CHAPITRE XV

COMMENT LE MARQUIS DE PALMARÈS FIT UN MARCHÉ AVEC DON SYLVIO DE CARVAJAL, ET CE QUI EN ADVINT.


La nuit était claire, étoliée, brillante ; la lune semblait nager dans l’éther ; ses rayons, d’un blanc bleuâtre, imprimaient aux objets une apparence fantastique ; la température était fraîche, presque froide.

Les rues, en apparence du moins, étaient complètement désertes ; çà et là on voyait scintiller dans l’ombre la lanterne d’un celador ou sereno, blotti sous l’auvent d’une boutique ou dans l’enfoncement d’une porte cochère ; un calme profond, un silence de plomb, qui avait quelque chose de sinistre, planait, comme un mystérieux linceul, sur la capitale endormie. Madrid se reposait des fatigues du jour.

Au moment où le marquis de Soria et le chef de la police de sûreté mettaient le pied dans la rue, la demie après quatre heures sonna lugubrement à la Puerta del Sol, et vibra longtemps dans l’espace ; les deux hommes tressaillirent malgré eux à ce glas funèbre ; ils s’enveloppèrent jusqu’aux yeux dans les plis pressés de leurs manteaux ; ils marchèrent lentement côte à côte, tenant le milieu de la chaussée et causant avec animation à voix basse, tout en jetant autour d’eux des regards inquisiteurs.

Don Sylvio Carvajal désirait obtenir du marquis de Soria le plan détaillé de l’hôtel Salaberry, et plus particulièrement celui de l’aile de l’hôtel habitée par le marquis et la marquise de Palmarès Prias y Soto, plan qu’Olivier, sans se faire prier, lui expliquait minutieusement : tout autant du moins que le lui permettait sa mémoire, car il n’était entré que très-rarement dans cette partie de l’hôtel, et seulement lorsque sa sœur s’y trouvait par hasard. Puis don Sylvio Carvajal, toujours avec la plus exquise politesse et sans paraitre y attacher la moindre importance, fit tomber la conversation sur les événements de la nuit : le voyage précipité de la marquise, sa façon de vivre avec son mari, et jusqu’à quel point la bonne harmonie régnait entre le mari et la femme dans leurs relations intérieures.

Olivier comprenait parfaitement le but de toutes ces questions. Malgré la haine et le mépris que devait lui inspirer le marquis de Palmarès, il éprouvait, cependant, une répugnance instinctive à fournir des preuves contre lui ; il se borna à donner à don Sylvio Carvajal — à ce qu’il supposait, du moins, car il n’avait pas en ce moment la plénitude complète de ses facultés et la lucidité ordinaire de son esprit — quelques détails superficiels, et, par conséquent, peu compromettants, sur les relations des deux époux entre eux, passant légèrement sur certains faits assez graves dont il avait été témoin. Pourtant, malgré toutes ces réticences, il paraît qu’Olivier avait affaire à un de ces hommes qui comprennent à demi-mot ou que, sans s’en douter lui-même, il lui en avait dit assez pour l’éclairer. Toujours est-il qu’au moment où ils s’arrêtèrent devant l’hôtel Salaberry, don Sylvio Carvajal lui dit avec un fin sourire :

— Je comprends maintenant tout, monseigneur.

— Comment, tout ? se récria Olivier avec surprise.

— Oui, monseigneur, reprit tranquillement don Sylvio Carvajal, je comprends l’exclamation qui, dans le premier moment de surprise, vous est échappée ; mais rapportez-vous-en à moi, je vous dirai, avant dix minutes, si vous vous êtes trompé ou non.

Olivier fut atterré ; il était persuadé de n’avoir rien révélé.

Il se fit reconnaître par le concierge ; la porte lui fut aussitôt ouverte.

Les deux hommes franchirent le seuil et pénétrèrent dans l’hôtel.

Ils s’engagèrent alors dans la longue allée de tilleuls conduisant à la façade de l’hôtel.

Au moment où ils émergeaient de cette allée et atteignaient le double perron, un homme parut sur le seuil de la porte, dont les deux battants étaient ouverts.

La lune éclairait en plein son visage pâli et ses traits convulsés, auxquels cette clarté blafarde donnait une expression sinistre.

— Voici le marquis de Palmarès Frias y Soto, dit Olivier à voix basse à don Sylvio Carvajal.

— Ah ! s’écria le marquis d’une voix rauque, c’est vous, mon frère ; pourquoi, hélas ! n’êtes-vous pas resté près de la marquise ? Des bandits sachant l’hôtel désert, sans doute, s’y sont introduits je ne sais comment. Quel horrible malheur ! En rentrant, il y a une heure, j’ai trouvé la fenêtre du cabinet de toilette de la marquise brisée, et elle, ma pauvre et chère Santa, morte et affreusement mutilée. Oh ! il me faudra une vengeance éclatante d’un aussi horrible forfait ! ajouta-t-il en cachant sa tête dans ses mains, comme s’il eût succombé à son désespoir.

