Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 55-56).

TRE, THRÉ, ou THORE.

(une des formes de phtah.)
Planche 12

Ce livre d’Horapollon[1] nous apprend que le scarabée fut, dans l’écriture sacrée, un des symboles du dieu Phtah, l’Hephaistus ou le Vulcain des Grecs et des Romains. Mais l’image de cet insecte est si multipliée dans les peintures des manuscrits et dans les sculptures des temples des palais et des monuments funéraires, que cette reproduction perpétuelle prouve à elle seule l’importance des personnages divins dont le Scarabée est l’emblême. Les anciens nous disent aussi qu’il fut consacré au Soleil ; mais comme cet animal, pris symboliquement, exprimait une foule d’idées différentes[2], il a pu devenir, par cela même, le signe tropique de plusieurs divinités.

Notre planche 12 présente l’image d’un dieu égyptien très-rarement figuré soit dans les bas-reliefs, soit dans les peintures religieuses ; elle est copiée des précieux dessins que le courageux voyageur Belzoni a faits, à Thèbes, de toute la décoration du superbe tombeau royal qu’il y a lui-même découvert.

Dans le vestibule de la magnifique salle voûtée qui renfermait le sarcophage, sur la face de l’un des six piliers qui soutiennent le plafond, est un grand bas-relief représentant le pharaon défunt, décoré de ses insignes royaux, et accueilli par la divinité gravée sur notre planche. Le corps du dieu est de forme humaine ; ses chairs sont de couleur rouge, teinte que les Égyptiens se donnent toujours dans leurs peintures ; une riche tunique, soutenue par une ceinture émaillée, le recouvre jusqu’à la hauteur des genoux ; des bracelets ornent ses bras et ses poignets ; mais la coiffure, au lieu de s’ajuster sur une face humaine, pose sur un Scarabée noir, qui remplace la tête du dieu.

Le nom hiéroglyphique, qui d’ordinaire accompagne le personnage, consiste (légende, no 1), dans le scarabée, la bouche, et la feuille suivie du signe d’espèce Dieu. Ce nom est phonétique, et en appliquant aux caractères qui le composent les valeurs fixes de ces mêmes signes dans les noms propres hiéroglyphiques des pharaons et des souverains grecs et romains, on obtient ΤΡΕ ou ΘΡΕ, que nous prononcerons en suppléant la voyelle médiale, omise comme à l’ordinaire, Taré, Teré, Théré ou Thoré.

Quelles que fussent les voyelles et la signification de ce nom propre, les monuments nous apprennent que ce personnage n’était qu’une des modifications de Phtah, le premier né d’Ammon-Cnouphis, l’agent qui sortit avec la substance du monde de la bouche du Démiurge. L’identité de Phtah et de Thoré est prouvée par les légendes hiéroglyphiques de Ptolémée-Épiphane ; le titre de ce prince, exprimé dans le texte grec de l’inscription de Rosette, par les mots : Ὃν ὁ Ἥφαιστος ἐδοκίμαζεν, est rendu dans les légendes hiéroglyphiques de ce roi lagide, par les mots : approuvé par phtah ou par phtah thoré (lég. no 2) indifféremment[3]. D’où il est aisé de voir que Thoré n’est qu’un simple surnom de Phtah, comme Socari.

Le scarabée qui forme la tête de Phtah-Thoré, était un emblème parfaitement en rapport avec l’idée que les Égyptiens avaient du dieu Phtah ; selon Horapollon, cet insecte était l’emblême spécial de la Génération ou de la Création (Γένεσις)[4]. Et c’est en effet par l’action de Phtah que le Monde avait été créé, selon la doctrine égyptienne.


Notes
  1. Livre I, §. 13.
  2. Idem, §. 10.
  3. Dans des légendes royales d’Épiphane, dessinées à Philæ et à Thèbes, par M. Huyot ; et à Dendérah, par la Commission d’Égypte.
  4. Horapollon, liv. I, no 10.

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