Paris en l’an 2000/Chemins de fer métropolitains

Chez l’Auteur et la Librairie de la Renaissance (p. 22-26).

§ 5.

Chemins de fer métropolitains.

Ce n’était pas assez pour le Gouvernement socialiste d’avoir créé la circulation dans l’intérieur des maisons, mais il fallait encore l’organiser dans les anciennes rues, et doter la ville d’un système de chemins de fer permettant de se transporter rapidement d’un point à un autre.

À cet effet, on commença par construire une vingtaine de voies ferrées qui partaient toutes du centre de Paris, du Palais international, et se dirigeaient vers les diverses barrières de la capitale où elles se raccordaient avec les lignes de la province.

Ces chemins de fer rayonnants occupent le milieu de larges boulevards récemment percés et bordés de maisons-modèles. Ils sont établis sur des viaducs assez élevés qui passent au-dessus des rues, et partant, ne gênent en rien la marche des voitures et des piétons. Ces viaducs, construits tout en fer et avec de grandes portées, sont d’une légèreté, d’une hardiesse étonnantes, et, bien loin de nuire à la beauté de la ville, ils en forment un des principaux ornements. Rien n’est magnifique comme la perspective de ces chemins de fer aériens, longs de plusieurs kilomètres, et qui, portés par leurs innombrables arceaux, dessinent une ligne droite interminable et se perdent à l’horizon. C’est surtout du haut du Palais international que le spectacle est grandiose. Les vingt viaducs arrivant pour ainsi dire de tous les pays de l’univers et portant sur leurs rails les voyageurs des Deux-Mondes, viennent aboutir à vos pieds, et donnent ainsi l’image la plus saisissante de la fraternité universelle des Peuples et de l’unité du genre humain.

Le système des chemins de fer métropolitains est complété par un second réseau qui, lui, affecte des directions circulaires. Ces nouvelles voies sont établies sur des viaducs assez bas qui passent au-dessous des lignes rayonnantes. Elles partent toutes de la Seine et forment autour du Palais international une demi-douzaine de chemins de fer de ceinture également espacés et desservant tous les quartiers de la ville.


De nombreux convois remorqués par des locomotives fumivores circulent à brefs intervalles sur toutes les voies métropolitaines. Ces convois marchent avec une vitesse assez grande, et, cependant, ils prennent et laissent fréquemment des voyageurs en route, grâce à un système très-ingénieux qui, à chaque station, permet de changer le dernier wagon du train, sans qu’on ait besoin d’arrêter celui-ci ou même d’en ralentir la marche. Partout où un chemin de fer rayonnant croise une voie circulaire, on a établi une station commune, ce qui permet de se rendre de n’importe quel quartier dans tous les autres, à l’aide d’un trajet presque direct et en changeant une seule fois de voiture.

Les wagons qui desservent les chemins de fer de Paris sont vastes, commodes, ventilés en été, chauffés en hiver. On les a disposés de façon à ce qu’on puisse passer d’une voiture dans une autre et circuler dans toute la longueur du train, et on y pénètre, non par des portières latérales, mais par une entrée unique située à l’arrière du convoi. À chaque station, les personnes qui désirent descendre se rendent dans le wagon de queue, qu’on abandonne et qu’on remplace par la voiture où se trouvent les nouveaux voyageurs.

Les wagons métropolitains sont de deux modèles. Les uns, très-simples, pourvus de banquettes solides et ne courant aucun risque d’être endommagés, occupent toujours l’arrière du convoi. Ils sont destinés aux personnes malpropres ou portant de volumineux paquets. Les autres voitures placées toujours en tête sont beaucoup plus luxueuses. Suspendues sur de quadruples ressorts, tendues de riches étoffes, ornées de passementeries et moelleusement capitonnées, elles reçoivent tous les voyageurs dont la tenue est en harmonie avec ces somptuosités. Du reste, le prix de ces wagons de luxe n’est pas plus élevé que celui des autres et tout individu vêtu de façon à ne rien détériorer est libre d’y entrer.

Le prix des places est des plus modiques, de 10 centimes seulement, quelle que soit la longueur du parcours. Comme on peut aller partout en prenant une correspondance, la plus longue course ne coûte donc jamais plus de 20 centimes. En ajoutant 5 centimes, on peut monter dans de petits omnibus qui attendent à chaque station et vous conduisent rapidement à l’endroit même où vous désirez aller.

Les chemins de fer qu’on vient de décrire sont destinés exclusivement aux voyageurs. Quant aux marchandises, elles circulent sur des voies ferrées souterraines, établies dans les sous-sols des maisons-modèles, voies ferrées qui se ramifient dans tout l’intérieur de Paris et sur lesquelles il se fait un transport réellement incroyable.

Grâce à cette double circulation des convois, l’une aérienne, l’autre souterraine, il ne se produit pas une seule collision, et la ville est sillonnée nuit et jour, dans tous les sens, par d’innombrables trains qui passent à toute vitesse à côté ou au-dessus des uns des autres et se croisent à chaque instant sans jamais pouvoir se heurter.

Paris ne fut pas la seule cité qu’on dota de voies ferrées, mais on en établit de semblables dans toutes les villes de province présentant quelque importance et situées sur un chemin de fer. Bien entendu, le réseau en était beaucoup moins compliqué que dans la capitale, et se réduisait à une ou deux lignes desservant la station et les principaux quartiers, et destinées également au transport des marchandises et des voyageurs.