Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 77-78).

OOH, POOH, OOH-ENSOU.

(le dieu-lune.)
Planche 14 (H)

Ces peuples anciens attribuaient à l’influence des astres en général, et à celle de la Lune en particulier, la cause de tant de phénomènes physiques, qu’en mettant même à part tout ce qui peut avoir trait à leur croyance relativement à l’astrologie judiciaire proprement dite, la plupart des opérations de l’agriculture, et une foule d’usages civils ou domestiques ne se pratiquaient jadis que lorsqu’on avait préalablement reconnu dans quelle phase se montrait celle de toutes les planètes qui, après le Soleil, était censée réagir d’une manière plus puissante et plus active sur le globe terrestre et sur les êtres qui l’habitaient. Dans l’Égypte surtout, où l’astronomie fit de bonne heure des progrès remarquables, dans une contrée où cette science, placée à la tête des connaissances utiles, régla toujours (même à l’époque où la faiblesse humaine en appréciait bien plus les aberrations que les données positives) presque tous les mouvements du corps social, le culte du Dieu-Lune fut nécessairement très-répandu ; et si certaines préfectures de l’Égypte adoraient des divinités spéciales, chaque nome éleva des autels au dieu Pooh, Ooh ou Ooh-ensou, le génie qui présidait au cours de l’astre lunaire.

Cette généralité du culte rendu au Dieu-Lune dans l’ancienne Égypte, explique le nombre considérable d’images de cette divinité réunies dans les collections publiques et particulières. Ces figurines sont de matières diverses. Il en existe en terre émaillée bleue ou verte ; en bois doré, en argent et en bronze : la plupart représentent le dieu Pooh, tel qu’on le retrouve sur les bas-reliefs des temples, casqué, enveloppé d’un vêtement étroit, et la tête surmontée du disque et du croissant combinés. Souvent aussi on a placé dans ses mains le fouet, le sceptre recourbé et le nilomètre (voy. pl. 14 (H), nos 1 et 3) ; mais quelques-unes de ces images, surtout celles de bronze, offrent souvent des particularités dignes d’être notées.

La statuette gravée sous le no 3 de notre planche, représente le Dieu-Lune à deux faces, comme le Janus Bifrons des Latins, et la bélière qui servait à suspendre cet amulette au col du dévôt égyptien est attachée au disque commun aux deux têtes.

Le no 4 nous montre la même divinité entièrement nue, ce que je n’ai jamais observé sur les stèles, ni parmi les nombreux dessins des bas-reliefs sculptés sur les temples de l’Égypte.

Enfin le no 5 se recommande à notre attention, puisque cette figurine est une nouvelle preuve des rapports intimes qui, dans les mythes sacrés de l’Égypte, liaient le Dieu-Lune avec le second Hermès ou Thoth-Ibiocéphale. Le dieu Pooh, également nu comme la statuette précitée, porte, au-dessus de son insigne spécial, le disque et le croissant de la Lune réunis, une tête d’Ibis, oiseau qui fut l’emblème vivant de l’Hermès deux fois grand, combinée avec la coiffure symbolique donnée au même dieu Thoth-Ibiocéphale sur les grands monuments où cet être mythique est particulièrement représenté[1]. La contraction de ces deux divinités en une seule, si l’on peut s’exprimer ainsi, portait parmi les Égyptiens, ainsi que je l’ai établi d’après une série de faits puisés aux sources originales, le nom de Ooh-Thôout ou Aah-Thôout (Lune-Hermès) ΣΕΑΗΝΕΡΜΗΣ. (Légende, no 1.)

La forme hiératique de cette légende (no 2 de la planche 14 (H)) est extraite d’un manuscrit hiératique contenant les litanies du dieu Ooh-Thôout, papyrus que j’ai trouvé parmi ceux de la collection Drovetti acquise par S. M. le roi de Sardaigne. Chaque ligne de ce texte curieux commence par ce double nom divin, accompagné soit d’un titre honorifique particulier à Ooh-Thôout, soit de l’indication de l’une des régions célestes qu’il était censé habiter selon la croyance égyptienne. J’aurai l’occasion de revenir sur ce curieux manuscrit.


Notes
  1. Voyez planche 30.

——— Planche 14 (H) ———