Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 33-34).

NÉITH CRIOCÉPHALE.

(ammon femelle, ammon-lucine.)
Planche 6 quinquies

On a recueilli l’image de la divinité gravée sur cette planche, parmi les scènes d’adorations sculptées sur les parois intérieures des murailles d’un monument isolé à Calabsché, dans la Nubie[1]. L’existence de cette déesse à tête de bélier sur l’un des bas-reliefs de ce temple, nous paraissait d’abord douteuse. L’artiste aurait pu facilement, en effet, se méprendre en exagérant le contour du sein, dans la supposition que cette figure fût réellement un Ammon sur le monument original : mais le sceptre terminé par une fleur épanouie de lotus, et la tunique descendant jusques à la cheville du pied, ne laissent aucun doute sur le véritable sexe de cette divinité. C’est bien réellement une déesse ; et il était d’autant plus important de constater le fait, qu’aucun autre monument ne reproduit, à notre connaissance du moins, la combinaison symbolique d’une tête de bélier sur un corps de femme. Il est fort à regretter que l’artiste ait négligé de copier les légendes hiéroglyphiques qui accompagnent la représentation de la déesse : nous connaîtrions plus positivement le nom et les attributions de cette divinité criocéphale. Des caractères certains ne permettent cependant point de douter que nous ne devions voir ici une des formes de Néith, considérée mystiquement comme la moitié du grand être, Ammon ; ou, ce qui revient au même en d’autres termes, le principe femelle de l’univers uni dans Ammon au principe mâle, ce premier des êtres les renfermant tous les deux primordialement[2]. C’est, sans aucun doute, à cette forme mystique d’Ammon-Neith, que s’appliquait le nom de ⲧⲁⲙⲛ Tamon, inscrit à côté de la déesse criocéphale, et que nous avons extrait du rituel funéraire égyptien. Ce nom y est donné à la déesse Néith et signifie Ammon femelle, car le nom d’Ammon ⲁⲙⲛ se montre ici affecté de l’article féminin .

Dans le bas-relief de Calabsché, la déesse criocéphale est représentée adorée, en première ligne, par un souverain de l’Égypte, probablement l’empereur Auguste[3], qui lui offre l’encens. La tête de bélier et les chairs sont peintes en vert ou en bleu-foncé, couleurs propres au dieu Ammon : et au-dessus de la paire de cornes supérieure de la tête d’animal s’élève la coiffure symbolique de la déesse Sovan, d’Ilithya ou la Junon-Lucine des Égyptiens, l’une des formes de la déesse Néith[4]. La déesse Sovan elle-même est figurée comme divinité synthrone à la suite de Néith criocéphale ou Ammon-Femelle, que l’on pourrait nommer aussi Ammon-Lucine ; le bas-relief suivant représente le souverain égyptien adorant le dieu Amon-Ra, assisté de Néith sous sa forme de Mère divine[5], coiffée du vautour surmonté du pschent. Les sculptures de cette partie du monument se rapportent ainsi aux deux principaux agents de la théogonie égyptienne, le principe mâle et le principe femelle de l’univers, confondus en un même personnage.

Il était naturel de donner aussi à Néith une tête de bélier ; car le bélier, l’animal symbolique d’Ammon, fut aussi en même temps celui de la déesse Néith, ainsi que l’atteste formellement Proclus[6] : καὶ γὰρ τῶν ζωδίων ὁ κριὸς ἀνεῖται τῇ θεῷ, parmi les animaux du zodiaque, le bélier est consacré à cette déesse. Les habitants de Thèbes, la ville d’Ammon, et ceux de Saïs, la ville de Néith, vénéraient par un culte particulier le bélier, l’agneau et la brebis, comme les emblèmes vivants des divinités éponymes de leurs cités natales. De nombreux témoignages de ce fait existent dans les écrits des anciens[7].


Notes
  1. Gau, Antiquités de la Nubie, planche 21, no 1.
  2. Voyez l’explication de la planche 6, suprà.
  3. La plupart des légendes hiéroglyphiques sculptées sur les édifices les plus récents de Calabsché, se rapportent à cet empereur.
  4. Voyez les planches numérotées 28, 28 (A), 28 (B) et leur explication.
  5. Voyez la planche 6 et son explication.
  6. Dans son Commentaire sur le Timée.
  7. Hérodote, liv. II, § XLII. — Strabon, liv. XVII, τιμῶσι Σαΐται πρόβατον καὶ Θηβαΐται. — Clément d’Alexandrie, Admonitio ad gentes, pag. 25, B et C. — Théodoret, Sermo III, page 584.

——— Planche 6 quinquies ———