Paris en l’an 2000/Palais international

Chez l’Auteur et la Librairie de la Renaissance (p. 18-21).

§ 4.

Palais International.

Ce Palais est le monument le plus magnifique qu’aient jamais construit les hommes, et, quand les étrangers viennent à Paris, c’est la première chose qu’ils demandent à visiter, tant est grande la célébrité universelle de ce merveilleux édifice.

Le Palais international occupe à lui seul toute la surface de la Cité et de l’île Saint-Louis qu’on a déblayées, puis réunies en comblant le bras de Seine qui les séparait. Pris dans son ensemble, il offre la forme d’un immense navire parfaitement régulier dont la proue est à la pointe de l’île Saint-Louis, la poupe au terre-plein du Pont-Neuf et qui s’élève au milieu du fleuve comme s’il sortait du sein des flots.

Au midi et au nord, les deux façades d’un développement immense sont constituées par trois étages de terrasses et de colonnes qui occupent toute la longueur des deux îles, et forment trois galeries à perte de vue dont la perspective est on ne peut plus grandiose et frappe tous les spectateurs d’une profonde admiration.

La première de ces colonnades, la plus haute de toutes, trempe pour ainsi dire ses fûts dans les eaux de la Seine et domine le faîte des maisons voisines. Souvent inondée quand arrivent les grandes crues, elle offre une promenade fort agréable pendant les chaleurs de l’été et devient alors le rendez-vous favori des canotiers parisiens et des pêcheurs à la ligne.

Au-dessus de cette première construction, se trouvent un large balcon et une deuxième galerie d’où l’on voit se dérouler à ses pieds le panorama de Paris et des campagnes environnantes.

Enfin, sur cette seconde colonnade, on en a bâti une troisième dont tous les architectes admirent la hardiesse et qui donne à l’édifice un aspect singulièrement monumental. Elle supporte une vaste terrasse bordée d’une balustrade à jour qui d’en bas semble une dentelle et qui de près a des proportions gigantesques.

Les façades orientale et occidentale du Palais, beaucoup moins développées que les précédentes, présentent de même un triple rang de galeries, seulement celles-ci ne sont pas en ligne droite mais dessinent un cintre arrondi. De plus elles sont ornées de statues et de bas-reliefs, et par leur disposition, elles rappellent la proue et la poupe d’un vaisseau de pierre qui flotterait sur la Seine, englobant dans son vaste flanc tout l’espace où s’élevait jadis le Paris primitif des Gaulois et des Romains.

La façade intérieure du Palais n’est pas moins magnifique que celle donnant sur le Fleuve, mais elle est construite dans un style moins sévère et une gracieuse ornementation vient rompre heureusement la monotonie de ses lignes.


Le Palais international sert de résidence au Gouvernement de la République sociale. À cet effet, il est distribué en salles, en galeries, en bureaux et autres pièces destinées aux services publics, meublées et décorées avec une somptueuse magnificence. Mais la partie la plus curieuse du Palais, celle que les voyageurs vont visiter tout d’abord, c’est le Temple de la religion socialiste, édifice magnifique qui surpasse par sa grandeur et sa richesse les plus belles cathédrales des autres cultes.

Situé au milieu des deux îles réunies et sur l’emplacement même qu’occupait jadis Notre-Dame, ce Temple est à lui seul un monument tout entier faisant partie d’un autre monument qu’il domine et qu’il écrase. Sur ses flancs arrondis, mille colonnes monstrueuses s’élevant au-dessus de la masse du Palais semblent vouloir escalader le ciel et portent jusque dans la nue un dôme immense, inouï, prodigieux, le fer employé à sa construction ayant rendu possibles toutes les audaces de l’architecture et réalisé pour ainsi dire le rêve de la Tour de Babel.

À l’intérieur, le Temple socialiste forme une nef unique au monde, d’une étendue et d’une élévation incroyables, et que soutient sur les côtés une double rangée de pilastres colossaux. Jamais celui qui n’a pas vu ce spectacle ne pourra se figurer l’effet puissant et grandiose de ces pilastres gigantesques qui s’élancent d’un seul jet de la terre jusqu’à la coupole et qui, par un effet savant de perspective, semblent encore plus hauts qu’ils ne le sont réellement.

Les bas côtés du Temple, construits dans des proportions moins majestueuses et plus en rapport avec la petitesse humaine, sont par contre ornés avec une magnificence extraordinaire et cherchent à flatter l’œil qu’ils ne peuvent étonner. Les marbres les plus brillants que rehaussent encore la sévérité des bronzes et l’éclat des ors, servent de cadre à des peintures, à des statues, à des bas-reliefs, tandis qu’un jour mystérieux tamisé par les vitraux de couleur joue sur toutes ces richesses et les anime de magiques reflets.

C’est dans ces bas côtés qui, s’ils étaient isolés, constitueraient à eux seuls de vastes temples, c’est là que s’accomplissent toutes les cérémonies de la religion socialiste, cérémonies aussi simples dans leur conception première que magnifiques par leur exécution et dont on trouvera le tableau à la fin de cet ouvrage.