Pausanias, Béotie-1, chapitre X

Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (5p. 63-67).

CHAPITRE X.


Monuments aux environs de Thèbes. Temple d'Apollon Isménius. Manto. Fontaine de Mars et tombeau de Caanthus.

On voit un Polyandrium à peu de distance des portes, on y a enterré tous ceux qui furent tués en combattant contre Alexandre et les Macédoniens; un peu plus loin on vous montre le champ où Cadmus sema, à ce qu'on dit, (le croira qui voudra) les dents du dragon qu'il avait tué sur les bords de la fontaine ; et où ces dents produisirent des hommes.

A droite de ces portes est une colline consacrée à Apollon, on donne au dieu et à la colline le nom d'lsménius, à cause du fleuve Isménius qui passe auprès. Vous voyez d'abord devant l'entrée du temple une Minerve et un Mercure en marbre blanc, on les nomme Pronaoi ; on dit que le Mercure est de Phidias et la Minerve de Scopas. Vous trouvez ensuite le temple d'Apollon ; la statue du dieu est aussi grande que celle d'Apollon Branchide, et elle lui ressemble si parfaitement, que quiconque a vu l'une de ces deux statues, et sait qu'elle est l'ouvrage de Canachus, devine aisément, en regardant l'autre, qu'elle est du même artiste. Elles diffèrent seulement en ce que celle d'Apollon Branchide est en bronze, et celle d'Apollon Isménius en bois de cèdre.

Il y a là une pierre sur laquelle on dit que Manto, fille de Tirésias, s'asseyait ; elle est devant l'entrée, et on l'appelle encore maintenant le siège de Manto. A droite du temple sont deux statues en marbre qui représentent, à ce qu'on assure, l'une Hénioché et l'autre Pyrrha ; elles étaient filles de Créon, qui régna quelque temps à Thèbes, comme tuteur de Laodamas, fils d'Étéocle.

Voici ce qui se fait encore à présent à Thèbes, pour le service d'Apollon Isménius; on choisit tous les ans pour prêtre un jeune garçon d'une famille illustre et qui à la beauté réunisse la force du corps; on lui donne le nom de Daphnophore, parce que ces enfants portent des couronnes de laurier. Je ne puis dire si tous ceux qui remplissent cette charge sont obligés de consacrer au dieu des trépieds de bronze; cependant je ne le crois pas, car je n'en ai vu là qu'un petit nombre. Il est probable qu'il n'y a que les plus riches qui en offrent. Le plus remarquable de tous par son antiquité et par la célébrité du personnage qui l'a offert, est celui qu'Amphitryon dédia pour Hercule, son fils, alors Daphnophore.

Un peu au-dessus du temple d'Isménius, vous voyez une fontaine qui était, dit-on, consacrée à Mars ; ce dieu y avait établi un dragon pour la garder. Vers cette fontaine est le tombeau de Caanthus qui était, à ce qu'on prétend, fils de l'Océan, et frère de Mélia ; son père l'envoya à la recherche de sa sœur qui avait été enlevée ; il découvrit qu Apollon était le ravisseur, et ne pouvant la lui ôter, il eut l'audace de mettre le feu à l'enceinte consacrée à Apollon, et qu'on nomme maintenant l'Isménium; le dieu le tua à coups de flèches, disent les Thébains.

Le tombeau de Caanthus est donc dans cet endroit. Apollon eut, à ce qu'on assure, de Mélia, deux fils, Ténérus et Isménius ; il dona le premier du don de prédire l'avenir, et Isménius donna son nom au fleuve, qui portait auparavant celui de Ladon.