Tout cela fut dit d’un seul trait, tout d’une haleine, avec l’accent monotone d’une leçon apprise.

— Justice sera faite, monseigneur, répondit don Sylvio Carvajal.

— Ah ! c’est vous enfin, señor Alcade de Barrio ! s’écria le marquis en relevant brusquement la tête et fixant un regard égaré sur le chef de la police de sûreté ; je suis heureux de vous voir ici. Je vous attends depuis longtemps ; Dieu soit loué ! ce crime épouvantable sera donc vengé !

— Je vous le promets, monseigneur, répondit don Sylvio Carvajal d’un accent glacé.

Le marquis de Palmarès tressaillit ; mais, se raidissant par un effort suprême :

— Quel affreux malheur, mon cher don Carlos ! Comme vous devez souffrir, vous aussi ! s’écria-t-il d’une voix larmoyante en se frappant le front d’un air navré.

— Comme vous, mon frère, répondit Olivier qui avait peine à retenir ses larmes, j’espère que justice sera faite de l’assassin, dussé-je, pour obtenir cette justice, aller jusqu’à la reine régente elle-même !

Le marquis chancela visiblement à cette rude attaque ; il jeta un regard effaré autour de lui ; mais se remettant tout à coup :

— Suivez-moi, dit-il d’une voix sourde, nous perdons notre temps ici ; venez, je vais vous conduire sur le théâtre du crime.

Et il s’avança en avant tête baissée.

— Eh bien ? demanda Olivier à don Sylvio Carvajal.

— C’est le marquis qui a tué sa femme ! lui répondit le chef de la sûreté à voix basse.

— Sur mon honneur, je le crois s’écria Olivier avec une douloureuse conviction.

— Chut ! dit don Sylvio Carvajal, pas un mot, pas un geste qui pourraient lui donner l’éveil.

Tous les domestiques de l’hôtel, attirés par la curiosité, mais surtout par le vif intérêt qu’ils portaient à leur maitresse, qu’ils aimaient sincèrement, avaient suivi de loin les deux hommes et s’étaient peu à peu rapprochés.

Don Sylvio Carvajal fit un signe à l’un d’eux et lui dit quelques mots à l’oreille ; le valet s’éloigna aussitôt en courant le long de l’avenue.

Un candélabre à huit branches était allumé et posé sur une table, dans la première antichambre ; le marquis le prit et guida les deux hommes à travers plusieurs pièces, où tout paraissait être dans l’ordre le plus parfait ; enfin, il s’arrêta avec une visible hésitation devant une porte dont la portière de velours était relevée, et qui n’était que poussée ; cette portière, de couleur bleue, était encadrée de larges bandes d’argent ; sur une de ces bandes apparaissait marquée l’empreinte de cinq doigts sanglants.

Don Sylvio Carvajal désigna cette tache sinistre d’un regard à Olivier, en posant un doigt sur ses lèvres pour lui recommander le silence.

Le marquis ne voyait rien ; le flambeau tremblait dans sa main ; cependant il poussa la porte.

— C’est là dit-il d’une voix sourde.

Les deux hommes laissèrent échapper un cri d’horreur au spectacle hideux qui s’offrit tout à coup à leurs regards épouvantés.

Le marquis, après avoir fait quelques pas en chancelant, avait posé le candélabre sur la cheminée et s’était affaissé anéanti dans un fauteuil.

Cette pièce était une chambre à coucher ; tout y était pêle-mêle, confondu au hasard. Les tentures étaient déchirées par places ; les rideaux pendaient à demi arrachés ; les meubles étaient renversés et brisés ; les tiroirs, bouleversés, gisaient sur le sol, laissant à demi échapper ce qu’ils contenaient ; le ciel de lit ne tenait plus que par miracle ; les glaces étaient étoilées, les porcelaines renversées ça et là, au milieu de bijoux, de diamants de toutes sortes, jusqu’à des pièces d’or éparpillées sur le parquet et partout ; sur les murs sur les rideaux, des traces sanglantes de doigts et de mains crispés.

On aurait dit que des bêtes fauves enfermées dans cette pièce, s’étaient livrées un combat acharné sans merci.

Et au milieu de ce pêle-mêle, de ce tohu-bohu effroyable, la marquise, les vêtements lacérés, en désordre, à demi nue, gisait agenouillée sur le sol, le haut du corps renversé sur une chaise longue, les yeux ouverts, écarquillés par l’épouvante, et les traits horriblement convulsés ; un pistolet de poche à monture d’argent ciselé, taché de sang, était sur le plancher, près d’elle. À travers ses vêtements en loques, on apercevait son corps couvert de blessures semblant faites par des fauves, et bleui par des coups frappés comme avec un assommoir ; mais aucune de ces blessures n’était mortelle, ni même grave ; la marquise avait été étranglée ; son cou tordu et tuméfié, les doigts de l’assassin marqués en taches livides, ne laissaient aucun doute à cet égard.

