Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 89-90).

ATHÔR ou HATHÔR.

(athôr, athyr, atar, aphrodite, vénus.)
Planche 17

Les auteurs Grecs ont mentionné parmi les déesses égyptiennes une divinité sous les noms d’Αθωρ (Athôr) et d’Αθυρ (Athyr). Jablonski, entraîné par l’esprit de systême, crut remarquer des rapports frappants entre Αθωρ et le mot égyptien EDJORH ou Adjôrh, qui signifie la Nuit. Il a voulu conclure de ce hasardeux rapprochement que la déesse égyptienne Athôr était la Nuit et le principe de toutes choses. Cette déesse est, en conséquence, placée à la tête de son panthéon ; ce savant a été conduit à cette détermination par un passage de Damascius, portant que, dans les livres égyptiens, on célébrait, par des hymnes sacrés, le principe unique de toutes choses, l’obscurité inconnue (Σκότος ἄγνωστον), l’obscurité au-dessus de toute intelligence (Σκότος ὑπὲρ πᾶσαν νóησιν[1]. Mais ce principe inconnu n’est autre que le grand Être Démiurgique, Ammon, dont le nom égyptien, comme l’a dit le grand prêtre Manéthon, signifiait occulte, caché, ou inconnu[2] ; et il n’est nullement question d’Athôr dans le passage de Damascius.

Cette déesse n’occupait point un rang aussi élevé dans les mythes sacrés de l’Égypte. Athôr ou Athyr fut assimilée par les Grecs à leur Aphrodite, la Vénus des Latins ; et nous savons, par d’anciens témoignages très-formels, que les Égyptiens donnèrent le nom de cette divinité au troisième mois de leur année[3] ; ce mois, dans les textes coptes ou égyptiens écrits en lettres grecques, est en effet appelé ATHOR en dialecte memphitique, et HATHOR en dialecte thébain ; ce qui détruit l’étymologie, et, par conséquent, le système entier de Jablonski sur la déesse Athôr.

Il est rare de trouver, dans les auteurs grecs, le nom de l’Aphrodite égyptienne, sans qu’il soit parlé en même-temps de la vache qui lui était consacrée, et qu’on nourrissait comme le symbole vivant de la déesse[4] ; Plutarque nous apprend aussi que le nom divin Athyr ou Athôr signifiait, en langue égyptienne, Οἶκον Ὥρου κόσμιον, maison mondaine d’Horus[5].

Ces deux circonstances nous ont fait aisément reconnaître la représentation de la déesse Athôr sur les monuments égyptiens, qui nous l’offrent sous des formes très-variées ; mais elle porte toujours un même nom hiéroglyphique, celui qui accompagne son image dans cette planche, no 17. C’est le premier caractère de la légende no 1. Ce nom est figuré par une maison ou un édifice dans lequel est renfermé un épervier ; et, si nous observons que l’épervier sans coiffure particulière est l’emblême d’Horus, nous verrons clairement dans ce groupe la transcription figurative-symbolique du nom même Athôr qui, selon les anciens, signifiait, en effet, maison d’Horus ; et Horapollon dit que l’épervier était employé pour écrire hiéroglyphiquement le nom de l’Aphrodite égyptienne[6]. De plus, ce nom hiéroglyphique est celui que porte constamment une vache sacrée, figurée dans presque tous les grands manuscrits funéraires.

La déesse Athôr a ici les chairs jaunes, couleur propre aux femmes représentées dans les peintures égyptiennes ; elle tient dans ses mains des bandelettes, ou plutôt des espèces de lacs, qui, selon Horapollon, étaient l’emblème de l’Amour[7]. Cet attribut convient parfaitement à la Vénus égyptienne. La tête d’Athôr est surmontée d’un épervier orné d’une coiffure symbolique, oiseau qui est l’emblême du dieu époux de la déesse, comme on le verra dans la suite.

Athôr était fille du dieu Phré (le Soleil), ainsi que nous l’apprend la légende hiéroglyphique no 1 : HATHOR TNÈB MPÉ HNT NNE-NOUTE TSÉ RÈ, Hathôr, dame du ciel, rectrice des dieux, fille du Soleil. La légende no 2 est la forme hiératique du nom Hathôr. Une image de la déesse, semblable à celle que nous publions, existe sur une momie du Musée britannique, provenant de Guillaume Lethieullier.


Notes
  1. Damascius, cité dans le Pantheon Ægyptiorum de Jablonski, liv. I, chap. 1, pag. 19 et 20.
  2. Suprà, pl. I, explication.
  3. Orion, dans l’Etimologic. Magn. au mot Αθυρ.
  4. Ælien., Hist. des Animaux, liv. XI, chap. 27. Hesychius, au mot Αθυρ. Strabon, liv. XVII.
  5. De Iside et Osiride.
  6. Horapol., Hiérogl., liv. I, §. 8.
  7. Id. Hierogl., liv. II, §. 26.

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