Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 75-76).

POOH ou PIIOH HIÉRACOCÉPHALE.

(le dieu-lune à tête d’épervier.)
Planche 14 (F) ter

Les significations très-variées[1] que les Égyptiens attachaient à l’Épervier, employé comme caractère dans leur écriture symbolique, expliquent assez pourquoi un très-grand nombre de divinités furent représentées soit hiéracomorphes, soit hiéracocephales ; et nous venons de prouver dans l’article précédent que, parmi les dieux figurés dans les bas-reliefs et les peintures avec une tête d’épervier, il fallait aussi comprendre le Dieu-Lune, Ooh, Pooh, Ioh, Piioh ou Ooh-ensou.

C’est sous une forme semblable que cette grande divinité se montre dans la seconde partie des grands manuscrits funéraires, où il est très-difficile de la distinguer des images mêmes du dieu Phré (le Soleil) : mais lorsque ces papyrus sont coloriés, on reconnaît toujours le dieu Pooh à son disque peint en jaune, tandis que celui du Soleil est de couleur rouge. C’est parmi les fragments d’un superbe manuscrit appartenant au musée royal de Turin, que j’ai recueilli la belle figure du Dieu-Lune Hiéracocéphale, reproduite sur notre planche 14 (F) bis. Sa tête d’épervier est ici surmontée, non de l’amphicyrte combiné avec la dichotomie, mais de l’amphicyrte placé sur le croissant. Le corps du dieu dans tout ce qui se rapporte à la forme humaine, est peint en rouge : mais d’un autre côté nous apprenons d’Eusèbe, que le corps du Dieu-Lune Hiéracocéphale était quelquefois peint de couleur blanche (λευκὸν δὲ τῇ χρόᾳ τὸ ἄγαλμα), comme pour montrer que la Lune reçoit d’ailleurs que d’elle-même la lumière dont elle brille[2], et ce fut aussi, selon le témoignage du même auteur, pour indiquer la source de cette lumière, que les Égyptiens donnèrent au Dieu-Lune la tête d’un épervier, l’oiseau consacré au Soleil : voulant exprimer ainsi que la Lune est illuminée par le Soleil, et qu’elle reçoit de lui toute sa force vitale[3].

Le Dieu-Lune (planche 14 (F) bis) est représenté accompagnant Amon-ra, dans les fragments d’un papyrus du musée de Turin ; ce manuscrit était orné, à en juger par celles qui restent, de figures en pied, de sept pouces de proportion au moins, exécutées avec une très-grande recherche. C’est dans la même collection, vraiment royale, d’antiquités égyptiennes, que j’ai aussi reconnu la singulière image du Dieu-Lune, gravée dans la planche 14 (F) ter, à laquelle ce texte se rapporte.

Ici le dieu est figuré avec deux têtes d’épervier adaptées à un corps humain. Le disque entier et le croissant caractérisent l’astre que représente cette bizarre composition. La divinité, déployant ses ailes au nombre de quatre, appuie légèrement ses pieds sur les têtes de deux crocodiles. On a déja vu que ce terrible animal était l’emblème du temps, du lever et du coucher des astres ; que sous un autre rapport, il exprimait la fécondité. Il était donc, pour ainsi dire, inévitable de le trouver en contact avec les images du Dieu-Lune, de l’esprit recteur de l’astre qui, selon les Égyptiens, engendrait et entretenait toutes les choses nécessaires à la conservation de l’univers[4].

Cette représentation symbolique est sculptée au milieu d’une foule d’autres, sur la tunique d’une statue qui, comme le fameux torse du musée Borgia, présente un véritable Panthéon égyptien presque complet. La légende hiéroglyphique qui l’accompagne, nous apprend que c’est là l’image du Ⲟⲟϩ-ⲛⲥⲟⲩ ⲇⲣ ϥϩⲙ ⲛⲛⲛⲡⲏⲩⲑ, puissant Ooh-ensou qui est dans les cieux.


Notes
  1. Horapollon, Hiéroglyph., livre I, § 6, 7, 8, etc.
  2. Præparatio evangelica, lib. III, cap. XII, pag. 116 ; édit. de Viger.
  3. Τοῦ δὲ ἱερακείου προσώπου, τὸ ἀφ’ Ἡλίου φωτίζεσθαι καὶ πνεῦμα λαμβάνειν. id., ibid.
  4. Horapollon, Hiéroglyph., liv. I, § 49.

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