Particularité étrange, le pauvre cadavre conservait encore ses bijoux : diamants aux oreilles, bagues aux doigts, une lourde rivière au cou ; à quoi pensaient donc ces bandits dont le marquis avait parlé et qu’il avait dénoncés ? Comment, après avoir commis un crime aussi épouvantable, avec de si horribles circonstances, s’étaient-ils retirés les mains vides ? Tout avait été brisé et bouleversé, mais rien n’avait été volé. Ce fait était incompréhensible !

— Regardez ! s’écria tout à coup Olivier en désignant au chef de la police la main droite de la marquise.

— Oh ! oh ! fit don Sylvio Carvajal en hochant la tête à plusieurs reprises.

Il s’agenouilla près de la pauvre morte, desserra les doigts de sa main droite et enleva un papier froissé, taché de sang, qu’elle tenait caché dans sa main crispée.

Le marquis avait fait un mouvement brusque, comme pour s’élancer ; son regard avait jeté un fulgurant éclair, mais il était aussitôt retombé inerte, à demi évanoui, sur le fauteuil.

Don Sylvio Carvajal déplia le papier et le parcourut des yeux avec une expression ressemblant à de l’épouvante.

— Lisez, monseigneur, dit-il à Olivier en lui tendant la lettre.

— Oh ! je comprends tout maintenant ! s’écria celui-ci avec désespoir, après avoir lu.

Le chef de la police avait ouvert le cabinet de toilette, par lequel le marquis prétendait que les bandits s’étaient introduits dans l’appartement ; les deux hommes y entrèrent : la fenêtre était brisée, en effet, mais elle l’avait été du dedans et non du dehors ; de plus, ils aperçurent une serviette tachée de sang, jetée sous un meuble ; une cuvette, dans laquelle restaient encore quelques gouttes d’une eau sanglante, avait été versée à la hâte par la fenêtre, au bas de laquelle il y avait une large place humide. Les deux hommes échangèrent quelques paroles rapides à voix basse et revinrent dans la chambre à coucher.

Le marquis n’avait pas fait un mouvement.

Don Sylvio Carvajal s’approcha de lui, et, d’une voix triste mais ferme :

— Monseigneur, lui dit-il, personne autre que vous n’a pénétré cette nuit dans la chambre à coucher de Mme la marquise de Palmarès ; son assassin, c’est vous !

— Moi ! s’écria-t-il avec épouvante, en jetant autour de lui des regards égarés.

— Vous ! Regardez-vous dans cette glace : vous avez encore sur le visage des taches de sang que vous n’avez pas songé à faire disparaître !

Et, lui posant la main sur l’épaule :

— En conséquence, ajouta-t-il, au nom de S. M. G. la Reine régente, et en vertu des pouvoirs qui me sont donnés, moi, don Sylvio Carvajal, Alcade de Barrio, chef de la police de sûreté de cette ville capitale de Madrid, je vous arrête. Vous, don Fernan Enrique Bustamente, rico-hombre d’Albaceyte, marquis de Palmarès Frias y Soto, grand d’Espagne de première classe, vous êtes mon prisonnier. Par considération pour le noble nom que vous portez, je vous éviterai l’humiliation d’une arrestation publique, si vous me donnez votre parole de me suivre sans essayer de vous échapper.

— Ainsi vous…, je…, bégaya-t-il, sans savoir ce qu’il disait, tant le coup qui le frappait l’avait atterré.

— Monseigneur, j’attends votre réponse, interrompit don Sylvio Carvajal avec un accent glacé.

— Soit ; vous avez ma parole, je vous suivrai ; je suis innocent, dit-il d’une voix presque inarticulée.

Olivier avait donné l’ordre d’atteler une voiture ; cette voiture était avancée au pied du perron.

Tous les domestiques, groupés dans l’allée, regardaient avec consternation.

Ils adoraient leur maîtresse ; ce crime odieux leur faisait horreur.

— Ce billet ne doit être vu de personne ; rendez-le-moi, monseigneur, dit à voix basse don Sylvio Carvajal à Olivier.

— Je ne le puis en ce moment ; laissez-le-moi quelques jours, je vous jure sur l’honneur que je ne le montrerai à personne qui puisse en abuser contre l’assassin, et que je l’anéantirai devant vous.

— Que voulez-vous en faire ?

— Un usage que vous approuverez.

— Je retiens votre parole, monseigneur.

— Je vous l’ai donnée, bientôt je la dégagerai.

Don Sylvio Carvajal salua courtoisement Olivier, aida le marquis à monter dans la voiture, s’assit en face de lui et donna l’ordre du départ.

