Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 53-54).

PHTAH-SOKARI,

SEIGNEUR DES RÉGIONS SUPÉRIEURES ET INFÉRIEURES.
Planche 11

Le dieu Phtah se montre ici sous un point de vue essentiellement différent des deux formes que nous avons décrites sous les planches numéros 10 et 11. Cette peinture existe sur le cercueil d’une très-belle momie rapportée d’Égypte par M. Thédenat-Duvent fils, et acquise par M. le comte de Pourtalès-Gorgier.

La coiffure du dieu, quoique moins riche de couleurs, ne diffère point, au fond, de celle que porte ce même personnage sur la planche 10 ; sa tête est aussi celle d’un épervier, et ses chairs sont vertes, teinte habituelle de la carnation de Phtah sous toutes ses formes. Sa courte tunique, soutenue par deux bretelles, est fixée par une ceinture qui retombe jusque vers les pieds. La légende hiéroglyphique (no 1) et l’hiératique (no 2), se lisent PTH ou PTH SKRI NOUTE. Le dieu Phtah-Sokari.

Cette divinité soutient, de sa main gauche, une sorte de segment de sphère, surmonté de la coiffure ornée d’une espèce de Lituus. Dans une autre partie du cercueil de la même momie, Phtah-Sokari porte également le segment de sphère, mais surmonté d’une coiffure différente ; ces deux groupes sont symboliques, et nous avons déja dit que le segment de sphère exprimait l’idée seigneur (NÉB), que la coiffure ornée du Lituus indiquait les choses ou les régions inférieures et la coiffure allongée, sorte de cydaris, les régions supérieures. Ces deux coiffures, réunies et emboîtées l’une dans l’autre, ainsi qu’on peut les voir disposées sur la tête de la déesse Néith (pl. no 6), formaient la coiffure appelée pschent que portent les grandes divinités, et qui exprime symboliquement la domination sur la région supérieure et la région inférieure. Phtah tenant successivement dans sa main ces deux coiffures emblématiques, est donc ainsi figuré comme dominateur de ces régions du monde.

Ce dieu occupait en effet un des premiers rangs parmi les intelligences célestes, et fut aussi l’arbitre et le protecteur spécial de la royauté dans la région terrestre. Les Égyptiens inscrivirent son nom le premier dans la liste des dieux qui ont gouverné le monde inférieur avant les rois de race humaine. Ceux-ci prenaient le titre d’approuvé par Phtah[1], et parmi leurs qualifications honorifiques on comptait celle de chéri ou de bien-aimé de Phtah[2].

L’inauguration des rois lagides, comme celle des pharaons dont les souverains grecs de l’Égypte imitèrent le protocole entier, avait lieu dans la ville de Phtah, Memphis[3], et dans le principal temple de cette capitale, consacré au dieu Phtah. Le jour même de leur intronisation, les rois entraient dans ce temple, la tête ornée du pschent[4], pour y accomplir les cérémonies légales prescrites pour la prise de possession de la couronne[5].

Ainsi, les rois égyptiens semblaient recevoir de Phtah la puissance suprême, dont les deux parties du pschent étaient le symbole ; aussi donnait-on, à ces princes comme au dieu Phrê (le Soleil, fils de Phtah), le titre de Roi de la région d’en haut et de la région d’en bas[6].

Le décret gravé sur la stèle de Rosette, relatif à l’intronisation de Ptolémée-Épiphane, dispose formellement que le pschent que portait ce prince, serait placé au-dessus d’une chapelle dorée, consacrée au Roi, au milieu de dix couronnes ornées d’aspics, avec cette inscription : Ceci appartient au roi qui a rendu illustre la région supérieure et la région inférieure[7]. Ces derniers mots sont exprimés symboliquement, dans le texte hiéroglyphique de la même stèle, par la coiffure allongée et la coiffure ornée du Lituus, placées sur le caractère région ou contrée. Ce sont ces deux mêmes coiffures que le dieu Phtah tient quelquefois dans ses mains.


Notes
  1. Inscript. de Rosette Démotique, ligne 2, grec, ligne 3.
  2. Idem, texte hiérogly., lig. 6, 12 et 14.
  3. Idem, texte hiérogly. lig. 9, grec, lig. 44.
  4. Idem. Dans le texte hiéroglyphique, le pschent est exprimé par sa propre image (ligne 9), reproduite une seconde fois à la fin de la même ligne, là où le grec porte : προειρημένον βασίλειον, la susdite couronne.
  5. Idem, ibidem.
  6. Idem, texte démot. lig. 1 et 2, grec, lig. 2 et 3.
  7. Idem, texte hiérogly. lig. 10, démot. lig. 27, grec, lig. 46.

——— Planche 13 ———