Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 87-88).

PHTAH-STABILITEUR.

 
Planche 16

On a pu remarquer dans les images du dieu Phtah, planches 8 et 10, cette sorte de sceptre divisé en bandes égales, peintes de couleurs variées, et terminé à sa partie supérieure par quatre corniches semblables à celles qui surmontent les portes et toutes les parties des édifices égyptiens. Ce sceptre n’est autre chose que l’objet figuré par le premier signe de la légende no 1 (planche 16), dont les Égyptiens ont déprimé la largeur, et exagéré arbitrairement la longueur (dans les fig., pl. 8 et 10), pour le placer en forme de sceptre entre les mains du dieu Phtah.

Cet objet est l’insigne et le symbole habituel de Phtah ; les savants ne sont nullement d’accord sur sa nature ; selon les uns, cet objet représente un autel ; selon d’autres, c’est un nilomètre. La première opinion est détruite par les monuments qui, offrant des formes d’autels infiniment variées, ne leur donnent jamais celle du symbole dont il est ici question, et qui se trouve, au contraire, placé derrière les statues des dieux auxquels il sert souvent de soutien[1]. Cet emblême fait l’office de colonne dans les chapelles qui, sur les peintures des momies, renferment les images des dieux[2] ; il décore le soubassement des trônes divins, soit seul, soit alterné avec la croix ansée et le sceptre à tête de Coucoupha ; enfin, on le trouve suspendu au cou des dieux et des animaux sacrés[3], ce qui ne convient nullement à un autel.

L’opinion de ceux qui veulent y voir un Nilomètre, présenterait un peu plus de probabilité ; et l’on pourrait considérer les divisions égales, différenciées par la couleur, qui couvrent toute la hauteur de cet objet symbolique, comme l’indication des coudées, ou mesures tracées également sur la colonne centrale du Mékias, ou grand Nilomètre de l’île de Raoudha. Quoi qu’il en soit, la valeur symbolique de cet objet, auquel nous donnerons provisoirement le nom de Nilomètre, jusqu’à ce que les monuments confirment ou condamnent cette dénomination, est très-clairement indiquée par le texte hiéroglyphique de la stèle de Rosette. Là où le texte grec emploie les verbes Διαμένω, permaneo, perduro, et Νομίζω, lege sancio, dans le sens passif lege constituor, le texte hiéroglyphique porte l’image redoublée du Nilomètre[4], et le texte démotique présente, aux deux points correspondants, un groupe de signes qui, dans divers autres passages de l’inscription, répond aux verbes du texte grec, καταστησαμένου, καταστήσασθαι, μένειν, διατετήρηκεν[5]. Il est incontestable, d’après tous ces rapprochements, que l’objet, dit le Nilomètre, exprime, quel qu’il soit, dans l’Écriture sacrée, les idées, établir, rendre stable, stabilité, conservation, coordination ; or, ces idées sont essentiellement liées à celle du dieu Phtah, l’organisateur et l’ordonnateur du monde matériel et de l’état social.

On reconnaît, en effet, dans la divinité ayant un Nilomètre pour tête, représentée sur notre planche 16, et calquée sur les dessins du tombeau royal de Thèbes, découvert par M. Belzoni, la coiffure emblématique, le sceptre, le fouet, et la tunique blanche que porte le dieu Phtah sur des monuments déja cités[6]. Aussi, cette singulière divinité est-elle nommée Phtah-Sokari dans la légende qui l’accompagne sur une momie de la collection de M. Durand. Dans le bas-relief du tombeau royal, son nom (pl. 16, légende no 1), formé du Nilomètre et des signes d’espèce dieu, est symbolique, et doit se traduire par Dieu stabiliteur ; ce nom divin est accompagné du titre Père des Dieux, qui est particulier au dieu Phtah, comme nous l’avons déja dit[7].


Notes
  1. Voyez ci-dessus planche 9 (numérotée 8, par erreur), et Descript. de l’Égypte, Ant., vol. II, pl. 73, col. 45 et 46.
  2. Suprà, pl. 2 bis.
  3. Description de l’Égypte, Ant., vol. II, pl. 75, col. 28 et 29. — Idem, MSS. hiératique, pl. 71.
  4. Inscript. de Rosette, texte grec, lignes 36 et 47, texte hiéroglyph. lign. 6 et 10.
  5. Idem, texte démot. lig. 1, 7, 9, 19 ; texte grec, lig. 1, 11, 33 et 36.
  6. Voyez ci-dessus, pl. 8, no 6, et pl. 9.
  7. Idem, pl. 13 et son explication. Le dieu est parfois représenté par un Nilomètre, auquel sont adaptés deux bras humains tenant les insignes de la divinité (voyez la Description de l’Égypte, Ant., vol. II, pl. 84, no 5.) Nous verrons dans la suite qu’Osiris fut aussi figuré, comme Phtah, sous la forme d’un Nilomètre ; les légendes seulement distinguent alors ces dieux l’un de l’autre.

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