Par l’ordre d’Olivier, le corps de la marquise fut relevé, lavé et changé de vêtements par ses caméristes, puis on le transporta dans un autre appartement ; on l’étendit sur un lit de parade, et quatre prêtres vinrent s’installer au chevet de la chère morte, qu’ils veillèrent en récitant l’office des morts.

Devant tous les domestiques réunis, Olivier ferma à clef la chambre du meurtre, défendant qu’on y pénétrât, confia la clef au concierge de l’hôtel et entra chez lui, brisé par la douleur et les émotions de cette épouvantable nuit.

Depuis longtemps le marquis de Palmarès avait vu les portes de la prison se refermer sur lui.

Olivier, accoutumé au rude métier de marin et à celui de coureur des bois, les deux métiers les plus dangereux qui soient au monde, était une âme énergique, un cœur de lion ; il avait vu les tempêtes les plus terribles, les combats les plus acharnés ; il avait marché dans le sang jusqu’aux genoux et bravé cent fois la mort en face, luttant contre les éléments, les fauves et les hommes, plus féroces et plus redoutables que les tigres et les panthères ; mais ce crime, lâchement cruel, cet assassinat à coups d’ongles, à la façon des hyènes et des chacals, révoltait sa nature généreuse et lui inspirait un dégoût mêlé d’effroi. Il avait la fièvre ; tous ses muscles tressaillaient, ses artères battaient à se rompre ; une odeur fade de sang montait à ses narines. Il se demandait comment un homme d’un esprit distingué et cultivé, appartenant aux rangs les plus élevés de la société, avait pu froidement, de parti pris, méditer un crime aussi atroce ; il y avait là une énigme dont le mot lui échappait : était-ce une monomanie furieuse, une luxure sanguinaire, une fièvre féroce, qui avaient surexcité cet homme, d’un caractère relativement doux, à commettre une action aussi horrible, avec d’aussi effroyables raffinements de cruauté ?

Et alors, résumant dans son esprit la connaissance qu’il possédait du caractère de chacun des deux acteurs de ce drame sinistre, il se mit machinalement à reconstituer la scène telle qu’elle avait dû avoir lieu, en analysant froidement les sentiments respectifs des deux époux, au moment du crime.

La marquis n’était pas un homme méchant, tant s’en faut, mais chez lui les instincts brutaux et matériels dominaient dans d’énormes proportions ; la violence de son caractère était très-grande ; sa colère, souvent terrible, atteignait parfois les limites extrêmes où la folie commence.

Au contraire, la marquise, esprit essentiellement distingué, fin et délicat, bonne, affectueuse, mais mordante, acerbe et très-emportée, bien qu’elle aimât profondément son mari, se jugeait très-supérieure à lui ; elle méprisait trop, peut-être sans en avoir conscience elle-même, ce qu’il y avait de trop matériel et presque de bestial dans l’organisation grossière de cet homme, dont cependant elle était jalouse.

Le marquis, de son côté, tout en trompant sa femme sans scrupule, avait pour elle un respect sincère et profond ; de plus, placé par sa faute dans une position non-seulement excessivement délicate, mais encore très-dangereuse, si le nom de la femme pour laquelle il trompait doña Santa était un jour révélé à celle-ci, il tremblait devant sa jalousie, tout en n’osant pas rompre une liaison où sa vanité était pour une plus grande part que son cœur ; il n’envisageait qu’avec une véritable terreur les conséquences soit d’une rupture, soit d’une indiscrétion, émanant non pas directement de lui, mais de sa femme, dont il connaissait la violence de caractère, et qui, le cas échéant, ne ménagerait aucunes convenances, si hautes qu’elles fussent.

De là les précautions sans nombre qu’il prenait et le mystère dont il entourait une liaison dont, il en avait le pressentiment, la rupture devait avoir pour lui les suites les plus funestes.

Cela posé, voici quelles furent les déductions qu’en tira Olivier, et comment il reconstitua la scène qui avait dû se passer entre les deux époux.

En rentrant à l’hôtel Salaberry, le marquis, ignorant l’arrivée de sa femme, ne savait pas se trouver tout à coup face à face avec elle ; il avait tout à la fois été surpris, effrayé et irrité en la voyant ainsi, à l’improviste, se dresser devant lui.

Alors il y avait eu une querelle violente entre les deux époux.

La marquise avait éclaté en menaces en lui montrant la lettre qu’elle avait surprise et s’en faisant une arme contre son mari ; la frayeur de celui-ci s’était changée en épouvante : il avait compris les conséquences terribles d’une révélation ; la colère l’avait aveuglé, il s’était laissé emporter par la violence de son caractère, il s’était élancé sur sa femme pour lui arracher la lettre fatale ; la marquise avait résisté, elle s’était défendue, en redoublant de menaces, de sarcasmes et d’insultes.

