Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 31-32).

LE VAUTOUR,

EMBLÊME VIVANT DE NÉITH.
Planche 6 quater

La déesse Néith ou le principe féminin de l’univers, devait nécessairement avoir pour emblème propre l’animal qui, dans la croyance commune des Égyptiens, ne comptait aucun mâle dans son espèce. L’opinion vulgaire désigna le vautour. On disait, en effet, que tous les vautours étaient femelles, et qu’il n’y avait point de mâle parmi eux[1] ; que pour devenir féconds, ces oiseaux s’exposaient, pendant toute la durée des cinq jours épagomènes, à l’action du vent du nord, suivant Horapollon ; du vent du midi ou de l’est, suivant Ælien[2] ; que sa gestation durait cent vingt jours ; qu’il nourrissait ses petits pendant cent vingt autres jours ; qu’il se préparait enfin à une nouvelle gestation pendant une troisième période d’une égale durée ; de sorte qu’en y comprenant les cinq jours épagomènes consacrés à sa fécondation, cet oiseau distribuait régulièrement et d’une manière fixe les 365 jours dont se composait l’année civile des Égyptiens. On croyait aussi que le vautour donnait souvent le plus touchant exemple de tendresse maternelle, en se déchirant le sein pour nourrir ses petits de son propre sang, lorsqu’il ne trouvait rien pour leur subsistance[3].

De là vient que, contre l’opinion de toutes les nations occidentales, qui ne citent du vautour que sa féroce voracité, cet oiseau fut choisi par les Égyptiens pour le symbole du premier principe femelle, de la mère commune de tous les êtres, de la déesse Néith, qui, sur les monuments égyptiens, ne porte jamais d’autre nom dans ses légendes sacrées, que celui de déesse-mère ou de grande-mère, noms que l’on trouve également inscrits à côté du vautour son emblème spécial[4]. Enfin, l’image de ce même oiseau est devenue, pour cela même, le signe de l’idée mère dans l’écriture hiéroglyphique.

D’un autre côté, Néith ou l’Athène égyptienne fut aussi, comme celle des Grecs, la protectrice des guerriers. Sous ce second rapport, le vautour devait encore devenir son symbole, puisque, suivant les Égyptiens, cet oiseau de proie, doué d’une certaine prescience, marquait sept jours à l’avance et circonscrivait même le lieu qui devait servir de champ de bataille à deux armées ; il faisait face pendant le combat à l’armée qui devait éprouver la plus grande perte. Aussi les anciens rois d’Égypte envoyaient-ils, dit-on, avant d’en venir aux mains, des explorateurs pour observer de quel côté se tournaient les vautours fatidiques[5]. Les plus anciens Grecs paraissent avoir eu des préjugés semblables. Hérodote de Pont dit, du moins, qu’Hercule était ravi quand un vautour se montrait à lui au commencement d’une expédition militaire[6].

Le symbole de Néith, déesse dispensatrice de la victoire, le vautour, la tête ornée de diverses coiffures, les ailes éployées et tenant dans ses serres des insignes de la Victoire, est toujours figuré, sur les bas-reliefs des temples, planant au-dessus de la tête des souverains de l’Égypte faisant des offrandes aux dieux ou conduisant à leurs pieds des ennemis vaincus[7] ; ailleurs, il ombrage de ses ailes le pharaon Thouthmosis que reçoivent dans leurs bras la déesse Néith, le dieu Amon-Ra[8], et le pharaon Ramsès-Meiamoun, grand-père de Sésostris, soit dans ses combats, soit dans la pompe de son triomphe, représentés sur les bas-reliefs du palais de Medinetabou à Thèbes[9] ; enfin, le plafond de la porte triomphale du sud à Karnac est orné de 18 vautours, portant l’emblème de la Victoire[10], et semblables à celui qui est figuré sur notre planche 6 quater, tiré des bas-reliefs du tombeau royal découvert par Belzoni.


Notes
  1. Ælien, de Natura animal., liv. II, cap. 46. — Horapollon, hiéroglyph., liv. I, §. 11.
  2. Idem. Ibidem.
  3. Horapollon, liv. I, §. 11, pag. 22. Édit. de Pauw.
  4. Voyez la planche, légende nos 1 et 2. — Et suprà pl. 6 et 6 ter, ainsi que leur explication.
  5. Horapollon, lib. I, §. 11, pag. 20.
  6. Plutarque, Vie de Romulus.
  7. Voyez la Description de l’Égypte. A., vol. III, pl. 32, no 4. — Pl. 37, no 9. — Pl. 47, no 2. — Pl. 38, no 32. — A. vol. II, pl. 13, nos 1, 3 et 4. — Pl. 16, no 2, etc.
  8. Idem., vol. III, pl. 36, nos 1 et 3.
  9. Idem., vol. II, pl. 10 et 11.
  10. Idem., vol. III, pl. 50, no 2.

——— Planche 6 quater ———

——— Planche 6 quater ———