de l’œil dans ma direction.

— Bonjour, mon oncle, quelle bonne surprise !

Monsieur Maxwell sursauta. La rencontre n’avait pas l’air de lui plaire. Il manifesta sa gêne par quelques grognements.

Le beau jeune homme se pencha à son oreille, lui murmura quelques paroles. Je compris qu’il lui disait :

— Une nouvelle conquête ? Puis, devant les dénégations de mon hôte, il insista pour m’être présenté.

Je rougis. Maxwell n’osa refuser, maudissant, j’en étais sûre, cette mauvaise rencontre.

— Monsieur Guy Dimier, mon neveu.

Encore un Guy, pensai-je, cela me fit sourire.

Un Guy numéro deux. Je n’en sortirai jamais.

Le nouveau venu s’installa naturellement à notre table. Il me déclara, malgré les grognements de son oncle, qu’il était artiste, peintre amateur, qu’il avait son atelier à Montparnasse. Que j’étais délicieuse et si mon oncle le permettait, il serait heureux de m’avoir comme modèle et bien d’autres choses qui me le rendirent fort sympathique.

M. Maxwell brusqua le départ, je m’amusais énormément. Comme son oncle avait le dos tourné il me glissa dans la main sa carte, me disant tout bas : « Venez, je vous attends ».

Je la dissimulais dans mon sac.

— C’est un bon à rien, un mauvais sujet me déclarait ce bon Maxwell, comme nous revenions.

C’était peut-être un bien mauvais sujet, mais il m’amusait, il m’intriguait. J’étais surprise du dépit de ce vieux fou de Maxwell.

Je commençais à comprendre que son intérêt à mon égard n’était pas tout à fait innocent.

Je n’avais pas l’intention d’aller chez son artiste de neveu. Mais ce dernier me plaisait, sûrement, bien davantage.

Ce soir-là, malheureusement, Lou coucha encore dans ma chambre. Je crois bien que je dus encore m’abandonner à ses caresses.