Alors la lutte avait commencé ; elle n’avait pas tardé à prendre des proportions déplorables. La marquise avait eu peur ; elle avait voulu appeler à l’aide, et s’était élancée vers les cordons de sonnette, que son mari, plus agile, avait tranchés avant qu’elle pût les atteindre. Malgré son épouvante, sa terreur, la marquise s’obstinait toujours à ne pas vouloir donner la lettre ; son mari rugissait, il frappait sa femme à coups redoublés pour la contraindre à la lui céder ; sans intention peut-être, il avait mal calculé ses coups : la marquise tomba et défaillit ; il la crut mortellement blessée, il se vit perdu. La pensée du meurtre entra dans son esprit ; alors il se rua sur sa femme, la frappant du pommeau d’un pistolet qui, par hasard, se trouva sous sa main. La marquise, rappelée à la vie par la violence même des coups qu’elle recevait, s’était relevée et avait voulu fuir ; alors avait commencé autour de cette chambre une poursuite effroyable, indescriptible. La marquise, sanglante, échevelée, tombant, se relevant, s’appuyant aux murs ou aux meubles, s’accrochant aux rideaux, effarée, affolée par la terreur, n’ayant plus conscience de cette scène hideuse, criait : Grâce ! et machinalement elle retenait toujours dans sa main crispée la lettre que lui redemandait son mari en redoublant ses coups ; enfin, à bout de forces, elle s’était affaissée sur elle-même et était tombée, défaillante, près d’une chaise longue ; le marquis, arrivé au paroxysme de la folie furieuse, s’était précipité sur elle avec la rage d’un fauve, avait noué ses mains autour de son cou et l’avait étranglée !

Mais à peine le crime avait-il été commis que la réaction s’était faite dans l’esprit du marquis ; toute l’horreur de l’épouvantable forfait qu’il avait commis lui était apparue. Machinalement, instinctivement, poussé par le désir de la conservation, qui jamais n’abandonne l’homme, il avait maladroitement essayé de donner le change et de détourner les soupçons ; il avait rendu le désordre plus grand, avait brisé une fenêtre et inventé une ridicule histoire de voleurs, dont la fausseté devait, dès le premier instant, éclater aux yeux de tous ; puis il s’était lavé les mains, avait rétabli l’harmonie de sa toilette et, devant ses gens, avait joué une hideuse scène de désespoir dont ceux-ci n’avaient pas été dupes : ils étaient accoutumés aux scènes violentes qui, chaque jour, avaient lieu entre les deux époux ; ils avaient tout entendu, croyant à une querelle comme celles auxquelles ils assistaient si souvent dans cet intérieur tourmenté, ils n’avaient pas osé intervenir ; mais lorsque le marquis, continuant sa lugubre comédie, avait donné l’ordre d’aller au plus vite prévenir l’Alcade de Barrio, deux ou trois valets, terrifiés et désespérés, s’étaient empressés d’obéir.

Devant son beau-frère et le chef de la police, le marquis ne s’était pas senti la force de jouer jusqu’au bout le rôle qu’il avait prétendu prendre : tous les ressorts de son esprit étaient brisés. D’ailleurs, il n’était pas un malfaiteur dans la vulgaire acception du mot ; il avait cédé à la frayeur, il avait été saisi d’un accès de folie furieuse : de là son crime, crime injustifiable, mais dont lui-même n’avait pas conscience en le commettant.

En somme, ce crime odieux avait été commis sous l’impulsion de l’un des sentiments les plus vils de l’humanité, celui de la peur !

Ce fut ainsi qu’Olivier reconstitua, une à une, dans son esprit, après mûres réflexions, les péripéties effroyables de cette hideuse tragédie ; ses inductions étaient essentiellement logiques, elles étaient justes, la scène avait dû se passer ainsi.

Cependant, malgré toutes les précautions prises pour étouffer cette affaire, la nouvelle s’en était répandue avec une rapidité électrique, et avait éclaté comme un coup de foudre sur la ville à son réveil, commentée, brodée et augmentée avec toute l’exagération particulière aux races méridionales.

La population tout entière de Madrid était plongée dans la stupeur et l’épouvante. La calle de Alcala se trouva en un instant envahie par une foule innombrable qui accourait voir le théâtre du meurtre. Victor Hugo, le grand maître, le génie puissant, a dit quelque part : Rien n’est curieux à examiner comme un mur derrière lequel il s’est passé quelque chose. Il a eu cent fois raison, le profond philosophe ; il connaît bien toutes les faces de la bêtise humaine. Vers midi, cette foule devint si compacte, non-seulement dans la calle de Alcala, mais encore sur la Puerta del Sol, où elle débordait, que la police fut contrainte de la dissiper.

Olivier avait demandé une audience particulière à la reine régente ; cette audience lui avait été accordée pour le lendemain sept heures du matin ; Olivier ne sortit pas de chez lui, où pendant toute la journée affluèrent les cartes de toute la grandesse.

Vers le soir, don Sylvio Carvajal se présenta.

— Eh bien ? lui demanda Olivier.

— Le prisonnier est tombé dans une apathie complète ; il garde un silence farouche, monseigneur, répondit le chef de la police.

— Il n’a vu personne ?

— Non, monseigneur ; il est au secret le plus absolu.

— Mieux vaut qu’il en soit ainsi.

— Et vous, monseigneur, me permettez-vous de vous demander ce que vous comptez faire ?

— J’ai demain audience de Sa Majesté la Reine régente, à sept heures du matin. Soyez ici à midi, nous causerons.

— Je serai exact, monseigneur. Votre Excellence n’a pas oublié la parole qu’elle m’a donnée ?

— Nul ne verra ce billet, aucun nom ne sera prononcé : je m’y suis engagé envers vous.

— Merci, monseigneur. À demain midi.

— C’est convenu.

Don Sylvio Carvajal salua et se retira.

Le lendemain, à sept heures précises, Olivier se présenta au palais. Il fut immédiatement introduit en présence de la reine régente.

L’audience se prolongea pendant plus d’une heure. Nul ne sut ce qui se passa pendant cette longue entrevue ; nul, probablement, ne le saura jamais.

Quelques mots furent seuls entendus lorsque Olivier se retira.

— Marquis, dit la Reine, je ne veux pas qu’un rico-hombre, un grand d’Espagne, membre de la Toison-d’Or, monte sur l’échafaud pour crime de droit commun ; pourtant j’ai promis et juré que justice serait faite du coupable.

— Madame, répondit Olivier, les Salaberry sont hauts justiciers en Galice et Castille-Vieille.

— Je le sais, mon cousin ; je sais aussi qu’ils savent garder leur honneur. J’ai ta parole ?

— Je la tiendrai, madame.

— Tu refuses de me remettre cette lettre ?

— Votre Majesté connaît les motifs de mon refus, madame ; il y a, Votre Majesté le sait, des noms que nulle souillure ne doit atteindre.

— Soit. Je n’insisterai pas. Tu es un Salaberry, mon cousin : cela me suffit.

— Votre Majesté me comble, madame.

— Marquis, souviens-toi surtout de ta promesse.

— L’assassin se fera justice lui-même ; je m’y engage envers Votre Majesté.

— Bien, mon cousin, je te verrai toujours avec plaisir au palais.

C’était un congé ; Olivier s’inclina respectueusement devant la Reine régente, qui lui donna sa main à baiser. Il rentra chez lui ; don Sylvio Carvajal l’attendait.

— Une haute cour de justice, lui dit Olivier, va être convoquée par ordre de la Reine régente ; cette cour se composera des membres les plus élevés de la noblesse. La veille du jour où elle se réunira, soyez ici à dix heures du soir, nous nous rendrons ensemble à la prison où est détenu le marquis de Palmarès Frias y Soto.

— Je serai exact, monseigneur, répondit don Sylvio Carvajal, et il se retira.

Une haute cour fut, en effet, convoquée pour juger l’assassin ; cette mesure produisit le meilleur effet, en prouvant que la régente était résolue à laisser la justice avoir son cours. On apprit que le directeur général de la police s’était plusieurs fois présenté dans la prison du marquis pour l’interroger, mais que celui-ci avait refusé de répondre, et s’était obstinément renfermé dans un mutisme absolu.

La veille du jour fixé pour la première séance de la haute cour, à dix heures du soir, don Sylvio Carvajal se présenta chez Olivier.

Après quelques brèves paroles échangées, Olivier ordonna de faire avancer une voiture attelée à l’avance ; cette voiture était sans armoiries, le cocher était sans livrée. Les deux hommes montèrent, la voiture partit et s’arrêta devant la prison.

Olivier et don Sylvie Carvajal descendirent ; tous deux étaient masqués et enveloppés jusqu’aux yeux dans leurs manteaux. Olivier fit appeler le directeur ; il lui présenta tout ouvert un papier signé yo la Reina et portant le sceau royal. Le directeur s’inclina respectueusement, fit retirer ses employés, guida lui-même les deux hommes à travers les dédales des corridors, et il les introduisit dans la cellule du prisonnier.

— Quand vous voudrez sortir, dit-il à voix basse, vous frapperez doucement deux coups sur la porte, je serai là.

— Vous, mais personne autre, répondit Olivier sur le même ton.

— Soyez tranquille : j’ai autant et peut-être plus que vous intérêt à garder le secret.

— C’est juste ; allez.

Ils entrèrent la porte se referma derrière eux.

La cellule dans laquelle était renfermé le marquis était une chambre fort petite, dont les murs étaient blanchis à la chaux ; l’ameublement se composait d’une couchette en bois blanc, avec paillasse, matelas, etc., une table et une chaise un crucifix était pendu au mur.

Le marquis, étendu sur le lit, dormait profondément.

Don Sylvio Carvajal posa sur la table une lanterne que le directeur lui avait remise, puis il se retira près de la porte.

Olivier déposa son masque, s’approcha du lit, regarda pendant quelques instants avec intérêt dormir le prisonnier, puis il se pencha sur lui et le toucha légèrement sur l’épaule.

Le marquis tressaillit, ouvrit les yeux et s’assit, les jambes pendantes, sur son lit.

— Ah ! c’est vous, don Carlos, fit-il avec indifférence ; je suis heureux de vous voir, je vous attendais.

— Vous m’attendiez ?

— Oui j’étais même étonné de ne pas vous avoir vu encore.

— Pourquoi cela ?

— Parce que je suis le meurtrier de votre sœur ; que vous avez entre les mains de quoi vous venger de moi ; que vous avez enlevé à votre sœur morte ce papier que je n’avais pu, moi, arracher des mains de ma femme vivante. Belle vengeance, fit-il avec une ironie amère, que de déshonorer une femme dont la réputation jusqu’à ce jour a été immaculée !

— Vous vous trompez, mon frère : je ne viens pas ici pour me venger de vous.

— Que me voulez-vous donc, alors ? dit-il en fixant son regard soupçonneux sur celui calme et triste d’Olivier.

— Je viens pour essayer de vous rendre un service.

— Un service, à moi ? vous ?

— Moi-même, répondit froidement Olivier. Vous savez que la haute cour est réunie pour vous juger ?

— Je le sais, répondit-il d’une voix sourde.

— Vous savez que demain vous comparaîtrez devant elle ?

— On m’en a averti aujourd’hui.

— Vous savez que le gouvernement est résolu à laisser la justice avoir son cours ?

— Je le sais, et cela est infâme ! fit-il en grinçant des dents.

— Connaissez-vous la peine qui sera prononcée contre vous ?

— La mort, sans doute, fit-il avec un sourire funèbre.

— Oui, mais quel genre de mort ?

— Je suis gentilhomme et grand d’Espagne, répondit-il en se redressant fièrement ; y a-t-il donc deux genres de mort ?

— Oui, fit Olivier d’un accent glacé.

— Je ne vous comprends pas.

— Vous serez dégradé de noblesse et livré au bourreau comme un vulgaire assassin ; vous mourrez par le garrote vil.

— C’est impossible ! s’écria-t-il avec un frisson nerveux ; ce serait déshonorer toute la noblesse espagnole en ma personne.

— Vous ne serez plus gentilhomme.

Le marquis se leva et fit deux ou trois fois le tour de sa cellule à pas précipités, en gesticulant avec fureur.

— Le garrote vil ! à moi, un Palmarès ! répétait-il avec une rage concentrée ; quelle honte !

Tout à coup il s’arrêta devant Olivier, et, le regardant fixement :

— Est-ce donc pour me torturer en me disant toutes ces choses, reprit-il avec amertume, que vous vous êtes introduit dans ma prison ?

— Je suis venu pour vous rendre service, si je puis.

— Quel service ? parlez.

— Marquis, toute la grandesse a demandé votre grâce à la régente ; moi-même, au nom de mon père, je l’ai suppliée ; la régente a été inflexible, elle exige que justice soit faite. Aujourd’hui, le grand juge m’a fait tenir un billet par une main inconnue. Dans ce billet il m’était ordonné de me rendre ce soir, à dix heures, près de vous, accompagné de l’homme que vous voyez là, debout, près de la porte ; cet homme, ajoutait le billet du grand juge, se faisant fort de vous soustraire au sort ignominieux qui vous attend. Je n’en sais pas davantage ; j’ai obéi aux instructions du grand juge, le reste vous regarde seul.

— C’est bien, merci, mon frère ; et, faisant un signe à don Sylvio Carvajal, toujours masqué, debout près de la porte, approchez, lui dit-il.

Don Sylvio Carvajal fit quelques pas.

— Que me voulez-vous ? demanda le marquis.

— Vous proposer un marché.

— Un marché ? Soit. Lequel ? Parlez.

— Je puis vous éviter la honte d’un jugement.

— Vous ?

— Moi-même.

— Comment ? en m’aidant à m’évader ?

— Vous seriez jugé par contumace.

— C’est juste. De quelle façon alors ?

— Que donneriez-vous pour que la dame que vous savez ne fût pas déshonorée et que je vous rendisse la lettre qui vous a coûté un crime si horrible, et que vous n’avez pas obtenue ?

— Qui êtes-vous ? s’écria le marquis avec agitation.

— Cela vous importe peu, monseigneur ; répondez-moi, le temps passe.

— Cette lettre, vous l’avez ? fit-il d’une voix sourde.

— La voici, dit don Sylvio en la retirant d’un portefeuille et la montrant.

Il y eut un court silence.

Le marquis, les sourcils froncés à se joindre, les traits affreusement convulsés, la tête penchée sur la poitrine, semblait soutenir un violent combat avec lui-même. Soudain il releva la tête.

— Je donnerai ma vie ! s’écria-t-il d’une voix ferme et le regard étincelant ; peu m’importe le déshonneur. J’ai commis un crime épouvantable, je suis prêt à subir le châtiment terrible que j’ai mérite mais elle ! elle ! quoi qu’il arrive, elle doit rester sauve de toute souillure !

— Eh bien, reprit don Sylvio Carvajal d’une voix brève, je vous demande votre vie en échange de cette lettre.

— Dites-vous vrai ?

— Je vous remettrai cette lettre aussitôt que vous aurez accompli les conditions de notre marché.

— Mais, mourir ? Comment ? je n’ai rien ici, pas une arme ? Sans cela vivrais-je encore ?

— Êtes-vous bien résolu ?

— Sur mon nom, que je ne veux pas voir déshonoré, je vous le jure s’écria-t-il avec force.

— C’est bien, j’accepte.

Olivier s’était retiré à l’écart ; il semblait absorbé par de tristes pensées et avoir même oublié le lieu où il se trouvait, d’autant plus que les deux hommes parlaient bas et que leurs paroles n’arrivaient à son oreille que comme un murmure confus, complétement inintelligible.

Don Sylvio Carvajal avait pris dans une poche de son gilet un microscopique flacon de cristal, à fermoir d’or.

— Buvez ceci, dit-il au marquis en le lui présentant.

— Sera-ce long ? demanda le prisonnier en fixant un regard étrange sur le flacon.

— Non, dix minutes au plus ; un coup de foudre, enfin…

— Bien. La lettre ?

— Buvez, dit froidement don Sylvio Carvajal.

— Ah ! fit-il avec ressentiment, vous vous méfiez de moi ?

— Nullement, j’ai votre parole ; je remplis les ordres que j’ai reçus, voilà tout.

Le marquis, sans répondre, porta d’un geste brusque le flacon à ses lèvres et le vida d’un trait.

Il chancela, son regard se troubla, une pâleur livide envahit son visage.

— C’est fait ! dit-il d’une voix hachée ; reprenez ce flacon, il ne faut pas qu’on le trouve ici.

Il tomba assis sur le bord de son lit ; des gouttelettes de sueur perlaient à ses tempes.

— Hâtez-vous ! s’écria-t-il, la lettre ?

— La voici ! dit don Sylvio Carvajal en la lui remettant.

— Enfin ! s’écria-t-il avec une expression de joie délirante, elle est sauvée !

Au cri poussé par le marquis, Olivier était accouru.

— Qu’avez-vous ? lui demanda-t-il avec épouvante.

— J’ai que je meurs, répondit-il ; ne le saviez-vous pas, mon frère ?

Tout en parlant, d’une main tremblante il avait ouvert la lanterne posée sur la table, et avait présenté le papier à la flamme de la chandelle ; il ne le lâcha que lorsqu’il fut entièrement consumé.

Un soupir, ressemblant à un sanglot, souleva péniblement sa poitrine.

— C’en est fait ! le sacrifice est consommé ! murmura-t-il avec un indicible attendrissement. Après un instant, il ajouta : Adieu et merci, mon frère, soyez béni ; merci à vous aussi, dit-il à don Sylvio Carvajal, je vous dois de ne pas mourir désespéré !

Olivier et le chef de la police, si coupable que fût le marquis, se sentaient émus de pitié devant cette agonie si fièrement subie.

— Je sens venir la mort, reprit le marquis d’une voix de plus en plus faible ; adieu, retirez-vous.

— Adieu, mon frère, dit Olivier avec émotion ; je vous pardonne le meurtre de ma pauvre sœur ; puisse Dieu vous prendre en pitié !

Le marquis ne répondit que par un sourire funèbre, la mort flottait déjà sur ses lèvres il fit un dernier geste d’adieu, et il se renversa sur son lit, où il demeura immobile, le regard perdu dans l’espace.

Olivier remit son masque, don Sylvio Carvajal frappa à la porte ; elle s’ouvrit aussitôt ; les deux hommes se hâtèrent de sortir.

— Souvenez-vous ! dit Olivier au directeur.

— Celui-ci s’inclina respectueusement.

— Ai-je tenu ma promesse ? dit Olivier au chef de la police, quand ils se retrouvèrent dans la voiture.

— Noblement, monseigneur.

— Cependant, si j’avais soupçonné les ordres que vous avait donnés le grand juge, j’aurais refusé de vous accompagner, reprit-il avec ressentiment.

— Peut-être auriez-vous eu tort, monseigneur. Ce secret terrible reste maintenant entre nous deux ; je ne le révélerai pas, moi ajouta-t-il avec un regard d’une expression singulière.

— Ni moi répondit Olivier en laissant tomber avec un soupir douloureux sa tête sur sa poitrine.